(Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* (31 janvier 1791,] 593 auteur. Mais, en mon particulier, je suis alarmé des lois que l’on va mettre sous vos yeux. Il n’y a rien que le peuple chérisse tant que l’hôpital de sa paroisse; si une fois il apprend que vous avez décrété que les biens des hôpitaux appartiendraient à la nation et que la nation se chargerait du soin des pauvres, quelque touchante, quelque judicieuse que soit cette manière d’avoir soin d’eux, il est certain que vous allez alarmer le peuple et par là exciter de très grands désordres. ( Applaudissements .) Un membre: Gela est vrai! M. Bouche. Rien ne vous presse, Messieurs, de faire des lois relativement aux hôpitaux ; De sont-ils pas administrés d’une manière sûre et tranquille ? Voix diverses : Oui ! oui ! Non 1 non ! M. Bouche. Ainsi, Messieurs, autant par intérêt pour la Constitution que pour la tranquillité publique, je vous demande de faire mettre sous vos yeux des objets plus pressants. Ges objets sont les jurés, les impôts, les gardes nationales, le complément de l’administration. Avant d’organiser les hôpitaux, il faut organiser la nation ; et soyez sûrs qu’alors les pauvres ne souffriront plus. Renvoyez le reste à la fin de votre carrière, si mieux vous n’aimez, ce qui serait, suivant moi, plus prudent, le renvoyer à la législature qui nous succédera. Plusieurs membres : Aux voix! M. le Président. Si les membres, qui maintenant font des observations, se trouvaient à l’Assemblée au moment où on fixe l’ordre du jour, ils n’attendraient pas qu’il fût fixé pour présenter leurs réclamations. M. de Liancourt, rapporteur . Je n’ai pas le projetée m'opposer à l’ajournement qu’une grande partie de l’Assemblée paraît désirer et je m’unis même à elle pour le demander. Je dois faire toutefois quelques représentations. Sans doute, vous avez secouru l’indigence; mais il est certain, et j’en appelle aux habitants de la campagne qui sont ici, il est certain 4que dans les 9 dixièmes des campagnes, il n’y a pas de secours. Plusieurs voix : Gela est vrai ! M. de Liancourt, rapporteur. Votre intention est d’étendre votre sollicitude sur les villes comme sur les campagnes; et le devoir de votre comité a donc été d’embrasser les uaes et les autres. On dit que les hôpitaux sont bien administrés et que tout le monde en est satisfait. Nous ne nous ennuyons pas des plaintes sans nombre qui arrivent à votre comité relativement à cela. La plus grande preuve que les administrations, en grande partie, ne sont pas bonnes, c’est qu’elles sont très obérées; c’est qu’il y a beaucoup d’endroits où les administrateurs d’hôpitaux sont très riches. Je dois ajouter encore, pour dernière objection, que lorsque nous avons proposé de décréter que les biens des hôpitaux seraient bien nationaux, nous n’avons pas prétendu qu’il fût nécessaire de les mettre en vente dès à présent. ■ 1» Série. T. XXII. M. de FoIIeville. Je suis parfaitement de l’avis de M. Bouche; c’est-à-dire qu’il ne faut pas alarmer la nation en lui annonçant la destruction des hôpitaux. Or, jedemande qu’on applique à la distribution des secours les principes constitutionnels qui vous sont présentés ici; car enfin ils sont adaptables à 15,000 livres comme à 15 millions ; et cependant vous aurez la gloire qui vous appartient de vous être occupés des pauvres en général et de la sage distribution de8 secours à leur donner. Je pense donc que, sans entamer la question des hôpitaux, on pourrait discuter et décréter les bases constitutionnelles. M. l’abbé Bourdon. Il serait extrêmement impolitique de décréter dans ce moment-ci ces articles ; nous pouvons compter que la publicité de ce décret porterait nécessairement le trouble et la discorde. Je crois, Messieurs, çpi'il est très important de ne pas ajourner ce décret en entier; mais il me semble que l’Assemblée nationale a toujours eu l’intention de favoriser les pauvres, de donner des secours aux malheureux. Je crois qu’il est une portion de biens nationaux applicables à cet objet et je dis que lorsque la nation aura décrété une somme proportionnée au nombre de malheureux que peuvent fournir les départements, je crois, dis-je, qu’elle peut décréter que ces mêmes départements s'occuperont des pauvres, en appurant le produit des biens-fonds appartenant aux hôpitaux. Je crois qu’en retardant cette précaution, nous manquerions à la promesse quenous avons donnée à la nation, de vouloir venir promptement au secours des malheureux ; et le bien le plus souverain qu’ils attendent de nous, c’est de voir que l’Assemblée nationale s’occupe véritablement de leur sort. Je conclus donc à ce que le projet du comité soit ajourné dans ce qui concerne la vente des biens appartenant aux hôpitaux ; je demande, de plus, que l’Assemblée nationale décrète ce qui peut être accordé de secours aux différents départements, non pas aux ateliers de charité, mais bien, soit aux infirmes, soit aux malades, afin que, d’après l’état qui sera fourni par le département, on puisse faire la part des hôpitaux. Quant au surplus, je demande l’ajournement. M. de Tracy. Je propose d’ajourner la totalité du plan, après l’établissement de la totalité de l’impôt. (L’Assemblée ajourne la discussion du projet de décret, jusqu’à ce qu’elle ait statué sur les bases générales de l’impôt.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de tarif des droits de traites (1). M. Dauchy, rapporteur (2), demande que le tarif soit décrété en masse. M. Rewbell observe qu’il faut lire article par article, afin d’examiner les modifications ou augmentations des tarifs. M. Démeunier. On prétend que sur les toiles, (1) Le Moniteur ne fait que mentionner une partie des articles décrétés. (2) En remplacement de M. Goudard, démissionnaire de ses fonctions de rapporteur pour raisons do santé. 38 594 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 janvier 1731.] sur les huiles de baleine, on a excédé le maximum fixé par vos décrets. Le comité de commerce et d’agriculture est déjà saisi de cette réclamation. J’ai eu l’honneur de lui écrire une lettre Sour lui représenter qu’il fallait, pour l’intérêt es manufactures nationales, pour la fidélité avec laquelle nous voulons remplir nos traités avec les Américains, tenir invariablement aux bases qui avaient été décrétées. Je demanderais donc, Monsieur le président, qu’ on écoutât les réclamations de chacun des membres sur cette partie, en détail, et qu’avant que d’apporter la totalité d’un décret à l’Assemblée, on eût soin de se tenir invariablement à la base qui a été décrétée., M. I�e Déist de Bolidoux. J’observe à l’As-fiemblée que dans l’article de toiles, par exemple, ceux qui ont combattu le projet du comité, sont partis de bases qui ne sont pas celles du comité. Si vous renvoyez l’examen de3 bases au comité même qui a dressé le tarif, il est clair que vous l’instituez juge et partie. Je demande donc que l’on nomme des commissaires. (Murmures.) (L’Assemblée décrète qu’elle délibérera en masse sur le tarif.) M. Dauchy, rapporteur. L’Assemblée vient de décider qu’elle décréterait en masse le tarif que nous lui avons proposé : il faut faire une lecture de la totalité du tarif. Plusieurs voix : Non 1 non ! M. Rewbell propose d’imposer 3 sous par uintal les articles de toute espèce marqués zéro ans le tarif. M. Lavle répond que les habitants des frontières seraient exposés à des gênes perpétuelles; il demande la question préalable. M. d’Aubergeon de Marinais appuie la motion de M. Rewbell. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer.) M. Rewbell. Puisque nous favorisons l’importation de l’acier non ouvré, nous devons l’imposer à sa sortie; cependant le tarif ne l’assujettit à aucun droit de sortie. M. Dauchy, rapporteur. L’Assemblée a décrété différents droits sur les métaux; mais sur le fer en gueuse elle n’a pas cru devoir en établir. Elle en a mis de très modérés sur les fers en barre, et je ne crois pas que cet objet soit susceptible d’une forte imposition. M. d’Aubergeon de Murinais. Si vous voulez favoriser vos fabriques d’acier, elles feront face à votre consommation. J’ai l’honneur de vous dire, Messieurs, qu’il s’est établi depuis quelque temps, dans la forêt de Ghartau en Dauphiné, une manufacture d’acier qui a porté son travail à un tel degré de perfection, qu’avec cet acier nous fabriquons aujourd’hui des outils qui nous veuaient toujours de l’Allemagne, tels que des faux, limes et autres objets. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement.) M. licclerc. G’est par intérêt pour le Trésor pu-i blic que je demande la radiation du droit de 6 livres par quintal de librairie française, parce que ce droit ne rapportait rien et était trèsvexa-toire. On ouvrait toutes les balles de livres qui entraient en France, pour voir s’il s’y trouvait quelques volumes français qui auraient peut-être rapporté 2 ou 3 sous, et on perdait beaucoup de temps. M. Dauchy, rapporteur. J’observe que nous avons beaucoup réduit ce droit. (L’Assemblée rejette l’amendement.) M. de Menonville de Villlers. J’ai une observation à faire sur la prohibition des bois de construction navale. Les forêts de ma province n’ont aucun débouché dans 1 intérieur du royaume ; je demande, en conséquence, que les bois puissent sortir par la Moselle et la Sarre en payant les mêmes droits qu’auparavant. M. Roussillon. Lorsque M. Goudard a fait son rapport sur les traites, il a observé qu’il fallait nécessairement décréter le principe général de la prohibition des bois, sauf à faire des exceptions sur la demande des départements. M. liavie. En ce cas, je demande qu’il ne soit rien décidé sans l’avis du comité de marine. Il est bon que l'Assemblée sache que dans le régime précédent, sous prétexte que quelques provinces ne pouvaient transporter leurs bois dans l’intérieur du royaume, on a dépouillé deux provinces de tous leurs bois de construction ; on les a vendus 2 sous le pied cube aux Hollandais, qui nous les ont revendus ensuite 3 livres et 3 1. 10 s. le même pied cube. M. Parent. Je propose que les demandes particulières des administrateurs de départements, relativement à l’exportation des bois, soient renvoyées aux comités de marine, des domaines et de l’imposition pour, sur leur rapport, être statué ainsi qu’il conviendra à l’intérêt national. (La motion de M. Parent est décrétée.) Un membre : Autrefois les clous étrangers étaient totalement prohibés*, si vous ne portez à 8 livres le droit de 6 livres que propose le comité, il s’ensuivra que les manufactures nationales seront entièrement ruinées. (L’Assemblée décrète que les clous étrangers payeront 8 livres le quintal.) M. d’Elbhecq. Je demande le renvoi au comité d’un article sur la potasse, dont il n’est pas fait mention dans le tarif. (Ge renvoi est ordonné.) M. de Follevtlle. Une pétition des fabricants de toiles de la Flandre a été renvoyée aux comités qui ont été chargés de donner leur avis sur cet objet. Quelle suite cette pétition a-t-elle reçue ? M. Dauchy, rapporteur. Gette pétition sera prise en considération ; mais les comités n’ont pas eu le temps encore de s’en occuper. M. Démeunier. Messieurs, le tarif des traites doit être adopte par un décret exprès ; je vous propose le suivant: « L’Assemblée nationale décrète que les droits d’entrée et de sortie, sur les productions et mar- [Assemblé® nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 janvier 1791.1 M chandises venant de l’étranger, seront perçus conformément au tarif annexé au procès-verbal de ce jour. » (Ce décret est adopté.) M. Démeunter. 11 faut statuer maintenant sur les articles que vous avt-z renvoyés au comité, comme les toiles et les huiles venant de l’étranger. {Murmures.) J’entends dire à côté de moi que ce qui regarde les huiles a été décrété; je ne vous propose point de revenir sur le décret, mais de charger le comité de vérifier si l’on n’a point excédé les bases décrétées et s’il n’y a pas une erreur de fait relativement au traité fait avec les Américains. Je vous prie, Messieurs, de considérer que votre commerce avec les Etats-Unis est peu considérable. L’Angleterre, après avoir perdu ses colonies, a pourtant eu l’habileté de s’emparer de la presque totalité de ce commerce. Il n’est pas de votre intention de repousser nos frères en liberté, ceux que nous avons intérêt, sous mille rapports, d’attirer dans nos ports. Voici mon projet de décret : « L’Assemblée nationale ordonne aux comités de commerce, d’imposition et diplomatique de rendre compte, dans la séance d’après-demain, des observations qui leur ont été adressées et envoyées, notamment sur les droits relatifs aux toiles et aux huiles venant de l’étranger. » M. E-avle. Je demande que M. Démeunier exhibe le traité dont il parle. Je suis certain qu’il n'y en a pas. Quant aux toiles, il y a un décret rendu après une discussion qui a duré deux heures. Je demande la question préalable sur le projet de décret qu’il vous propose. M. Démeunier m’objecte qu’il y a un arrêt du conseil. Est-ce là une loi pour nous? Ce n’est qu’une pétarade. M. le Président. Je rappelle à l’ordre l’arrêt du conseil dans votre bouche. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. le Président. Avant de passer à l’ordre du jour, je suis obligé de donner une triste nouvelle a l’Assemblée. M. La Ville-Leroux a reçu de la municipalité de Lorient, par sa lettre du 26 de ce mois, l’affligeante nouvelle que le vaisseau YAmphitrite, venant de l’Ile-de-France à Lorient, s’est perdu dans la nuit du 22 au 23 de ce mois du côté de Peunemarch,et que sur 108 hommes, 105 ont perdu la vie ; il y avait 50 passagers sur ce navire, du nombre desquels étaient les députés de l’Ile-de-France à l’Assemblée nationale. M. le Président. J’ai reçu de M. Bailly, maire de Paris, une lettre par laquelle il me prévient des adjudications faites le 30 janvier courant, par la municipalité, de 3 immeubles nationaux consistant en une maison, rue des Saints-Pères, louée 1,614 livres, estimée 9,500 livres et adjugée 26,200 livres; le second en un terrain et construction, rue de Grenelle-Saint-Germain, loués 1,006 livres, estimés 13,927 livres, adjugés 31,200 livres; le troisième, en un terrain d’un arpent dix perches huit toises, loué 150 livres, estimé 2,750 livres, adjugé 9,000 livres. L’Assemblée reprend la discussion du tarif des traites , M. de Kyspoter. Je viens de recevoir une lettre en forme de mémoire, de la part des fabricants de fils tors du département du Nord, relativement aux droits d’entrée portés seulement à 15 livres le quintal, tandis, que jusqu’à présent, l’entrée avait été prohibée. Je demande le renvoi dé cet article aux comités réunis de l’imposition, d’agriculture et de commerce, pour être examiné et rapporté à l’Assemblée. (Ce renvoi est ordonné.) M. Dauchy, rapporteur . Il reste maintenant à statuer sur les droits qui seront imposés sur nos vins à l’exportation. Vos comités, en s’occupant de la révision du projet de tarif avaient unanimement pensé que les vins exportés en doubles futailles et en bouteilles pourraient supporter un droit de 10 livres par muid; muscat et de liqueur 6 livres; rouge, par les rivières de Garonne et Dordogne, autres que ceux ci-après, 9 livres; blanc, 4 livres; vins rouges et blancs du Quercy et du Périgord, qui seront chargés de borda bord au port de Libourne, et seront accompagnés d’un acquit à caution du bureau de Castillon, 2 1. 10 s.; vins exportés par les départements des Hautes et Basses-Pyrénées, 3 livres; par le département de l’Ariège et les frontières d’Espagne, 1 1. 10 s.; vins muscats, exportés par les mêmes départements, 6 livres; vins exportés par les départements des Pyrénées-Orientales, 2 livres; par les départements des Bouches-du-Rhône et du Var, 1 1. 10 s. ; par les départements des Hautes et Basses-Alpes et de l’Isère, 2 livres; par le département de l’Ain, 1 livre; par les départements du Mont-Jura et du Doubs, 10 livres; par les départements du Haut et Bas-Rhin et de la Moselle, 10 livres; par les départements des Ardennes, de l’Aisne et du Nord, 10 livres ; par les ports des dé-artements du Pas-de-Calais, de la Somme, de la eine-Inférieure, du Calvados, de la Manche, des Côtes-du-Nord, de l’Ille-et-Vilaine, du Finistère et du Morbihan, 10 livres; vins exportés par le département de la Loire-Inférieure, 2 livres; vins exportés par les ports des départements de la Vendée et de la Charente-Inférieure, 2 livres ; vins de liqueur de toutes sortes, 6 livres; vins en bouteilles et en doubles futailles de toutes sortes, 10 livres; vins exportés par les départements de la Loire-Inférieure, du Doubs, du Mont-Jura, du Haut et Bas-Rhin et de la Moselle, qui seront déclarés de la valeur de 30 livres le muid et au-dessous, sauf la retenue ci-après expliquée en cas de mésestimation, 10 livres. N. B. Si les expéditionnaires des vins préfèrent d’acquitter le droit de sortie à raison de 5 0/0 de la valeur, ils en auront la faculté; et dans le cas de mésestimation, les préposés seront autorisés à en faire la retenue, en payant auxdits expéditionnaires la valeur déclarée, et le dixième en sus. Mais cette option n’aura pas lieu pour les vins muscats et de liqueurs, tarifés à 6 livres par muid, ni pour les vins exportés en bouteilles ou doubles futailles, tarifés à 10 livres par muid, lesquels acquitteront ces droits, quelle que soit leur valeur et leur qualité. Différentes réclamations tant des propriétaires qui exportent dans Bordeaux, que de différents départements, ont amené votre comité à vous proposer quelques modilications dans le tarif; les voici : les vins exportés par les départements des Hautes et Basses-Pyrénées payeront le muid de Paris, 2 livres; par les départements du Mont-Jura, du Doubs, du Rhin et de la Moselle, 1 1. 10 s.;