SÉANCE DU 6 MESSIDOR AN II (24 JUIN 1794) - Nos 51-52 155 51 ETAT DES DONS (mite) (1) a Les commissaires de la société populaire de Pont-de-1’ Arche ont déposé une épaulette, une contre-épaulette, et une dragone en or. b Les administrateurs du district de Montfort ont envoyé 4 décorations militaires et un brevet. Nota. — Cet article est du 26 floréal. La séance est levée à trois heures (2) . Signé ELIE LACOSTE, président; BRIEZ, MICHAUD, CAMBACERES, BORDAS, LACOM-BE-SAINT-MICHEL, TURREAU, secrétaires. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 52 [Le C" Barbier à la Conv s.d.] (3) . « Citoyens Représentants; Le principe de l’égalité dans les successions étoit déjà écrit dans le cœur de tous les hommes libres, lorsque la Convention nationnalle là consacré par son décret du 17 nivôse; mais on étoit bien loin de penser qu’elle luy donneroit un effet rétroactif universel. Frapper de nullité les dispositions de don-nations faites en haine de la Révolution, et récompenser les deffenseurs de la patrie, furent les motifs qui déterminèrent la Convention nationnalle a décréter la rétroaction du principe; ces 2 motifs sont justes et tout bon républicain les avoue; mais, citoyens représentais, la Convention nationalle, en généralisant cette disposition de la loi, a frappé des fortunes qu’elle n’a jamais eüe intention d’atteindre : elle a frappé de bons Sans culottes qui, confondant leur intérêt particulier dans l’intérêt général, ont fait de nombreux sacrifices en faveur de la chose publique. De tels hommes, citoyens représentants, de tels hommes, nous vous le demandons, doivent-ils être frappés de la rétroaction ? Non; la loi doit établir entr’eux et les monstres nourris d’égoïsme et de haine pour notre sainte (1) P.V., XL, 256. (2) P.V., XL, 135. (3) D ni 2A, doss. 19. Révolution, une démarcation qui assure aux uns les droits qui leur étoient échus et aux autres la privation d’un acroissement de fortune qui devient dangereuse pour la chose publique, dans leur coupable mains. Pour établir cette démarcation sans s’écarter pour cela des motifs qui ont déterminé la Convention nationalle à donner un effet rétroactif à la loi, et sans rien changer, par conséquent à son instruction, elle pourroit décréter par amendement : 1° Que toutes donnations et successions ouverte avant la promulgation de la loi du 5 brumaire, en faveur de patriotes indigents, se-roient maintenues dans le cas où il n’y auroit pas de successibles mâles qui fussent aux armées de la République ou compris dans la levée de la lre réquisition. 2° Que ceux des successibles mâles qui ne se trouveroient pas dans l’ime de ces 2 circonstances, ne pourraient prétendre uniquement qu’à la portion dont les loix pré existantes ne per-metoient pas de les priver. 3° Que le surplus de la masse des biens seroit partagée par égalle part, entre l’héritier ou donnataire déchus et les successibles deffenseurs de la patrie, ou compris dans la levée de la lre réquisition. 4° Que le donnataire ou l’héritier déchus auroit la faculté de se retenir sur la succession, la valleur de 10.000 liv., ou dé prendre la portion que lui accorderait l’article précédent. 5° Que dans tous les cas, les successibles femelles, pour ce qui est des successions dont il s’agit, fussent réduit uniquement à la portion dont les loix anciennes ne permetoient pas de de les priver. Si la Convention nationalle jugeoit dans sa sagesse de rendre un décret sur ces bases, certainement elle acquerrait un droit de plus sur la reconnaissance du peuple. L’effet rétroactif donné à la loi fait bien quelques heureux; mais quel ravages ne fait-il pas dans un grand nombre de familles ? Quel bouleversement n’opère-t-il pas dans la fortune d’un nombre considérable de patriotes ? Citoyens représentants, n’en doutés pas, la rétroaction telle qu’elle a lieu, fait bien plus de malheureux qu’elle ne fait d’heureux. Que la Convention nationalle se hâte donc de décréter l’amendement que je propose et la rétroaction, ainsy modiffiée, ne fera plus de malheureux; tous les intérêts seront consilliés, et le peuple bénira l’instant où ce décret aura été rendu. Combien d’action de grâce n’aurais-je pas en mon particulier à rendre à la Convention nationalle ! Moi à qui il ne reste qu’une perspective allarmante et le désespoir de ne pouvoir offrir à mes enfants que la misère la plus affreuse et l’avenir le plus malheureux ! Citoyens représentants, voilà le tableau fi-delle de mon existance politique et de ma situation déplorable : Fils aîné d’une famille nombreuse et pauvre, ce fut à la sueur de mon front que j’aidais mon père à l’éllever. Mes cadets, moins zélés, ne se donnèrent presque jamais aucun mouvement pour nous seconder; plutôt occupés à leur plaisir ët à travailler à leur proffit particulier qu’à soulager mon père et moy dans nos pénibles travaux, ils ne prirent jamais la moindre part à nos affaires domestiques; au contraire leur conduite y nuisit toujours; ils s’établis-SÉANCE DU 6 MESSIDOR AN II (24 JUIN 1794) - Nos 51-52 155 51 ETAT DES DONS (mite) (1) a Les commissaires de la société populaire de Pont-de-1’ Arche ont déposé une épaulette, une contre-épaulette, et une dragone en or. b Les administrateurs du district de Montfort ont envoyé 4 décorations militaires et un brevet. Nota. — Cet article est du 26 floréal. La séance est levée à trois heures (2) . Signé ELIE LACOSTE, président; BRIEZ, MICHAUD, CAMBACERES, BORDAS, LACOM-BE-SAINT-MICHEL, TURREAU, secrétaires. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 52 [Le C" Barbier à la Conv s.d.] (3) . « Citoyens Représentants; Le principe de l’égalité dans les successions étoit déjà écrit dans le cœur de tous les hommes libres, lorsque la Convention nationnalle là consacré par son décret du 17 nivôse; mais on étoit bien loin de penser qu’elle luy donneroit un effet rétroactif universel. Frapper de nullité les dispositions de don-nations faites en haine de la Révolution, et récompenser les deffenseurs de la patrie, furent les motifs qui déterminèrent la Convention nationnalle a décréter la rétroaction du principe; ces 2 motifs sont justes et tout bon républicain les avoue; mais, citoyens représentais, la Convention nationalle, en généralisant cette disposition de la loi, a frappé des fortunes qu’elle n’a jamais eüe intention d’atteindre : elle a frappé de bons Sans culottes qui, confondant leur intérêt particulier dans l’intérêt général, ont fait de nombreux sacrifices en faveur de la chose publique. De tels hommes, citoyens représentants, de tels hommes, nous vous le demandons, doivent-ils être frappés de la rétroaction ? Non; la loi doit établir entr’eux et les monstres nourris d’égoïsme et de haine pour notre sainte (1) P.V., XL, 256. (2) P.V., XL, 135. (3) D ni 2A, doss. 19. Révolution, une démarcation qui assure aux uns les droits qui leur étoient échus et aux autres la privation d’un acroissement de fortune qui devient dangereuse pour la chose publique, dans leur coupable mains. Pour établir cette démarcation sans s’écarter pour cela des motifs qui ont déterminé la Convention nationalle à donner un effet rétroactif à la loi, et sans rien changer, par conséquent à son instruction, elle pourroit décréter par amendement : 1° Que toutes donnations et successions ouverte avant la promulgation de la loi du 5 brumaire, en faveur de patriotes indigents, se-roient maintenues dans le cas où il n’y auroit pas de successibles mâles qui fussent aux armées de la République ou compris dans la levée de la lre réquisition. 2° Que ceux des successibles mâles qui ne se trouveroient pas dans l’ime de ces 2 circonstances, ne pourraient prétendre uniquement qu’à la portion dont les loix pré existantes ne per-metoient pas de les priver. 3° Que le surplus de la masse des biens seroit partagée par égalle part, entre l’héritier ou donnataire déchus et les successibles deffenseurs de la patrie, ou compris dans la levée de la lre réquisition. 4° Que le donnataire ou l’héritier déchus auroit la faculté de se retenir sur la succession, la valleur de 10.000 liv., ou dé prendre la portion que lui accorderait l’article précédent. 5° Que dans tous les cas, les successibles femelles, pour ce qui est des successions dont il s’agit, fussent réduit uniquement à la portion dont les loix anciennes ne permetoient pas de de les priver. Si la Convention nationalle jugeoit dans sa sagesse de rendre un décret sur ces bases, certainement elle acquerrait un droit de plus sur la reconnaissance du peuple. L’effet rétroactif donné à la loi fait bien quelques heureux; mais quel ravages ne fait-il pas dans un grand nombre de familles ? Quel bouleversement n’opère-t-il pas dans la fortune d’un nombre considérable de patriotes ? Citoyens représentants, n’en doutés pas, la rétroaction telle qu’elle a lieu, fait bien plus de malheureux qu’elle ne fait d’heureux. Que la Convention nationalle se hâte donc de décréter l’amendement que je propose et la rétroaction, ainsy modiffiée, ne fera plus de malheureux; tous les intérêts seront consilliés, et le peuple bénira l’instant où ce décret aura été rendu. Combien d’action de grâce n’aurais-je pas en mon particulier à rendre à la Convention nationalle ! Moi à qui il ne reste qu’une perspective allarmante et le désespoir de ne pouvoir offrir à mes enfants que la misère la plus affreuse et l’avenir le plus malheureux ! Citoyens représentants, voilà le tableau fi-delle de mon existance politique et de ma situation déplorable : Fils aîné d’une famille nombreuse et pauvre, ce fut à la sueur de mon front que j’aidais mon père à l’éllever. Mes cadets, moins zélés, ne se donnèrent presque jamais aucun mouvement pour nous seconder; plutôt occupés à leur plaisir ët à travailler à leur proffit particulier qu’à soulager mon père et moy dans nos pénibles travaux, ils ne prirent jamais la moindre part à nos affaires domestiques; au contraire leur conduite y nuisit toujours; ils s’établis- 156 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE sent enfin et quittent la maison paternelle après luy avoir nuit autant qu’ils purent. Mon père pour me récompenser de tant de peines qui n’avoient tourné qu’au proffit de mes frères et sœurs, m’institua son héritier dans un testament qu’il fit le 18 xbre 1779; comptant sur la foi publique à l’égard du bienfait que je recevais de mon père, je me suis marié un an après son décès et après 25 ans de peines et de sueur pour soulager ce père vertueux dans ses rudes travaux; sa succession ne peut produire que 5 à 600 liv. de revenus; depuis que je l’ai recueillie, j’y ai fait des réparations et améliorations considérables; je me suis endetté pour y satisfaire espérant retirer le fruit de mes avances; la loi du 17 nivôse arrive et me laisse chargé de famille et de dettes, sans biens, seins ressource et sans espérance. A peine cette loi est-elle rendue que mes frères et sœurs au nombre de cinq, oubliant les obligations qu’ils m’avoient, oubliant que 25 années de fatigues et de peines avoient été consacrées à leur propre intérêt et à leur éducation, tandis qu’ils fe-soient tourner à leur proffit particulier les travaux qu’ils pouvoient faire et qu’ils étoient des sangsues de la maison paternelle, oubliant enfin que dans le moment, ils sont tous plus aisés et plus fortunés que je ne le serois, même avec l’héritage de mon père, viennent me poursuivre impitoyablement, m’élever mille difficultés révoltantes et demander les 5/6® du petit bien que m’avoit laissé mon père. La perte de ma fortune, citoyens représentants, si elle étoit en faveur de la chose publique, ne me seroit rien sous le règne de la liberté et de l’égalité; dès le principe de la révolution je me suis dit : mon bien est à la patrie, ma vie, à la patrie; mais ma fortune ne passe pas dans les mains de la patrie; elle ne va pas secourir l’indigent, elle est arrachée au contraire des mains de l’indigence et du besoin pour la porter chez des individus qui sont bien loin d’en avoir besoin et plus loin encore de la mériter. Une vie sobre et frugale, beaucoup d’économie et de privation, me permetoit encore de nourrir ma famille avec le modique produit de mon petit bien. J’étois heureux de pouvoir suffire au strict nécessaire et je me prometois la douce consolation de pouvoir élever mes enfants du fruit de mes peines et de mes soins; mais hélas, que sont devenues mes espérances ? Que deviendront ces pauvres enfants aujourd’huy qu’il ne me reste aucune ressources, aucun moyens de les faire subsister ? Comment leur donneray-je du pain à ces enfants malheureux et à une épouse qui ne cesse de verser des larmes sur leur triste sort, moi qui, appellé à la place de maire par mes concitoyens et honoré de la confiance de l’administration de ce district, qui me charge journellement de commission, me donne tout entier à la chose publique, sans avoir un moment à donner à mes affaires domestiques ? Citoyens, les malheures m’ont oprimé toute ma vie; mais autant j’avois du courage à les suporter dans les circonstances où ils ne pe-soient que sur moy-même, autant celuy que j’éprouve sur le sort de mes enfants, me cause d’accablement et de désolation. Sous l’ancien Régime, j’eus à souffrir viola-ment de la puissance féodalle. Né et élevé dans la haine du despotisme et de l’horreur de la féodalité, je soutin les droits de ma commune contre les injustes prétentions du traître Virieu, ci-devant seigneur. Le Parlement, ce corps gangrené de forfaits, comme l’ étoient tous ceux qu’avoit créé la tirannie, sous les instigations de Virieu, me sacriffia à la vengence de ce scélérat contre les vexations duquel j’avois eu le courage de m’élever. Vint ensuite l’insurrection de 1789; mon père fut accusé par le monstre Virieu d’y avoir pris part, luy qui ne fut jamais qu’un homme paisible et tranquille. Ce scélérat, non comptant de m’avoir fait tous les maux, voulut encore éteindre sa noire vengence sur mon malheureux père. Il obtint contre luy un décret de prise de corps. Instruit de cet acte de scélératesse, j’enlève mon père à la fureur de la barbare vengence de Virieu et le transporte dans la ci-devant Savoye, où son séjour et les démarches ultérieures que me causa cette affaire, me coûtèrent près de 100 louis, que j’empruntais de quelques hommes vertueux. Après beaucoup de mouvement, j’obtins enfin la liberté de ce père chéri; mais les malheurs avoient fait de trop grands ravages dans son cœur, le chagrin le ravit quelques mois après. Après de si rudes épreuves sous l’ancien régime et le zèle infatigable que j’ai montré dans la carrière de la révolution, devais-je m’attendre, citoyens représentants qu’une loi viendroit me plonger dans le malheur, en enlevant à mes enfants tous les secours qu’ils dévoient attendre et en les condamnant à la misère la plus affreuse et moy, à la douleur mortelle de les voir souffrir et ne pouvoir leur tendre une main secourable ? Citoyens représentants, voila un des effets de la rétroaction universelle de la loi du 19 nivôse. J’en appelle à vos cœurs, j’en appelle à votre justice; ces effets qui sont nombreux ont-ils été prévus ? Non, citoyens représentants; vos intentions sur le bonheur du peuple et en particulier sur celuy des patriotes, se manifestent par vos immortels travaux; mais malheureusement la loi sur les successions n’a pas tout prévu; elle a besoin d’amendement; le peuple le demande. Perfectionnés donc cette loi, citoyens représentants, et alors vous aurès tout fait pour les patriotes. » Barbier ( maire de Doisin et de Montrevel) (1). Renvoyé au comité de législation (2) . 53 [La Comm. de Bonnet-la-Montagne à la Conv.; 20 prair. II] (3) . « citoyens Représentans, Qu’il est flatteur pour nous d’avoir aprit que la pétition que nous vous avons adressé n’a pas été sans succès, et que, par votre décret du 11 du présent, vous avez rendu à une commune (1) Ain. (2) Mention marginale datée du 6 mess, et signée Briez. (3) D XLII, 6, doss. 113. 156 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE sent enfin et quittent la maison paternelle après luy avoir nuit autant qu’ils purent. Mon père pour me récompenser de tant de peines qui n’avoient tourné qu’au proffit de mes frères et sœurs, m’institua son héritier dans un testament qu’il fit le 18 xbre 1779; comptant sur la foi publique à l’égard du bienfait que je recevais de mon père, je me suis marié un an après son décès et après 25 ans de peines et de sueur pour soulager ce père vertueux dans ses rudes travaux; sa succession ne peut produire que 5 à 600 liv. de revenus; depuis que je l’ai recueillie, j’y ai fait des réparations et améliorations considérables; je me suis endetté pour y satisfaire espérant retirer le fruit de mes avances; la loi du 17 nivôse arrive et me laisse chargé de famille et de dettes, sans biens, seins ressource et sans espérance. A peine cette loi est-elle rendue que mes frères et sœurs au nombre de cinq, oubliant les obligations qu’ils m’avoient, oubliant que 25 années de fatigues et de peines avoient été consacrées à leur propre intérêt et à leur éducation, tandis qu’ils fe-soient tourner à leur proffit particulier les travaux qu’ils pouvoient faire et qu’ils étoient des sangsues de la maison paternelle, oubliant enfin que dans le moment, ils sont tous plus aisés et plus fortunés que je ne le serois, même avec l’héritage de mon père, viennent me poursuivre impitoyablement, m’élever mille difficultés révoltantes et demander les 5/6® du petit bien que m’avoit laissé mon père. La perte de ma fortune, citoyens représentants, si elle étoit en faveur de la chose publique, ne me seroit rien sous le règne de la liberté et de l’égalité; dès le principe de la révolution je me suis dit : mon bien est à la patrie, ma vie, à la patrie; mais ma fortune ne passe pas dans les mains de la patrie; elle ne va pas secourir l’indigent, elle est arrachée au contraire des mains de l’indigence et du besoin pour la porter chez des individus qui sont bien loin d’en avoir besoin et plus loin encore de la mériter. Une vie sobre et frugale, beaucoup d’économie et de privation, me permetoit encore de nourrir ma famille avec le modique produit de mon petit bien. J’étois heureux de pouvoir suffire au strict nécessaire et je me prometois la douce consolation de pouvoir élever mes enfants du fruit de mes peines et de mes soins; mais hélas, que sont devenues mes espérances ? Que deviendront ces pauvres enfants aujourd’huy qu’il ne me reste aucune ressources, aucun moyens de les faire subsister ? Comment leur donneray-je du pain à ces enfants malheureux et à une épouse qui ne cesse de verser des larmes sur leur triste sort, moi qui, appellé à la place de maire par mes concitoyens et honoré de la confiance de l’administration de ce district, qui me charge journellement de commission, me donne tout entier à la chose publique, sans avoir un moment à donner à mes affaires domestiques ? Citoyens, les malheures m’ont oprimé toute ma vie; mais autant j’avois du courage à les suporter dans les circonstances où ils ne pe-soient que sur moy-même, autant celuy que j’éprouve sur le sort de mes enfants, me cause d’accablement et de désolation. Sous l’ancien Régime, j’eus à souffrir viola-ment de la puissance féodalle. Né et élevé dans la haine du despotisme et de l’horreur de la féodalité, je soutin les droits de ma commune contre les injustes prétentions du traître Virieu, ci-devant seigneur. Le Parlement, ce corps gangrené de forfaits, comme l’ étoient tous ceux qu’avoit créé la tirannie, sous les instigations de Virieu, me sacriffia à la vengence de ce scélérat contre les vexations duquel j’avois eu le courage de m’élever. Vint ensuite l’insurrection de 1789; mon père fut accusé par le monstre Virieu d’y avoir pris part, luy qui ne fut jamais qu’un homme paisible et tranquille. Ce scélérat, non comptant de m’avoir fait tous les maux, voulut encore éteindre sa noire vengence sur mon malheureux père. Il obtint contre luy un décret de prise de corps. Instruit de cet acte de scélératesse, j’enlève mon père à la fureur de la barbare vengence de Virieu et le transporte dans la ci-devant Savoye, où son séjour et les démarches ultérieures que me causa cette affaire, me coûtèrent près de 100 louis, que j’empruntais de quelques hommes vertueux. Après beaucoup de mouvement, j’obtins enfin la liberté de ce père chéri; mais les malheurs avoient fait de trop grands ravages dans son cœur, le chagrin le ravit quelques mois après. Après de si rudes épreuves sous l’ancien régime et le zèle infatigable que j’ai montré dans la carrière de la révolution, devais-je m’attendre, citoyens représentants qu’une loi viendroit me plonger dans le malheur, en enlevant à mes enfants tous les secours qu’ils dévoient attendre et en les condamnant à la misère la plus affreuse et moy, à la douleur mortelle de les voir souffrir et ne pouvoir leur tendre une main secourable ? Citoyens représentants, voila un des effets de la rétroaction universelle de la loi du 19 nivôse. J’en appelle à vos cœurs, j’en appelle à votre justice; ces effets qui sont nombreux ont-ils été prévus ? Non, citoyens représentants; vos intentions sur le bonheur du peuple et en particulier sur celuy des patriotes, se manifestent par vos immortels travaux; mais malheureusement la loi sur les successions n’a pas tout prévu; elle a besoin d’amendement; le peuple le demande. Perfectionnés donc cette loi, citoyens représentants, et alors vous aurès tout fait pour les patriotes. » Barbier ( maire de Doisin et de Montrevel) (1). Renvoyé au comité de législation (2) . 53 [La Comm. de Bonnet-la-Montagne à la Conv.; 20 prair. II] (3) . « citoyens Représentans, Qu’il est flatteur pour nous d’avoir aprit que la pétition que nous vous avons adressé n’a pas été sans succès, et que, par votre décret du 11 du présent, vous avez rendu à une commune (1) Ain. (2) Mention marginale datée du 6 mess, et signée Briez. (3) D XLII, 6, doss. 113.