55 SÉANCE DU 2 MESSIDOR AN II (20 JUIN 1794) - N° 55 L’inexactitude des déclarations qui ont été faites jusqu’à ce jour, et dont les suites ont souvent manqué d’être funestes à la patrie, avertit de faire choix de moyens plus sûrs pour parvenir à la connaissance des récoltes; les erreurs ont été si nuisibles, la France est maintenant si éclairée sur la nécessité de connaître avec précision ses ressources en subsistances, qu’il n’est pas un seul citoyen, s’il n’est ennemi de la chose publiquej qui ne s’empresse de concourir à la formation la plus exacte et la plus complète du tableau des productions de la terre. Le fédéralisme monstrueux s’était encore attaché à la partie des subsistances; on a vu des départements, que nous réduirons un jour, je l’espère, à de simples sections de la république une; on a vu, dis-je, des départements, des districts, des communes, s’isoler les uns des autres, soustraire leurs subsistances, exagérer leurs besoins, cacher leurs ressources, se dispenser par mille petits moyens de venir au secours de leurs frères. Tel était le but des factions infernales que nous avons abattues, de nous rendre étrangers les uns aux autres, et de conduire, par l’isolement de toutes les parties, la république à sa ruine et le gouvernement populaire à sa dissolution. Il n’est rien d’indifférent quand il s’agit de ramener à Y unité de la république. Nous avons dit et nous prouvons tous les jours que tous les vrais républicains ne font qu’un. Mais ce n’est pas tout de donner sa personne à la société; dans une même famille les besoins et les moyens d’un chacun doivent être communs à tous; le meilleur moyen de rendre le peuple heureux, c’est d’intéresser chaque citoyen sentimentalement, par l’espoir de la réciprocité, à donner toutes ses facultés pour le soulagement et l’assistance de ses frères malheureux. Tel est le but du décret. Couthon termine par un projet de décret contenant des moyens de faire constater dans chaque commune la quantité des récoltes (1); [Couthon, propose un décret dont voici les principales dispositions. La convention nationale voulant assurer à la république tous les avantages qu’elle doit se procurer de la plus immense récolte qu’elle ait jamais faite, voulant faire cesser tous les inconvéniens qui ont rendu jusqu’à présent l’Administration si difficile... Considérant qu’on ne peut parvenir à ce but qu’en faisant dresser un état fidele de la récolte à faire, décrète : Il sera fait dans chaque commune de la république, le recensement des terres actuelle-(1) Mon., XXI, 23. ment chargées, soit de grains ou de fourrages, et tout cultivateur sera tenu de faire à la municipalité une déclaration par écrit du nombre et de l’étendue de ses terres, chargées de grains, fourrages, etc. (1) [avant le 25 dé ce mois (2)]. [Les municipalités enverront ces déclarations aux districts; ceux-ci en dresseront des états, dans lesquels ils distingueront les terres chargées de froment, seigle, orge, avoine, foin, luzerne, etc. Avant la récolte, les municipalités nommeront un certain nombre de citoyens (3) [non employés à la récolte et préposés à cet effet (4)], qui se transporteront dans les terres, à l’effet de prendre un état des gerbes avant qu’elles ne soient enlevées. Nul citoyen ne pourra enlever sa récolte avant qu’elle n’ait été constatée sur les lieux... (5). Ces citoyens [recenseurs] auront une solde égale à celle des moissonneurs. Après la récolte faite, il sera fait un deuxième recensement qui sera comparé avec le premier. Les cultivateurs seront tenus de faire battre une certaine quantité pendant la récolte, pour satisfaire aux réquisitions .(6). Le système proposé a donné lieu à une discussion sur laquelle plusieurs membres ont successivement observé qu’il falloit sur-tout ménager le temps et les bras des cultivateurs, que les commissaires vérificateurs à nommer ne pourroient agir avec la célérité que commande l’intérêt de la chose publique; que les moissons resteroient exposées aux ravages du temps; qu’il n’étoit pas possible de calculer les maux qui résulteroient d’une pareille mesure; que l’exécution même en paroissoit très difficile; et tous se sont accordés à demander l’ajournement du projet à après-demain, et son renvoi au même comité pour examiner si de simples déclarations suivies de peines ne seroient pas plus utiles. Le rapporteur lui-même a consenti à la proposition du renvoi. L’ajournement et le renvoi ont été adoptés�). La séance a été levée à trois heures et demie (8). Signé, Elie-Lacoste, président; Bordas, Mi-chaud, Cambacérès, Briez, Lacombe-Saint-Mi-chel, Thurreau, secrétaires. (1) J. Lois, n° 630. (2) Ann. patr., n° DXXXVI. (3) J. Lois, n° 630. (4) J. Perlet, n° 636. (5) J. Lois, n°630. (6) J. Fr., n° 634; Mess. Soir, n° 671. (7) P.V., XL, 53. Minute de la main de Couthon. Audit, nai., n° 635; J. univ., n°® 1670, 1671, 1672; Débats, n° 638; F. S JP., n° 351; J. Paris, n° 537; M.U., XLI, 44; Ann. RF., n° 203; C. univ., n° 872; Rép., n° 183; C.Eg., n° 671; J. Mont., n° 55; J. Sablier, n° 1389. Voir ci-dessus, séance du 1er mess., n° 61 et ci-après, séance du 8 mess., n° 45. (8) P.V., XL, 53. 55 SÉANCE DU 2 MESSIDOR AN II (20 JUIN 1794) - N° 55 L’inexactitude des déclarations qui ont été faites jusqu’à ce jour, et dont les suites ont souvent manqué d’être funestes à la patrie, avertit de faire choix de moyens plus sûrs pour parvenir à la connaissance des récoltes; les erreurs ont été si nuisibles, la France est maintenant si éclairée sur la nécessité de connaître avec précision ses ressources en subsistances, qu’il n’est pas un seul citoyen, s’il n’est ennemi de la chose publiquej qui ne s’empresse de concourir à la formation la plus exacte et la plus complète du tableau des productions de la terre. Le fédéralisme monstrueux s’était encore attaché à la partie des subsistances; on a vu des départements, que nous réduirons un jour, je l’espère, à de simples sections de la république une; on a vu, dis-je, des départements, des districts, des communes, s’isoler les uns des autres, soustraire leurs subsistances, exagérer leurs besoins, cacher leurs ressources, se dispenser par mille petits moyens de venir au secours de leurs frères. Tel était le but des factions infernales que nous avons abattues, de nous rendre étrangers les uns aux autres, et de conduire, par l’isolement de toutes les parties, la république à sa ruine et le gouvernement populaire à sa dissolution. Il n’est rien d’indifférent quand il s’agit de ramener à Y unité de la république. Nous avons dit et nous prouvons tous les jours que tous les vrais républicains ne font qu’un. Mais ce n’est pas tout de donner sa personne à la société; dans une même famille les besoins et les moyens d’un chacun doivent être communs à tous; le meilleur moyen de rendre le peuple heureux, c’est d’intéresser chaque citoyen sentimentalement, par l’espoir de la réciprocité, à donner toutes ses facultés pour le soulagement et l’assistance de ses frères malheureux. Tel est le but du décret. Couthon termine par un projet de décret contenant des moyens de faire constater dans chaque commune la quantité des récoltes (1); [Couthon, propose un décret dont voici les principales dispositions. La convention nationale voulant assurer à la république tous les avantages qu’elle doit se procurer de la plus immense récolte qu’elle ait jamais faite, voulant faire cesser tous les inconvéniens qui ont rendu jusqu’à présent l’Administration si difficile... Considérant qu’on ne peut parvenir à ce but qu’en faisant dresser un état fidele de la récolte à faire, décrète : Il sera fait dans chaque commune de la république, le recensement des terres actuelle-(1) Mon., XXI, 23. ment chargées, soit de grains ou de fourrages, et tout cultivateur sera tenu de faire à la municipalité une déclaration par écrit du nombre et de l’étendue de ses terres, chargées de grains, fourrages, etc. (1) [avant le 25 dé ce mois (2)]. [Les municipalités enverront ces déclarations aux districts; ceux-ci en dresseront des états, dans lesquels ils distingueront les terres chargées de froment, seigle, orge, avoine, foin, luzerne, etc. Avant la récolte, les municipalités nommeront un certain nombre de citoyens (3) [non employés à la récolte et préposés à cet effet (4)], qui se transporteront dans les terres, à l’effet de prendre un état des gerbes avant qu’elles ne soient enlevées. Nul citoyen ne pourra enlever sa récolte avant qu’elle n’ait été constatée sur les lieux... (5). Ces citoyens [recenseurs] auront une solde égale à celle des moissonneurs. Après la récolte faite, il sera fait un deuxième recensement qui sera comparé avec le premier. Les cultivateurs seront tenus de faire battre une certaine quantité pendant la récolte, pour satisfaire aux réquisitions .(6). Le système proposé a donné lieu à une discussion sur laquelle plusieurs membres ont successivement observé qu’il falloit sur-tout ménager le temps et les bras des cultivateurs, que les commissaires vérificateurs à nommer ne pourroient agir avec la célérité que commande l’intérêt de la chose publique; que les moissons resteroient exposées aux ravages du temps; qu’il n’étoit pas possible de calculer les maux qui résulteroient d’une pareille mesure; que l’exécution même en paroissoit très difficile; et tous se sont accordés à demander l’ajournement du projet à après-demain, et son renvoi au même comité pour examiner si de simples déclarations suivies de peines ne seroient pas plus utiles. Le rapporteur lui-même a consenti à la proposition du renvoi. L’ajournement et le renvoi ont été adoptés�). La séance a été levée à trois heures et demie (8). Signé, Elie-Lacoste, président; Bordas, Mi-chaud, Cambacérès, Briez, Lacombe-Saint-Mi-chel, Thurreau, secrétaires. (1) J. Lois, n° 630. (2) Ann. patr., n° DXXXVI. (3) J. Lois, n° 630. (4) J. Perlet, n° 636. (5) J. Lois, n°630. (6) J. Fr., n° 634; Mess. Soir, n° 671. (7) P.V., XL, 53. Minute de la main de Couthon. Audit, nai., n° 635; J. univ., n°® 1670, 1671, 1672; Débats, n° 638; F. S JP., n° 351; J. Paris, n° 537; M.U., XLI, 44; Ann. RF., n° 203; C. univ., n° 872; Rép., n° 183; C.Eg., n° 671; J. Mont., n° 55; J. Sablier, n° 1389. Voir ci-dessus, séance du 1er mess., n° 61 et ci-après, séance du 8 mess., n° 45. (8) P.V., XL, 53.