SÉANCE DU 11 THERMIDOR AN II (SOIR) (29 JUILLET 1794) - N°8 651 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [MERLIN (de Douai), au nom de] son comité de législation sur la pétition de la citoyenne Hecht, tendante à faire annuller le jugement de la ci-devant commission révolutionnaire établie à Strasbourg par Saint-Just et Lebas, en date du 21 brumaire, qui a condamné son mari, apothicaire en la même commune, à 15,000 liv. d’amende pour vente faite par un de ses commis de deux onces de rhubarbe et de manne au prix de 54 sous; « Considérant premièrement que ce jugement n’est signé d’aucun des juges qui compo-soient la commission révolutionnaire de Strasbourg; secondement, que le citoyen Hecht n’a été ni assigné ni entendu devant eux; troisièmement, que la loi du 20 septembre 1793 (vieux style) n’assujettissoit point les drogues au maximum.', « Déclare que le jugement ci-dessus est nul, et décrète que l’amende y mentionnée sera restituée à la citoyenne Hecht, en justifiant du paiement qu’elle allègue en avoir fait. « Le présent décret ne sera point imprimé ; il sera inséré, ainsi que le rapport, au bulletin de correspondance. Il en sera adressé une expédition manuscrite à la trésorerie nationale » (l). [ Applaudissements ]. 8 MERLIN (de Douai) : le second jugement dont j’ai à vous rendre compte n’est pas moins curieux que le premier. Une section du tribunal de Saint-Just et de Lebas se transporte à Mirecourt. Le 24 frimaire, un de ses satellites trouve dans un café un brave militaire, nommé Jean-Jacques Roques, âgé de vingt-neuf ans, élevé par ses talents, son civisme et son courage, au grade de capitaine commandant le 1er bataillon des grenadiers de Saône-et-Loire. Ce digne défenseur de la liberté faisait une partie de piquet; il n’en fallut pas davantage pour le dénoncer à un tribunal qui, par le titre même de son institution, ne pouvait juger que les conspirateurs. Au même instant, réquisitoire de l’accusateur public, et voici ce que le tribunal prononce : « Ledit Roques interrogé, et quatre témoins entendus, il est résulté de leurs dépositions que Jean-Jacques Roques est un joueur de profession et réputé suspect. « En conséquence, le tribunal, ouï l’accusateur militaire, a déclaré et déclare ledit Roques homme suspect, et arrête que, comme tel, il sera renfermé jusqu’à la paix dans la maison d’arrêt de Mire-court. » Le recours au tribunal de cassation n’est pas plus ouvert contre ce jugement que contre celui dont je vous parlais tout à l’heure; mais les repré-(l) P.V., XLII, 266. Minute de la main de Merlin (de Douai). Décret n° 10 165. Reproduit dans Bm, 12 therm. ; Mon., XXI, 357-358; Rép., n° 223; J. Sablier, nos 1469, 1470; Audit, nat., n° 675; Ann. R.F., n°242; J. Fr., n° 675; J. Perlet, n° 676. Mention in J. Mont., n° 94, 777 ; F.S.P., n°391; J.S. Culottes, n°531; J. Jacquin, n° 733. sentants du peuple ne peuvent pas plus laisser subsister l’un que l’autre. La justice, qui n’était que sur les lèvres de Saint-Just et de ses infâmes complices, mais qui est dans tous vos cœurs, vous en commande l’anéantissement, et elle ne vous le commandera pas en vain. Votre comité de législation vous propose donc de briser les fers du citoyen Roques, et il croit pouvoir vous le proposer sans s’être concerté préalablement avec votre comité de sûreté générale, parce que là où l’iniquité est évidente la réparation ne peut souffrir le moindre retard sans que la justice nationale soit violée, sans que les droits du peuple soient compromis. Voici, au surplus, les preuves de civisme, de probité et de bravoure, que le citoyen Hecht a jointes à sa pétition. Le rapporteur lit aussi trois certificats délivrés au citoyen Roques, par la compagnie dont il est capitaine, par le conseil d’administration de son bataillon, et par les grenadiers, sous-officiers et officiers du même corps (l). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [MERLIN (de Douai), au nom de] son comité de législation, décrète : « Art. I. - Le jugement du tribunal criminel militaire du premier arrondissement de l’armée du Rhin, érigé en commission révolutionnaire par Saint-Just et Lebas, en date du 24 brumaire, qui condamne Jean -Jacques Roques, capitaine commandant le 1er bataillon des grenadiers de Saône-et-Loire, à être détenu jusqu’à la paix, est annullé. « II. - Jean-Jacques Roques est réintégré dans ses fonctions; ses appointemens, qui ont couru depuis le dernier paiement qu’il en a reçu, lui seront payés sur la présentation du présent décret. « Le présent décret ne sera point imprimé ; il sera inséré, ainsi que le rapport, au bulletin de correspondance; et il en sera adressé une expédition manuscrite au général en chef de l’armée du Rhin. « Le comité de salut public est chargé d’examiner la conduite des juges qui ont rendu le jugement ci-dessus, et de prendre à leur égard les mesures prescrites par la loi. » [Applaudissements] (2). La séance est suspendue (3). (1) Mon., XXI, 357-358. (2) P.V., XLII, 267. Minute de la main de Merlin (de Douai). Décret n° 10 166. M.U., XLII, 217-219; Débats, n° 678, 222-224; Rép., n°223; J. Sablier, nos 1469, 1470; Audit, nat., n° 675; J. Fr., n° 675; J. Perlet, n° 676; Ann. R.F., n° 242. Mention in J. Mont., n° 94, 777; F.S.P., n° 391 J.S. Culottes, n° 531 ; J. Jacquin, n° 733. Voir ci-dessus, séance du 7 therm., n° 50. (3) P.V., XLII, 267. Rédigé En exécution du décret du 3 brumaire an IV. Signé, Henhy-Lariviêbe, Bailly, Delecloy, VlLLERS, LaURENCEOT. Voir, ci-dessus, fin de la séance du 2 therm. II. SÉANCE DU 11 THERMIDOR AN II (SOIR) (29 JUILLET 1794) - N°8 651 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [MERLIN (de Douai), au nom de] son comité de législation sur la pétition de la citoyenne Hecht, tendante à faire annuller le jugement de la ci-devant commission révolutionnaire établie à Strasbourg par Saint-Just et Lebas, en date du 21 brumaire, qui a condamné son mari, apothicaire en la même commune, à 15,000 liv. d’amende pour vente faite par un de ses commis de deux onces de rhubarbe et de manne au prix de 54 sous; « Considérant premièrement que ce jugement n’est signé d’aucun des juges qui compo-soient la commission révolutionnaire de Strasbourg; secondement, que le citoyen Hecht n’a été ni assigné ni entendu devant eux; troisièmement, que la loi du 20 septembre 1793 (vieux style) n’assujettissoit point les drogues au maximum.', « Déclare que le jugement ci-dessus est nul, et décrète que l’amende y mentionnée sera restituée à la citoyenne Hecht, en justifiant du paiement qu’elle allègue en avoir fait. « Le présent décret ne sera point imprimé ; il sera inséré, ainsi que le rapport, au bulletin de correspondance. Il en sera adressé une expédition manuscrite à la trésorerie nationale » (l). [ Applaudissements ]. 8 MERLIN (de Douai) : le second jugement dont j’ai à vous rendre compte n’est pas moins curieux que le premier. Une section du tribunal de Saint-Just et de Lebas se transporte à Mirecourt. Le 24 frimaire, un de ses satellites trouve dans un café un brave militaire, nommé Jean-Jacques Roques, âgé de vingt-neuf ans, élevé par ses talents, son civisme et son courage, au grade de capitaine commandant le 1er bataillon des grenadiers de Saône-et-Loire. Ce digne défenseur de la liberté faisait une partie de piquet; il n’en fallut pas davantage pour le dénoncer à un tribunal qui, par le titre même de son institution, ne pouvait juger que les conspirateurs. Au même instant, réquisitoire de l’accusateur public, et voici ce que le tribunal prononce : « Ledit Roques interrogé, et quatre témoins entendus, il est résulté de leurs dépositions que Jean-Jacques Roques est un joueur de profession et réputé suspect. « En conséquence, le tribunal, ouï l’accusateur militaire, a déclaré et déclare ledit Roques homme suspect, et arrête que, comme tel, il sera renfermé jusqu’à la paix dans la maison d’arrêt de Mire-court. » Le recours au tribunal de cassation n’est pas plus ouvert contre ce jugement que contre celui dont je vous parlais tout à l’heure; mais les repré-(l) P.V., XLII, 266. Minute de la main de Merlin (de Douai). Décret n° 10 165. Reproduit dans Bm, 12 therm. ; Mon., XXI, 357-358; Rép., n° 223; J. Sablier, nos 1469, 1470; Audit, nat., n° 675; Ann. R.F., n°242; J. Fr., n° 675; J. Perlet, n° 676. Mention in J. Mont., n° 94, 777 ; F.S.P., n°391; J.S. Culottes, n°531; J. Jacquin, n° 733. sentants du peuple ne peuvent pas plus laisser subsister l’un que l’autre. La justice, qui n’était que sur les lèvres de Saint-Just et de ses infâmes complices, mais qui est dans tous vos cœurs, vous en commande l’anéantissement, et elle ne vous le commandera pas en vain. Votre comité de législation vous propose donc de briser les fers du citoyen Roques, et il croit pouvoir vous le proposer sans s’être concerté préalablement avec votre comité de sûreté générale, parce que là où l’iniquité est évidente la réparation ne peut souffrir le moindre retard sans que la justice nationale soit violée, sans que les droits du peuple soient compromis. Voici, au surplus, les preuves de civisme, de probité et de bravoure, que le citoyen Hecht a jointes à sa pétition. Le rapporteur lit aussi trois certificats délivrés au citoyen Roques, par la compagnie dont il est capitaine, par le conseil d’administration de son bataillon, et par les grenadiers, sous-officiers et officiers du même corps (l). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [MERLIN (de Douai), au nom de] son comité de législation, décrète : « Art. I. - Le jugement du tribunal criminel militaire du premier arrondissement de l’armée du Rhin, érigé en commission révolutionnaire par Saint-Just et Lebas, en date du 24 brumaire, qui condamne Jean -Jacques Roques, capitaine commandant le 1er bataillon des grenadiers de Saône-et-Loire, à être détenu jusqu’à la paix, est annullé. « II. - Jean-Jacques Roques est réintégré dans ses fonctions; ses appointemens, qui ont couru depuis le dernier paiement qu’il en a reçu, lui seront payés sur la présentation du présent décret. « Le présent décret ne sera point imprimé ; il sera inséré, ainsi que le rapport, au bulletin de correspondance; et il en sera adressé une expédition manuscrite au général en chef de l’armée du Rhin. « Le comité de salut public est chargé d’examiner la conduite des juges qui ont rendu le jugement ci-dessus, et de prendre à leur égard les mesures prescrites par la loi. » [Applaudissements] (2). La séance est suspendue (3). (1) Mon., XXI, 357-358. (2) P.V., XLII, 267. Minute de la main de Merlin (de Douai). Décret n° 10 166. M.U., XLII, 217-219; Débats, n° 678, 222-224; Rép., n°223; J. Sablier, nos 1469, 1470; Audit, nat., n° 675; J. Fr., n° 675; J. Perlet, n° 676; Ann. R.F., n° 242. Mention in J. Mont., n° 94, 777; F.S.P., n° 391 J.S. Culottes, n° 531 ; J. Jacquin, n° 733. Voir ci-dessus, séance du 7 therm., n° 50. (3) P.V., XLII, 267. Rédigé En exécution du décret du 3 brumaire an IV. Signé, Henhy-Lariviêbe, Bailly, Delecloy, VlLLERS, LaURENCEOT. Voir, ci-dessus, fin de la séance du 2 therm. II.