633 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 avril 1790.] sent mois et dans le mois prochain, qui nécessitent ce secoursextraordinaire, ainsique des fonds dont on doit présumer la rentrée ou craindre le déficit dans ces deux mois; ensemble l’état effectif des deniers existant dans les différentes caisses du Trésor public, et des impositions directes sur lesquelles il y aurait retard de paiement ou de remise, soit de la part des provinces, soit de la part des receveurs généraux. Décrète, en outre, qu’en conformité de ses précédents décrets, sanctionnés par le roi, lous les registres de recette et dépense relatifs à l’administration des finances, notamment ceux connus sous le nom de registres de décisions, ceux des ordonnances sur le Trésor public, et toutes autres pièces qui seront demandées par les comités, leur seront envoyées pour en prendre la communication libre et telle qu’ils aviseront, à l’exception des registres actuels et courants qui sont d’un besoin journalier pour le service des bureaux, et des feuilles originales qui ne sauraient être déplacées sans danger ou sans retard pour l’administration. M. Pison du Galand. Je fais la motion que le comité des linances soit spécialement chargé de prendre une connaissance détaillée des états annuels de recettes et de dépenses depuis et y compris l’année 1789, et d’en mettre le résultat sous les yeux de l’Assemblée. M. de JHontesquiou observe, à cet égard, que plusieurs décrets antérieurs ont pourvu suffisamment à l’objet de cette motion. Il demande l’ordre du jour qui est prononcé. M. Barrère de Vieuzac fait un rapport, au nom du comité des domaines, sur la vente et l'aliénation des domaines de la couronne { 1). Messieurs, l’Assemblée nationale a décrété, le 19 décembre 1789, qu’il serait aliéné jusqu’à concurrence dequatre cents millions des biens du domaine et du clergé, pour êire employés à l’amortissement de la dette publique et à la garantie des nou veaux engagemen ts de la caisse d’escom pte; ainsi, l’ancien principe de l’inaliénabilité du domaine paraît avoir été anéanti, sans avoir été discuté. Nous sommes loin de défendre aujourd’hui une maxime que l’on avait regardée dans d’autre temps comme utile pour la conservation des domaines, et qui peut être considérée, dans l’état actuel des choses, comme inutile. Mais nous avons cru qu’il n’aurait pas été conforme aux vues de sagesse qui président à vos décrets, de la révoquer sans l’avoir discutée, et de ne la décider que par le simple fait. Nous observerons donc qu’un principe, consacré par le vœu de plus de dix assemblées d’Etats généraux, méritait que l’on employât quelques instants à le discuter, parce qu’il était important d’en démontrer les inconvénients, et qu’il était essentiel de bien détruire l’opinion ancienne, pour bien fixer la confiance publique et pour rendre l’aliénation plus avantageuse. Quand il s’agit de détruire, même ce que l’on pourrait appeler ou une vieille erreur affermie par huit ou neuf cents ans d’habitude, par bien exprimé d’une foule d’Etats généraux et par un grand nombre de lois célèbres, il paraît nécessaire d’apporter de la réflexion et de la maturité dans la révoca-(1) Lt Moniteur ne donne qu’un sommaire du rapport. tion, afin que l’on ne craigne point de voir rétablir, par une législature postérieure, un préjugé que l’Assemblée actuelle n’aurait détruit qu’im-plicitement, sans abroger une foule de lois antérieures très solennelles. Nous ajouterons que le décret qui a été rendu exigeait plus de précision. En effet, il fallait révoquer formellement les anciennes lois, motiver cette révocation, et prononcer que les aliénations ordonnées seraient faites à titre incommutable et perpétuel. Il est certain que décider vaguement qu’il sera aliéné des domaines, ce n’est pas détruire le principe de l’inaliénabilité d’une manière exnresse, puisque, dans différents temps et par différentes lois, l’aliénation du domaine a été ordonnée, quelquefois même à perpétuité; mais toutes ces aliénations ont élé considérées comme toujours révocables : ainsi, le mot aliénation, simplement énoncé dans le décret de l’Assemblée nationale, n’est pas suffisant pour décider positivement que le domaine est aliénable. Examinons donc si la nation doit et peut aliéner. Pour y parvenir, nous discuterons d’abord les principes établis par les ordonnances du royaume sur les domaines, et nous espérons de démontrer la nécessité de changer la maxime de l’ina-liônabilité qui a été jusqu’à présent en vigueur. Nous vous présenterons ensuite le tableau des propriétés domaniales actuellement disponibles et aliénables. PREMIÈRE PARTIE. Sur la maxime de V inaliénabilité des domaines. C’est une vérité générale, fondée sur l’expérience dans l’administration des choses publiques, que les frais de régie absorbent presque toujours une grande partie du produit. L’administration des domaines corporels ou territoriaux doit réunir encore plus de vices et d’inconvénients que les autres administrations publiques. D’abord on répare peu et à grands frais ; ensuite des formes dispendieuses sont nécessaires pour constater, ordonner, vérifier et recevoir les réparations. Quant aux frais, le roi a cette préférence bien marquée, qu’ils sont plus considérables et plus chers pour lui qu’ils ne le seraient pour des particuliers. S’agit-il du revenu? tont concourt à l’atténuer. Les baux à ferme sont passés par des préposés qui n’ont jamais vu les biens qu’ils afferment, ou qui ne les connaissent que très superficiellement. Les baux sont à terme fixe. Le fermier, qui s’attend bientôt à voir expirer son bail, ou qui voit sans cela une éviction possible par don, échange, apanage ou engagement, cultive sans intérêt, n’améliore jamais et détruit prevue toujours. Tels sont, sans douie, les motifs qui ont atténué le revenu des biens domaniaux corporels, tandis que toutes les autres terres procurent des accroissements successifs dans le revenu et dans le prix ; les conserver dans cet état d’administration et d’inaliénabiiité, ce serait priver le Trésor public de toutes les augmentations de valeur dont cette portion de biens est susceptible dans la main des particuliers, au moyen des ventes. Un motif plus puissant encore est pris de l’insuffisance évidente des domaines, pour la dépense ordinaire de nos rois. Dans l’état actuel, le domaine et les bois doi-