358 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE confiance publique qu’ils avoient eu l’art perfide d’usurper. Partout le peuple a passé rapidement de l’indignation au mépris pour les conjurés, et du mépris à l’oubli de leur mémoire, pour ne s’occuper que de la patrie et de la représentation nationale (1). [Pour moi, j’étais bien déterminé à me servir des fusils de la nouvelle manufacture que je viens de fonder pour exterminer le nouveau Pisistrate et ses vils sicaires. DELBREL : Je demande que le fait énoncé par Lakanal soit inséré, avec mention honorable, au procès-verbal] (2). On demande l’insertion de ce récit au procès-verbal : cette proposition est décrétée. [Applaudissements]. 30 Le président annonce que Fouquier-Tin-ville est amené à la barre. La Convention ordonne qu’il soit admis. Le président accorde la parole. Fouquier-Tinville dit en substance qu’informé que le décret d’arrestation lancé contre lui avoit pour base principale des conférences présumées entre lui et Robespierre, il a cru devoir demander d’être admis à la barre pour s’expliquer; Que dans les premiers temps de l’établissement du gouvernement révolutionnaire, le tribunal révolutionnaire et l’accusateur public n’avoient point de relation directe avec le comité de salut public, qu’il ne s’y rendoit qu’autant qu’il étoit mandé; qu’il en avoit de plus fréquentes avec le comité de sûreté générale, que cependant il ne se rendoit également à celui-ci qu’autant qu’il étoit mandé; qu’il y a environ 4 mois, il reçut les ordres du comité de salut public de correspondre avec lui; que, s’y étant rendu, il trouva Robespierre dans la première pièce de ce comité, qui lui fit une scène violente, lui dit que le comité vouloit qu’il lui rendît assidûment compte des opérations du tribunal révolutionnaire, et lui intima l’ordre exprès de venir chaque jour au comité de salut public (3). [FOUQUIER : Je lui dis que je n’étais pas dans l’usage de le faire, que je n’en avais point encore reçu l’ordre, mais que je le ferais, si c’était l’intention du comité. Il me répondit, avec ce ton despotique qu’on lui a connu, « que le comité le voulait ainsi » (4)]. (1) P.-V., XLIII, 121. Reproduit au ff", 22 therm. (2) Fin du récit de Lakanal selon le Moniteur (réimpr.), XXI, 437; F.S.P., n° 400; Mess. Soir, n° 719; J. Sablier, n° 1488; Rép., n° 232; Audit, nat., n° 684; J. Fr., n° 683. (3) P.-V., XLIII, 122. (4) Moniteur (réimpr.), XXI, 437; Débats, n° 688, 381. Qu’il s’y rendit ensuite [au comité de salut public], et pendant plusieurs jours ne vit que Robespierre tout seul dans la première pièce, où il lui faisoit sans cesse des reproches sur ce qu’il ne faisoit pas juger tels ou tels individus; qu’il fut cependant un jour introduit dans le comité, c’était à l’époque du procès d’Hébert, et qu’il y rendit successivement compte de ce qui concernoit cette faction. Qu’avant que la loi du 22 prairial fût rendue, informé qu’on avoit le projet de restreindre le nombre des jurés à 7 ou 9, il fut au comité, où, en présence de plusieurs membres, il dit qu’il trouvoit cette mesure dangereuse; qu’à ces mots, Robespierre s’emporta, et lui répondit qu’il n’y avoit que des aristocrates qui pussent raisonner ainsi; qu’il a appris depuis que cette observation avoit failli le faire rayer du tableau des membres du tribunal (U; [FOUQUIER : et il serait à désirer que je l’eusse été. On m’a ajouté que Robespierre avait le projet de me faire arrêter; il paraît qu’il ne put parvenir ni à l’une ni à l’autre de ses fins, puisque j’ai été conservé (2)]. Que quand la loi du 22 prairial parut, il la trouva affreuse, mais qu’il n’osa pas en parler au comité de salut public à cause de Robespierre; qu’il en témoigna son mécontentement à quelques membres du comité de sûreté générale, tels qu’Amar, Voulland et Vadier, qui lui dirent qu’ils s’occuperoient à en faire réformer quelques articles. Que dans l’affaire de Danton il avoit écrit au comité pour savoir s’il devoit entendre des témoins à décharge; qu’il reçut un décret qui lui ferma la bouche, et qu’il fut forcé d’obéir. Que dans l’affaire de Gay-Vernon, frère du député, et de l’adjudant général Barthélémy, n’ayant point trouvé de chefs d’accusation à proposer, Robespierre lui reprocha d’avoir l’intention de les sauver, et lui ordonna, au nom du comité, d’apporter les pièces; à quoi il se crut obligé de déférer, et remit effectivement ces pièces au comité (3). [FOUQUIER : Robespierre me dit : « J’ai appris que vous aviez le projet de faire élargir ces deux individus; je vous ordonne, au nom du comité, d’apporter les pièces ». Je lui répondis que c’était au tribunal à examiner l’affaire, et à prononcer la mise en liberté, s’il y avait lieu. Le citoyen Gay-Vernon vint me demander pourquoi je ne faisais pas sortir son frère, qui n’était pas coupable; je lui répondis que j’avais eu la main forcée, qu’il pouvait dénoncer le fait à la Convention, et que je le soutiendrais (4)]. Il proteste qu’il n’a été de sa vie chez Robespierre, et qu’il n’a jamais eu de com-(1) P.-V., XLIII, 122-123. (2) Moniteur (réimpr.), XXI, 437. (3) P.-V., XLIII, 123. (4) Moniteur (réimpr.), XXI, 438. 358 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE confiance publique qu’ils avoient eu l’art perfide d’usurper. Partout le peuple a passé rapidement de l’indignation au mépris pour les conjurés, et du mépris à l’oubli de leur mémoire, pour ne s’occuper que de la patrie et de la représentation nationale (1). [Pour moi, j’étais bien déterminé à me servir des fusils de la nouvelle manufacture que je viens de fonder pour exterminer le nouveau Pisistrate et ses vils sicaires. DELBREL : Je demande que le fait énoncé par Lakanal soit inséré, avec mention honorable, au procès-verbal] (2). On demande l’insertion de ce récit au procès-verbal : cette proposition est décrétée. [Applaudissements]. 30 Le président annonce que Fouquier-Tin-ville est amené à la barre. La Convention ordonne qu’il soit admis. Le président accorde la parole. Fouquier-Tinville dit en substance qu’informé que le décret d’arrestation lancé contre lui avoit pour base principale des conférences présumées entre lui et Robespierre, il a cru devoir demander d’être admis à la barre pour s’expliquer; Que dans les premiers temps de l’établissement du gouvernement révolutionnaire, le tribunal révolutionnaire et l’accusateur public n’avoient point de relation directe avec le comité de salut public, qu’il ne s’y rendoit qu’autant qu’il étoit mandé; qu’il en avoit de plus fréquentes avec le comité de sûreté générale, que cependant il ne se rendoit également à celui-ci qu’autant qu’il étoit mandé; qu’il y a environ 4 mois, il reçut les ordres du comité de salut public de correspondre avec lui; que, s’y étant rendu, il trouva Robespierre dans la première pièce de ce comité, qui lui fit une scène violente, lui dit que le comité vouloit qu’il lui rendît assidûment compte des opérations du tribunal révolutionnaire, et lui intima l’ordre exprès de venir chaque jour au comité de salut public (3). [FOUQUIER : Je lui dis que je n’étais pas dans l’usage de le faire, que je n’en avais point encore reçu l’ordre, mais que je le ferais, si c’était l’intention du comité. Il me répondit, avec ce ton despotique qu’on lui a connu, « que le comité le voulait ainsi » (4)]. (1) P.-V., XLIII, 121. Reproduit au ff", 22 therm. (2) Fin du récit de Lakanal selon le Moniteur (réimpr.), XXI, 437; F.S.P., n° 400; Mess. Soir, n° 719; J. Sablier, n° 1488; Rép., n° 232; Audit, nat., n° 684; J. Fr., n° 683. (3) P.-V., XLIII, 122. (4) Moniteur (réimpr.), XXI, 437; Débats, n° 688, 381. Qu’il s’y rendit ensuite [au comité de salut public], et pendant plusieurs jours ne vit que Robespierre tout seul dans la première pièce, où il lui faisoit sans cesse des reproches sur ce qu’il ne faisoit pas juger tels ou tels individus; qu’il fut cependant un jour introduit dans le comité, c’était à l’époque du procès d’Hébert, et qu’il y rendit successivement compte de ce qui concernoit cette faction. Qu’avant que la loi du 22 prairial fût rendue, informé qu’on avoit le projet de restreindre le nombre des jurés à 7 ou 9, il fut au comité, où, en présence de plusieurs membres, il dit qu’il trouvoit cette mesure dangereuse; qu’à ces mots, Robespierre s’emporta, et lui répondit qu’il n’y avoit que des aristocrates qui pussent raisonner ainsi; qu’il a appris depuis que cette observation avoit failli le faire rayer du tableau des membres du tribunal (U; [FOUQUIER : et il serait à désirer que je l’eusse été. On m’a ajouté que Robespierre avait le projet de me faire arrêter; il paraît qu’il ne put parvenir ni à l’une ni à l’autre de ses fins, puisque j’ai été conservé (2)]. Que quand la loi du 22 prairial parut, il la trouva affreuse, mais qu’il n’osa pas en parler au comité de salut public à cause de Robespierre; qu’il en témoigna son mécontentement à quelques membres du comité de sûreté générale, tels qu’Amar, Voulland et Vadier, qui lui dirent qu’ils s’occuperoient à en faire réformer quelques articles. Que dans l’affaire de Danton il avoit écrit au comité pour savoir s’il devoit entendre des témoins à décharge; qu’il reçut un décret qui lui ferma la bouche, et qu’il fut forcé d’obéir. Que dans l’affaire de Gay-Vernon, frère du député, et de l’adjudant général Barthélémy, n’ayant point trouvé de chefs d’accusation à proposer, Robespierre lui reprocha d’avoir l’intention de les sauver, et lui ordonna, au nom du comité, d’apporter les pièces; à quoi il se crut obligé de déférer, et remit effectivement ces pièces au comité (3). [FOUQUIER : Robespierre me dit : « J’ai appris que vous aviez le projet de faire élargir ces deux individus; je vous ordonne, au nom du comité, d’apporter les pièces ». Je lui répondis que c’était au tribunal à examiner l’affaire, et à prononcer la mise en liberté, s’il y avait lieu. Le citoyen Gay-Vernon vint me demander pourquoi je ne faisais pas sortir son frère, qui n’était pas coupable; je lui répondis que j’avais eu la main forcée, qu’il pouvait dénoncer le fait à la Convention, et que je le soutiendrais (4)]. Il proteste qu’il n’a été de sa vie chez Robespierre, et qu’il n’a jamais eu de com-(1) P.-V., XLIII, 122-123. (2) Moniteur (réimpr.), XXI, 437. (3) P.-V., XLIII, 123. (4) Moniteur (réimpr.), XXI, 438. SÉANCE DU 21 THERMIDOR AN II (8 AOÛT 1794) - N° 30 359 munication avec lui qu’au comité; il ajoute que, quant à Kellermann, Robespierre voulut savoir quels étoient les députés qui avoient déposé à sa décharge, mais qu’il résista en disant qu’il ne s’en rappeloit pas; que Robespierre insista, en lui disant, n’est-ce-pas Dubois-Crancé et Gauthier ? A quoi lui, Fouquier-Tïnville, refusa toujours de répondre; qu’il en fut de même à l’égard du général Hoche. Quand aux listes qu’on l’accuse d’avoir communiquées à Robespierre, il nie lui en avoir jamais communiqué, ce qui d’ailleurs étoit d’autant moins nécessaire, dit-il, que Dumas, son espion, lui rendoit tout ce qui se passoit au tribunal; qu’à la vérité il existoit un arrêté du comité de salut public, portant que chaque décade il fourniroit l’état de ceux qui dévoient être mis en jugement pendant la décade, et chaque soir la liste de ceux qui avoient été acquittés pendant la journée : à propos de quoi il ajoute que ceux qui por-toient cette liste recevoient des observations fâcheuses de Robespierre. Qu’il n’a jamais assisté à aucun conciliabule, ni reçu d’ordres de Robespierre isolément. Il parle d’un repas auquel il s’est trouvé chez Lecointre de Versailles, où, en présence du citoyen Merlin (de Thionville), il a parlé désavantageusement de Robespierre; ce qui lui a valu d’être accusé de conspirer avec des députés contre Robespierre, avec lequel il nie d’avoir jamais eu aucune relation. Il ajoute que le citoyen Martel doit se rappeler qu’étant question de ces prétendues relations, il les a niées, et a toujours soutenu qu’il n’en avoit qu’avec le comité de salut public. Un membre [MERLIN (de Thionville)] demande que Fouquier-Tinville soit tenu de s’expliquer sur la conspiration de l’étranger et sur celle du Luxembourg. Un autre membre [BREARD] demande qu’il s’explique sur l’affaire de Catherine Théos. [Plusieurs voix : Point de discussion], Un troisième membre [TALLIEN] s’oppose à ce qu’on fasse subir à Fouquier-Tinville un interrogatoire sur des faits particuliers; mais il demande que, s’il a des déclarations à faire, relatives à l’intérêt général et au salut public, il fasse ces déclarations (1). [TALLIEN : La Convention ne doit pas faire subir d’interrogatoire à Fouquier. Il avait demandé à être entendu ici sur des choses très importantes, et jusqu’à présent je n’ai encore rien entendu qui fût digne d’être recueilli. La conspiration de Robespierre tient à une infinité de fils qui sont encore cachés, et qui seront bientôt découverts; mais il ne convient pas à la Convention d’interroger Fouquier sur des faits (1) P.-V., XLIII, 123-125. particuliers. S’il a des déclarations à faire pour le salut de la patrie, qu’il les fasse spontanément, et un homme comme lui, qui a été initié dans tous les mystères d’iniquités doit savoir des choses précieuses. Je pourrais aussi lui reprocher des faits, mais il est inutile de l’accuser, car depuis longtemps la France l’accuse. Je demande qu’on ne lui fasse pas subir d’interrogatoire à la barre (1)]. La Convention adopte cette dernière proposition. [MERLIN : Je demande qu’on l’entende], Fouquier-Tinville continue, et dit qu’à l’égard de la conspiration du Luxembourg, c’est Lanne qui a été chargé par Robespierre de recueillir ce qui concernoit cette conspiration, et que c’est d’après le rapport de celui-ci qu’on lui a envoyé du comité de salut public une liste de 160 accusés, que Dumas vouloit qu’on mît tous ensemble en jugement, disant que c’étoit l’ordre du comité; qu’il ne le crut pas, et écrivit au comité; mais qu’ayant appris que Robespierre seul avoit décacheté sa lettre, et n’y vouloit pas répondre, il fut le soir au comité qu’il trouva assemblé; qu’il se rappelle d’y avoir vu Collot, Billaud, Saint-Just, Robespierre, et un autre dont il ne se souvient pas bien, mais qu’il croit être le citoyen Carnot, et qu’il fut décidé que ces 160 personnes seroient mises en jugement en trois fois. Qu’ayant reçu l’ordre de porter au comité les pièces relatives à Catherine Théos, après le décret qui avoit ordonné la mise en jugement, il trouva dans la première pièce Dumas, à qui sans doute Robespierre avoit donné parole; qu’étant entré avec lui au comité qui étoit assemblé, il remit sur le bureau les pièces dont Robespierre s’empara; que lorsqu’il commença à les lire, tous les membres sortirent successivement, et qu’il se trouva seul avec Robespierre et Dumas. Le premier lui ordonna de laisser les pièces; ce qu’il fit, et de quoi il rendit compte le lendemain au comité de sûreté générale. Fouquier-Tinville ayant cessé de parler, la Convention nationale ordonne qu’il sera réintégré à la conciergerie (2). La séance a été levée à 4 heures (3). (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 438. (2) P.-V., XLIII, 125-126. Débats, n° 688, 381-383; J. Paris, nos 586 et 587; J.S. -Culottes, n° 541; J. Perlet, n° 685; Ann. R. F., n° 251; Mess. Soir, nos 719 et 720; J. Fr., n° 684; J. Mont., n° 101; F.S.P., n° 400; J. Sablier, n° 1488; Rép., n° 232; Audit, nat., n° 684; Ann. pair., nos DLXXXV, DLXXXVI; M.U., XLII, 351. Mentionné par C. Eg., n° 720. Plusieurs gazettes mentionnent une intervention de Thuriot dans la discussion. (3) Signé [a posteriori] MOLLEVAUT, DELECLOY, P.M. DELAUNAY, POISSON, DERAZEY. Voir Arch. Pari, t. XCIII, fin de la séance du 2 thermidor, p. 372. SÉANCE DU 21 THERMIDOR AN II (8 AOÛT 1794) - N° 30 359 munication avec lui qu’au comité; il ajoute que, quant à Kellermann, Robespierre voulut savoir quels étoient les députés qui avoient déposé à sa décharge, mais qu’il résista en disant qu’il ne s’en rappeloit pas; que Robespierre insista, en lui disant, n’est-ce-pas Dubois-Crancé et Gauthier ? A quoi lui, Fouquier-Tïnville, refusa toujours de répondre; qu’il en fut de même à l’égard du général Hoche. Quand aux listes qu’on l’accuse d’avoir communiquées à Robespierre, il nie lui en avoir jamais communiqué, ce qui d’ailleurs étoit d’autant moins nécessaire, dit-il, que Dumas, son espion, lui rendoit tout ce qui se passoit au tribunal; qu’à la vérité il existoit un arrêté du comité de salut public, portant que chaque décade il fourniroit l’état de ceux qui dévoient être mis en jugement pendant la décade, et chaque soir la liste de ceux qui avoient été acquittés pendant la journée : à propos de quoi il ajoute que ceux qui por-toient cette liste recevoient des observations fâcheuses de Robespierre. Qu’il n’a jamais assisté à aucun conciliabule, ni reçu d’ordres de Robespierre isolément. Il parle d’un repas auquel il s’est trouvé chez Lecointre de Versailles, où, en présence du citoyen Merlin (de Thionville), il a parlé désavantageusement de Robespierre; ce qui lui a valu d’être accusé de conspirer avec des députés contre Robespierre, avec lequel il nie d’avoir jamais eu aucune relation. Il ajoute que le citoyen Martel doit se rappeler qu’étant question de ces prétendues relations, il les a niées, et a toujours soutenu qu’il n’en avoit qu’avec le comité de salut public. Un membre [MERLIN (de Thionville)] demande que Fouquier-Tinville soit tenu de s’expliquer sur la conspiration de l’étranger et sur celle du Luxembourg. Un autre membre [BREARD] demande qu’il s’explique sur l’affaire de Catherine Théos. [Plusieurs voix : Point de discussion], Un troisième membre [TALLIEN] s’oppose à ce qu’on fasse subir à Fouquier-Tinville un interrogatoire sur des faits particuliers; mais il demande que, s’il a des déclarations à faire, relatives à l’intérêt général et au salut public, il fasse ces déclarations (1). [TALLIEN : La Convention ne doit pas faire subir d’interrogatoire à Fouquier. Il avait demandé à être entendu ici sur des choses très importantes, et jusqu’à présent je n’ai encore rien entendu qui fût digne d’être recueilli. La conspiration de Robespierre tient à une infinité de fils qui sont encore cachés, et qui seront bientôt découverts; mais il ne convient pas à la Convention d’interroger Fouquier sur des faits (1) P.-V., XLIII, 123-125. particuliers. S’il a des déclarations à faire pour le salut de la patrie, qu’il les fasse spontanément, et un homme comme lui, qui a été initié dans tous les mystères d’iniquités doit savoir des choses précieuses. Je pourrais aussi lui reprocher des faits, mais il est inutile de l’accuser, car depuis longtemps la France l’accuse. Je demande qu’on ne lui fasse pas subir d’interrogatoire à la barre (1)]. La Convention adopte cette dernière proposition. [MERLIN : Je demande qu’on l’entende], Fouquier-Tinville continue, et dit qu’à l’égard de la conspiration du Luxembourg, c’est Lanne qui a été chargé par Robespierre de recueillir ce qui concernoit cette conspiration, et que c’est d’après le rapport de celui-ci qu’on lui a envoyé du comité de salut public une liste de 160 accusés, que Dumas vouloit qu’on mît tous ensemble en jugement, disant que c’étoit l’ordre du comité; qu’il ne le crut pas, et écrivit au comité; mais qu’ayant appris que Robespierre seul avoit décacheté sa lettre, et n’y vouloit pas répondre, il fut le soir au comité qu’il trouva assemblé; qu’il se rappelle d’y avoir vu Collot, Billaud, Saint-Just, Robespierre, et un autre dont il ne se souvient pas bien, mais qu’il croit être le citoyen Carnot, et qu’il fut décidé que ces 160 personnes seroient mises en jugement en trois fois. Qu’ayant reçu l’ordre de porter au comité les pièces relatives à Catherine Théos, après le décret qui avoit ordonné la mise en jugement, il trouva dans la première pièce Dumas, à qui sans doute Robespierre avoit donné parole; qu’étant entré avec lui au comité qui étoit assemblé, il remit sur le bureau les pièces dont Robespierre s’empara; que lorsqu’il commença à les lire, tous les membres sortirent successivement, et qu’il se trouva seul avec Robespierre et Dumas. Le premier lui ordonna de laisser les pièces; ce qu’il fit, et de quoi il rendit compte le lendemain au comité de sûreté générale. Fouquier-Tinville ayant cessé de parler, la Convention nationale ordonne qu’il sera réintégré à la conciergerie (2). La séance a été levée à 4 heures (3). (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 438. (2) P.-V., XLIII, 125-126. Débats, n° 688, 381-383; J. Paris, nos 586 et 587; J.S. -Culottes, n° 541; J. Perlet, n° 685; Ann. R. F., n° 251; Mess. Soir, nos 719 et 720; J. Fr., n° 684; J. Mont., n° 101; F.S.P., n° 400; J. Sablier, n° 1488; Rép., n° 232; Audit, nat., n° 684; Ann. pair., nos DLXXXV, DLXXXVI; M.U., XLII, 351. Mentionné par C. Eg., n° 720. Plusieurs gazettes mentionnent une intervention de Thuriot dans la discussion. (3) Signé [a posteriori] MOLLEVAUT, DELECLOY, P.M. DELAUNAY, POISSON, DERAZEY. Voir Arch. Pari, t. XCIII, fin de la séance du 2 thermidor, p. 372.