527 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791.] posé de 12 juges auxquels e-t exclusivement attribuée, en premier et dernier ressort, la connaissance des délits qui ont troublé ou troubleront l’ordre public dans le eépartement de Paris depuis le 15 juillet jusqu’au jour qui sera déterminé par l’Assemblée nationale. Art. 2. Les 12 juges du tribunal central seront fournis, savoir un par chaque tribunal d’arrondissement, et un par chaque tribunal criminel provisoire séant au palais. Art. 3. Les 12 juges nommés s’assembleront incessamment pour élire leur président, leur greffier, et pour choisir parmi les accusateurs publics des tribunaux d’arrondi-sement, celui qui remplira ses fonctions auprès du tribunal central. Art. 4. Le ministre de la justice indiquera, parmi les 6 commissaires du roi p ès des tribunaux d’arrondis-ement, celui qui exercera auprès du tribunal central. Art. 5. Ledit tribunal central s’assemblera dans le plus court délai possible. M. Iiunjuinals. Nous ne devons pas nous dissimuler que le plan qui vous est p-oposé est un renouve lement passager d’un tribunal pré-vôtal ; si une mesure aussi extraordinaire est nécesS’ire, si elle est indispensable, au moins faut-il quelle soit prise avec réllexion. Nous sommes à la fin de la séance ; voilà 3 heures... (Aux voix ! aux voix!) Un membre: On assassine à toute heure. M. ILanjtiniais. Je demande l’impression du projet et l'ajournement. M. iiewbell. Malgré la défaveur que le préopinant vient d’essuyer et à laquelle je m’attend-, je n’en dirai pas moins mon opinion avec franchise. Dans les temps de défiance, de vengeance et de calomnie où nous vivons, un tribunal souverain prévôtal de 12 personnes me parait, à moi, une création exécrable (Murmures.):, oui, exécr. ble. Il faut être prompt à arrêter, il faut être prompt à instruire les procès pour que les preuves ne se détruisent pas, pour que les coupables ne disparaissent pas. Mais, en temps de troubles, ordonner un jugement précipité, un jugement en dernier ressort, pour qu’on n’ait pas le temps de se justifier, c’est véritablement vouloir que d’honnêtes gens soient les victimes de faux témoignages. (Murmures.) Ce moyen ne doit être déployé que dans le cas où il n’y en aurait fias de constitutionnel. Or, parmi les 6 tribunaux criminels, vous pouvez en nommer un à qui vous donnerez la même attribution que vous voulez donner à ces 12 tyrans (Murmures.)-, mais surtout qu’il y ait ta voie de l’appet. Sans cela, nous sommes sous un gouvernement tyrannique. Plusieurs membres : A demain ! à demain ! (L’Assemblée renvoie à demain la suite de la discussion du projet de décret de M. Salles.) La séance est levée à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DEFERMON. Séance du samedi 23 juillet 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. le Président fait donner lecture par un de MM les secrétai: es : 1° D’ adresses des sociétés des amis de la Constitution établies à Tours et à Digne, dans lesquelles ces citoyens expriment leur respect et leur soumission de la loi ; 2° d’une adresse du conseil général de la commune de Louhans , contenant les mêmes principes ; il demande à l’Assemblée d’être autorisé à élever un autel permanent à la patrie, qui serait consacré au serment annuel des eboyens, et aux actions de giâces qu’ils doivent à l’Etre suprême, pour avoir pioiéué la conquête de la 1 berté. Les citoyens de Louhans se proposent d’élever, en l ice de l’autel, un obélisque où seront gravés en lettres d’or la date ei le sujet de ce glorieux monument, afin de rappeler, à tous les instants, aux enfants de la patrie, et leur félicité, et le devoir sacré de maintenir la Constitution qui en est ia source. (L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention honorable de ces adresses dans le procès-verbal.) Un membre demande que l’Assemblée renvoie au comité ecclésiastique les arrêtés des corps administratifs du département de l’Aude relatifs à la circonscription des paroisses et qu’elle témoigne sa satisfac ion de la conduite qu’a tenue le directoire de ce département, ainsi que la municipalité de Carcassonne, lors des événements du 21 juin dernier. (Cette motion est adoptée.) M. Goudard, au nom du comité d' agriculture et de commerce, fait un rapport sur la nécessité de considérer comme étranger, relativement aux droits de douanes , le village des Hayons , dont la souveraineté est contestée, et qui ne paye à l’Etat aucune imposition directe* ni indirecte ; il s'exprime ainsi : Il existe à environ 3 lieues des frontières de la ci-devant principauté de S dan, un v llage nommé des Hayons. Ce village est séparé du territoire de Sedan par les terres du canton de Bouillon, il et mêmesiiuéau delà de la ville de Bouillon. Les terres de ce canton et de celui de Bouillon l’environnent de toute part. En 1719, U s’e.-t élevé des doutes sur la souveraineté du vil’age des Hayons; et par un arrêt du conseil du 27 février de la même année, il a été réservé de faire droit sur cette question de souveraineté enire le roi de France et le duc de Bouillon. Ce village n’a même jamais été soumis aux impositions directes envers le gouvernement français; il n’est pas seulement désigné dans le tableau de l’arrondissement du district de Sedan. Malgré cette position, les entrepreneurs d’une fabrique de forces et de ferronnerie, établie au village des Hayons, ont la prétention de n’acquitter aucuns droits tant sur les fers et ferrailles qu’ils envoient de la Moncelle aux Hayons, que sur le (1) Cette scanco est incomplète au Moniteur. 528 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791. j fer platiné qu’ils tirent des Hayons à la destination de la Moncelle. Ils ont même obtenu le 2 avril dernier un jugement du district de Sedan, qui, ordonnant la restitution des droits perçue sur les fers platinés, venant desdits Hayons, a défendu aux préposés du bureau de Givonne, de percevoir aucuns droits sur les fers bruts qui seraient transportés de la Moncelle aux Hayons, et qui eu seraient rapportés aplatis. Depuis ce jugement, les fers platinés sont entrés sans acquit de droit; la ferraille est sortie malgré la prohibition. Votre comité d’agriculture et de commerce n’a pas besoin de grands efforts pour vous prouver combien l’exécution de cette disposition serait contraire à vos décrets et aux intérêts de vos finances. Il est sensible que, tant que le village des Hayons ne fera pas partie de l’Empire français, et ne sera conséquemment point assujetti aux mêmes impositions, soit directes, soit indirectes, les fabriques ne doivent point être traitées comme les fabriques nationales de même nature, qui ne pourraient pas soutenir leur concurrence. Aussi votre comité a pensé qu'il ne pouvait rien faire de plus favorable pour les fabriques des Hayons, que de laisser extraire pour leur aliment, nonobstant la prohibition portée à cet égard, uue quantité de vieux fer proportionnée à celle des fers qui seront rapportés platinés desdites forges. li m’a en conséquence chargé de vous proposer le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d’agiicullure et de commerce, décrète que les fers et autres objets qui passeront du village des Hayons, situé à 3 lieues des frontières de la ci-devant principauté de Sedan, dans l’enceinte des barrières, et tout ce qui sortira du royaume pour ledit village, seront soumis aux droits et aux prohibitions réglés par la loi du 15 mars dernier, sans rien préjuger re-lati\ emcnt à la souveraineté sur ledit village; permet cependant de faire sortir en exemption de droits, jusqu’au premier janvier 1793, pour les fabriques du lit village, une quantité de vieux fers proportionnée à celle des fers platinés, qui seront apportés desdites fabriques dans le royaume. » (Ce décret est adopté.) Un membre demande que l’ouverture de la séance du matin soit invariablement fixée à 9 heures précises, et qu’il suit accordé des séances extraordinaires du soir pour la discussion du projet de loi sur les traites. Un membre observe que l’Assemblée n’est pas encore assez nombreuse pour délibérer sur cette proposition. (Cette motion est remise à midi.) M. Frïcaud représente à l’Assemblée qu’il a été saisi plusieurs sommes d’argent sur les frontières, lesquelles sommes sont exportées vers l’étranger, en contravention des décrets; il observe que le comité, à qui ces arrestations ont été dénoncées, n’en a pas encore rendu compte, et il demande que cet objet soit mis, pour demain, à l’ordre du jour. M. d’André. Depuis longtemps, on met à l’ordre du jour un rapport sur la garde soldée de Paris ; tous les jours ce rapport est retardé, et les ennemis du bien public eu profitent pour séparer de nous des soldats de la liberté, qui lui seront toujours lidèles. Je demande que le rapport soit fait sur-le-champ. M. le Président. Je viens de recevoir une lettre de M. de Menou, rapporteur de cette affaire, qui m’annonce que son rapport n’est pas encore prêt en ce moment. (Murmures.) M. Dauchy, au nom du comité d'imposition, présente un projet de décret tendant à décharger le Trésor public des dépenses municipales de la ville de Paris. Ce projet de décret est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, sur le rapport du comité des contributions publiques, décrète : /' Qu’à compter du 1er juillet présent mois, les dépenses municipales de la ville de Paris cesseront d’être à la charge du Trésor public. « Se réserve de sta uer incessamment sur la dépense de la garde nationale soldée de la ville de Paris, et sur le mode de payement des rentes et delt s arriérées de la même ville. •> (Ce décret est adopté.) M. de Montesqufou, au nom du comité des finances, présente un projet de décret concernant le trésorier de la marine et son contrôleur . « L’Assemblée nationale décrète que les articles 8 et 9 de son décret du 17 de ce mois, relatifs au trésorier de la marine et à son contrôleur, seront rapportés, et en ordonne le renvoi à son comité des finances. » (Ce décret est adopté.) Une députation du directoire du district, du conseil général de la commune et de la garde nationale de Meaux , réunis , est introduite à la barre. L'orateur de la députation s’exprime aini : « Messieurs, le district de Meaux, ainsi que le conseil général de la commune, le corps de la garde nationale, nous ont dép ités vers l’Assemblée nationale pour lui présenter une adresse ; nous osons lui demander la permission d’en foire la lecture. (Oui! oui!) « Messieurs, « L’inviolabilité du roi est fondée sur la Constitution que nous avons juré de maintenir : elle met le chef de la nation à l’abri des attentats des factieux; elle garantit la tranquillité publique; et, loin d’être dangereuse pour la liberté, elle en assure les heureux effets, puisque les ministres sont responsables. Toujours semblables à vous-mêmes, toujours fermes et inébranlables dans vos principes, vous n’avez point voulu que la loi pût varier au gré des erreurs passagères d’un roi séduit. En décrétant de nouveau l’inviolabilité de Louis XVI, vous avez affermi la Constitution, et, pour ainsi dire, doublé les raisons qu’il avait de se fier à vous. Puisse ce roi trompé voir ses vrais amis dans les représentants de la nation, comme nous voyous en eux les pères de la patrie I Sachent les factieux qui ont osé protester contre votre décret, que, quand la loi a parlé, tous les citoyeus doivent se taire et obéir I Oui, Messieurs, tels sont nos principes, tels sont ceux de la Constitution que nous jurons de maintenir de tout notre pouvoir. « Achevez, sages législateurs, achevez vos sublimes travaux; comptez sur notre vive reconnaissance. Vous nous trouverez toujours prêts à soutenir l’exécution de vos décrets. Notre union et notre courage feront le désespoir des ennemis du bien public, et nous périrons plutôt que de souffrir que la Constitution reçoive la moindre atteinte. » ( Applaudissements .)