587 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 jnin 1791.] de vivre libres ou de mourir, nous jurons de vaincre. « Je suis, avec respect, etc. « Signé : MERHEL, « Marchand de verres et de cristaux de la ville de Bordeaux, où réside sa famille, et engagé un des premiers dans la garde nationale avec deux de ses fils, ancien dragon du régiment Dauphin et employé comme tel dans les dernières campagnes du Hanovre. » (L’Assemblée applaudit à plusieurs reprises et oraonne qu’il sera fait mention de cette lettre dans le procès-verbal). M. d’Ambly. Messieurs, je ne vous porterais pas de plaintes si on n’avait pas menacé mes jours; c’est parce qu’on n’a pas ménagé ma vie que je vous les porte. 3 communautés ont été chez moi pour avoir des fusils neufs; ma femme leur en a prêté. Ils ont pris mon petit-fils, qui est un enfant, pour leur colonel. Il a eu le courage d’aller avec eux à une demi-lieue de chez moi. Ils ont demandé de l’argent et ont forcé ma femme à leur donner 150 livres. Us ont dit que d’ici à 8 jours il y aurait 7 communautés qui reviendraient encore, sous le prétexte que mon devancier, il y a 25 ans, les a fait désarmer. Certainement, j’ai hérité de ce bien ; il y a ici des députés de Reims qui le certifieront. Je n’ai jamais eu de fusil à personne et je n’ai pas à en donner. Si je dois en livrer, c’est à la justice à me les faire rendre, et non pas aux citoyens à aller à main armée où il n’y a que des femmes et un enfant. Un membre : Je demande à M. d’Ambly de vouloir bien nous dire quelles sont les communautés. M. d’Ambly. Les communautés sont : Gluny, Serzi et Falroche. Ma femme et mon petit-fils voulaient partir : je leur ai écrit de rester. Ils sont sous la protection de la loi, et je suis fort pour donner l’exemple de la fermeté. Dans les provinces, si les propriétés d’un député sont une fois dévastées, que direz-vous pour les autres ? Comment leur ferez-vous la loi? Je prie MM. les journalistes de mettre ma plainte dans toutes les feuilles, pour leur faire voir que je ne les crains pas. Je suis trop vieux pour avoir peur de mourir. (. Applaudissements, ,) M. Chabroud. Messieurs, la plainte de l’honorable préopinant est assurément très légitime; mais je ne crois pas qu’elle doive être adressée à l’Assemblée nationale. Je crois que le préopinant, lésé dans ses biens et dans les personnes de sa famille, doit se pourvoir aux tribunaux. Je crois que si le préopinant est menacé, c’est aux municipalités, c’est aux corps administratifs qu’il doit s’adresser, parce que c’est à ceux qui sont chargés de faire exécuter la loi de donner à tous les citoyens la prtection qu’ils ont droit d’en attendre. J’observerai à l’Assemblée que si, pour un de ses membres, elle dérogeait à la loi générale qui protège tous les citoyens, il en résulterait que les membres de l’Assemblée nationale auraient un privilège, ce qui ne doit pas exister. Un citoyen hors de l’Assemblée, qui éprouverait une pareille injure, ne serait certainement pas admis à la dénoncer; on le renverrait à l’exécution de la loi ou aux officiers qui sont chargés de la faire respecter. Je propose à l’Assemblée de se conduire vis-à-vis de M. d’Ambly comme elle se conduirait vi3-à-vis de tous les autres citoyens, et de passer à l’ordre du jour. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. de Moailles, au nom du comité militaire. Je suis chargé, Messieurs, au nom du comité militaire, de vous présenter deux dispositions. La première a pour objet de ramener dans votre sein des officiers qui ont servi pendant longtemps chez les puissances étrangères, qui y ont acquis de l’expérience, qui y ont montré du talent, et qui n’ont cessé, depuis le commencement de la Révolution, de désirer de revenir dans ce pays où ils n’avaient pas pu servir, parce qu’ils n’étaient pas nobles. Ils ont mérité, par des actions d’éclat, l’estime des puissances chez lesquelles ils ont servi. Le comité militaire a cru que, dans le moment où un grand nombre d’officiers français abandonnaient leur état et leur patrie, il était utile de donner un peu plus de latitude au premier décret que vous avez rendu, et par lequel vous n’avez appelé que ceux qui, ayant servi pour la cause de la liberté en Amérique, avaient continué de servir chez les personnes alliées de la France. Le deuxième décret a pour objet de vous présenter des mesures sur le licenciement des gardes du corps. Voici le premier décret : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité militaire, décrète ce qui suit : « Art. 1er. Les officiers français qui avaient passé au service d’une puissance étrangère, et qui, depuis la Révolution, ont demandé à rentrer dans celui de leur pairie, pourront y être reçus s’ils en sont susceptibles par leurs talents, leur expérience et leur patriotisme. « Art. 2. Tout officier d’uu patriotisme reconnu et déclaré sera susceptible du grade d'aide de camp, laissé à la disposition des officiers généraux pour le premier choix seulement. » M. lie Chapelier. Il me paraît que les expressions dont on s’est servi dans le premier article sont bien vagues. On y dit : « qui l'auront mérité par leur expérience leurs talents et leur patriotisme. » Ce serait un moyen d’introduire beaucoup d’arbitraire dans cette admission. Un officier français, qui a servi chez les puissances étrangères et qui veut rentrer en France au moment où sa patrie se régénère, me paraît mériter assez de considération pour qu’on ne laisse pas à l’arbitraire de je ne sais qui, la question de savoir s’il doit être admis ou non. Sans présenter une autre rédaction, je voudrais au moins que les mots prêtassent moins à l’arbitraire que ceux dont on s’est servi. M. Gombert. Nous avons encore de braves gens à remplacer, ce sont les grenadiers royaux licenciés, ainsi que les officiers de la milice. Ges braves gens, pour la majeure partie, sont engagés dans la garde nationale, ont été nommés chefs de ces troupes et les instruisent. Le sort des officiers de grenadiers royaux a éié fixé de telle manière que, dans ce moment, iis sont appelés de droit à tous les emplois vacants. On a seulement voulu ménager aux officiers qui se sont distingués chez les puissances étrangères, aux officiers qui ont été appelés même dans les grades distingués, ce moyen de venir servir la France; et l’on peut remarquer qu’il en est, parmi ceux 588 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 129 juin 1791.j dont on parle, qui n’ont cessé de demander à l’Assemblée de servir la patrie. Il en est dont le roi de Prusse, Frédéric, faisait un tel cas, qu’il les avait placés à la tête de son école de guerre. Ce sont ces mêmes hommes qui, n’étant pas nés nobles, ont été continuellement exclus de notre service; qui, aujourd’hui, trouvant ies mesures différentes, et sachant qu’il y a une foule de places vacantes, et qu’on peut occuper, ne demandent pas mieux que de se soumettre à tous les examens d’usage. Mais ils demandent de servir dans un moment où le patriotisme doit être une des premières vertus nécessaires avec l’expérience, celle qui est certainement la plus utile. M. d’Estonrmel. Quoi qu’il y ait un grand avantage à faire rentrer les officiers de service qui se sont expatriés, je ne crois pas qu’ils aient mérité le très grand éloge qu’on nous en a fait, parce que je doute qu’ils aient pu l’acquérir depuis 10 ans; ou du moins il n’v en aura qu’un très petit nombre qui ont assez de talents pour pouvoir l’emporter sur tous les autres. Mais je crois que. quand aous avons des officiers réformés par nos décrets, à qui ou a ôté la possibilité de rentrer au service, il faut que ces demandes soient renvoyées au comité des pensions. Vous avez encore une autre classe d’hommes qui, certainement, sont bien dans vos décrets: ce sont les gendarmes réformés qui avaient brevet d’officiers, qui se sont tous mis dans la garde nationale, et qui, dans ce moment-ci, ont presque tous demandé des emplois dans la gendarmerie nationale. Il serait injuste qu’ils fussent exclus. Je pense donc que l’article doit être renvoyé au comité. M. Chabroud. A entendre le préopinant, il semblerait que le décret tend à exclure quelqu’un. Ce décret n’a pas un pareil objet; il est fondé sur la déclaration des droits, sur l’égalité qui doit être entre tous les citoyens. Par les usages de l’ancien régime, il était des citoyens qui ne pouvaient pas avancer. Ces citoyens s’étaient expatriés; ils avaient porté ailleurs leurs talents. Le décret que propose le comité militaire ne fait autre chose que leur donner la jouissance d’un droit dont ils ont été longtemps privés. Il ne vous propose aucune préférence; il n’est pas question de les faire passer avant les citoyens qui ont des droits; il est ques'ion de les mettre sur la même ligne. Je demande donc qu’on mette ce décret aux voix. M. Le Chapelier. Je suis aussi d’avis qu’il faut, autant qu’il est en nous, et autant que la déclaration des droits le prescrit, séparer l’injustice qui a été la suite de l’ancien régime. J’appuie fortement le décret, et je n’en critique que la rédaction. Je demanderais qu’au lieu des mots trop généraux : « leurs talents, leurs services , leur patriotisme pourront leur mériter, » il fût dit: « Tout officier français qui a passé au service des puissances étrangères, et qui s'est déterminé à rentrer en France , pourra être employé dans les troupes françaises, chacun suivant leurs grades. » • M. de Wimpfen. Le comité adopte l’amendement deM. Le Chapelier et vous propose le décret suivant : « Les officiers français qui auraient passé au service des puissances étrangères, et qui, depuis la Révolution, ont demandé à rentrer au service de leur patrie, pourront y être reçus, ainsi que les officiers des régiments provinciaux. » M. Lavïe. Je demande, par sous-amendement, que tous ceux qui n’ont pas continué ce service dans quelque corps, ou ceux qui n’auraient pas servi dans les gardes nationales eu soient exclus nominativement. M. Gaultier-Biauzat. La condition que l’on propose d’exiger, que les officiers dont il s’agit doivent justifier qu’ils ont servi dans la garde nationale me paraît trop vague. Je demande que le projet de décret soit renvoyé au comité militaire, pour être rapproché des'décrets précédents. M. Chabroud. Les différentes observations qui ont été faites ne sont pas des amendements à l’article; ce sont d’autres dispositions qui sont proposées. Le comité, qui a pris connaissance en ce moment des demandes qui sont faites par les Français servant en pays étranger, vous propose un décret à leur égard ; d’un autre côté, on vous propose des dispositions relatives aux gendarmes et aux officiers des grenadiers royaux. Il est évident que ce qu’on déclare à l’égard de ceux-ci ne tend point à altérer ce que Je comité vous propose pour les autres. Plusieurs membres : Si ! si ! M. Merlin. Je demande que le projet soit renvoyé au comité, et surtout qu’il soit combiné avec le décret par lequel vous avez prescrit un mode de remplacement pour les officiers qui sont dans le cas d’être destitués. (L’Assemblée décrète le renvoi du projet de décret au comité militaire.) M. de Mouilles, rapporteur. Voici maintenant le projet de décret du licenciement des gardes du corps : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité militaire, décrète ce qui suit : « Art. 1er. Le traitement des officiers, sous-officiers et gardes du corps licenciés par le décret du 27 juin 1791, sera pris sur la liste civile, à compter du 1er juillet 1791. « Art. 2. Tout officier, sous-officier et garde du corps ne pourra ootenir la pension ci-dessous détaillée, qu’autanl qu’il présentera, sous l’espace de 3 mois, au ministre de l’intérieur, des certificats des officiers municipaux ou corps administratifs des lieux qu’il aura habités, depuis le mois d’octobre 1789, qui attesteront qu’il a tenu une conduite sans reproches. « Art. 3. Les officiers, sous-officiers des gardes du corps qui ont 10 années de service, ies campagnes de guerre comprises, recevront le tiers de leurs appointements. Ceux de 10 à 25, la moitié, ceux de 25 à 35, les 2 tiers ; ceux de 35 à 40, les 3 quarts ; ceux de plus de 40, le traitement entier. « Art. 4. Le traitement des officiers, sous-officiers et gardes du corps leur sera payé par semestre. « Art. 5. Seront susceptibles de rentrer dans les troupes de ligne et gendarmerie nationale, les officiers, som-officiers et gardes du corps. » M. Legrand. C’est à la liste civile à payer les pensions et les traitements des gardes du corps. M. de Moailles, rapporteur . Il y a dans les gardes du corps un grand nombre d’individus qui ont rendu de grands services et qui sont dans la misère. Ils sont très inquiets de leur