(Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES, |18 janvier 1791.] m propose le projet de décret suivant, qui est adopté : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur les pétitions des assemblées administratives des départements de la Manche, de l’Indre, des Bouches-du-Rhône, de la Meuse, de Saône-et-Loire, de la Charente, du Loiret, des Deux-Sèvres, des communes de Montauban et de Villeneuve-le-Roi, décrété ce qui suit : « Il sera nommé deux juges de paix dans le canton de Coutances. « Il sera établi des tribunaux de commerce dans les villes de Ghâteauroux, lssoudun, Ta-rascon, Martigues, la Giotat, Angoulême, Tour-nus, Orléans, Montargis, Niort et Montauban. « Les juridictions consulaires actuellement existantes dans quelques-unes de ces villes continueront leurs fonctions, nonobstant tous usages contraires, jusqu’à l’installation des nouveaux juges qui seront élus, installés, et qui prêteront serment dans la forme établie par la loi sur l’organisation de l’ordre judiciaire. La municipalité de Viliefolle, district de Joigny, département de l’Yonne, est supprimée et réunie à celle de Villeneuve-le-Roi. « Il sera, en conséquence, procédé à l’élection d’une nouvelle municipalité pour lesdits lieux. « La paroisse de Rallay demeurera unie au district de Loudun, département de la Vienne. » M. Pezous, qui avait obtenu un congé de six semaines le 1er décembre dernier, fait part à l’Assemblée de son retour et remet son congé sur le bureau. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur les jurés. M. Prugnon (1). Messieurs, deux transactions vous ont été présentées : Tune par le comité, l’autre par M. Troncliet. M. Duport, au nom du comité, a proposé, il y a quelques jours, de transiger sur le principe absolu. Je lui observe d’abord que le principe est comme une jolie femme : lorsqu’elle capitule, elle est bien près d’être prise. {On rit.) Il faut, dit-il, eesacnlice dans la délicatesse du moment. Qu’il me permette de lui observer qu’une loi constitutionnelle n’est pas faite pour le moment, mais pour le temps; que lorsqu’elle ne convient pas au moment, on la décrète constitutionnellement, mais on en suspend l’exécution. Ce principe tombe donc, sous ce premier rapport, dans une grande inconséquence, et je demande sur la transaction la question préalable. Reste maintenant la transaction de M. Tron-cbet. Je crois, Messieurs, que le nouveau mode qu’il a adopté est inférieur en bonté à celui qu’il avait présenté le 5 janvier. Aussi je viens demander la question préalable contre la proposition de M. Troncbet pour appuyer sa première proposition. Première question à discuter. La conviction morale est-elle supérieure à la certitude que peut présenter la preuve qu’on appelle légale, et faut-il s’en tenir à cette conviction ? Seconde question. La preuve écrite est-elle destructive de l’institution des jurés ? Enfin, en adoptant la procédure mixte, conservera-t-on dans tous les cas le moyen de convaincre les té-(1) Nous empruntons ce document au Journal logo-graphique , t. XX, p. 170. moins de parjure et d’user de la voix de la révision? Comment la levision se lance-t-elle dans l’homme? Sans me jeter, Messieurs, dans des discussions métaphysiques que l’on ne peut saisir que de ta pointe de l’imagination et qui échappent dès qu’on en fait l’analyse, je crois pouvoir dire qu’il y a nécessairement deux convictions : la conviction sentie et la conviction raisonnée. Faut-il préférer la première à la seconde, l’instinct à la raison, et lorsque Ton a deux moyens d’arriver à la vérité, peut-on se réduire à un seul? Le comité n’est-il pas un peu le peintre de la chimère? A l’entendre on croirait que la vérité va sortir de tous les pores des témoins et de l’accusé; que, les témoins seront là pour la tenir dans leurs mains, qu’iis la tiendront dans leurs mains bien fermées jusqu’au moment où ils se retireront pour délibérer, et, par cette opération magique, on ne verra plus ici un innocent condamné ni un criminel absous. Que Platon ait dit cela il y a bien des années et sous le règne des doctrines occultes, je trouverai cela très convenable; mais qu’à la veille du dix-neuvième siècle on le propose, je m’écrie : 0 altitudo ! Il reste à l’homme un instrument très précieux, c’est sa raison; ne doutez pas qu’il s’en serve dans l’occasion la plus intéressante. Je dis qu’il ne pourra pas s’en servir, si les dépositions ne sont pas écrites pour lui servir de point de ralliement. Juger, c’est comparer ; ainsi pour bien juger il faut avoir sous les yeux les points de comparaison immuables. Si les objets qu’il s’agit de comparer sont absents, comment asseoir un jugement solide, comment combiner ces dépositions entre elles, et sans ces combinaisons, où est le moyen de juger? Ce juré sera-t-il sûr le lendemain qu’il a bien décidé? S’il n’y a plus de (races, comment retrouver la route qu’il a prise? Tout réside donc dans sa volonté intérieure. Mais cette volonté ne laisse pas d’être dans les intervalles des séances, et ces intervalles vont être fréquents et de plusieurs jours, si toutes les affaires étaient assez simples pour que les témoins pussent être entendus et la preuve présentée dans le même jour, je conçois que les hommes qui auront en général le cœur juste et le sens droit pourraient prononcer sur le fait et dire : l’accusé est coupable ou non ; mais dans une procédure un peu chargée, les témoins entendus aujourd’hui qui seront assez éloignés pour ne pouvoir être entendus que sous 3, 4 et même 15 jours, pendant les 15 jours comment la mémoire des jurés conservera-t-elle non pas seulement la déposition des premiers témoins, mais les débats entre eux, l’accusé et son conseil? Quand ensuite il faudra ajouter et de nouvelles dépositions et de nouveaux débats; quand il faudra ordonner et classer tout dans sa tête, cette tâche sera très fort au-dessus des facultés intellectuelles des jurés. Je ne nie point que la conviction morale ne soit précieuse ; mais la question bien précise se réduit à savoir si la question discutée devant les jurés s’oppose à la conviction déjà acquise par l’écriture? Non, sans doute, puisque cette première rédaction sera nette et sommaire, puisqu’elle sera avouée par les jurés et en partie de leur ouvrage. Ainsi quand ils se trouveront dans leur chambre, il sera à peu près possible qu’ils se partagent dans le sens des dépositions écrites, puisque ce sens aura été partagé devant eux et par eux. Mais s’il était possible desesépaier sur le sens des dépositions écrites, il faut convenir qu’il le serait bien davan tage sur celui des dépositions orales qu’ils auraiententendues