338 [Assemblée nationale.] der que les gens de main-morte soient autorisés à prêter à intérêt et à temps, et à demander qu’il soit établi dans ma province une chambre d’hypothèques. M. Target. 11 faut prononcer sur la mption, mais je demande qu’on renvoie à la discussion la partie de l’article qui aura rapport aux gens de main-morte. M. Périsse Du Tue. L’intérêt du prêt de commerce ne peut jamais être fixé par la loi, il ne peut être déterminé que par le cours de la place. Celui qui ne retire pas un intérêt au-dessus du cours de la place ne peut être accusé d’usure. Je propose donc qu’il soit ajouté, par amendement, aux mots, fixés par la ' loi, ceux-ci, ou par le cours des places de commerce. M. Chasset appuie l’amendement de M. Périsse Du Luc, et propose d’ajouter dans le corps de l’article : et les administrations temporelles. M. le vicomte de Mirabeau veut que le taux de l’intérêt ne soit fixé que par la conscience des prêteurs. Il faut, dit-il, être ici un jour financier, un autre jour juge, un autre jour théologien, et toujours législateur ; c’est aujourd’hui le jour de la théologie, et j’avoue, sans honte, que je n’y entends rien. M. le baron Brueys d’Aigallters. Le décret proposé est un décret de principe comme ceux du 4 août. Je demande qu’on décrète aujourd’hui le principe, on renverra ensuite au comité pour les règlements de détail. M. Glezen propose pour amendement que le prêt à intérêt ou à temps soit arrêté, sans néanmoins rien innover aux usages du commerce. M. Target. Il est nécessaire de ne fixer d’autre taux que celui qui résulte de la rareté ou de l’abondance du numéraire. La loi est mauvaise toutes les fois qu’il n’existe aucun moyen sûr de répression, et rien n’avilit la loi comme l’impossibilité de la faire exécuter. Eloignez donc toute fixation de taux, et tenez-vous-en aux conventions particulières. M. le marquis de Bonnay veut qu’on dise : conformément à la loi, sans rien changer aux usages du commerce. M. Bocque de Saint-Pons. En adoptant l’amendement de M. le marquis de Bonnay, vous ruinez l’agriculture. Le cultivateur, dont ies possessions exigent des réparations, des améliorations, ne peut les faire qu’en empruntant; il n’empruntera qu’à ceux qui font valoir l’argent, et ce sont les commerçants, les banquiers, les capitalistes qui, profitant de l’extension qu’ils pourront donner à l’énonciation de la loi, exigeront de l’emprunteur un intérêt considérable, sous le prétexte qu’ils trouveraient ce même intérêt sur la place. M. Deschamps, député de Lyon , demande que le prêt soit permis aux corporations, aux municipalités, aux gens de main-morte, sans entendre déroger aux autres dispositions de l’édit de 1749. M. Beilon prévoit la nécessité de déroger à quelques dispositions de cet édit célèbre. [3 octobre 1789.] M. le Président met aux voix l’amendement concernant les gens de main-morte. 11 est adopté. M. le Président met ensuite aux voix l’ensemble du décret qui est adopté dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale a décrété que tous particuliers, corps, communautés, et gens de main-morte, pourront à l’avenir prêter l’argent à terme fixe, avec stipulation d’intérêt suivant le taux déterminé par la loi, sans entendre rien innover aux usages du commerce. » L’Assemblée arrête ensuite que son président se retirera incessamment devers le Roi pour présenter à sa sanction le présent décret. M. Tilloutreix de Faye, évêque d’Oléron, se lève et déclaré qu’il ne peut adhérer à un décret qu’il considère comme contraire aux lois de l’Eglise. Cette protestation n’a pas de suite. M. le Président dit qu’une députation des bas-officiers de l’hôtel royal des Invalides arrive à l’instant de Paris pour faire hommage à l’As-- semblée d’un don patriotique de 300 livres, et que si l’Assemblée veut, en leur faveur, ne pas renvoyer à la séance du soir l’acceptation de ce sacrifice, les députés seront introduits. La proposition de M. le président est agréée. Les députés introduits à la barre, l’un d’eux dit : Les officiers et soldats des compagnies de Moreau et de Coquebert servant à la garde de’ l’hôtel royal des Invalides, animés, dans tous les temps, du patriotisme le plus sincère, supplient Nosseigneurs les représentants de la nation de vouloir bien leur faire la grâce de recevoir une somme de 300 livres qu’ils se sont empressés de réunir pour coopérer au bien de l’Etat. M. le Président répond : L’Assemblée nationale me charge de vous témoigner combien elle est touchée du nouveau sa-j crifice fait à la patrie par de braves vétérans : elle vous permet d’assister à sa séance. M. le Président demande si M. le comte de Mirabeau est prêt à faire une seconde lecture cju projet d’adresse aux commettants. M. le comte de Mirabeau répond qu’il est aux ordres de l’Assemblée. En conséquence, l’adresse est relue et accueillie par de nouveaux applaudissements. M. le Président veut soumettre cette adresse à la délibération, mais l’Assemblée décide qu’elle ne s’en occupera qu’après que le Roi aura accepté la déclaration des droits et les articles delà constitution qui lui ont été présentés hier. 4 M. Teytard, député du clergé de Paris, présente un don patriotique. Il n’est pas besoin,� Messieurs, d’être excité par l’éloquence de l’honorable membre qui vient de vous entretenir pour faire des dons à la patrie. La ville de Paris ayait fait présent à l’église de l’abbaye royale de Sainte-Geneviève, d’un superbe et magnifique candélabre pesant 248 marcs 4 onces 4 deniers 12 grains.'*' Eh bien ! MM. les abbés , prieurs et çha-noines réguliers de cette abbaye viennent par - délibération capitulaire et du consentement des donateurs, d’en faire le don pour les bespins de ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 octobre 1789.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 339 l’Etat. Recevez, je vous prie, Messieurs, cette offrande, et permettez que les noms de ces réguliers, bons citoyens, soient insérés parmi ceux qui apportent des dons à la patrie. Je parle ici, Messieurs, pièces en mains : voilà la lettre de M. l’abbé de Sainte-Geneviève et la reconnaissance de M. le. directeur de la Monnaie, en date du 29 septembre dernier. Sous votre bon plaisir, je laisse l’une et l’autre pièce sur le bureau. On applaudit à cet acte généreux. M. le Président dit que ce soir à cinq heures et demie viendra la discussion sur la législation criminelle. — Il lève ensuite la séance du matin. Séance du samedi 3 octobre 1789, au soir (1). On a ouvert la séance par la lecture des trois adresses suivantes : adresse de félicitation de la ville de Lignières en Touraine, qui demande une justice royale ; Félicitations, remerciements et adhésion du clergé et des communes de la ville de Verneuil : elles demandent la conservation de leur siège royal, avec l’attribution des justices seigneuriales qui l’entourent ; Adresse des officiers de l’élection de Montlu-çon, contenant une ordonnance sur le recouvrement des deniers royaux. Ils offrent de juger sommairement et gratuitement toutes les affaires de leur compétence, et de se conformer avec soumission aux décrets de l’Assemblée nationale. M.le Président a dit que M. Fromont, maître en chirurgie, fait hommage à l’Assemblée d’un Projet de décret pour procurer dans les provinces des secours aux pauvres malades. ( Voyez ce document annexé à la séance de ce jour.) L’Assemblée a agréé cet hommage. L’un de MM. les trésoriers a fait lecture des dons patriotiques insérés, selon l’usage, dans le registre destiné à cet effet. M. le Président a rappelé que le désir de réformer dès à présent quelques points vicieux de notre jurisprudence criminelle, avait déterminé l’Assemblée à nommer un comité chargé de procurer un projet de décret qui établisse : 1° La publicité de la procédure ; 2° Qui accorde un conseil à l’accusé ; 3° Qui admette les faits justificatifs en tout état de cause ; que sur les vives instances de la commune de Paris, il paraissait essentiel de s’en occuper. On a donné lecture du projet du comité, contenu en 27 articles (2), en observant que la rédaction des trois points importants avait conduit à régler en même temps quelques détails accessoires. La discussion, mise à l’ordre du jour, en a été établie. MM. Le Pelletier de Sainf-fargeau , Brocheton, de Lachèze, duc de Rochefoucauld et Goupil de Préfeln ont pris la parole, et ont discuté tant le préambule, que (1) La séance du 3 octobre au soir n’a pas élé in aérée' au Méiïitèur: (21 Voyez la séance du 29 septembre. les articles réunis. Quelques-uns des opinants paraissant s’écarter des objets renfermés dqns ces articles, M. le président a consulté le vœu de l’Assemblée pour savoir si son intenjjjon était d’étendre la discussion sur des qqestiçn?- accessoires. ■ L’Assemblée a décidé qu’il fallait se borner, quant à présent, à traiter les seuls articles du projet, et la discussion a été continuée d’après cette décision . Trois amendements ont été proposés et leur décision renvoyée à la séance où la discussion sera reprise, et où l’Assemblée prononcera sur le projet du comité. Un membre du comité des rapports a rendu compte d’une affaire concernantle maire de Vassy en Champagne, lequel a couru danger de la vië en voulant acheter, des grains à Bar-sur-Àube. La fuite la plus prompte, l’abandon de ses chevaux et de sa voiture ont pu seuls arracher à la fureur du peuple ce chef de la municipalité 4e Vassy, chargé d’approvisionner sa ville, de grains. Les habitants de Bar-sur-Aube veulent justifier cette violence en accusant les villes circôn voisines, et notamment celle de Vassy, d’arrêter et d’intercepter les grains qui viennent à son marché-, grief dont la municipalité de Vassy assuré n’être point coupable. Elle demande en conséquence la restitution des chevaux et de la voiture de son maire, et réparation, etc. Plusieurs membres ont porté la parole sur cette affaire, d’après le rapport et l’avis du comité ; après quoi l’Assemblée, par l’organe de spii président, a prononcé le décret suivant : « L’Assemblée nationale, sur le compté, à elle rendu par un membre du comité des rapports, a décrété : 1° de renvoyer au pouvoir exécutif les habitants de la ville de Vassy pour. le§ réclamations et restitutions d’effets mentionnés dans leur mémoire ; 2° de demander les ordres népe�sairés pour l’entière exécution du décret du 2.0 aoû't dernier; 3° elle charge son président d’écrire aux officiers municipaux des villes de Bar-sur-Âube, de Viiry-!e-Français, Sauraeyoire, Montièpendère, Souluine et la Ferté, pour leur recommander l’exécution du décret relatif à la libre circulation des grains, et en conséquence, d’informer et de. poursuivre ceux qui contreviendront à ces dispositions. » Ce décret, et l’affaire qui l’a occasionné, ont donné lieu à plusieurs membres de F Assamblée, de faire des observations sur les fausses interprétations que le peuple donnait souvent à certains décrets, et sur les inconvénients qui résultaient journellement de ce défaut d’u.uiforniité dans l’explication de la loi; il a été prop'psé différents moyens d’éclairer le peuple à ce sujet!, et de prévenir de nouveaux désordres. L’Àssemblée a pris en considération tout ce qui a été dit et observé à ce sujet, et elle a pris en, conséquence l’arrêté suivant:'