319 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 juin 1791.] même la motion du préopinant, puisqu’elle tend à édai'cir lus laits ; cependant, je ne crois pas devoir laisser subsister les imnressions défavorables que peut avoir données à l’Assemblée, sur le compte des chasseurs de Hainaut, la dénonciation que \ient de faire le préopinant. Je cr us que les faits qui vous ont été dénoncés se réduisent à peu près à ceci. Il y a eu plusieurs insurrections d .ns la ville de Biie-Gointe-Robert; ces insurrections vous ont é'é dénoncées par le département de Seine-et-Marne. C’est en vertu des décrû s de l’Assemblée nationale que le régiment de Hainaut s’est rendu à Bric -Gomte-Kobert; c’est en vertu dns décrets de l’Assemblée que le tribunal du district de Melun a été chargé d’informer contre les auteurs des insurrections. (Murmures.) M. d’Anbergeon-llurinafs. Voilà les patriotes ; i.s n’en font jamais d’autres. M. Despatys de Courteille. Il v a tout lieu de croire que les prétendues incursions des chasseurs de Hainaut dans le domicile de plusieurs citoyens ne sont précisément que l’exécution des décrets de prise de corps décernés par le tribunal de Melun, à qui l’instruction des procédures a été déférée par un décret de l’Assemblée nationale. ( Applaudissements à droite.) M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angély) . Si le fait que Vient de vous exposer M. Despatys est véritable, si eu effet les chasseurs de Hainaut n’ont agi qu’en vertu d’un décret, il serait inoui que l’Assemtdée nationale, sans preuves, sans pièces, sans remise de procès-verbaux, sans plainte et sans signatures, reçût une plainte contre des hommes qui ont exécuté ses décrets. (Applaudissements.) Gomment voulez-vous, Messieurs, que l’ordre public renaisse, si on ose dans le sein de cette Assemblée protéger les auteurs des insurrections ? Comment voulez-vous que la tranquillité pufise se rétablir si, après que les tribunaux ont lancé des décrets, on ose venir à cette tribune, calomnier et dénoncer comme oppresseurs des hommes qui ont eu le courage, car il y a du courage à le faire dans certaines circonstances, qui ont eu le courage, dis-je, de prêter main-forte à la loi? L’Assemb'ée, pour sa propre dignité, ne doit recevoir aucune dénonciation sans que les pièces à l’appui ne soient déposées sur son bureau et signées. Je demande donc que cette affaire ne soit renvoyée au comité des rapports qu’autant qu’il sera remis sur le bureau des pièces justificative-et signées soit par les citoyens de la ville de Brie-Comte-Robert, soit parle membre de l’Assemblée qui a fait la dénonciation. (Applaudissements à droite). M. d’Aubergeon - Murinais. C’est l’apprentissage de M. Robespierre; il vient d’être nommé accusateur public. M. Robespierre. C’est en qualité de membre de l’Assemblée nationale que je viens de rendre compte de faits qui intéressent essentiellement le maintien de la Constitution, de la liberté et de l’ordre public; je ne l’ai pas fait sans avoir entre les mains les pièces propres à déterminer l’homme le plus prudent. Si, pour subjuguer la confiance, il suffisait d’avoir entendu après moi un membre de l’Assemblée qui, pour toute réponse à la prière que j’adressais à l’Assemblée nationale de s’occuper d’un objet aussi important, a allégué qu’il était présumable que les violences que j’ai dénoncées étaient l’exécution d’un jugement présumé; s’il suffisait, pour vous empêcher d’examiner cette affaire, qu’un antre membre après lui vînt vous dire qu’il y a de l’audace de la part d’un représentant de la nation à présenter à l'Assemblée nationale de pareils faits et à défendre des opprimés... A droite : 11 n’a pas dit cela. M. Robespierre... et qu’il vînt pour jeter de la défaveur sur l’homme qui n’a fait que remplir un devoir rigoureux, alléguer les mots d’ordre public et d’insurrection; si l’Assemblée, enfin, applaudissant à cette déclamation, faisait pe; cher, avant l’examen, la balance de la justice en faveur des oppresseurs confie les opprimés, alors ma tâche serait finie : je me trouverais (lu moins heureux ) ersoimnllemert d’une tâche trop pénible et que beaucoup d’autres n’eussent pas osé entreprendre à ma place. A droite : Oh non ! M. Robespierre. Mais j’espère que l’Assemblée sentira combien il serait indigne de refuser, par une aussi révoltanle partialité, d’examiner les plaintes des opprimés. Je lui observerai que rien n’e.-t plus futile que les réponses qui ont été opposées à mes allégations; que rit n n’est plus indigne du caractère d’un représentant de la nation que c tte défaveur que Bon a vuu’u répandre sur le parti que j’ai pris, à la prière de plusieurs centaines de cijoye s, de dénoncer le fait à l’Assemblée nationale (Murmures à droite.)', et rien ne prou ve mieux la justesse des observations que je viens de faite, rien ne prouve mieux la nécessité de vous faire présenter les détails de celte affaire par l’organe nu comité des rapports, que la malveillance continuelle que je n’ai cessé d’éprouver depuis que j’ai pris la parole. (Applaudissements à gauche.) A droite : La pièce ! M. Robespierre. Je méprise ce système de persécution et les inculpations continuelles que ces mêmes peronnes s’occupent sans cesse à prodiguer contre ma conduite et mes principes. (Murmures.) J’en appelle au tribunal de l'opinion publique; il jugera entre mes détracteurs et moi. Pour revenir à l’alfaire de Brie-Comte-Robert, je n’ai voulu demander autre chose que la vérification des faits, le plus promptement possible. Je suis fondé sur mémoire signé par les citoyens reconnus les plus patriotes dans la ville de Brie-Comte-Robert. Si on en demande davantage, on n’a qu’à chercher des principes plus satisfaisants dans la bouche de mes adversaires. A droite : A l’ordre du jour 1 (L’Assemblée décrète que le mémoire con cernant l’affaire de Brie-Comte-Robert sera renvoyé à son comité des rapports pour lui en rendre compte.) M. le Président annonce que le scrutin pour la nomination d'un président et de trois secrétaires a donné les résultats suivants : M. Alexandre de Beauharnais est élu président. (Applaudissements.) 320 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 juin 1791.] MM. Fricaud (de Charolles), Merle et Le Garlier sont élus secrétaires en remplacement de MM. Ricard de Séalt, Enjubault de La Roche et Huot de Goncourt. L’ordre du jour est un rapport sur une procédure criminelle instruite par-devant le tribunal du district de Saint-Germain-en-Laye. M. Varin, au nom du comité des rapports (1). Messieurs, vous avez renvoyé à votre comité des rapports l’examen d’une procédure criminel e que nous ont apportée les jupes du district de Saint-Germain-en-Laye (2) ; c’est le résultat de cet examen que je vais mettre sous vos yeux. Quaire lettres écrites au curé et aux vicaires de la paroisse, deux aures adressées aux mar-guilliers et aux confrères de la charité de la même paroisse, toutes sig mes du cardinal de La Rochefoucauld et timbrées de l’Assemblée nationale: tel a été, Messieurs, le fondement de cette procédure. C’est le 17 avril dernier que le corps municipal assemblé prit l’arrêté de dénoncer ces lettres au corps administratif du département et à l’accusateur public près le tribunal du district. On ne connaissait alors officiellement que les deux lettres adiessées aux marguilliers et aux confrères de la charité; c’t st par un fonciion-naire public ecclésia-tique que celles adressées au curé et aux vit aires ont été également connues. L’information eut lieu en vertu de la plainte de l’accusateur public ; celte plainte est du 2 mai ; l'information du 4 et jours suivants. Voici la plainte que l’accusateur public rendit au tribunal : « Messieurs, l'accusateur public de ce tribunal a l’honneur de vous remontrer que, par votre ordonnance du 20 avril dernier, étant au bas du réquisitoire qu’il vous a présenté, vous avez ordonné que les deux lettres écrites par le cardinal de LaRochefom auld, l’une aux marguilliers, l’autre aux confrères de la charité de la paroisse de Triel, seraient déposées au greffe de ce tribunal. Votre ordonnance a été exécutée; l’accusateur public a pris connaissance de ces deux lettres originales; elles sont ainsi conçues : Première lettre. « Paris, 6 avril 1791. « Il est de mon devoir, Messieurs, d’éclairer votre religion en vous annonçant que MM. Cham-prègne et Pichard, qui viennent de s’immiscer dans les fonctions de vicaires de la paroisse de Triel, exercent des pouvoirs qu'ils n’ont pas. Je viens de leur interdire la confession et la prédication, excepté dans le cas de mort. Les absolutions qu’ils seraient dans le cas de donner par la suite seront nulles et de nui effet. » Je vous prie de communiquer celte lettre aux habitants de la paroisse, afin qu’ils puissent éviter l’erreur dans laquelle on veut les induire, et ce au mépris des lois de l’Eglise. « Je suis bien sincèrement à vous. « Signé : Cardinal de La Rochefoucauld. » La lettre est adressée à MM. h s confrères de la charité de la paroisse de Triel, avec le cachet (1) Ce document est incomplet au Moniteur. (2) Voy. Archives parlementaires , tome XXVI, séance du 5 juin 1791, page 768. aux armes de M. le cardinal de La Rochefoucauld . La seconde lettre est de même date et contient les mêmes expressions; elle est adressée aux marguilliers de la paroisse. Il paraît que c< s deux lettres étaient réunies dans une seule enveloppe contresignée du timbre de l’Assemblée nationale et cachetée des armes du cardinal. « Les officiers municipaux de Triel — continue l’accusateur public — ont fait coter et parapher ces deux pièces par le sieur Portier, maire, le 19 avril dernier; et le 17 précédent, mention avait été faite, sur lesdites lettres, de leur dépôt au greffe de la municipalité, conformément à la délibération du même jour, pendant le cours de laquelle le maire avait annoncé à la municipalité que ledit sieur de La Rochefoucauld avait écrit de pareilles lettres à plusieurs personnes de la paroisse qui lui en avaient fait part officiellement. » « Il est impossible, Messieurs, de ne pas apercevoir dans ces lettres l’intention de troubler l’ordre public en alarmant les consciences faibles et peu éclairées et en faisant croire au peuple que les prêtres qui jouissent de leur confiance n’ont aucun pouvoir, que leurs absolutions sont nulles. Ges lettres sont une suite des efforts que font les membres réfractaires du ci-devant clergé, pour se venger d’un peuple, qui, enfin éclairé sur les abus qu’ils commettaient, les a remis à leur véritable place, en les rappelant à la simplicité et à la pureté de leur institution primitive. « Ges lettres sont une atteinte aux lois sociales, car elles déclarent que deux piètres sont interdits; et sous ce rappo t le cardinal de La Rochefoucauld serait coupable, aux yeux de la loi, de l’usurpation de l’autorité. Il ne peut ignorer que, par le décret qui exige le serment des fonctionnam s publics, il a perdu toute espèce de juridiction dans le diocèse qu’il gouvernait ci-devant. G’est un attentat à l’ordre public ui mérite toute l’attention des magistrats, chargés e faire exécuter les lois; et quand même le cardinal de La Rochefoucauld aurait satisfait au décret en prêtant son serment, ces lettres seraient encore une infraction aux lois, car il semblerait ne pas reconnaître la nouvelle division des diocèses, et affecter une juridiction sur un territoire qui, par cette nouvelle division, ne dépend plus du diocèse de Rouen, mais bien de celui du département de Seine-et-Oise. « D’après ces considérations dont vous sentez toute l’importance, l’accusateur public vous demande acte de sa plainte et permission d’informer. » L’information ordonnée, Joseph Bouchez, vigneron, l’un des marguilliers de la paroisse, déposa avoir reçu par la poste, le vendredi 15 avril dernier, un paquet contresigné Assemblée nationale, où il y avait 3 lettres, une pour le curé de Triel, l’autre pour M. Gham-prègne, vicaire, lesquelles il a remises à leur adresse, et une troisième pour lui qu’il a remise au maire, et qu’il reconnaît pour celle qui vient de lui être lue; mais que ne connaissant pas la signature de M. le cardinal de La Rochefoucaud, il ne peut dire précisément si cette lettre est véritablement signée par lui. Champrègne, vicaire, dépose que le 15 avril dernier, M. Bouchez, marguillier, lui a remis une lettre de M. le cardinal de La Rochefoucauld,