[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 juillet 1790.] gj DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 12 JUILLET 1790. Lettre de M. Lambert , contrôleur général à M. le Président de V Assemblée nationale , sur le non-recouvrement des impôts (1) : Du 12 juillet 1790. Monsieur le Président, j’aurais peut-être à me reprocher le progrès des désordres qui, croissant chaque jour, détruisent de plus en plus des parties importantes des revenus du Trésor public ; si, après avoir pris tous les soins que le zèle pour mes devoirs et pour le salut de l’Etat peut m’inspirer, après avoir pressé, par nombre de lettres, et les municipalités et les autres corps administratifs, après avoir mis devant leurs veux les décrets de l’Assemblée nationale sanctionnés par le roi, qui prescrivent si impérativement l’exactitude dans la prestation des impôts; je n’employais encore de temps en temps le moyen qui peut assurer le succès de tous les autres, celui d’exposer les maux à l’Assemblée nationale et de la mettre à portée de juger si elle doit s’en occuper et y pourvoir par de nouveaux décrets. Plusieurs municipalités m’écriventque des décrets bien exprès de l’Assemblée nationale soumettraient la résistance des redevables, ou procureraient aux administrateurs les forces nécessaires pour la surmonter : plusieurs me marquent qu’elles ont directement demandé ces décrets à l’Assemblée nationale et qu elles attendent avec empressement qu’ils leur soient accordés. Vous voyez, Monsieur le Président, que ce sont des municipalités bien intentionnées, animées du zèle que le patriotisme doit inspirer pour le soutien des revenus de l’Etat, mais qui se sentent sans forces suffisantes pour surmonter l’opposition populaire, et qui ne trouvent pas même dans leurs gardes nationales le secours dont elles ont besoin. Dans plusieurs villes, en effet, les gardes nationales se refusent ouvertement à la réquisition même des municipalités, qui, dès lors, n’ont aucune force à opposer à l’insurrection, ni aucun moyen de garantir les perceptions. J’ai eu l’honneur, Monsieur le Président, de vous adresser, à la lin du mois dernier, un exposé du désordre dans lequel sont depuis longtemps les perceptions de la régie générale dans presque toutes les villes et les campagnes d’une grande partie du territoire qui composaient anciennement les généralités d’Amiens et de Soissons. J’ai à joindre à cet exposé celui que me font les régisseurs généraux, du progrès de l’insurrection dans les lieux de Liques en Galaisis, Grécy, près Marie et Soissons. J’ai l’honneur de vous envoyer les copies, que les régisseurs généraux m’ont fait passer, des lettres qu’ils ont reçues à ce sujet de leurs directeurs de Calais, de Marie et de Soissons ; l’Assemblée nationale y remarquera qu’à Liques, les officiers municipaux, loin de protéger les perceptions, répondent aux employés de la régie générale, qu’ils réclament eux-mêmes contre la perception des droits réservés, et qu’ils ont, à ce sujet, adressé un mémoire à l’Assemblée nationale, dont ils attendent la réponse et, dans cette (I) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. attente, point de perception dans ce bourg. Qu’à Grécy et dans nombre de paroisses des environs , les commis de la régie générale trouvent partout,’ non seulement un refus� universel, mais menaces, attroupements, résistance ouverte, toute prête à éclater, danger de mort imminent pour eux, et que c’est encore une décision précise de l’Assemblée nationale qui y est attendue par ceuxv qui désirent le retour de l’ordre. (Je vous engage, Monsieur le Président, à fixer particulièrement votre attention et celle de l’Assemblée nationale, sur la lettre du directeur de Marie, du 4 juillet 1790) : Qu’à Soissons, la municipalité est sans force et que la garde nationale de cette ville favorise plutôt la fraude qu’elle ne l’empêche. Je ne relèverai pas ce défaut de mesure d’un article échappé sans doute à l’administration du département de l’Aisne, dans une adresse imprimée qu’elle a distribuée à toutes les communes de son ressort, qui, tout en rappelant aux peuples qu’ils doivent encore supporter l’impôt des aides, leur en annonce la suppression prochaine, si l’accroissement subit de l’insurrection contre ces droits, atiesté par les directeurs de Marie et de Soissons, n’avaient bien promptement confirmé l’épreuve que nous avions déjà, des fâcheux effets de ces annonces précipitées, que les contribuables ne manquent jamais de saisir comme équivalentes à une proscription anticipée, à laquelle ils s’arrêtent bien plus volontiers qu’aux décrets de l’Assemblée nationale, par lesquels le paiement de toutes les impositions subsistantes, a été, tant de fois et si expressément recommandé à la fidélité des peuples et à la surveillance des municipalités. Je vous envoie encore, Monsieur le Président, copie d’une lettre du préposé de la régie générale à Ingrande, qui rend compte d’une émeute violente excitée à Ingrande, par des mariniers, contre les employés qui avaient saisi des bateaux et marchandises passées sans acquitter les droits. Les préposés de la régie se sont vus exposés à perdre leur vie; les officiers municipaux ont été insultés, menacés du feu et de la potence, frappés, et sont restés spectateurs impuissants du tumulte. Je joins à cet envoi deux procès-verbaux de la municipalité de Paray, qui vous feront ensuite connaître, Monsieur le Président, et les bonnes intentions des officiers municipaux de ce lieu, et l’inutilité entière de ces bonnes intentions, par le refus formel de la garde nationale de leur obéir, dès qu’il s’agit de défendre les gardes de la ferme contre les violences des contrebandiers. Les officiers municipaux ont cru pouvoir, par un règlement formel, rétablir l’ordre et la subordination ; mais inutilement. La garde nationale ayant, dès le lendemain, fait de nouveau refus aux officiers municipaux de leur prêter secours pour arrêter les coupables d’un attroupement séditieux et d’excès commis contre la sûreté des citoyens de cette ville. L’Assemblée nationale doit être déjà instruite de ces désordres. Les officiers municipaux de Paray, voyant leur autorité compromise, le peuple soulevé, la ville exposée à l’incursion des malheureux qui attaquent de tous côtés les villes et les campagnes, portés d’abord à donner leur démission, mais réfléchissant que cette démission, loin de diminuer, ne ferait qu’augmenter les troubles, se sont déterminés à instruire l’Assemblée nationale de tous ces désordres, en lui demandant de pourvoir à calmer et à prévenir les malheurs qui affligent cette ville. Lipidémie de l’insurrection est très étendue; elle s’accroît rapidement et s’étend de jour en jour Ça [Asseye AgCHIFftS PARLEMENTAMES. ($ j�j0 |78�J sur de nouvelles parties de l’administratiofl. jV S'aipt-Mihiel, des adjudicataires de bois, constitues prisonniers à défaut de paiement du prix de leurs adjudications, ont été remis en liberté sur les menaces faites, le sabre a la main, par un détachement de milice nationale, an préposé de l'administration des domaines, sans que les officiers municipaux y aient nus ancun ordre. Je joins encore le procès-verbal qui atteste ceg faits. Il n’est pas nécessaire que je vous représente. Monsieur le Président, combien il est instant qp’i| soit très promptement et très efficacement établi par des décrets très exprès, un ordre qui ne puisse plus être méconnu de pouvoirs, de subordination de devoirs qui rappelle dans le royaume le respect pour les lois et pour tous les dépositaires de l’autorité publique, l’obéissance aux décrets de rassemblée nationale, sanctionnés par le roi, la sûreté des personnes et des propriétés des citoyens, l’acquittement paisible et religieux des impositions, et la protection due aux percepteurs des revenus publies. J’ai l'honneur d’être avec respect, etc. Extraits de lettres� et procès-verbaux joints 4 fa lettre deM. le contrôleur général, Extrait de la lettre du directeur de la régie générale à Calais , du 18 juin 1790. MUNICIPALITÉ DE PIQUES. Les habitants de Liques, petit bourg de peu d’importance, bouc hers, br sseurs et autres, persistent dans leur refus de faire des déclarations pour raison des droits réservés, et les commis du département seraient très mai accueillis, s’ils se présentaient pour rédiger des procès-verbaux contre les refusants, gens très capables deleurfaire un mauvais parti. Iis se sont pourvus auprès des officiers municipauxdece bourg, pour les engager à recommander aux redevables de faire leurs dé’ claratioos et même de les y obliger par les moyens qui sont en eux; mais ces officiers municipaux sont d’autant moins portés à vouloir forcer ou même seulement engager ces habitants à faire leurs déclarations, qu’ils ont dit aux commis qu’ils réclamaient eux-mêmes contre la perception des droits ré ervés, et qu’ils avaient à ce sujet adressé un mémoire à l’Assemblée nationale, dont ils attendaient réponse. 11 résulte qu’il n’y a plus aucun produit dans le bureau de ce lieu et que même on se dispense de faire les déclarations pour les courtiers-jaugeurs, lors du transport dès boissons. EXTRAIT de la lettre du directeur de la régie générale à Marie, du 19 juin 1790. Ce département de Grccy me désole; son voisinage avec La Fère et Chauny, où l’on ne paye rien, où l’on n’exerce pas, a fait prendre aux redevables et particuliers de son arrondissement la résolution de ne plusse laisser exercer. Les commis refusent de se présenter dans nombre de parois?- sep où ils sont fortement menacés s’ils osent y paraître. Le mai gagne, la même résolution se déclare dans labanlieue, et elle est toute déclarée dans le département de Yervins. Les cabaretiers dont une quantité était au nombre des électeurs qui se sont rendus à Chauny, pour fixer le département, y ayant appris la stagnation qui y régnait, veulent qu’il en soit de même à leur égard* Il n’y a pas moyen de faire faire seulement des commandements ; presque tous les huissiers s’y refusent, encore moins pourrait-on exécuter des saisies. Si cela continue, ma direction entière, jusqu’à présent sans trouble, ne pourra plus être exercée du tout Le plus grand nombre cependant attend une décision précise, mais bien pré?- cise de i’Assembléenationale. Il est donc bien nécessaire de la demander, ou au moins d’obtenir du ministre une invitation très pressante aux départements et aux districts actuellement formés de faire publier une proclamation qu’on ait r payer et se soumettre aux exercices des droits d’aides, à peine d’y être con� traintp, et déchus, pour les refusants, du litre de citoyen actif. Je ne vois que l’un ae ces moyens propres à rétablir l’ordre et je le soumets à votre considération, ppr sang lui tout est perdu, Extrait delà lettre du directeur (te la régie générale à Marte, du 4 juillet 1790- feg paroisses qui refusent de payer et de se laisser exercer pont du département de l’Aisne établi à Laon et du district aussi de Laon et de celui de Verviiis. Les choses sont devenues encore pires que je ne vous les ai annoncées par mes lettres des 19 et 23 juin. Il a été signifié aux commis de Crécy de n’avoir plus à se présenter chez aucun redevable, à peine d’avoir le gqu coupé ou d’être pendus ; on les a prévenus charitablement que, dans plusieurs cabarets, il y a des cordes prêtes et arrangées pour cette dernière expédition ; aussi, tous deux viennent-ils de me déclarer qu’ils ne feraient plus décidément aucun exercipe, dussiez-vous les priver de leurs emplois. Je vous le demanderais si je croyais que cet acte de rigueur pût faire quelque bien ; mais loin de me le persuader, je crois que ce ne serait qu’envoyer denouveaux commis plus sûrement à la boucherie. Les menaces ne sopt pas si fortes à la banlieue ; le travail n’y est pas encore interdit partout, mais cela commence. Il a été verbalisé le 21 cqutre Latargé, cabaretier à Sons, et contre Jean-Louis Odent, détailleur d’eau-de-vie à Chevanes ; les actes étant en règle, j’ai cm devoir les faire signifier pour en imposer surtout à cet Odent qui, déjà depuis plusieurs mois, va chez les débitants de tous mes départements les engager à ne plus payer ni souffrir ces exercices ; sa femme aameuté toutes les autres femmes du village : l’huissier a été arrêté et a couru de gros risques dont il a dressé procès-verbal. Le peuple de ce canton est assemblé depuis dimanche dernier, �au nombre de quatre ou six mille, on dit même de huit, et va, de château en château, forcer les seigneurs de donner décharge du droit de terrage. Ils ont-fait, mardi, un dégât horrible au château de Marfon-taine, qui appartient à M. le marquis de Noailles; ils voulaient absolument massacrer spn intendant; Madame la marquise, présente, ne s’en est tirée qu’en les faisant beaucoup boire et manger; ils ont passé la nuit, ce qui nous a vraisemblablement sauvés de leurs fureurs, car ils avaient annoncé qu’jls viendraient ici chercher l’huissiej? qu’ils voulaient avoir paort ou vif, et qu’ils visi* teraient les commis et moi-même. Ces menaces durent encore : on vient de nous les renouveler pour l’exécution êtreaujourd’hui. Tout le pays est dans une agitation horrible. Us ont forcé de marcher aveceux des maires et officiers municipaux [Assemblée pajfipnale.J ARÇfJIYE� P4�l