§A [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [14 mai 1791. J sa force, et qui doit subsister dans toute son intégrité. Mais, à défaut de ces deux bases, si l’on est obligé de recourir au contrat d’acquisition, le comité a pensé que les procureurs ne pourraient réclamer que le tiers du montant de leur contrat, et il se fonde à cet égard sur les mêmes raisons qui l’ont déterminé à vous proposer, pour les officiers ministériels royaux, les règles de proportion établies dans le décret du 22 décembre 1790, à raison de la clientèle et du recouvrement. Il a pensé que l’Assemblée nationale n’étant que le juge immédiat, en cette partie des droits des seigneurs et de leurs officiers, elle ne pouvait pas statuer sur une indemnité qui résultait plutôt d’une juste libéralité, que d’un principe rigoureux; il n’a pas cru qu’il fût de la justice des représentants de la nation de forcer les seigneurs à faire raison aux procureurs de leurs justices, du prix de la clientèle et du recouvrement, parce que le prix n’a point été versé entre leurs mains, et qu’il n’est que le résultat de l’industrie particulière de quelques individus qui en ont seuls profité. Ainsi, nous vous proposerons de décréter que les ci-devant seigneurs seront tenus de rembourser les procureurs de leurs justices sur le pied de leur évaluation, si elle existe en leurs parties casuelles, sinon sur le prix de leur première finance connue; et dans le cas où ce dernier titre ne serait pas représenté, sur le tiers du prix du contrat authentique de leur acquisition, en affirmant par ces derniers qu’ils n’ont pas le titre de leur première finance. Nous vous proposerons également de statuer à l’égard de tous les autres officiers ministériels de leurs justices; qu’à défaut d’évaluiition et de titres de première finance, ils seront aussi remboursés par les ci-devant seigneurs, des 5 sixièmes du prix de leur contrat d’acquisition dans les formes ci-dessus établies : pourquoi votre comité a l’honneur de vous soumetre le projet de décret suivant : PROJET DE DÉCRET. « L’Assemblée nationale, ayant déjà pourvu au remboursement des offices royaux supprimés par les décrets des 4 août 1789 et jours suivants, convaincue qu’il est également de la justice de prendre en considération le sort des officiers des juridictions seigneuriales aussi supprimées, décrète ce qui suit : _ « Art. 1er. Tous les officiers des justices seigneu-riles, pourvus à titre onéreux, et dont l’exercice aura cessé par l’installation des nouveaux tribunaux, seront remboursés, par les propiélaires actuels des ci-devant seigneuries, des sommes qu’ils justifieront avoir versées entre les mains aesdits seigneurs ou en celles de leurs auteurs, prédécesseurs ou ayants cause, les formes qui seront déterminées ci-après. « Art. 2. Les titulaires actuels des offices seigneuriaux vendus à titre d’hérédité et aliénés à perpétuité, ou ceux qui sont à leurs droits, seront remboursés sur le pied de l’évaluation qu’ils auront faite dans les parties casuelles des ci-devant seigneurs; et à défaut d’évaluation sur le pied de leur finance primitive; et, dans le cas où la finance primitive ne serait pas connue, ils seront remboursés du montant du dernier contrat authentique de leur acquisition,: en affirmant par eux qu’ils n’ont pas le titre de leur finance primitive. « Art. 3. A l’égard de ceux pourvus à leur vie ou à la vie du seigneur, il leur sera fait déduction d’un trentième par armée de jouissance; cette déduction néanmoins ne pourra s’étendre au delà des deux tiers du prix total, et ceux qui jouissent depuis vingt ans et plus, recevront le tiers des sommes qu’ils auront versées entre les mains des ci-devant seigneurs, pour acquérir lesdits offices. « La même proportion sera gardée par rapport aux officiers seigneuriaux pourvus par baux ou par commissions limitées à un nombre déterminé d’années. « Les acquéreurs de survivances d’offices, ui n’étaient pas pourvus à l’époque des décrets es 4 août 1789 et jours suivants, seront restitués des sommes entières qu’ils justifieront avoir payées pour acquérir lesdites survivances. « Art. 4. Les officiers des justices seigneuriales, dépendant des biens du ci-devant clergé devenus domaines nationaux, seront remboursés par la nation des sommes qu’ils justifieront avoir payées aux ci-devant seigneurs ecclésiastiques, desquels ils tenaient leurs provisions, savoir : les pourvus à vie par bail ou par commissions limitées, conformément aux dispositions de l’article précédent; et les pourvus à titre d’hérédité perpétuelle ou leurs ayants cause, dans les formes prescrites par le second article du présent décret. « Art. 5. A l’égard des justices dépendant des ci-devant domaines de la couronne tenus à titre d’engagement, les offices qui les composent seront remboursés par la nation, suivant leur nature, et conformément aux règles établies dans les articles précédents, si le prix en a été versé originairement au Trésor royal; et ils le seront par les ci-devant seigneurs, si, depuis l’époque de l’engagement, ils en ont reçu le montant, eux, leurs auteurs ou leurs prédécesseurs. « Art. 6. Seront également tenus les ci-devant seigneurs échangistes de rembourser les offices de justices dépendant des domaines échangés, dont ils se trouvent en possession, si l’échange est actuellement consommé; mais si l’échange n’est pas consommé, ce remboursement sera fait par la nation, à moins que lesdits seigneurs, leurs auteurs prédécesseurs ou ayants cause n’aient vendu lesdits offices et n’en aient reçu le prix, auquel cas ils les rembourseront suivant les règles prescrites ci-dessus. « Art. 7. Les officiers institués à titre onéreux par provisions du roi, pour connaître des cas royaux, et par provisions des seigneurs pour connaître des cas ordinaires, seront remboursés, les premiers par la nation, d’après le mode déterminé par le décret des 2 et 6 septembre dernier; les seconds, par les ci-devant seigneurs, suivant l’espèce de leurs offices, et d’après les bases indiquées dans les articles précédents. « Art. 8. Les procureurs et huissiers seigneuriaux pourvus à titre onéreux seront remboursés par les ci-devant seigneurs, sur le pied de leur évaluation à l’égard de ceux qui y étaient assujettis. « Et à l’égard de ceux qui n’y étaient, pas sujets, ils seront remboursés de la finance primitive si elle est connue, et à défaut d’icelle, sur le pied du tiers seulement de leur contrat d’acquisition pour les procureurs, et des cinq sixièmes pour tous les autres, en affirmant par eux qu’ils n’ont pas le titre de leur finance primitive. « Art. 9. Tous les officiers mentionnés au présent décret seront remboursés des droits par eux 87 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 mai 1791.] payés aux ci-devant seigneurs en cas de mutation, sous quelque dénomination qu’ils soient, et ce, en raison du temps de leur jouissance, et suivant la proportion établie dans l’article 3 ci-dessus. « Art. 10, Les intérêts de leurs offices courront du jour de l’installation des nouveaux tribunaux dans l’arrondissement desquels les ci-devant justices seigneuriales étaient situées, et ils leur seront payés à raison de 5 0/0 du capital, par ceux qui seront tenus de rembourser le prix principal desdits offices aux termes du présent décret. >• M. Goupil-ÏVéfeln. Il est impossible d’obliger les personnes qui ont acquis des ci-devant seigneuries depuis 3 ou 4 ans de rembourser des offices acquis depuis 60 ou 100 ans. (Cette motion n’a pas de suite.) L’Assemblée décrète l’impression du rapport et du projet de décret présentés par M. Jouye-des-Rocbes. M. le Président lève la séance à dix heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. D’ANDRÉ. Séance du dimanche 15 mai 1791 (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier au soir. (Ces procès-verbaux sont adoptés.) M. de Folle ville. Dans le procès-verbal d’avant-hier, qui concerne l’état des hommes non libres dans les colonies, il était dit qu’aucun changement ne serait fait que sur la demande formelle et spontanée des assemblées coloniales. Plusieurs membres ont prétendu que ces dernières expressions, et surtout le mot spontanée, ne se trouvaient pas dans le décret ; d’autres, au contraire, et moi je suis de cet avis, ont pensé que la spontanéité de cette initiative était la disposition fondamentale du décret. C’est l’article sur lequel les colons sont le plus chatouilleux. L’Assemblée, hier, avait ajourné à deux heures le rétablissement ou plutôt la conservation du mot spontanée; mais la chaleur de la délibération a empêché de reprendre cet ajournement. Cependant cette expression est très essentielle; elle seule se rallie parfaitement aux intentions que vous avez annoncées dans votre décret du 8 mars. D’après cela, je demande que cette réclamation, qui n’a pu être décidée hier, soit remise aujourd’hui à l’ordre de deux heures. ( Marques d'assentiment.) M. Camus. J’ai l’honneur d’annoncer à l'Assemblée, au nom du comité institué pour surveiller la fabrication des assignats, que vendredi prochain il en sera brûlé pour la somme de 1 1 millions. ( Applaudissements .) M. Fréteau, ci-devant de Saint-Just, au nom du comité diplomatique. Messieurs, j’ai l’honneur d’observer à l’Assemblée qu’on n’a pas fait mention dans le procès-verbal d’hier d’une lettre de l’ambassadeur d’Angleterre au ministre des affaires étrangères. Mais, comme les journaux que j’ai lus aujourd’hui rendent un compte très inexact de cette lettre et de ce qui s’est passé hier, je pense qu’une autre fois il faudra prendre garde à ce qu’on dira sur le3 lettres des ministres. Il est bon qu’on sache que ce qui a été dit à cet égard n’est pas exact et que la lettre de l’ambassadeur n’est pas au comité diplomatique. Je ne disconviens pas que les armements d’Angleterre ne soient considérables; qu’il n’y ait une presse très animée; qu’on ne fasse même des préparatifs extraordinaires ; mais il ne faudrait pas qu’un pareil fait frappât les oreilles de l’Assemblée, sans que la totalité de la lettre de l’ambassadeur fût en même temps présentée dans l’Assemblée. M. de Saint-Martin. Je demande, Messieurs, que la lettre de M. de La Luzerne soit communiquée et lue à l’Assemblée nationale. Yoici ce qui me fait demander cela : hier, j’eus occasion de voir un négociant anglais; il fut question du fait énoncé par M. Maury et confirmé par M. de Menou. Il me dit qu’il était à Londres lorsque M. Pitt fit la réponse dont on a rendu compte hier; que cette réponse était en effet telle qu’on l’avait présentée; mais qu’on avait oublié une chose essentielle : c’est que M. Pitt avait répondu aux négociants qu’ils pouvaient continuer leurs expé-ditions�dans le Nord comme à l’ordinaire, pourvu que les retours se fissent avant le mois d’octobre. (Murmures.) Il m’ajouta d’ailleurs que personne, en Angleterre, ne pensait que ces armements fussent dirigés contre la France : je suis bien loin de le penser. M. le Président. On va lire la lettre. M. Martineau. Je demande que l’on fasse mention dans le procès-verbal de la lettre signalée par M. Fréteau. M. Fréteau. Puisque l'on a parlé dans l'Assemblée de cette dépêche, je demande à ajouter un mot qui est essentiel, pour qu’on ne puisse pas répandre de fausses imputations dans le public. Il n’est pas dit dans la lettre de l’ambassadeur que M. Pitt ait prescrit une époque pour les retours. Ayant été informé jeudi dernier de cette lettre de l’ambassadeur de France, je crus devoir aller moi-même chez M. de Montmorin et lui demander comment il était possible que des dépêches aussi essentielles, dont les papiers publics faisaient mention, n’eussent pas été par lui ou envoyées ou communiquées au comité diplomatique. M. de Montmorin me dit qu’en effet il avait reçu cette lettre; il ajouta qu’elle ne pouvait inspirer aucune inquiétude quelconque et il m’en laissa prendre communication. Elle est datée du 6 mai. Yoici l’extrait que j’en ai fait ce matin au comité diplomatique et que je vous prie de me permettre de vous lire : « Une démarche que le commerce de Londres a faite hier près de M. Pitt et la réponse de ce ministre semblent faire espérer un arrangement pour les affaires du Nord.- -Les négociants qui • (1) Celte séance est incomplète au Moniteur.