PROVINCE D’ARTOIS CAHIER Des représentations et doléances du clergé de la province d'Artois, assemblé à Arras en exécution des ordres du Roi pour les Etats généraux convoqués à Versailles , au 27 avril 1789 (1). RELIGION ET DISCIPLINE ECCLÉSIASTIQUE. Art. 1er. Que la religion catholique, apostolique et romaine conserve exclusivement l’exercice public de son culte. Art. 2. Supplier Sa Majesté de renouveler les ordonnances touchant la religion et les bonnes mœurs, d’enjoindre aux magistrats de veiller à leur exécution et de réprimer le libertinage public et scandaleux, lorsqu’ils en seront requis par les curés. Art. 3. Défendre d’imprimer aucun ouvrage contraire à la religion et aux bonnes mœurs. Art. 4. Confier aux monastères les collèges et l’éducation de la jeunesse. Art. 5. Rétablir les conciles provinciaux et les svnodes diocésains, conformément aux lois de l’Église. Art. 6. Rappeler les oflicialités aux vrais principes du droit canonique, et statuer que les ecclésiastiques n’y seront jugés que par leurs pairs. Art. 7. Réduire le nombre des commensaux ecclésiastiques de la maison du Roi et les rendre aux fonctions de leurs titres. Art. 8. Résidence des bénéficiers, et interdiction de la pluralité des bénéfices. Art. 9. Toutes les cures du royaume au concours. Art. 10. Que nul ecclésiastique, même gradué, ne puisse être pourvu de bénéfices à charge d’âmes qu’après cinq années d’exercice dans le saint ministère. Art. 11. Que l’expectative soit accordée aux gradués de l’université de Douai concurremment avec les gradués des autres universités. Art. 12! Qu’aucune opposition aux mariages ne soit valable, si elle n’est faite par pères et mères, tuteurs ou curateurs. Art. 13. d’ordonner des monitoires que pour grands crimes. Art. 14. Supprimer les commendes et les pensions sur les abbayes et leur rendre le droit d’élection. Art. 15. Enjoindre à tous religieux, même abbés in partibus , de rentrer dans leurs cloîtres. Art. 16. Augmenter les portions congrues des curés, et établir des titulaires dans toutes les paroisses. Art. 17. La claire et pruise sur les objets déci-mables et les charger de la dîme. Art. 18. Que les curés de l’Artois soient coad-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des archives départementales d’Arras. M. Godin, archiviste en chef du Pas-de-Calais, a eu l’obligeance de nous en adresser une copie. ministrateurs des fabriques, pauvretés et hôpitaux. Art. 19, Etablir des hospices dans toutes les provinces du royaume pour les femmes enceintes, les enfants trouvés, les insensés et les incurables. Art. 20. Pourvoir à la subsistance des pauvres et défendre la mendicité. Art. 21. Administration, législation et finances générales. La France est un gouvernement monarchique composé de trois ordres distincts, égaux et indépendants l’un de l’autre, le clergé, la noblesse et le tiers-état. Art. 22. Demander le retour périodique des Etats généraux, à qui seuls appartient le droit de consentir les impôts. Art. 23. Constater l’existence du déficit et sa quotité, poury proportionner les subsides à établir. Art. 24. L’égale répartition des impôts sur les trois ordres de l’Etat, sans néanmoins enfreindre les droits honorifiques des deux premiers. Art. 25. Former une caisse d’amortissement dont les deniers ne pourront être employés qu’à éteindre la dette nationale. Art. 26. Fixer la dépense de tous les départements, et rendre les comptes publics chaque année par la voie de l’impression. Art. 27. Ne porter aucune atteinte à la propriété. Art. 28. Conserver et maintenir les maisons religieuses, retirer l’arrêt du 20 décembre 1788 qui a mis en séquestre la prévôté d’Haspres. Art. 29. Suppression des réserves et administration des bois en bon père de famille, sous l’inspection du juge royal. Art. 30. Liberté aux mainmortes de construire, reconstruire, améliorer et réparer leurs églises , monastères, maisons, fermes et autres bâtiments sans que le domaine puisse y apporter aucune gêne ni exiger aucun droit. Art. 31 Affranchissement des droits d’amortissement, franc-fief, indemnité, échange, nouvel acquit et tous autres droits domaniaux. Art. 32. Qu’il n’y ait que deux degrés de juridiction en matière civile comme en matière criminelle. Art. 33. Cinq ans d’exercice distingué dans le barreau pour pouvoir remplir une charge de juge dans les cours souveraines. Art. 34. Plus d’arrêts du propre mouvement, plus de commissions particulières en aucune manière. Art. 35. Plus de lettres d’Etat, de répit, de sauf-conduit. Art. 36. Liberté individuelle ..... Art. 37. Réformation du code civil et criminel:; Art. 38. Simplification des formes de la procédure. Art. 39. Réformation de la loi qui soumet les accusés au serment. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province d’Artois.] Art. 40. Plus de garenne, sinon en lieu clos de murs. Art. 41. Maintien de l’usage de voter par ordre et non par tête, sinon en matière d’impôt. Art. 42. Réprimer les abus de la chasse des pigeonniers et volières. Administration , législation et finances de l'Artois . Art. 43. Conservation et maintien des capitulations, privilèges, franchises et immunités des provinces belgiques; point de changement sans le consentement des trois ordres. Art. 44. Aucun impôt ne sera perçu que par les Etals. Art. 45. Qu’il n’y ait qu’un seul receveur dans la province, et que les fonds soient versés immédiatement clans le trésor royal. Art. 46. Les comptes de la recette et de la dépense seront rendus publics, chaque année, par la voie de l’impression. Art. 47. Que les curés, bénéficiers, chapelains et autres ecclésiastiques séculiers et réguliers soient suffisamment et proportionnellement représentés aux Etats de la province. Art. 48. Un juge d’arrêts en Artois , en matière civile, criminelle et bénéficiale. Art. 49. Le service des officiers municipaux sera entièrement gratuit ; le droit de les élire sera rendu aux communes et ses trois ordres concourront à leur nomination; leur compte sera rendu publiquement chaque année. Art. 50. Le droit d’eau et de vent n’aura lieu en Artois. — Signé Leroux, curé doyen de Saint-Pol. Duflos, curé cl’Hesmond. Reval, curé de Sainte-Àldegonde. Dubois, curé deGivenchy. Béhin, curé d’Hersin-Coupigny. Sauvage, curé de Forest. Beu-gin, curé d’Herlin-le-Sec.Boudart, curé de Laeou-ture, Paraphé par nous, évêque d’Arras, pour éviter achangement. Signé Louis, évêque d’Arras. Signé. Diot, curé de Ligny-sur-Cauche, secrétaire. CAHIER Des pouvoirs demandes et instructions que l'ordre de la noblesse de la province d’Artois donne à ses députés aux Etats généraux; Lesquels pouvoirs et instructions ne pourront avoir effet que pour un an, à dater du jour de la première séance de l'assemblée de la nation. PRÉAMBULE. La province d’Artois, privée depuis 1484 du bonheur de se réunir en corps de nation avec les autres provinces de la monarchie, oublie en ce moment ses malheurs pour se livrer aux plus douces espérances, en délibérant sur les grands intérêts de l’Etat. Elle se félicite d’avoir conservé dans tous les temps, sous le nom d’immunités et de privilèges, quelque vestige des droits nationaux si longtemps méconnus. C’est dans le sein des Etats généraux qu’elle en retrouvera la plénitude, et que cette province, toujours libre et toujours fidèle, sera remise en possession de ses prérogatives les plus chères. De concert avec le monarque qui l’y invite, elle contribuera de tout son pouvoir à Axer la constitution française sur des bases si solides et si bien mesurées, que cet empire soit également préservé désormais du despotisme et de l’anarchie; et si, malgré tant de soins, les assemblées nationales pouvaient encore une fois se retrouver suspendues, elle trouverait de nouveau dans sa constitution particulière, ses titres, ses capitulations, 79 ses stipulations inviolables, un abri certain contre le régime arbitraire; inaccessible à toute infraction de ses droits, elle conserverait soigneusement dans son sein la dernière et précieuse étin-celle de la liberté publique, et ne désespérerait jamais d’en rallumer le flambeau. SECTION PREMIÈRE. Art. 1er. Les députés aux Etats généraux seront reconnus personnes sacrées et inviolables. Art. 2. Le retour périodique des Etats généraux sera assuré par une loi solennelle, et les députés s’opposeront à l’établissement de toutes commissions intermédiaires. Art, 3. Les Etats généraux seront toujours composés de douze cents députés au moins; ils seront tous librement élus, et on procédera à une nouvelle élection pour chaque tenue. Art. 4. A l’avenir rien ne sera réputé loi que ce qui aura été demandé par les Etats généraux, et sanctionné par le Roi. Art. 5. Les lois seront aussitôt adressées aux cours souveraines pour les faire, sur-le-champ, lire, publier, enregistrer et exécuter dans leur ressort, sans modifications ni réserves. Art. 6. La noblesse de la province d’Artois charge ses députés de faire déclarer, par les Etats généraux, que la nation française est un peuple libre, c’est-à-dire que tout Français est libre de faire ce qui ne nuit à personne et qui n’est pas défendu par les lois : les lois seules peuvent priver un citoyen de la liberté de sa personne; qu’aucun ne peut être détenu que dans les prisons publiques destinées à recevoir les prisonniers civils, criminels ou de police. Art. 7. Toute propriété sera inviolable; nul ne pourra en être privé, même à raison de l’intérêt public, qu’il n’en soit préalablement dédommagé au plus haut prix. Art. 8. Aucun impôt, ou contribution personnelle, réel ou sur les consommations , direct ou indirect, manifeste ou déguisé sous quelque forme et manière que ce puisse être, 'même sous prétexte de police, ne pourra être établi ni perçu qu’en vertu de l’octroi libre et volontaire de la nation assemblée, sans qu’aucun corps de provinces, Etats provinciaux, assemblées provinciales, villes ou communautés puissent jamais les consentir. Art. 9. Les cours souveraines nepourront jamais, en matière d’impôts, suppléer par l’enregistrement au consentement qui ne peut être donné que par les Etats généraux, et ceux qui tenteraient la levée d’un impôt dépourvu de leur sanction, seraient poursuivis et punis comme concussionnaires. Art. 10. Il ne sera ouvert aucun emprunt que du consentement des Etats généraux , consentement aussi indispensable pour hypothéquer les revenus publics que pour établir ou proroger les impôts dont il se compose. Art. il. Les dépenses de chaque département seront vérifiées, examinées et fixées par les Etats généraux, et les ministres et secrétaires d’Etat, ou ordonnateurs, ne pourront excéder les sommes qui auront été déterminées, ni les employer à aucun autre usage. Art. 12. Les ministres et. secrétaires d’Etat, ou ordonnateurs, seront responsables aux Etats généraux de leur administration, et comptables de la totalité des dépenses qu’ils auront ordonnées. Art. 13. Le Roi ne pouvant jamais vouloir ni ordonner une chose injuste, les ministres seront