424 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (13 août 1791.] secours de la patrie. ( Applaudissements .) Quant à la seconde partie de la pétition, comme elle annonce des pièces nouvelles, et qu’il paraîtra peut-être difficile de statuer en cet instant sur le sort de l’un des 3 accusés, sans prononcer en même temps sur les 2 autres, je demande que le comité des rapports prenne, d’ici à demain, connaissance des pièces nouvelles. M. Rewbell. L’élargissement provisoire pourrait occasionner beaucoup de troubles à Lyon et dans les environs. M. Guillin ne trouve de si zélés défenseurs que parce qu’il est prévenu, par un de vos décrets mêmes, du crime de contre-révolution. J’ose dire à l’Assemblée qu’elle ne peut et ne doit pas s’écarter du décret qu’elle a rendu; non sans doute elle n'en a pas le droit, votre décret étant rendu, vous avez rempli toute la tâche que la Constitution vous impose. Ou M. Guillin est innocent, et dans ce cas il sera élargi par le tribunal; ou il est coupable, ce que je ne désire pas : dans l’un et l’autre cas, il faut qu’il soit jugé. C’est le seul moyen pour lui, s’il est innocent, de confondre ses délateurs; d’ailleurs, quand même l’Assemblée nationale pourrait prononcer, elle ne saurait le faire, sans être calme et tranquille. L’intérêt, très naturel, que la dame qui vient de parler, a inspiré à tous les auditeurs par sa pétition , ne permet pas de prononcer dans ce moment; craignez d’ailleurs de laisser l’impunité aux ennemis réels et avérés de la Constitution, s’il en est sous le glaive de la justice. L’impunité est le plus grand mal aux yeux de tous les citoyens; je crois, toutefois, que dans les circonstances [actuelles et à raison de l’état de dépérissement de M. Guillin, état qui peut justifier son élargissement provisoire, sous caution juratoire, il faut renvoyer la pétition au comité. M. Chabroud. Messieurs, si le terme de votre délibération doit être un renvoi au comité, je demande que la discussion ne se prolonge pas davantage. (L’Assemblée ferme la discussion et adopte la motion de M. Delavigne.) En conséquence, le décret suivant est mis aux voix : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le�discours de M®° veuve Guillin de Montel, et s’être fait donner lecture de la pétition qu’elle a mise sur le bureau, décrète que ladite pétition est renvoyée au comité des pensions, pour y être procédé à la fixation des indemnités relatives aux pertes qu'a essuyées la pétitionnaire et sa famille, par la mort de son mari; et quant à l’autre partie de la même pétition, relative à la demande en élargissement du sieur Guillin de Pou-gelon, renvoie au comité des rapports et des recherches, pour lui en être fait un rapport incessamment. j (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est un rapport des comités central de liquidation et diplomatique sur la fourniture des fourrages d'Alsace. M. Camus, rapporteur. Messieurs, lors de la uerre que le roi de Prusse fit à l’électeur de axe, l’Allemagne se trouva exposée à l’incursion des troupes étrangères. Au mois de janvier 1756, il avait été passé un traité d’alliance entre le roi d’Angleterre et la Prusse, pour empêcher toute introduction de troupes en Allemagne. Alors les princes de l’Empire sollicitèrent un autre traité avec la France, et, le 2 mai 1756, il y eut une convention signée à Versailles entre le roi et l’impératrice reine, par laquelle le roi promit de garantir les Etats de l’impératrice reine et d’employer à cet effet un secours de 24,000 hommes dont 18,000 hommes d’infanterie et 6,000 chevaux. Lorsqu’il fut question de l’exécution de ce traité, le roi l’exécuta avec toute la grandeur qui convenait à la majesté française, et au lieu de 24,000 hommes pour défendre ses alliés, il envoya au printemps de 1757, 100,000 hommes dans les Etats de l’Empire. Ces troupes défendirent la Franconie, les Etats de Nuremberg, du Haut-Rhin, et d’une partie du cercle du Bas-Rhin, elles reçurent dans ces différents cantons des munitions et des fourrages des princes de l’Empire. Il paraît qu’à cet égard, il y avait eu des conventions, mais il parait aussi que suivant le droit de la guerre, les places qui étaient défendues par les troupes françaises, devaient leur fournir une partie des munitions nécessaires. Pour y parvenir, il avait été réparti un contingent de fourrages entre les différents Etats des cercles de Franconie, du Haut et Bas-Rhin. Ils ne furent pas tous exacts à fournir leur portion, et je vois par différents mémoires du bureau de la guerre, notamment par une lettre de M. Guillot, alors intendant de l’armée, en date du 21 décembre 1760, qu’il y avait de ces Etats dont on ne pouvait retirer leur contingent qu’en leur envoyant des détachements pour les forcer à le donner. Je vois dans d’autres lettres que d’autres Etats ont offert en argent ces fournitures de fourrages, de rations, etc. ; ce qui prouve qu'ils devaient donner ces secours ; car s’il eût été question de les acheter chez eux, on n’aurait pas exigé d’eux de l’argent, au contraire, on aurait eu à leur en donner. À l’époque de 1763, il fallut compter avec les différents Etats qui avaient fourni des fourrages. Le roi chargea son ministre en Allemagne de notifier à tous les princes de ces Etats, qu’ils eussent à envoyer au mois de juillet prochain, à Mayence, les pièces qu’ils pourraient avoir au soutien de leurs prétentions, les prévenant que, ce temps passé, il n’en serait plus admis dans les bureaux établis à cet effet. Rien ne prouve que cela ait été exécuté ; mais en 1765, on dressa un état général de ces fournitures sans statuer ce qu’il appartiendrait, et on échangea contre des reconnaissances générales les différentes reconnaissances provisoires dont les Etats d’Allemagne étaient porteurs, et qui se montent en total à 34,577,000 livres. Depuis, ces objets furent présentés plusieurs fois au conseil, qui les rejeta ; et enfin un arrêt de 1785, ordonna qu’ils seraient écartés, et que les ministres n’en reparleraient plus. On excepta la ville de Liège, mais à condition qu’elle emploierait la somme qu’on lui remboursait à la construction et perfection de la route de Givet à Liège. Dans cet état, le 10 octobre 1790, la ville de Nuremberg vous a présenté une pétition, par laquelle elle réclame des sommes dues pour des objets de cette nature. Vous l’avez renvoyée aux comités diplomatique et de liquidation. Le directeur général de liquidation, en nous rendant compte de cette affaire, nous a fait lecture de l’article 3 du décret du 17 juillet 1790, ainsi conçu : 423 [Assemblée nationale*] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [14 août 1791.] « Une créance qui aura été rejetée dans les formes légalement autorisées jusqu’ici par les ordonnateurs, ministres du roi, chambres des comptes et autres tribunaux, ne pourra être présentée au comité de liquidation. » Il a observé que les formes légalement autorisées jusqu’ici pour des réjections de ce genre, avaient été la présentation de requêtes ou de mémoires, soit aux ministres, soit au conseil; que, dans le cas présent, plusieurs mémoires avaient été rejetés par différents ministres, et que sur de nouvel les influen ces l’affaire avait été portée au conseil du roi, y avait été rejetée par une décision formelle. D’après cela, le directeur général de liquidation a conclu à ce qu’il fût dit qu’iJ n’y avait lieu à délibérer sur la demande des Etats d’Allemagne. Yos comités ont adopté le même avis, en se fondant encore sur deux autres motifs. Le premier, c’est qu’ils ont cru que la France fournissant 100,000 hommes au lieu de 24 qu’elle avait promis, devait, en considération de cette augmentation de secours, être dispensés de fournir des fourrages. Le second, c’est qu’en supposant que la liquidation de ces fournitures dût être faite, c’était au moment où les intendants de l’armée étaient encore dans l’Empire, pour savoir ce qui était à la charge de la France et à la charge de l’Empire, qu’on devait la faire. Nous vous proposons donc de déclarer qu’il n’y a lieu à délibérer sur la demande des différents Etats d’Allemagne. Voici notre projet de décret : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités central de liquidation et diplomatique, décrète qu’il n’y a lieu à délibérer sur les demandes des princes, villes et Etats de l’Empire, relativement aux fourrages et munitions prétendus fournis par eux aux troupes françaises pendant la guerre de 1757 à 1763. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Grobel, évêque de Paris. La ville de Nuremberg a des titres ; ils ont été reconnus par M. Choi-seul en 1763 ; et prenez bien garde, Messieurs, que les Etats de l’Empire n’ont point requis les troupes de France; c’est la maison d’Autriche seule qui avait contracté le traité, et qui les a requises ; mais les Etats de l’Empire n’en ont point profité, ils ont, au contraire, infiniment souffert du séjour de ces grandes armées sur leur territoire; ils leur ont fourni les fourrages qu’ils ont payés de leur poche, mais qu’ils ue devaient pas comme contingent, surtout la ville de Nuremberg : des lettres qui ont été écrites par les ministres après la guerre, en font foi. D’ailleurs vous devez. Messieurs, particulièrement des égards à la ville de Nuremberg; c’est une République, une ville souveraine qui a reconnu votre souveraineté : il y a 18 mois qu’elle entretient ici un agent pour cette affaire; il existe entre ses mains des pièces sur lesquelles on a glissé fort légèrement, quoiqu’il les ait communiquées. Je demande donc que l’agent de la République de Nuremberg soit entendu. M. Camus, rapporteur. Les titres de la ville de Nuremberg sont les mêmes que ceux de tous les autres Etats d’Allemagne, et les lettres qu'elle a reçues de M. Ctioiseul, portent seulement que l’on examinera sa prétention, et que l’on verra à lui donner satisfaction. Mais elle a contre elle, comme tous les autres Etats d’Allemagne, les rejections des différents ministres, la décision du conseil, et le décret du 17 juillet 1790. Elle a si bien senti qu’on pouvait lui appliquer ce décret, que dans un mémoire imprime en sou nom, elle s’en est fait l’objection à elle-même, et qu’elle n’y a répondu qu’en disant que ces décisions étaient une injustice, réponse commune à tous les Etats qui ont des prétentions sur la France pour les fourrages de la guerre de Sept Ans. M. Gobel, évêque de Paris. — La République de Nuremberg a fourni loyalement. . . Un membre : Vous l’avez déjà dit et on vous a répondu que notre armée était auxiliaire. M. le Président. Je rappelle à l’Assemblée que l’agent de la République de Nuremberg avait demandé à être entendu, et que l’Assemblée avait paru acquiescer à cette demande sur laquelle elle avait renvoyé à statuer lors du rapport. (Murmures.) L’Assemblée veut-elle. . . ? (Non! non!) M. Goupil-Préfeln. Je demande la question préalable sur cette pétition, et je l’appuie sur une considération fort simple. La guerre de 1756 était une guerre de l’Empire : l’armée française étant dans l’Empire, était auxiliaire de l’Empire, la République de Nuremberg est Etat de l’Empire. Si elle a fourni plus que son contingent, c’est vis-à-vis de ses co-Etats qu’elle doit exercer sa réclamation. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! (L’Assemblée, consultée, adopte le projet de décret proposé par M. Camus.) M. le Président annonce le résultat du scrutin pour la présidence et pour les fonctions de secrétaires : M. Victor de Broglie est élu président. MM. Pougeard du Limbert, Gouppé et Mailly-Chàteau-Renaud sont élus secrétaires en remplacement de MM. Châteauneuf-Randon, Delavigne et Creuzé de Latouche. (La séance est levée à neuf heures et demie.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. VICTOR DE BROGLIE. Séance du dimanche 14 août 1791 (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. M. Alexandre de Beauharnais, président sortant , ouvre la séance. Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 11 août qui est adopté. M. le Président. Messieurs, une députation de citoyens de la section Poissonnière demande à présenter ses hommages à l’Assemblée et à lui (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.