ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1« juin 1191.] 690 [Assemblée nationale.] des crimes très graves, non punis par la mort, soient cependant punis pendant toute la vie du criminel. Ainsi donc, Messieurs, si dans ce moment-ci la discussion s’établissait sur l’exposé de la définition des crimes que vous voulez punir, nous balancerions dans nos débats si telle peine est bien adaptée à tel crime, et peut-être alors trouverions-nous qu’il y a des cas où une flétrissure perpétuelle doit être infligée à un tel crime. Je m’oppose donc à cette discussion vague et générale, et je demande qu’on détermine le délit afin qu’on puisse leur appliquer des peines analogues. M. Duport. Permeltez-moi d’observer que le préopinant a conclu contre son propre raisonnement; car il ne s’agit ici que d’une chose : c’est de la marque de flétrissure perpétuelle. Il n’y a personne qui ne doive convenir, même ceux qui sont d’avis de continuer la peine perpétuelle, que l’effet de la révision est entièrement perdu avec une flétrissure perpétuelle. Il faut rendre l’homme à la société avec l’état et les avantages de l’innocence, ce que vous ne pouvez pas faire si ces hommes portent une marque indélébile. M. Boutteville-Dumetz appuie l’opinion de M. Duport. M. Ménard de La Groy». La première question que vous avez à examiner est de savoir s’il y aura des peines, ou si, dans tous les cas, les peines ne seront que temporaires, et je demande que la première question qu’on examinera soit celle-ci : Les peines, dans tous les cas, seront-elles temporaires, ou bien pourront-elles, en certains cas, être perpétuelles? Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix ! Fermez la discussion 1 (L’ Assemblée ferme la discussion.) M. Duport. Voici la disposition que je propose : « La réintégration dans l’état de citoyen pourra avoir lieu et aucune marque indélébile ne sera imprimée sur la personne du condamné. » (Cette disposition est décrétée.) (La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain.) M. le Président. Je viens de recevoir une lettre de M . le ministre des affaires étrangères, dont il va vous être donné lecture. Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Ce serait une tâche difficile à remplir, et même absurde à tenter, que celle de répondre aux calomnies répandues habituellement dans une partie des nombreux journaux dont nous sommes inondés. Le parti le plus sage, et surtout le plus facile, est sans doute d’abandonner ces calomnies au mépris qui les attend, lorsque le calme, dont elles ont pour principal objet d’éloigner le retour, permettra de les apprécier à leur juste valeur. « Mais cependant, lorsque ces calomnies sont de nature à alarmer la nation entière , lorsqu’elles tendent à élever les défiances les plus injustes et les plus outrageantes sur les intentions de la famille royale; lorsqu’elles se trouvent consignées dans un journal qui, jusqu’à présent, n’était pas encore confondu avec ceux qui paraissent n’avoir d’autre but que celui d’agiter le peuple, de l’égarer et de le porter à des excès ; lors, dis-je, que toutes ces circonstances se trouvent réunies, ils est de mon devoir, comme fonctionnaire public et comme ministre du roi, de démentir avec la plus grande publicité ce que la malveillance invente et répand, et ce que la défiance n’est que trop portée, dans les circonstances actuelles, à accueillir. « Je crois donc devoir mettre sous les yeux de l’Assemblée nationale un article inséré dans le numéro 151 du Moniteur , sous le titre à' Allemagne (1). L’auteur suppose que deux contre-lettres ont été envoyées, en même temps que les instructions du roi, dans les cours étrangères; il prétend que son correspondant de Francfort a les copies fidèles des contre-lettres; et ne craignant pas de prêter à Sa Majesté le projet d'évasion le plus absurde, il affirme que ces détails partent des Tuileries; qu’ils sont portés dans une cour d’Allemagne par des lettres confidentielles, et que ce même correspondant de Francfort a vu deux fois les lettres originales. La précaution que preud l’auteur de garder l’anonyme et de cacher le nom de son correspondant porte assez le caractère de la calomnie; mais cette réflexion, toute simple qu’elle est, ne suffit peut-être pas dans ce moment. (1) Voici cet article : ALLEMAGNE. Suite d'une correspondance de Francfort , en date du 17 mai 1791. « J’ai dans ce moment entre les mains les copies fidèles de 2 contre-lettres envoyées en même temps que la déclaration dont on a voulu qu’elles annulassent l’effet, et qu’elles ont discréditée entièrement. On annonce que l’on s’est soumis pour très peu de temps aux lois de la nécessité; il fallait recourir à cet expédient, d’abord pour assurer sa vie, ensuite pour apaiser la défiance, et se servir de l’instant où elle se ralentirait, afin de reprendre les mesures de précaution récemment déconcertées. Voici l’explication de ces derniers mots ; je l’ai puisée à la même source, il y a peu de jours. « Le voyage de Saint-Cloud, qui n’a pu s’effectuer, ne devait pas se terminer à 2 lieues de Paris; la nuit suivante aurait conduit à Compiègne, et de là à Bruxelles. Alors un manifeste eût appris à l’Europe qu’on venait d’échapper à une longue et pénible captivité ; que prévoyant les maux qui pouvaient résulter, pour la partie fidèle de la nation, de ce départ, lorsqu’il serait connu de Ceux qui égarent le peuple, on l’avait différé; mais qu’il était devenu nécessaire dès qu’on s’était vu sur le point d'être forcé à une espèce d’abjuration de la religion de ses pères, en communiquant à l’époque qu’elle solennise le plus pompeusement avec un prétendu pasteur que l’Eglise ne reconnaît pas. En même temps, le bref du pape aurait été répandu avec profusion dans tous les départements. Les espérances, les plus étendues s'appuyaient sur le concours du fanatisme monarchique et religieux, et sur la détermination enfin publiée de différents despotes. Ces détails doivent obtenir votre confiance : ils partent des Tuileries, et sont apportés par une correspondance confidentielle dans une cour d’Allemagne peu éloignée d’ici ; deux fois j’ai vu les lettres originales, régulièrement j’en obtiens les copies. Vous vous doutez bien qu’aucune signature n’accompagne ces missives, mais je sais qu’elles viennent d’un des agents les plus actifs d’un grand personnage aristocratique, qui lui a fait donner une part considérable dans la direction du département auquel sont réservées les trahisons diplomatiques . » (Extrait du Moniteur universel , du mardi 31 mai 1791, n° 151, 1" page, lr« colonne.