SÉANCE DU 29 FRUCTIDOR AN II (LUNDI 15 SEPTEMBRE 1794) - N° 40 193 Tremblez Tyrans, a-t-il dit, si les Français disent un mot, le feu grégeois est là, demain vous ne serez plus; et vous peuples de l’univers, s’est-il ensuite écrié, qu’avez vous fait depuis 1789? Rien; et nous tout en conquérant notre liberté, et en vous apprenant à devenir libres, nous avons agrandi le cercle des connoissances humaines (66)... BARAILON, après avoir récapitulé les découvertes faites en France depuis la révolution, découvertes qui ont servi si puissament la guerre de la liberté, propose de décréter qu’il sera accordé un dédommagement pour chaque découverte, proportionné à son importance, et aux dépenses qu’elle aura coûtées. Il croit qu’il faut réveiller l’attention des Français sur les moyens de remplacer, par des substances indigènes, les drogues exotiques, d’usage en médecine, dans la teinture et dans les autres arts. Il voudroit qu’on imprimât les manuscrits des ci-devant académies et compagnies savantes, qui en seront jugées dignes d’après l’examen du Lycée des Arts et du comité d’instruction publique. Enfin il propose de faire connoître, même aux nations étrangères, les découvertes faites par les Français, sauf à taire celles que la politique empêchera de publier. Ces propositions sont renvoyées au comité de Salut public (67). On a observé à Barailon qu’une partie de ce qu’il demandait était déjà décrétée; mais comme il ne demandait qu’un simple renvoi, la Convention n’y a vu aucun inconvénient et elle a chargé les comités de Salut public, de Commerce et d’ Agriculture et d’instruction publique de se concerter pour examiner ces propositions et en faire leur rapport à la Convention (68). Un membre [Barailon] demande que l’on assure des encouragemens et des dé-dommagemens pour chaque découverte, surtout pour celles qui remplaceront les drogues exotiques utiles à la médecine et aux arts; l’impression de tous les manuscrits [des] sociétés savantes supprimées qui la mériteront; et enfin, que l'on se hâte de donner connoissance de toutes les découvertes faites depuis 1789 par des Français. Renvoyé aux comités de Salut public, d’ Agriculture et des Arts (69). (66) Mess. Soir, n° 758. (67) Débats, n° 725, 477. Reproduit dans Moniteur, XXI, 774. (68) Mess. Soir, n° 758. Débats, n° 725, 477; Moniteur, XXI, 774; M. U., XLIII, 475; J. Fr., n° 721; Rép., n° 271; J. Perlet, n° 723; J. Paris, n° 624. La Gazette Fr., n° 989, lie cette intervention de Barailon à «la motion faite hier par Petit, ou plutôt la partie de cette motion relative au commerce et aux arts ». (69) P.-V, XLV, 270. C 318, pl. 1286, p. 30. Décret n° 10 895, minute de la main de Barailon, rapporteur. 40 Rapport fait par BORDAS, au nom du comité des Finances (70). Citoyens, il ne suffit pas de faire une révolution, il faut encore cicatriser les blessures qu’elle laisse après elle. Si la liberté commande quelquefois l’exercice rigoureux de ses droits, jamais elle ne voulut faire des victimes. Ses victoires doivent être pures comme son objet. C’est dans les grands mouvemens que s’agitent les grandes passions. S’ils sont utiles à la liberté, ils prêtent souvent des armes terribles aux hommes injustes, haineux et méchans. Citoyens, vous avez vu depuis long-temps les coups qui se montoient contre le peuple; vous avez vu le mal, vous en avez connu la source, vous y avez porté un remède dépuratif. Dans le grand nombre d’arrestations que le salut public a nécessitées, il s’est nécessairement trouvé des hommes sans reproche, et dont tout le crime étoit d’avoir quelques ennemis particuliers qui exerçoient, non la justice nationale, mais leurs vengeances personnelles. Dans le mélange de crime et de vertus que renfermoient les maisons d’arrêt, les moins coupables étoient quelquefois les plus persécutés; la voix de l’innocent sur-tout étoit étouffée par la main criminelle qui l’avoit plongé dans cet abîme de douleur. L’intérêt, l’honneur, la vie, voilà les sacrifices que le crime poursuivoit contre les hommes purs. Les hommes purs ! Ah ! certes, je conviendrai avec vous que parmi les détenus, le nombre en étoit bien petit; mais ne s’en trouvât-il qu’un seul, que celui-là, au moins, qui s’est montré digne de conserver la vie, l’honneur ne soit pas dépouillé de sa fortune. Votre comité, citoyens, auroit à peine le temps de préparer des rapports partiels, vous n’auriez vous-mêmes qu’à vous occuper des réclamations en relevée de déchéance que font les détenus élargis, si vous ne preniez des moyens prompts pour les admettre ou les écarter. Tout le monde connoit l’apposition des scellés qui a eu lieu sur les meubles et les effets des citoyens mis en arrestation. Vous savez que ces scellés ont été et dévoient être en permanence, puisque les détenus n’avoient seulement pas la faculté de se faire entendre. Un grand nombre à coup sûr a passé dans les cachots tout le temps que la loi avoit prescrit pour la remise des titres de créances sur la nation. La fatalité du délai doit-elle donc frapper aussi ceux qu’une force majeure a empêchés d’obéir à la loi, ceux dont l’innocence a été enchaînée ? La perte de leurs droits seroit-elle donc l’indemnité due aux persécutions qu’ils ont éprouvées, aux calomnies dont ils (70) Débats, n° 729, 559-560. Moniteur, XXI, 765; F. de la Républ., n° 436; Ann. R. F., n° 288; Gazette Fr., n° 989.