504 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. | g Lettre des citoyens Turreau, Prieur et Bour-botte, représentants du peuple près les armées réunies de V Ouest (1), datée du Mans, le 23 frimaire, au comité de Salut public. « Citoyens collègues, « À force de courir après la horde infernale des brigands, nous les avons enfin atteints hier sous les murs du Mans, où ils étaient entrés la veille, comme nous vous l’avions marqué dans notre très expéditifs. Les brigands étaient du côté de La Flèche, les armées de l’Ouest et de Cherbourg se trouvent loin d’Ancenis, mais entre cette commune et les brigands; ceux-ci ne pouvant diriger leurs mouvements vers Ancenis, en vérité, c’est plus que de vaines sollicitudes d’en avoir conçu de ces ba¬ teaux, dont la conduite a été confiée à deux braves et vigilants patriotes. « Les cinquante-huit prêtres arrivés d’Angers ont péri sur la Loire. Que sont devenus les cent trente contre-révolutionnaires que j’ai envoyés en échange à Angers? On ne m’en donne pas de nouvelles aussi positives. « Je fais faire beaucoup de souliers, mais il en faut une si grande quantité pour les colonnes d’Haxo et pour les différents postes des environs de Nantes, qu’il m’est impossible de fournir à l’armée de l’Ouest celle qui lui serait nécessaire. Je lui en fais passer demain par la poste sept cents paires; mais que cette quantité est insuffisante ! Faites lui parvenir les dix mille paires que je vous ai demandées avec mes collègues; faites faire cet envoi par la poste; ne per¬ dez pas un moment; il est plus nécessaire que vous ne pensez. De la diligence ! de l’activité dans cet en¬ voi ! « Je recommande très expressément à la ven¬ geance nationale les scélérats et contre-révolution¬ naires Beysser, Baco, Beaufranchet et Letourneux; les têtes de ces quatre coquins ne cicatriseront jamais les plaies profondes qu’ils ont faites à leur patrie. Il serait à désirer, il faut même que le Tribunal ré¬ volutionnaire les condamne tous quatre prompte¬ ment à la mort et renvoie leur exécution à Nantes. Elle serait inutile à Paris, elle produira le plus grand bien à Nantes. Envoyez-nous, tandis que j’y suis, ces quatre grands conspirateurs, et je vous ré¬ ponds de faire bientôt tomber leurs têtes. « Montaut, ancien capitaine de canonniers à Ren¬ nes, et qui commandait l’artillerie dans la force dé¬ partementale à Verdon, doit subir le même sort; mais, si vous voulez le lui assurer, envoyez-le-moi à Nantes, après l’avoir fait condamner; je l’enverrai faire exécuter à Rennes. Il faut absolument que la mort de ces grands scélérats épouvante tous les pe¬ tits qui pourront échapper à notre vigilance. « Salut et fraternité. « Carrier. » (1) Nous croyons intéressant d’insérer ici en note un posl-scriplum de la lettre de Turreau, Prieur et Bourbotte, que Barère ne donne pas dans son rapport et que nous avons retrouvé aux Archives nationales, carton AFn, n° 277, plaquette n° 2323, pièce n° 63. Posi-scriptum de la lettre de Bourbotte, Prieur (de la Marne) et Turreau, du 23 frimaire, qui n'a pas èlè inséré dans le rapport de Barère. « P.S. Vous trouverez ci-joint l’inventaire des pieuses reliques traînées à la suite de l’armée catho¬ lique et qui ont été saisies sur les brigands. Inventaire des sacrées reliques abandonnées par le clergé de l'armée catholique dans sa fuite du Mans après la défaite du 22 au 23 frimaire. ’ Le chef de saint Charles Borromée. Un paquet contenant des étoffes, du linge trou¬ vés dans la châsse de saint Denis. dernière lettre. Notre cavalerie, qui ne cessait de les talonner depuis leur déroute d’Angers, les serra de si près hier, ainsi que la petite avant-garde dont elle était' appuyée, qu’une action très chaude commença à s’engager entre eux et nous. D’abord, ils nous repoussèrent, tant à cause de la supériorité de leur nombre, que parce qu’ils étaient embusqués avantageuse¬ ment en avant du Pont-Lieu. Fiers de ce pre¬ mier succès, ils s’avancent rapidement et la d vision la plus rapprochée de notre avant-garde, et qui devait la soutenir, ébranlée par la retraite de cette même avant-garde, fut obli¬ gée de se replier, et déjà les brigands criaient victoire; le génie de la Liberté en avait déoidé autrement. « La colonne de Cherbourg, commandée par le général Tilly était là, et loin d’être intimidée par la retraite de leurs frères d’armes, et par l’audace des ennemis qui les poursuivaient, les soldats de la division de Cherbourg fondent sur les brigands; et après une première décharge les poursuivent à la baïonnette, les mettent en fuite et en tuent un grand nombre. Ce n’est pas tout : les brigands courent se retrancher bien vite dans différentes redoutes qui étaient pra¬ tiquées par échelons sur le Pont-Lieu, qui parais¬ saient inexpugnables, et rendre le passage de ce pont impossible. Impossible ! rien ne le fut à la valeur de nos braves soldats tant infanterie que cavalerie; ponts, retranchements, redoutes, fortifications, canons, tout fut franchi dans un instant; les brigands épouvantés reculent, nos troupes les poursuivent, les taillent en pièces, et les atteignent enfin jusqu’au milieu de la grande place, où tous leurs canons dirigés sur nous y fixant l’ennemi, nous fûmes forcés de dous arrêter un instant. Il était neuf heures du soir; là une fusillade terrible s’engage de part et d’autre; on se dispute pied à pied le terrain dans la ville, et ce combat a duré jusqu’à deux heures du matin. « De part et d’autre on est resté en observa¬ tion. Les brigands profitèrent des ténèbres pour évacuer confusément la ville. Ils avaient laissé Pièces probantes de l’authenticité des reliques de saint Vincent. Fragment de la mâchoire inférieure trouvée dans le chef de saint Vincent. Une côte du bienheureux saint Julien, avec un morceau de la tête de saint Etienne. Entre deux verres ; un morceau de la tunique de Jésus. Quelques os du bienheureux stylite. Entre deux verres un morceau de la robe de l’en¬ fant Jésus. Un clou qui a perforé la main du divin Rédemp¬ teur. Le péricrâne de saint Sébastien. Saint Laurent sur son gril. Un morceau du bois de la vraie croix. Un petit assortiment de reliques trouvées dans la statue de saint Allvic. Entre deux cristaux t du lait de la sainte Vierge. Deux boîtes d’étain contenant, l’une, la poussière •méphitique d’un saint; l’autre un titre important à la religion. Une vraie relique de saint Médard. Entre deux verres : un paquet de cheveux de la sainte Vierge. Une dent molaire de saint Jean-Baptiste. Un morceau du gril de saint Laurent et un mor¬ ceau de ses os un peu brûlé. Une amande du paradis terrestre, Le tout sous le sceau de Mgr l’évêque d’Agra. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. f. J,!maire an 11 505 une arrière-garde pour en imposer à nos troupes; mais à peine le jour parut que les chasseurs des Francs et de Cassel, réunis à l’avant-garde de la colonne de Cherbourg, les chargent à la baïon¬ nette; tout ce qui était resté dans la ville tombe sous leurs coups. Des chefs, des marquises, des comtesses, des prêtres à foison, des canons, des caissons, des carrosses, des bagages de toute espèce, un nombre considérable de fusils, tout est tombé en notre pouvoir, et des monceaux de cadavres sont les seuls obstacles que l’ennemi opposait à la poursuite de nos troupes; les rues, les maisons, les places publiques, les routes en sont jonchées, et depuis quinze heures ce massacre dure encore. Toute l’armée court après cette horde; notre cavalerie est sur elle, déjà presque tous ses canoDS, caissons, sont pris depuis qu’elle est sortie du Mans. Leur trésor, leurs bagages, leurs effets, leurs malles, tout est entre les mains de nos soldats, jus¬ qu’aux croix d’argent, aux mitres, aux crosses, aux bannièies, aux reliques de toutes espèces, aux étendards, signes et instruments du fana¬ tisme dont ils enivraient leur tourbe insensée et féroce. Nous ramassons tous les signes de l’imposture pour vous les envoyer, parce que nous pensons qu’il serait utile de les faire con¬ naître au peuple, afin qu’il vît clairement avec quelle astucieuse perfidie les prêtres ont jusqu’à présent cherché à égarer la raison (1). « Enfin, citoyens collègues, voilà la plus belle journée que nous ayons eue depuis dix mois que nous combattons ces brigands. Tout nous présage que celles qui vont la suivre ne seront pas moins heureuses. « Il est bien des détails oubliés, et qui seraient intéressants; mais, au comble de la joie, excé¬ dés de fatigues, nous ne pouvons saisir l’en¬ semble de tous les faits, et vous en transmettre avec ordre les détails. Parmi ceux que nous ne vous tairons pas cependant, sont tous les traits de bravoure et de courage que nos troupes ont développés, et particulièrement les deux régi¬ ments, ci-devant Aunis et Armagnac; la gen¬ darmerie nationale à pied, attachée à la colonne de Cherbourg, a beaucoup ajouté à la réputa¬ tion que ce corps s’est acquise dans la Vendée. « Les bataillons de l’Aube, de la Dordogne et généralement tous ceux aux ordres du général Tilly, et dont nous n’avons encore pu nous pro¬ curer les noms, se sont disputés d’audace et d’intrépidité; chaque soldat était un héros dans ces légions républicaines. Marceau, général en chef; Tilly, commandant la division de Cher¬ bourg; Westermann, qui commande la cavale¬ rie depuis notre départ de Rennes, ont eu, par leur bravoure et leur valeur, grande part au succès de cette journée. Ce dernier a eu deux chevaux tués sous lui, a reçu deux blessures dans le combat; et n’a pas voulu pour cela quitter son poste. Dans cet instant même, il est encore à la poursuite des brigands, et son intrépide cavalerie jonche la terre de leurs cadavres. Ce qu’il y a de bien satisfaisant, c’est qu’une victoire aussi décisive n’a pas coûté 30 défenseurs à la République; nous avons environ 100 blessés , parmi lesquels se trouvent Vadeling et quelques autres officiers de l’état-major de la division de Cherbourg. Nos canon-(1) Voy. ci-dessus le posi-scriplum de la lettre de Turreau, Prieur et Bourbotte. niers ont continué de bien mériter de la patrie.1 « Vous trouverez ci -joint une croix de Malte, qui a été enlevée à un des chefs par les grena¬ diers de Marat, qui en font hommage à la Con¬ vention. « Le peuple du Mans a accueilli nos soldats comme des libérateurs. Vive mille fois la Répu¬ blique! le triomphe de ses armes a été complet dans cette journée. « Nous marchons à la poursuite des brigands; leur dernière heure est prête à sonner. « Signé : Bourbotte, Prieur (de la Marne), Turreait. » Citoyens, de pareilles troupes sont dignes de la belle cause qu’elles défendent. Vous décla¬ rerez donc aux Français que l’armée de l’Ouest et les troupes qui s’y sont réunies ont bien mérité de la patrie. Mais il est encore, dans la correspondance de cette journée, deux faits qui méritent d’être connus de la Convention. L’un regarde un jeune républicain de 13 ans, qui a mieux aimé mourir que de proférer le cri des royalistes avec les brigands ; l’autre fait ap¬ partient à un bataillon qui a pensé comme ce fameux grenadier revenant d’un grand danger, et à qui le général offrait sa bourse : « Mon géné¬ ral, on ne va pas là pour de l’argent. » Le Ier ba¬ taillon de l’Indre a refusé une récompense de .1,200 livres, et, en augmentant la somme par ses économies, l’a consacrée au soulagement des veuves et des orphelins des défenseurs de la patrie. Voici les lettres qui constatent ces faits : Lettre du général Pichegru, général en chef de l’armée du Rhin, au ministre de la guerre, datée du quartier général de Vandenheim, le 20 frimaire. « Avant-hier, citoyen ministre, j’ai fait atta¬ quer l’ennemi par la gauche et le centre de l’armée, tandis que la droite se mettait en évi¬ dence pour occuper les forces que l’ennemi avait devant elle, et l’èmpêcher de renforcer son centre ou sa droite. Les divisions de gauche et du centre, malgré leur ardeur, n’ont pu gagner que quelque peu de terrain. La division, com¬ mandée par Jacob, a enlevé deux drapeaux aux ennemis; j’ai fait bivouaquer la nuit les troupes sur le champ de bataille, afin de recom¬ mencer, à la pointe du jour, les attaques, et profiter des bonnes dispositions qu’elles mon¬ traient. En conséquence, hier matin, la Car¬ magnole a recommencé; nos attaques ont eu tout le succès que j’en attendais. Après une longue canonnade, les troupes, ne consultant plus que leur ardeur et leur impétuosité, char¬ gèrent à la baïonnette et emportèrent les re¬ doutes qui défendaient l’accès des hauteurs qu’occupait l’ennemi. Le feu terrible qui en sortait ne faisait qu’augmenter leur ardeur, et elles y répondaient par des cris de vive la Répu¬ blique ! « Nous nous sommes emparés, de la même manière, de plusieurs villages qu’ils occupaient. Le désordre étant alors dans les troupes enne¬ mies, elles fuyaient de toutes parts, et si le jour eut eu deux heures de plus, nous aurions pu nous emparer d’Haguenau sans éprouver une grande résistance. « Les troupes ont bivouaqué cette nuit sur la position qu’occupait hier l’ennemi, et aujour-