[Annexes.] 7i4 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. RAPPORT et projet de décret sur le SERVICE DE SANTÉ DES HÔPITAUX DE LA MARINE, DES COLONIES ET DES ARMÉES NAVALES, présentés , au nom' des comités de la marine et de salubrité, par M. Boussion, député du département de Lot-et-Garonne. — (Imprimés par ordre de l’Assemblée nationale.) Messieurs, Votre comité de la marine avait prévenu vos intentions, en renvoyant au comité de salubrité, le travail sur l’organisation des hôpitaux de la marine et des officiers de santé attachés à ce service et à celui des vaisseaux de l’Etat, se réservant de le discuter conjointement avec lui. C’est d’après la discussion qui a eu lieu, que nous avons l'honneur de soumettre à vos lumières le résultat de notre travail; mais avant de vous présenter le projet de décret, permettez-moi, Messieurs, de fixer un moment votre attention sur les motifs qui ont déterminé les deux comités à adopter Te plan qui va vous être proposé. Les hôpitaux de la marine sont des asiles consacrés au soulagement de cette classe précieuse d’individus, connus sous le nom de marins, que le gouvernement rassemble au besoin, dans les trois grands ports du royaume, pour l’équipement de ces flottes. Nous ne répéterons point ici ce qui vous a été dit dans cette tribune, sur les dangers auxquels sont exposés ces guerriers, habitués à regarder le mépris de la vie comme la première vertu de la profession qu’ils exercent. Vous avez été si bien pénétrés de cette vérité, que tous les décrets qui vous ont été présentés par votre comité de marine, tendant à améliorer le sort des marins, ont été accueillis favorablement par vous. Il vous reste à statuer sur une classe de fonctionnaires de ce département, qui mérite vos soins paternels. Nous voulons parler des officiers de santé qui, partageant les dangers attachés à l’état de marin, oublient, dans le sein des épidémies, leur propre conservation, pour ne s’occuper que des individus confiés à leurs soins, et se livrent avec courage à leurs devoirs, par l’espérance d’y répandre des bienfaits. Le service des hôpitaux de la marine et des officiers de santé a besoin d’être fixé sur des bases immuables, conformes aux principes de la Constitution que vous avez décrétée, et de n’être plus soumis aux caprices des ministres qui se succèdent, et dont les décisions sont autant de lois nouvelles que l’on interprète comme l’on veut. Cependant il s’en faut de beaucoup que les hôpitaux de la marine aient été soumis aux mêmes variations que les hôpitaux militaires de terre. Les ministres de la marine qui ont fait des ordonnances, n’ont jamais daigné s’occuper de cet objet important du service, quoiqu’ils aient été souvent sollicités de fixer d’une manière précise cette partie de leur administration, qui, depuis la création des écoles de médecine navale, en 1768, est devenue infiniment meilleure (1). (1) C’est à M. Poissonnier, médecin inspecteur des hôpitaux de la marine, adjoint au comité de salubrité, que la nation doit les institutions des écoles dans les 3 grands ports de Brest, Toulon et Rochefort; c’est depuis cette époque que l’ordre du service de santé de la marine a été mieux dirigé. C’est à ses lumières et à son zèle infatigable que nous devons les progrès de l’art de guérir dans cette partie. 11 est donc de la justice de l’Assemblée nationale, il est de sa sagesse, de déterminer les bases invariables sur lesquelles doit reçoser le service de santé des hôpitaux de la marine et celui des armées navales; c’est à la patrie reconnaissante d’assurer des soins uniformes à tous ceux qui, employés à son service sur la mer, sont exposés à contracter les mêmes maladies. Tous les marins devant lui être également chers, nous tâcherons de remplir ses vues en proposant pour tous, sans distinction, depuis le mousse jusqu’à l’amiral, le même service dans leurs maladies, également administré par des hommes habiles, soit dans les vaisseaux de l’Etat et sur ceux du commerce, dans des voyages de long cours, soit dans les ports, soit dans les différents hôpitaux. Le projet de décret des hôpitaux de la marine et dos officiers de santé repose sur les mêmes bases que celui des hôpitaux militaires de terre, avec les modifications qui sont dues aux localités et à la différence du service et de l’administration. Ainsi, vos comités réunis ont été d’avis de conserver les écoles établies dans les trois grands ports, écoles qui ne laissent rien à désirer, d’où sont sortis des officiers de santé très distingués, qui, dans les dernières guerres, ont donné des preuves non équivoques de leurs talents. Nous avons réuni sous une seule dénomination, qui est celle de médecin, les officiers de santé des hôpitaux et ceux des vaisseaux, ne connaissant d’autre distinction dorénavant que celle qui est due au mérite et au talent. Des examens et des concours ont été établis pour les différents grades ; mais le titre de médecin ne peut être conféré qu’à celui qui aura subi, dans une des grandes écoles nationales, les épreuves qui vous ont été proposées par votre comité de Constitution et par celui de salubrité. Ce dernier vous développera d’une manière plus étendue, les motifs de la disposition qui réunit la médecine et la chirurgie sous une même dénomination. Les places à résidence, dans les différents ports du royaume et des colonies, deviendront la récompense des médecins en chef des vaisseaux de l’Etat, et d’après vos décrets, nous avons établi que les deux tiers de ces places seraient données à l’ancienneté, et l’autre tiers au choix du roi. 11 n’y a que les places qui exigent des connaissances de théorie et de pratique très approfondies, qui seront données au concours, lorsqu’elles viendront à vaquer : telles sont celles de professeurs dans les trois grands ports. Vos comités réunis ont été d’avis d’établir, auprès de chaque hôpital, un directoire particulier de santé, composé des officiers de santé en chef des hôpitaux, du chef de l’administration de l’hôpitai, et d’un officier de la marine, sous les ordres de l’ordonnateur, pour éclairer ce dernier sur toutes les parties du service de santé. Tous ces directoires particuliers de santé viendront aboutir à un directoire central, établi auprès du ministre et sous ses ordres, qui sera [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] chargé de surveiller le service de santé de tous les hôpitaux de la marine et des colonies, et d’éclairer le ministre sur toutes les demandes qui peuvent lui être faites, ainsi que sur tout ce qui peut améliorer ce service. Vos comités se sont aussi occupés du service de santé des armées navales. L’expérience de la dernière guerre leur a démontré la nécessité d’établir, à la suite des armées navales, un vaisseau-hôpital, afin de débarrasser les vaisseaux de l’armée de leurs malades, d’attacher à l’armée navale un officier de santé supérieur, qui ait le titre de médecin en chef, à qui sera confiée la direction de ce service. Si ce que vos comités vous proposent aujourd’hui avait eu lieu pendant la dernière guerre, l’escadre de M. d’Orvillers, qui croisait sur Ouessant, n’aurait pas été obligée de quitter sa croisière et de rentrer à Brest (1), pour y déposer ses malades. S’il y avait eu un vaisseau-hôpital, à la suite de l’armée, et un médecin en chef, à qui tous les officiers de santé des vaisseaux eussent rendu compte de la situation des malades à bord de leurs vaisseaux, on aurait transporté les malades sur le vaisseau-hôpital, qui serait venu les déposer à Brest; et l’armée navale aurait continué sa mission. Tant qu’on n'aura pas l’attention de débarrasser les vaisseaux de leurs malades, on aura toujours des épidémies dans les armées navales, parce qu’il n’est point de cause plus manifeste de contagion, que d'avoir entassé dans un même lieu, des individus sains avec des individus malades ; et les hommes moissonnés par le canon, ne sont rien en comparaison de ceux qui le sont par les maladies. Nous pouvons, à l’àppüi de ce que nous avançons, citer toutes les puissances maritimes qui ont eu de grandes flottes, et qui n’ont point eu de vaisseau-hôpital. L’armée navale anglaise croisant sur les îles d’Hyères, en 1744, fut obligée de rentrer à Mahon, à cause de la grande quamité de ses malades. La même cause, il y a 2 ans, obligea l’escadre russe, dans la mer Noire, de rentrer dans le port. On y envoya, mais trop tard, un médecin en chef, pour diriger le service de santé de cette armée. Le traitement des officiers de santé de la marine avait été jusqu’à ce jour si modique, eu égard à la nature de leur service , que nous avons cru prévenir vos désirs en l’augmentant, ainsi que vous l’avez déjà fait pour tous les autres employés à ce département. Le métier de marin ne peut être comparé à aucun autre. Tout le monde sait que les hommes qui s’y livrent, s’usent et deviennent vieux de bonne heure. Les retraites, pour ceux qui ne seront point employés en ce moment, devraient être un peu plus avantageuses; parce que J’homme qu’on renvoie, doit être mieux traité que celui qui demande à s’en aller ; mais pour l’avenir, nous avons suivi scrupuleusement les décrets que vous avez rendus à l’égard des officiers militaires, attendu que les officiers de santé sont, ainsi que les militaires, exposés dans les combats, et qu’ils le sont infiniment davantage dans les épidémies. Nous ne fatiguerons pas plus longtemps votre attention; et si vous voulez le permettre, nous (1) Ce fait, et ceux qui suivent, nous ont été communiqués et certifiés par M. Coulomb, médecin en chef de l’hôpital de la marine de Toulon, qui, employé dans la dernière guerre, a rendu de grands services, et qui, adjoint au comité de salubrité, nous a donné les renseignements les plus étendus sur cet objet. 715 passerons de suite aüx articles du décret qui doit faire la base du service de santé des hôpitaux de la marine et de l’armée navale; en attendant qu’on vous présente les règlements qui doivent être une conséquence nécessaire de l’exécution du projet de décret que je vais vous soumettre (t). TITRE 1er. Bases générales du service de santé des hôpitaux de la marine, des colonies et de V armée navale , et de leur division en hôpitaux de première et de seconde classe. Art. 1er. « Tous les marins employés au service de l’Etat, seront traités, dans leurs maladies, aux frais du Trésor public. Art. 2. « Tous les établissements de santé de la marine, des colonies et des armées navales seront sous la direction immédiate du ministre de la marine, et sous la surveillance d’un directoire central, établi près de lui et sous ses ordres. Art. 3. « Il y aura toujours, à la suite de chaque armée navale, un vaisseau-hôpital. Art. 4. « Il sera attaché, pour le service des armées navales, un officier de santé supérieur, sous le titre de médecin en chef, auquel sera confiée la direction dtl service de santé des escadres. Ce médecin sera nommé par le roi, et pris parmi les médecins en chef des grands ports, qui auront navigué. Art. 5. « Toutes les fois qu’il y aura des projets d’armement, le directoire central mettra sous les yeux du ministre l’état des officiers de santé nécessaires à l’armement, et de tous les objets relatifs à la salubrité. Art. 6. « Les hôpitaux de la marine seront divisés en hôpitaux de première et de seconde classe. Art. 7. « Les hôpitaux de la première classe seront ceux où il y aura enseignement. Ils seront au nombre de 3, savoir : Brest, Toulon et Rochefort. Art. 8. « Les hôpitaux de seconde classe seront ceux établis dans les ports du second ordre, dans les colonies et dans les échelles du Levant. Art. 9. « Les médicaments seront toujours de qualité supérieure. La fourniture en sera mise en régie, et ne pourra jamais être donnée à l’entreprise. (1) Tous les règlements relatifs au service de santé de la marine ont été préparés par le comité de salubrité, et seront remis par lui au directoire central des hôpitaux de la marine, si l’Assemblée nationale décrète cet établissement. Celui-ci le cohiinu'niqlierâ âu ministre, qui le soumettra à la législature.