696 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { novembre*"� suivre le cours de nos opérations sans beaucoup de changement, et l’armée révolutionnaire ne quittera ce pays qu’après l’avoir purgé des prê¬ tres, des royalistes, des brigands, des déserteurs qui en couvraient la surface. « Nos détachements battent la campagne, et font chaque jour des prises; en exécution de vos décrets sur Lyon et la Vendée, nous nous proposons de faire détruire les châteaux-forts dont la horde nobiliaire avait hérissé ces rochers. Cette précaution est d’autant plus indispen¬ sable, qu’au moindre soulèvement les fanatiques cherchent à s’en saisir, et qu’il en est plusieurs dont il faudrait faire un siège en forme pour les en débusquer. « Les brigands se sont dispersés par petites bandes, qui s’enfoncent dans des forts, et des taillis couverts, dans des endroits inaccessibles, où des souterrains leur servent de retraite. J’ai cru, pour épargner le sang de nos conci¬ toyens, exposés à tout moment à être assassinés par des mains invisibles au fond de ces embus¬ cades, devoir faire détruire par le feu ces repaires de malfaiteurs; d’autant plus qu’une grande partie de ces taillis sont des communaux appartenant à des communes fanatisées, et qu’on pourrait être sûr, deux jours après le départ des troupes, que les brigands y reviendraient encore se réunir et comploter de nouveau. « On arrête de toutes parts les gens sus¬ pects; des listes de contribution sont dressées pour faire supporter aux inciviques les frais de l’expédition qu’ils ont occasionnée. Je rends compte au comité de Salut public et lui fais passer les arrêtés que j’ai pris à cet égard, et pour assurer la fidélité des comptables et autres préposés à la recette et à l’emploi. « Les départements du Lot et du Cantal ont fourni, aux dépens des aristocrates, des sommes considérables ; je n’en sais pas au juste le montant; mais il doit être fort, vu les diverses sommes des assignats, or, argent, argenterie dont on m’a annoncé le recouvre¬ ment. Ces fonds sont restés, jusqu’ici, à la disposition des receveurs des districts. Le numéraire métallique et l’argenterie doivent être portés à la Trésorerie et à la Monnaie nationales. J’attends vos ordres à cet égard. J’ai eu soin de faire mettre le plomb, le cuivre et le fer, qui étaient encore dans les maisons des émigrés, à la réquisition des préposés aux fabrications d’armes. « Le zèle et le patriotisme de l’armée révo¬ lutionnaire me sembleraient avoir mérité quel¬ ques témoignages de satisfaction de la part de la Convention nationale. Je la prie d’approu¬ ver également les mesures que nous avons cru devoir prendre pour rétablir la tranquillité dans ce pays ; ce témoignage de confiance serait un aiguillon à notre zèle pour frapper de plus fort les ennemis de la liberté et de l’égahté. « Recevez, citoyens collègues, les civiques et fraternelles salutations que je vous adresse. « Le représentant du peuple , « Taillefer. « Par le représentant du peuple : « Marat-Valette. « P. -S. Vous recevrez ci -joints divers ar¬ rêtés concernant l’érection des comités de sur¬ veillance. Celui qui est relatif à la création du comité de Villefranche vous donnera la me¬ sure de ceux qui ont été formés par mon ordre dans le Lot et le Cantal; ils Sont calqués les une d’après les autres; j’ai cru devoir en établir un de central à Rodez : comme l’ulcéré était large, j’ai voulu le couvrir d’un emplâtre qui le tînt tout; d’ailleurs ses fonctions seront très momentanées, et Châteauneuf-Randon, à son arrivée ici, pourra le remanier, s’il le juge plus utile. « Vous trouverez encore ci -joints deux arrêtés que j’ai jugés nécessaires pour prévenir la dila¬ pidation des taxes levées ou à lever sur les inciviques ; vous verrez par leur disposition, que si, d’une part, je suis mauvais marchand pour les aristocrates, j’entends bien d’une autre que la République seule profite de leurs dépouilles; vous concevez qu’il est impossible qu’une armée révolutionnaire ne soit pas plus dispendieuse que des troupes réglées, mais cepen¬ dant, je veux bien efficacement procurer des bonnes sommes dont elle a grand besoin. « J’écris à Châteauneuf à cet égard; je l’invite à accélérer son arrivée dans ce pays, à éclaircir les recouvrements et emplois de fonds, en tenant la main à l’exécution de mes arrêtés ; je lui donne diverses instructions que j’ai prises sur le local et qui lui faciliteront une heureuse réussite. « Je n’ai pas attendu d’autorisation précise pour la destruction de Loupiac, Nasac, Séverac et autres châtels en hic et en hac des ci-devant gentillâtres rouergats. J’ai commandé aussi la démolition des habitations des plus entêtés royalistes et fanatiques, ainsi que celles des prin¬ cipaux promoteurs. Ces! exemples de sévérité, faits avec réserve cependant, ont produit une grande impression et me paraissent le meilleur calmant pour cette frénésie religieuse. Les habi¬ tants des campagnes, craignant sans [cesse devoir opérer sur eux des mesures approchantes, s’empressent de nous dénoncer et amener les coupables. « Je ne puis finir cette dépêche sans vous pré¬ venir que le Cantal et l’Aveyron sont à la faim ; que ce premier département, si intéressant par son patriotisme est à la veille d’une disette totale; que l’Aveyron est dans le même cas; et vous sentez comme une famine serait dange¬ reuse dans un pays toujours prêt à se soulever; je n’ai pas besoin de vous en dire là-dessus davantage. | « Adressez-moi vos dépêches et instructions, si vous avez à m’en faire parvenir, à Cahors, où l’on a soin de me les faire passer partout, car je ne demeure guère en place. Je me plains de ne recevoir ni Feuilletons ni Bulletins, ce qui m’expose ou peut m’exposer à prendre des arrê¬ tés qui se contrarient avec les décrets que la Convention rend 'journellement : cet objet mérite un peu votre attention, et je vous prie de donner des ordres pour qu’ils me parviennent tout le temps que vous croirez que je peux faire ici quelque bien. « Salut et fraternité, « Taillefer. » Arrêté du représentant du peuple Taillefer (1), au nom de la République française, une et indi¬ visible. Nous, représentant du peuple, délégué par (1) Archives nationales, carton AFn 89, pla¬ quette 659, pièce 36. ' ; [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 697 la Convention 'nationale dans les départements du Lot, Cantal et Aveyron; Considérant que les révoltes, les mouvements contre-révolutionnaires et les rassemblements fanatiques, qui ont lieu dans le département d’Aveyron, nécessitent des mesures aussi promptes que sévères pour en opérer la répres¬ sion; qu’une force armée n’est pas suffisante pour prévenir et faire avorter les desseins des conspirateurs; qu’il est encore nécessaire de constituer une autorité civile révolutionnaire pour accélérer le rétablissement de l’ordre, le retour du calme, l’exécution des lois de la Con¬ vention nationale, concernant les objets de sûreté publique, pour connaître et saisir les fils de toutes les trames qui ont été ourdies contre la liberté, pour éclairer la conduite des mauvais citoyens, s’assurer des conspirateurs et les faire traduire devant les jurys militaires ou tribu¬ naux révolutionnaires, et finalement recon¬ naître les citoyens qui, ayant participé dans les complots liberticides des rebelles, peuvent, par des moyens pécuniaires, contribuer au paye¬ ment de l’armée révolutionnaire dont ils ont nécessité le mouvement, et indemniser la Répu¬ blique des frais immenses qu’ils lui coûtent ; Considérant que l’apathie, l’ignorance, le fanatisme, la mauvaise volonté, le défaut d’in¬ telligence et même l’incivisme du plus grand nombre des individus composant les autorités constituées, nécessitent une Commission expres¬ sément chargée de les surveiller elles-mêmes, de procéder à leur épuration, à celle des Sociétés populaires, à la régénération et revivification totale de l’esprit public dans ce département; En conséquence de ces motifs, nous nous sommes déterminés à arrêter les articles sui¬ vants : « Il sera créé une Commission révolutionnaire, civile et de surveillance. Cette Commission sera composée de trois membres, à chacun desquels sera déléguée une attribution immédiate sur trois districts du département d’Aveyron. Ces commissaires sont autorisés à rechercher et faire incarcérer les conspirateurs, fauteurs, agents et complices des mouvements contre-révolution¬ naires qui se sont manifestés ; à faire mettre en réclusion tous les citoyens suspects d’incivisme à suspendre, destituer de leurs fonctions et con¬ duire pareillement en réclusion tous les indi¬ vidus, membres des autorités constituées, qui auraient donné des preuves d’aristocratie, ou même seraient dénoncés, par l’opinion publique, pour professer des principes de fédéralisme, de modérantisme, de fanatisme, d’égoïsme et de tiédeur pour la Révolution. « Il sera par eux dressé une liste de tous les individus suspects d’aristocratie, de royalisme, feuillantisme, fédéralisme, fanatisme, égoïsme et indifférence pour la Révolution, de mono¬ pole, d’accaparement; ils sont autorisés à pré¬ lever sur leurs fortunes et propriétés une taxe et contribution applicable aux frais de l’armée révolutionnaire, et autres indemnités dues à la République pour les dépenses énormes que nécessite la guerre qu’elle a à soutenir contre les tyrans de l’Europe, et les rebelles de l’in¬ térieur dont ils sont les complices. Cette taxe sera proportionnée au degré d’incivisme et de complicité avec les projets des contre-révolu¬ tionnaires, autant qu’aux facultés desdits con-tribuablees. « Pour mettre à exécution leurs arrêtés, les membres de la Commission sont autorisés de requérir du général et commandant en chef, les divers détachements de la force armée dont ils auront besoin, soit pour poursuivre, arrêter, ou reclure les individus suspects, soit pour faire exécuter les taxes et autres subventions pécu¬ niaires qui auront été imposées sur eux. « Ils sont autorisés pareillement à se saisir des papiers des reclus et généralement de tous individus suspects; à faire transférer dans la caisse révolutionnaire le numéraire monnayé et autres effets métalliques ; de tout quoi il sera dressé récépissé par le receveur de la caisse, fait double, en bonne forme et paraphé ne varietur. « Ils mettront en réquisition tout acier, plomb, fer, cuivre, renfermés dans les maisons des indi¬ vidus suspects, lesquels seront mis à la dispo¬ sition des agents militaires, pour être convertis en armes et bouches à feu. « Ils sont autorisés à requérir et faire verser les subsistances, appartenant aux dits suspects, dans les chefs-lieux de département et de dis¬ trict, afin de servir à l’approvisonnement des marchés; ne pourront toutefois lesdits grains, être délivrés à des citoyens patriotes et sans-culottes de préférence. « Ils sont autorisés à mettre en réquisition et conscription militaire tous les muscadins; par muscadins, sont entendus tous les particuliers de l’âge de 25 à 40 ans, non mariés, et n’exer¬ çant aucune profession utile; les commissaires s’occuperont des moyens de rétablir l’esprit pu¬ blic, de régénérer et vivifier les Sociétés popu¬ laires. Ils feront des courses civiques dans tous les districts, y enverront de bons sans-culottes, et chasseront tous les modérés des Sociétés po* pulaires. « Ces commissaires sont : le citoyen Lagas-quie, administrateur du département du Lot, pour les districts d’Aubin, Villefranche et Rodez. « Le citoyen Cléophas Périer, procureur syndic de Lauzerte, pour ceux de Millau, Sévérac et Saint -Affrique. « Le citoyen hagarde, juge du tribunal du district de Cahors, pour ceux du Mur-de-Barrez, Saint-G-eniez et Sauveterre. « Ces commissaires se rassembleront en com¬ mun le 1er et 5e jour de chaque décade, dans la salle du conseil du représentant du peuple pour délibérer sur les mesures générales de sûreté publique, et rendre compte au représentant du peuple, de vive voix, s’il est présent, et par écrit, s’il est absent du département, des me¬ sures prises et à prendre pour l’exécution des différents objets qui leur sont confiés. Hormis ces jours, les commissaires se formeront en bu¬ reau, travailleront et pourront prendre des arrêtés séparément. « Pendant toute la durée de la Commission, les divers comités de surveillance établis dans le département ne pourront prendre que des arrêtés provisoires, dont ils seront tenus de rendre compte à la Commission, chacun dans leur ressort respectif. « La Commission sera permanente pendant les opérations de l’armée révolutionnaire, et davantage, s’il est jugé convenable par le repré¬ sentant du peuple. « Les frais de bureau et autres dépenses de la Commission de sûreté publique seront sup¬ portés par les aristocrates, et prélevés sur les fonds de la caisse révolutionnaire, sur l’état des dépenses, approuvé et ordonnancé par chaque commissaire dans son arrondissement. 698 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { *{ brumajre an » 1 . j 10 novembre 1793 « Le concours des trois commissaires sera nécessaire lorsqu’il s’agira de mesures qui em¬ brasseront tout le département, ou qui seront relatives à l’administration supérieure. « Les administrations de département et de district, les comités de surveillance et toutes les autorités constituées, civiles et militaires, sont tenues d’obéir aux arrêtés généraux ou particuliers de ladite Commission civile révolu¬ tionnaire, sous peine d’être déclarés rebelles à la loi, et traités comme tels. « Le présent arrêté sera envoyé aux autorités constituées, au général et commandant en chef la force armée, enregistré, publié et affiché, à la diligence et sous la responsabilité dü procu¬ reur général syndic du département. » « Fait à Rodez, le 6e jour de la lre décade du 2e mois de l’an II de la République, une et indivisible. « Le représentant du peuple, « Signé : Taillefer. « Par le représentant du peuple, « Marat-Valette, secrétaire. » Compte rendu du Moniteur universel (1). Taillefer écrit qu’on a exagéré, etc... (Suit un résumé de la lettre de Taillefer que nous insé¬ rons ci-dessus d’après un document des Archives nationales. ) La Convention décrète que l’armée révolu¬ tionnaire a bien mérité de la patrie et renvoie au comité des finances, chargé de disposer de l’or et de l’argent trouvés. La Société populaire de Jussey, département de la Haute-Saône, invite la Convention à rester à son poste jusqu’à ce que la République soit sauvée. Mention honorable, insertion au « Bulle¬ tin » (2). Suit V adresse de la Société populaire de Jus-sey (3) : Les membres de la Société populaire et républi¬ caine de Jussey, département de la Haute - Saône, a la Convention nationale. « Citoyens représentants, « C’est à vous seuls qu’était réservé le pou¬ voir de poser les fondements inébranlables de la République française, c’est à vos pénibles travaux que nous devons ce chef-d’œuvre qui doit assurer le bonheur des Français. « Vous avez fait tomber la tête du tyran et de son infâme épouse, ce monstre que la France ne voyait qu’avec horreur; vous avez expulsé de votre sein les membres gangrenés qui ont osé trahir la cause du peuple; il a fallu que la Mon¬ tagne en livrât plusieurs au glaive de la loi, et (1) Moniteur universel [n° 51 du 21 brumaire an II (lundi II novembre 1793), p. 208, col. 2]. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 118. (3) Archives nationales , carton C 280, dossier 768. qu’elle en mît d’autres en état d’arrestation. Ce coup terrible, mais nécessaire, a sans doute étonné, mais frappez encore et faites tomber les têtes de tous les scélérats, des aristocrates, des royalistes, des fédéralistes, des feuillants et de tous leurs adhérents, fauteurs et complices; c’est le seul moyen de détruire cette furie infer¬ nale qui avait projeté d’anéantir la République. Ce n’est pas encore assez; restez à votre poste jusqu’à [ce que votre mission soit parfaitement remplie, et elle ne le sera que quand la Répu¬ blique sera délivrée des tyrans et des satellites qui souillent la terre sainte de la liberté. « Grâces immortelles vous soient rendues, infatigables Montagnards, pour les décrets bien¬ faisants et justes que vous avez rendus sur les accapareurs et la taxe des denrées et marchan¬ dises de première nécessité : ces décrets décon¬ certent les ennemis de la chose publique et vous assurent la reconnaissance de tous les vrais sans-culottes. « Quant à nous, constamment fidèles à nos principes, nous aurons l’œil de la surveillance ouvert sur tous les malveillants qui tenteraient de retarder les progrès de notre Révolution ; et nous serons toujours armés et prêts à les exter¬ miner. « Par la Société populaire et républicaine de Jussey, « Dubuisson, président; Pratbernon, secré¬ taire; Joffroy, secrétaire. « Jussey, le 2e jour de la 2e décade du 2e mois de l’an II de la République française, une et indivisible. » Les administrateurs composant le directoire du district de Sens font l’envoi d’une somme de 66 liv. 13 s. 3 d. provenant d’un don fait par le citoyen Dehuz, sous-officier invalide. Mention honorable, insertion au « Bulle¬ tin » (1). Suit la lettre des administrateurs composant le directoire du district de Sens (2) : « Sens, le 16 brumaire, l’an II de la Répu¬ blique française, une et indivisible. « Citoyen Président, « Nous te prions de déposer sur l’autel de la patrie la somme ci-jointe de 66 liv. 13 s. 3 d., montant de quatre mois de la pension du ci¬ toyen J. -B. Dehuz, sous-officier invalide résidant à Yilleneuve-sur-Vanne, district de Sens, offerte par ce brave citoyen pour toute la durée de la guerre. « Les administrateurs composant le directoire du, district de Sens, « Chapelain, président; Lorillon; Bayard; Douïne, procureur syndic; Drege, secré¬ taire. » (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 119. (2) Archives nationales, carton G 278, dossier 740.