488 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen.] tracter pour les besoins de l’Etat, et que la nation s’en rende garante. Le clergé demande que les Etats généraux sanctionnent l’aliénation des domaines, s’occupent de la réduction des différents impôts, surtout la suppression des gabelles, aides, loteries, et autres semblables qui, en ruinant et tourmentant le peuple, violent à la fois tous les droits des hommes, et qu’à une époque si glorieuse pour le Roi, et qui fera bénir à jamais son règne, les malheureux détenus aux galères pour fait de contrebande soient élargis. Le clergé demande que le contrôle, qu’il est nécessaire de conserver pour la sûreté des actes, ne soit désormais qu’une formalité de sagesse, et non un impôt désastreux qui s’attache à toutes les actions humaines. Le Roi ayant bien voulu rendre à la nation des comptes périodiques, le clergé demande que cet exemple mémorable dans nos annales soit tous les ans renouvelé ; que les comptes des provinces soient aussi annuellement publiés, que l’administration des hôpitaux, des séminaires y soit assujettie, et que la moindre assemblée soit tenue de rendre publics ses rôles d’imposition. LÉGISLATION. Le clergé demande que, dans les officialités, le juge soit tenu de s’associer quatre des plus anciens curés ou prêtres du doyenné de l’ecclésiastique accusé. Que les restes de servitudes quelconques indignes du nom français, dans quelque partie de l’empire qu’elles se trouvent , soient détruits, comme l’a fait notre bon Roi dans ses domaines royaux à son avènement au trône. Que la jurisprudence française, civile et criminelle, soit soumise à toutes les réformes dont elle est susceptible, que l’impôt et sa perception soient établis de manière à faire évanouir la compétence des tribunaux d’exception, et que les charges des officiers de ces tribunaux soient exactement remboursées. Que les formes ruineuses de la procédure, qui entretiennent les discussions dans les familles, soient simplifiées ; que des procédures économies, faites verbalement dans les paroisses etprési-ées par les curés, soient établies avant tout arrêt dans les tribunaux. Que les pauvres soient autorisés à délibérer et à arrêter en présence de leur curé leurs actes de tutelle et autres affaires y relatives ; que cgtte classe intéressante et malheureuse trouve dans les lois de la société une protection réelle ; qu’il soit dérogé en leur faveur aux édits et déclarations qui gênent la charité des fidèles, et qu’en conséquence il soit permis à la piété chrétienne de donner des fonds ou des rentes sur les particuliers pour les soulager, ainsi que de fonder des écoles gratuites pour les enfants des deux sexes ; que les curés réguliers puissent tester en faveur des pauvres de leurs paroisses ; que les titres de fondation du college de M. Gervais, réunis à celui de Louis-le-Grand, soient remis aux Etats particuliers de laprovince de Normandie, pour laquelle, et spécialement pour le diocèse de Bayeux, ladite fondation a été faite ; fondation qui se trouva dénaturée par des lettres patentes en forme de déclaration surprises à Sa Majesté, le 13 septembre 1 778, et que l’exécution de ladite fondation soit ordonnée dans tous ses points. PROCURATION ET POUVOIRS DE L’ASSEMBLÉE à ses trois députés aux Etats généraux . Enfin le clergé des bailliages de Caen, confiant ses intérêts à la sagesse des députés qu’il va élire, leur donne le pouvoir général de proposer, remontrer, aviser et consentir sur tout ce qu’enleur âme et conscience ils jugeront juste, équitable, honnête et conforme à la religion, au bonheur et à la gloire de la France. Il leur ordonne de se concerter avec les autres députés de la Normandie et leur défend d’opiner jamais séparément ; il leur enjoint de ne point consentir l’impôt qu’après que la constitution du royaume aura été invariablement fixée et que la nature et la masse de la dette de l’Etat aura été connue, pour ensuite la consolider ; et que dans tous les cas ils s’opposent constamment à l’établissement d’une commission intermédiaire des Etats généraux. Qu’ils connaissent l’éminente dignité d’envoyés du clergé d’une grande province et l’auguste fonction des représentants de la première des nations quand ils seront assemblés sous l'autorité du Roi. Le présent cahier arrêté et présenté par nous, soussignés, commissaires nommés pour la rédaction d’icelui, le jeudi 26 mars 1789- Signé L’Evêque, curé de Tracy ; Bonhomme, cur é de Saint-Nicolas. Vu l’approbation de l’assemblée du clergé, le présent cahier, contenant cinq feuilles, cotées et paraphées par notre greffier, secrétaire, a’été contre-marqué, ne varietur, par nous, soussigné, abbé de Barbery, président de l’ordre du clergé en l’assemblée des Etats du bailliage principal de Caen et bailliages secondaires de Bayeux, Falaise , Thorigny et Vire. Le jeudi 26 mars 1789. Signé F.-B. de Cairou, abbé de Barbery-le-François, commissaire; Demutrey, greffier, secrétaire* Collationné à l’original et certifié véritable par moi, greffier au bailliage de Caen, soussigné. Signé Hart. CAHIER Des pouvoirs et instructions de V ordre de la noblesse du bailliage de Caen , réuni le 16 mars 1789, en ladite ville , conformément aux heures de convocation données à Versailles le 24 janvier dernier. pour être remis aux députés qui seront nommés et être présenté par eux aux Etats généraux (1). POUVOIRS. Pénétré de reconnaissance et de respect poulie Roi qui appelle la nation pour proposer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, ‘l’établissement d’un ordre fixe dans toutes les parties du gouvernement, la prospérité générale du royaume et les biens de tous et de chacun des citoyens, nous recommandons à nos députés de remplir ce devoir avec toute l’énergie que notre amour pour Sa Majesté, ses intérêts, les nôtres qui seront toujours les siens et ceux de la patrie, exigent. En conséquence, nous donnons à nos députés les pouvoirs les plus étendus sur ces différents objets, afin de former un contrat national, où les lois de (1) Nous reproduisons ce cahier d'après un manuscrit des Archives de l’Empire. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen.] 489 l’Etat et tous les droits et les pouvoirs seront exprimés d’une manière claire et précise, lequel contrat ne sera cependant que provisoire et n’aura force de loi permanente que lorsqu’elle sera connue de tous les bailliages, et qu’ils auront donné à leurs députés aux Etats généraux qui suivront ceux-ci les pouvoirs et instructions nécessaires pour les sanctionner ; bien entendu que dans le cas où le gouvernement refuserait le retour périodique des Etats généraux à des époques fixes et rapprochées, la nécessité de leur consentement pour les impôts, l’établissement permanent des Etats provinciaux, la garantie de toute propriété et la liberté individuelle, lesdils députés ne consentiront l’établissement ni la prorogation d’aucun impôt. Tel est le vœu qui réunit l’ordre de la noblesse, sous le titre glorieux des citoyens, vœu qu’il croit devoir à l’honneur français, à l’extrême confiance qu’il a dans la bonté et la justice du Roi, à la gloire et à la nécessité de le prémunir contre les abus du pouvoir arbitraire. Le vœu unanime de la noblesse de ce bailliage est d’opiner par ordre, et s’il était possible qu’à l’ouverture des Etats généraux la forme constitutive d’opiner par ordre fût mise en question, nos députés observeront que, lorsque, en 1302, les communes du royaume furent admises pour la première fois, comme un troisième ordre, aux Etats généraux, il fut arrêté qu’on y opinerait par ordre, et que cette forme serait constitutive. L’on y opina donc par ordre, que les Etats de 1328 décidèrent de la contestation élevée entre Edouard d’Angleterre et Philippe de Valois, qu’ils adjugèrent la couronne à ce dernier et qu’ils fixèrent définitivement le droit de succession au trône. Cette forme d’opiner par ordre se rappelle dans le procès-verbal des Etats de 1355, où il est dit : 1° que l’on opinera par ordre; 2° que le vœu des deux ordres ne peut lier le troisième; 3° que pour faire un décret national, il faut l’unanimité des trois et le consentement du Roi. Enfin nous faisons une loi précise à nos députés d’opiner par ordre et de ne céder qu’à la majorité des pouvoirs que l’ordre de la noblesse des différents bailliages du royaume aura donnés à ses députés, sans que, dans aucun cas, la voix de nos députés puisse concourir à former ladite majorité. Lorsque les députés auront obtenu, de la manière la plus sûre et la plus positive, le retour périodique des Etats généraux à des époques fixes et rapprochées, l’établissement permanent des Etats provinciaux, tous composés de citoyens librement élus, la liberté individue lle et l’assurance de toute propriété, et la nécessité du consentement de la nation pour répartir, percevoir et proroger les impôts, ils sanctionneront la dette du Roi, proposeront à la sagesse de Sa Majesté et des Etats généraux les projets et les instructions qui suivent. INSTRUCTIONS sur le contrat national. Il sera reconnu par ce contrat. Art. 1er Que la France est une monarchie. Art. 2., Que dans une monarchie, le prince et la nation forment l’Etat. Art. 3. Que dans un état monarchique, la nation consent ou refuse l’impôt, qu’elle concourt avec le prince à la formation des loisî que tous les citoyens sont libres sous leur empire, et que le monarque qui est obligé de les observer est seul chargé du pouvoir exécutif. Art. 4. Que la nation française est composée de trois ordres de citoyens libres, le clergé, la noblesse, et le tiers-état. Art. 5. Que les droits des trois ordres de l’Etat sont égaux dans les délibérations nationales. Art. 6. Que le Roi est le chef de la nation, qu’il a le commandement de toutes les forces de terre et de mer, qu’il a la police générale du royaume, qu’il nomme à tous les emplois, qu’il est le premier et te dernier anneau de la puissance exécutive et souveraine, que c’est en son nom que tçut agit et se meut dans la machine politique et civile de l’Etat, enfin qu’il a tout pouvoir pour bien faire conformément aux lois, auxquelles Sa Majesté� elle-même est soumise. Art. 7. Que la couronne est héréditaire et non élective, et que les filles sont exclues de la succession au trône. Art. 8. Que l’observance du. contrat national entrera dans le serment nécessaire au sacre des rois. Art. 9. Dans le cas de minorité ou de tout autre événement qui nécessiterait une régence, les Etats généraux la déféreront au prince du sang royal qu’ils croiront le plus capable de remplir cette auguste fonction. Art. 10. Sera renouvelé le décret des Etats de 1561, où il est statué que, dans les cas urgents, chaque bailliage et sénéchaussée procédera au choix de ses députés, à la formation des Etats généraux, qui s’assembleront dans le plus court élai dans la capitale du royaume. En conséquence du décret national de 1561 , nous demandons que la nation ait le droit de s’assembler extraordinairement aux Etats généraux, toutes les fois qu’elle le jugera nécessaire à la sûreté ; mais que ce soient les Etats provinciaux et à leur défaut les Parlements qui expédient les lettres de convocation aux bailliages et sénéchaussées de leurs ressorts. Art. 11. La nation sera représentée par les Etats généraux composés de députés de différents ordres , tous librement élus par les citoyens de tous les ordres, ensemble ou séparément. Art. 12. Les Etats généraux seront convoqués tous les cinq ans, au plus tard, et composés d’un nombre de représentants relatif à la puissance, à l’étendue et à la population de l’empire français. Art. 13. Dans la délibération nationale on opinera par ordre, conformément aux lois constitutionnelles du royaume, seul moyen de conserver à chacun des trois ordres ses droits essentiels. Art. 14. Les impôts, de quelque nature qu’ils soient, ne subsisteront que jusqu’au premier janvier qui suivra immédiatement lépoque de l’année indiquée par les Etats généraux pour leur prochain retour. Art. 15. L’usage des lettres de cachet sera uniquement conservé pour les besoins des familles, et pour en prévenir l’abus, les familles s’assembleront devant le juge royal du lieu, qui sera tenu de recevoir leur vœu et leur en donner acte sans sentence ni dépôt. Art. 16. La constitution une fois établie, l’on ne pourra proposer aux Etats généraux de modifier le contrat national, rien y changer ni ajouter, que tous les citoyens n’en aient été prévenus, au moins huit mois d’avance, et qu’ils n'aient en conséquence donné à leurs députés aux Etats généraux les instructions nécessaires, et les Etats généraux eux-mêmes seront dans cette salutaire impuissance, à moins que la majorité du royaume ne les ait chargés de pouvoir à cet effet. Art. 17. Toutes les personnes chargées en chef 490 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen. de l’exécution des lois ou de quelque partie de l'administration, répondront de leur conduite a la nation assemblée et seront poursuivies par elle devant les tribunaux souverains. Art. 18. Aucune loi relative à la constitution ne sera obligatoire, qu’autant qu’elle aura été votée par la nation, sanctionnée par le souverain, enregistrée au greffe des Etats de chaque province , et aux Parlements, pour être envoyée par eux aux juridictions inférieures. Art. 19. Les Etats provinciaux ne pourront jamais octroyer aucun impôt ni autoriser aucun emprunt, sand manquer à la constitution et au contrat national. Art. 20. La religion catholique sera toujours la religion dominante dans l’Etat ; les autres seront tolérées, et il ne sera fait aucune violence à personne, quelle que puisse être sa croyance, afin de conserver dans la société l’amitié, la confraternité et l’harmouie qui la rend forte et heureuse. Art. 21. La liberté individuelle et la propriété seront assurées, et tout citoyen qui sera arrêté et détenu sera remis dans les vingt-quatre heures entre les mains du juge du lieu, pour être interrogé et j ugé suivantla loi. Art. 22. La liberté de la presse sera autorisée, à l’effet de quoi tout citoyen qui voudra faire imprimer sera tenu de déclarer son domicile et signer son manuscrit, dont il sera personnellement responsable, pour le maintien de l’ordre public et de l’honneur des citoyens; et l’imprimeur sera dans le cas d’être poursuivi juridiquement, et sera également responsable s’il ne présente le nom et domicile de l’auteur, toutes les fois qu’il en sera requis légalement. Art. 23. Les droits et prérogatives des différents ordres seront exprimés par le contrat national d’une manière fixe. et irrévocable. INSTRUCTIONS relatives à l'impôt, Art. 1er. Lorsque le contrat national aura été arrêté, les Etats généraux demanderont que les Etats provinciaux se forment et s’assemblent aussitôt après la séparation des Etats généraux et qu’en 1792 les Etats généraux soient convoqués de nouveau : 1° pour aviser au besoin des provinces dont les Etats provinciaux auront, eu le temps de prendre connaissance, 2° pour achever les parties qu’ils n’auront pu qu’ébaucher dans cette première assemblée, 3° pour fixer l’époque de leur retour périodique, s’il ne l’avait déjà été, 4° pour accorder des subsides jusqu’à la plus prochaine époque, ceux octroyés cette année ne devant durer que jusqu’au premier janvier postérieur aux Etats généraux prochains. Art. 2. Les députés s'occuperont de fixer la dette royale, en se faisant représenter les états de dépense de chaque département, et en général tous les comptes et les preuves à l’appui. Art. 3. La dette constatée avant delà consolider, ils chercheront à la couvrir par la réforme des abus, par l’amélioration des revenus, par des retranchements dans les dépenses et par l’aliénation des domaines} exception faite des domaines.. Art. 4. Tous impôts désastreux, tels que la gabelle, les aides, les droits de contrôle seront anéantis et remplacés par d’autres, si cela est jugé nécessaire et possible, par les Etats généraux. Art. 5. Il sera établi dans la capitale une caisse nationale, et dans chaque province des caisses de recette d’imposition, dont la correspondance favorisera également le commerce et la circulation de l’argent, Art. 6. Les impôts seront partagés en deux classes par leur dénomination, savoir : 1° Les subsides ordinaires affectés à l’acquit des dépenses fixes annuelles et permanentes dans lesquelles sont comprises les rentes perpétuelles ; 2° Les subventions extraordinaires et à temps affectées à l’extinction des dettes, remboursables à époques fixes, et au payement des rentes viagères. Art, 7. Les ministres du Roi seront comptables envers la nation, et leurs comptes seront rendus à Chaque tenue d’Etats généraux, ainsi que ceux des administrateurs de chaque province; l’on rendra également public l’état de ceux qui auront obtenu des pensions dans l’année. Art. 8. Comme il appartient au Roi seul de faire battre monnaie, il sera supplié de ne point à l’avenir changer ou augmenter les monnaies, ni en altérer la valeur sans le concours des Etats généraux, pour écarter l’abus qu’en peut faire un ministre des finances. Art. 9. Que les arrêts du conseil en matière d’impôts seront nuis, s’ils ne sont acceptés par les Etats généraux, ou ceux des provinces pour leurs droits particuliers; et dans tous les cas enregistrés au Parlement pour la promulgation. Que tout pourvoi au conseil ne soit admis que dans le cas où les cours souveraines auraient jugé contre le texte de la loi, et qu’alors les parties soient renvoyées devant un autre Parlement. De môme le sceau du Châtelet de Paris ne oürra lui attribuer aucune juridiction sur les ièhs de Normandie, conformément à la charte. Nos députés soutiendront de tout leur pouvoir Ja conservation de nos Parlements. INSTRUCTIONS relatives à la magistrature. Art. 1er. Il sera nommé par les Etats généraux une commission de magistrats de cours souve-rainéSi, pour la révision et la formation des lois civiles et criminelles du royaume, pour aviser aux moyens de simplifier les formes, de réformer les «btis, et de statuer les cas où tout officier de judieature et agent ministériel de la justice pourront être poursuivis. Art. 2. Il sera également nommé par les Etats de la province, une commission de magistrats de son Parlement, pour travailler d’accord à la réforme de la coutume. Art. 3. Il est expressément recommandé aux députés de se servir de l’époque importante de l'assemblée générale de la nation, pour réclamer fentière exécution de la grande charte, dite charte aux Normands, qui fut rédigée sous Louis X en 1315 et confirmée par Philippe de Valois Charles VI, Charles VII, Louis XI, Charles VIII, Henri III. Sur cet objet, ainsi que sur tous ceux qui intéressent privativement la Normandie, nos députés auront soin de se concerter avec ceux des autres bailliages de la province, pour donner plus de force à leurs réclamations en les formant collectivement, s’il est possible. Art. 4. La vénalité de toutes tes charges sera abolie et particulièrement celle du point d’honneur; à la mort de chaque titulaire, les remplacements seront faits par élection dans la forme que les Etats généraux régleront, et ils aviseront aux moyens de rembourser les anciens propriétaires. Art. 5. On demandera l’exécution de l’ordonnance de 1693, qui défend de porter les titres de marquis, comte, baron, vicomte et autres sans en 'a'veir le droit. [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen.] 491 instructions relatives au bien public. Art. 1er. Les notaires seront obligés de déposer tous les ans au greffe des bailliages un registre sur papier non timbré, contenant les actes qu’ils auront passés dans l’année et dont ils continueront de conserver les minutes. Art. 2. Nul ne pourra être notaire, à moins qu’il n’ait une attestation de vie et mœurs de sa municipalité et une attestation de capacité des juges de son bailliage. Art. 3. Les Etats généraux emploieront les moyens les plus propres pour diminuer l’intérêt de l’argent. Art. 4. Les Etats généraux détermineront, par un décret national, les professions et arts libéraux auxquels la noblesse pourra se livrer sans dérogeance. , Art. 5. Les députés solliciteront des bontés du Roi la suppression de toutes les charges qui donnent la noblesse, afin qu’elle ne soit, à l’avenir, que le prix du mérite et des vertus. Gette faveur semblerait à l’abri de tout abus, si le Roi daignait ne l’accorder que sur une attestation des Etats de chaque province. Art. 6. Les Etats généraux aviseront aux moyens de détruire la mendicité, sans nuire à la liberté. Art. 7. Il sera formé dans toutes les provinces des dépôts, pour enfermer les mendiants ou vagabonds, après que leur détention aura été approuvée par les magistrats. Art. 8. Les dépôts seront une école de religion, de bonnes mœurs et de travail, et ceux qui y seront renfermés seront rendus à la société aussitôt qu’il sera jugé par leur conduite qu’on pourra le faire sans danger. Art. 9. Les haras seront supprimés, et les dépenses considérables que cet établissement occasionne seront employées à accorder des primes à ceux qui seront jugés avoir les plus beaux étalons en chevaux, taureaux et béliers, ainsi que les plus beaux et les plus nombreux élèves, dans ces différentes espèces, sous la direction des Etats provinciaux. Art. 10. La propriété des communes» sera définitivement réglée, en laissant aux commun iers la faculté d’opérer entre eux tel partage qu’ils aviseront bien. Art. 11. La suppression des loteries sera demandée comme nuisible aux mœurs et à l’ordre public. Art. 12. Le secret de la poste aux lettres sera inviolablement gardé. Art. 13. Nos députés se refuseront de tout leur pouvoir à l’établissement d’une commission intermédiaire des Etats généraux. Art. 14. La jeune noblesse prolongera son éducation jusqu’à dix-huit ans et n’aura accès dans le militaire qu’à cet âge; mais alors la croix de Saint-Louis serait, sous le bon plaisir de Sa Majesté, le prix de vingt années de service. Art. 15. Les Etats généraux nommeront des commissaires choisis dans l’armée de terre et de mer, et dans la magistrature en nombre égal, pour revoir et refaire les lois militaires, afin de lier la constitution de l’armée et la constitution imperturbable de la monarchie. Ce nouveau code sera soumis à l’enregistrement. Art, 16. Sa Majesté sera suppliée d’ordonner que la discipline des coups de plat de sabre soit supprimée, comme contraire à nos mœurs et avilissante pour tout Français. Art. 17. Le Roi sera supplié de ne plus accorder de survivance, abus qui met dans les mains ' de la jeunesse, et quelquefois dans des mains vicieuses, les emplois qui seraient la récompense des plus grands services et des vertus les plus recommandables. Le Roi se trouve par là, en ce moment, dans l’impuissance de récompenser, en fixant près de sa personne un sujet digne de cette faveur. Ârt.18.11 est encore expressément recommandé à nos députés de solliciter des bontés de Sa Majesté une marque distinctive pour la noblesse, conformément et en résultance d’un mémoire lu à l’assemblée du 24 mars, lequel a été approuvé et sera joint au cahier général pour servir d’instruction, après avoir été signé des commissaires. Art. 19. Le Roi sera également supplié de ne point accumuler dans les mêmes mains et dans ta même maison, plusieurs bénéfices, emplois militaires et grâces pécuniaires, principes destructeurs de toute émulation. Art. 20. Nos députés proposeront à la sagesse du Roi et des Etats généraux et concerteront particulièrement avec l’ordre du clergé la suppression des économats et des maisons religieuses dont l’inutilité sera reconnue. Art. 21 . Avec ces biens, il sera formé des écoles gratuites pour les pauvres citoyens de l’un et de l’autre sexe, des hôpitaux pour les incurables, et une augmentation de revenu pour les hôpitaux des malades. Art. 22. Il sera également formé des chapitres nobles, des écoles militaires et autres pour les enfants de la noblesse la moins fortunée, sous l’inspection des gentilshommes députés aux Etats provinciaux, lesquels proposeront les sujets qui devront v être admis ; ils signeront encore les certificats de la noblesse et y apposeront les armes de la province. Les Etats provinciaux nommeront des commissaires pour vérifier des titres de noblesse, et recevoir, en leur nom, les lettres des nouveaux anoblis, pour être ensuite enregistrées; toute contestation relative à l’état de la noblesse sera portée devant eux. Art. 23. Nos députés demanderont la suppression des bénéfices alors la réparation et la reconstruction des presbytères, ainsi que des maisons indépendantes, deviendraient à la charge seule des décimateurs ecclésiastiques. Art. 24. Il sera statué définitivement sur la dîme ecclésiastique, tant sur la quotité que sur la qualité des choses décimables. Art. 25. Nos députés réclameront de tout leur pouvoir qu’il soit accordé une franchise quelconque à la noblesse, s’en rapportant, conformément à l’arrêté du 17 mars dernier, à la sagesse des Etats généraux pour la régler définitivement. Nos députés, chargés de porter nos pouvoirs et nos vœux à l’assemblée de la nation, s’élèveront au niveau de leurs fonctions augustes ; nobles et Français, ils aimeront leur Roi et leur patrie; pénétrés des sentiments généreux qui caractérisent le digne chef qui nous préside, et dont nous sommes tous également animés, ils justifieront notre suffrage aux yeux du monde entier, attentif à leurs délibérations, et assureront à jamais le repos et le bonheur de la France. Pleins de cet espoir, nous voyons les trois ordres s’unir d’esprit et de sentiment, et par toutes les ressources du génie et de la vertu, changer cette nation agitée en une douce société de frères, tous conduits par les mêmes maximes; tous se réunissant sous l’empire des mœurs et des lois, sauvegarde de la liberté, tous sacrifiant au bonheur commun ave© une égale générosité, nous les voyons enfin donner à l’Europe attentive 492 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen. ] un spectacle de surprise et d’admiration; spectacle qui présente un Etat, sortant d’une crise qui présageait la ruine et s’élevant au faîte de la gloire et de la prospérité, par la conquête qu’il a faite sur lui-même en soumettant toutes les passions au salut de la patrie. Signé Le comte Louis de Vassy, le comte de Houclot, le duc de Coigny, et Grandinde la Gail-lonnière, secrétaire de l’ordre de la noblesse. Collationné à l’original et certifié véritable par nous, greffier au bailliage de Caen soussigné. Signé Hart. CAHIER Des doléances réunies du tiers-élat du bailliage de Caen et de ses quatre bailliages secondaires , Bayeux , Falaise , Thorigny et Vire (1). Le premier vœu de l’assemblée est de présenter au Roi son amour et sa fidélité et de lui témoigner la respectueuse reconnaissance dont elle est pénétrée pour le bonheur qu’il prépare à la nation en l’appelant auprès de sa personne sacrée. CONSTITUTION. Art. 1er. Les députés voleront pour qu’il soit reconnu, la nation assemblée, que la France est un Etat gouverné par un roi sous l’autorité de la loi consentie par les Etats généraux, et que chaque député à ces Etats et à toutes assemblées qui en sont élémentaires ou qui en émanent, est le représentant libre d’un peuple libre, dont le consentement ne peut être forcé par aucune puissance. Art. 2. Qu’il y soit arrêté que toute loi sera librement consentie par les Etats généraux, publiée eux séant, et ensuite envoyée dans les cours de arlement qui en seront les dépositaires et tenus e les faire exécuter. Art. 3. Que le retour périodique de ces Etats aura lieu de cinq ans en cinq ans, même plus tôt pour la seconde tenue, et par la suite, dans le cas d’urgente nécessité, sur la demande des provinces. Art. 4. Que toute convocation des Etats généraux soit toujours précédée d’élections libres. Art. 5. Que l’organisation actuelle des Etats généraux sera consentie par la nation et sanc-• tionnée par le Roi, comme loi constitutionnelle, relativement à la présentation du tiers-état pour moitié, et que chaque ordre y sera représenté par ses membres. Art. 6. Que le vœu le plus général est que les délibérations y soient prises par tête ; que cependant, si l’ordre du tiers-état y trouvait des inconvénients qu’on ne peut prévoir, les députés sont autorisés d’arrêter avec l’ordre entier tous les cas où les délibérations par tête doivent avoir lieu pour son avantage, et ceux où il est plus de son intérêt de délibérer par ordre. • Art. 7. Que les Etats provinciaux seront rétablis dans les provinces qui en avaient ; que ces mêmes Etats seront établis dans celles qui n’en ontpoint, et que leur tenue sera fixée dans les villes qui sont au centre de chaque province. Art. 8. Que le Roi étant le protecteur de toutes es propriétés et de tous ses sujets individuellement, il ne puisse être dorénavant porté atteinte aux droits de propriété ni à la liberté perso n-(1) Nous empruntons ce cahier, à l’ouvrage intitulé : le Gouvernement de Normandie au XVIIIe siècle. nulle, et que la loi seule exerce son empire sur les biens comme sur les personnes. Art. 9. Que, conséquemment à ces principes, les dénonciations dans les cours par un de Messieurs, ainsi que les veniat, soient proscrits, et qu’il ne soit d’ailleurs jamais permis aux gouverneurs ou aux commandants des provinces et places de faire arrêter un domicilié, sinon pour le service militaire. Art. 10. Gomme il est intéressant pour le bonheur de la société de contenir le citoyen qui en troublerait l’harmonie, qu’il soit demandé aux Etats que ceux qui se trouveraient dans ce cas en soient séparés pour un temps déterminé, sur l’ordre provisoire de la commission intermédiaire des Etats provinciaux, obtenu sur la demande unanime et motivée de la famille, au nombre de douze parents réunis à la municipalité ; que le lieu de la détention soit connu et n’offre rien de l’horreur des prisons destinées aux grands criminels, et que le moment de la liberté du détenu soit déterminé dès que la connaissance d’un repentir sincère l’aura rendu digne d’être restitué à son Etat, en observant toujours que les grands crimes ne puissent être soustraits à la peine prononcée par la loi. Art. 11. Que, dans la punition des crimes, la peine soit toujours proportionnée au délit ; que, par le jugement même, tout condamné soit dégradé du titre de citoyen; que les confiscations soient abrogées; que les parents du condamné soient admis à remplir tous emplois publics. Art. 12. Que le tirage des milices, intéressant la liberté nationale, soit aboli; qu’il soit remplacé par des enrôlements volontaires faits dans chaque province, proportionnellement au nombre d’hommes qu’elle doit fournir, et que les frais de ces enrôlements soient réunis aux subsides géné 'aux ; qu’enfin la correction militaire n’avilisse le soldat en aucun cas, et qu’il soit pourvu à sa retraite après un long service. Art. 13. Que les hommes enrôlés dans la milice garde-côte ne soient appelés à passer dans une autre province que de leur libre consentement; que le tirage ordonné depuis peu d’années dans les paroisses sujettes à la garde-côte, pour fournir des canonniers auxiliaires à la marine, soit déclaré abusif et ne puisse être renouvelé. Art. 14. Que Sa Majesté soit suppliée de retirer cette décision, si décourageante pour la plus grande partie de ses sujets, qu’elle exclut de son service de terre et de mer, et défaire réformer les décisions abusives et contradictoires des cours supérieures qui veulent exiger des preuves de noblesse pour être admis à remplir des charges qui la donnent; qu’en conséquence , tout citoyen français soit restitué et maintenu dans le droit d’occuper tous emplois et dignités ecclésiastiques, civiles et militaires. Art. 15. Que nul citoyen ne puisse être distrait de sa juridiction naturelle sous quelque prétexte que ce soit; pourquoi demander l’abolition de toutes commissions, droits de committimus et autres privilèges. Art. 16. Que la liberté de la presse soit établie avec les modifications que le Roi et les Etats généraux jugeront nécessaires pour en prévenir les abus. Art. 17. Que le secret des postes et leur sûreté soient sous la foi publique, et que ce dépôt ne soit jamais violé comme droit imprescriptible de la nature et des gens. Art. 18. Que les ordonnances des Etats d’Orléans, pour le fait des vœux monastiques, soit