[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 novembre 1790. J 859 Art. 12. « Tout jugement du tribunal de cassation sera imprimé et inscrit sur les registres du tribunal dont la décision aura été cassée. Art. 13. « Chaque année le tribunal de cassation sera tenu d’envoyer à la barre de l’assemblée du Corps législatif, une députation de huit de ses membres, qui lui présenteront l’état des jugements rendus, à côté de chacun desquels sera la notice abrégée de l’affaire et le texte de la loi qui aura décidé la cassation. Art. 14. « Un greffier sera établi auprès du tribunal de cassation. 11 sera âgé de 25 ans accomplis; les membres du tribunal le nommeront au scrutin et à la majorité absolue des voix. « Le greffier choisira des commis qui feront le service auprès des deux sections, qui prêteront serment, et dont il sera civilement responsable. Le greffier ne sera révocable que pour prévarication jugée. Art. 15. « Provisoirement, et jusqu’à ce qu’il ait été autrement statué, le règlement qui fixait la forme de procéder au conseil des parties, sera exécuté au tribunal de cassation, à l’exception des points auxquels il est dérogé par le présent décret. » M. le Président fait donner lecture de deux lettres du maire de Paris, en date des 18 et 19 du présent mois, qui annoncent la vente de sept maisons nationales, situées : La première, rue des Billettes, louée 1,336 livres 15 sous, estimée 20,000 livres, adjugée 26,700 livres; La seconde, rue de Nevers, louée 918 livres, estimée 9,400 livres, adjugée 17,300 livres ; La troisième , cloître des Bernardins , louée 1,630 livres, estimée 16,500 livres, adjugée 30,000 livres; La quatrième, carrefour de la Croix-Rouge, louée 5,150 livres, estimée 61,354 livres, adjugée 101,500 livres; La cinquième, faubourg Saint-Jacques, louée 600 livres, estimée 8,000 livres, adjugée 10,000 livres ; La sixième, faubourg Saint-Jacques, louée 500 livres, estimée 6,250 livres, adjugée 10,000 livres ; Et la septième, cour Saint-Martin, louée 1,500 livres, estimée 16,400 livres, adjugée 35,000 livres. M. de Menon, membre du comité de l’aliénation, propose et fait adopter le décret suivant : « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité d’aliénation des domaines nationaux, de la soumission de la municipalité de la ville d’Orléans, faite le 10 juillet dernier, en exécution de la délibération de la commune de cette ville, le 9 avril 1790, pour, et en conséquence du décret des 17 mars et 14 mai derniers, acquérir entre autres domaines nationaux, ceux dont l’état est ci-annexé, ensemble des estimations faites desdits biens les 12, 13, 14, 15, 16, 18, 19, 20, 23 et 25 octobre dernier, en conformité de l’instruction décrétée le 31 mai dernier ; « Déclare vendre à la municipalité d’Orléans, sise district du même lieu, département du Loiret, les biens compris dans l’état ci-annexé, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix de 151,800 livres, ainsi qu’il est porté par les procès-verbaux d’estimation, et payable de la manière déterminée par le même décret. » M. Lavie. J’ai reçu hier une lettre de M. de Ghâlons, major de la place de Belfort, par laquelle il m’annonce qu’il va se rendre volontairement dans les prisons de l’Abbaye. Il me charge d’assurer' l’Assemblée qu’il n’a pas eu le dessein en s’évadant de se soustraire à la loi, mais qu’il a voulu s’épargner l'ignominie d’étre conduit en prison par la maréchaussée. M. le Président lève la séance à trois heures, ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 19 NOVEMBRE 1790. Mémoire pour l'Hôpital général de Paris et pour celui des Enfants trouvés , adressé à l' Assemblée nationale et â la commune de Paris. L’obligation de nourrir les pauvres des hôpitaux est indépendante des changements qui peuvent survenir dans leur administration, et comme la municipalité de Paris n’a pas manifesté de vœu plus cher que celui de venir à leur secours, ces observations n’ont eu pour objet que de seconder les vues bienfaisantes, en lui exposant la situation et les besoins de l’Hôpital général et de celui des Enfants trouvés. M. le maire et MM. les administrateurs de la commune y verront aussi quelle est la nature des soins qu’exigent ces grands établissements, et l’étendue des secours qu’il sera nécessaire de solliciter pour eux, de la justice et de l’humanité de l’Assemblée nationale. Causes et motifs de l'établissement de l’Hôpital général. La capitale renfermait beaucoup d’hospices de charité, fondés par différents bienfaiteurs pour des destinations particulières : mais les secours que l’humanité était à portée d’en retirer étaient bien faibles en comparaison des besoins. Une foule de pauvres et d’infirmes, privés des choses les plus nécessaires à la vie, des enfants abandonnés et périssant faute de secours, beaucoup de jeunes filles enfin conduites à la prostitution par la misère, tous ces maux sollicitaient depuis longtemps la pitié et l’attention du gouvernement. De là naissaient les prétextes d’une mendicité sans borne, qui traînait après elle des crimes et des vices que les règlements les plus sévères ne pouvaient parvenir à réprimer. Le vaste projet d’un établissement capable de suffire à tant de nécessités, et de remédier à tant d’abus, fut conçu et exécuté dans l'établissement de l’Hôpital général. Plus de dix à douze mille pauvres, tant infirmes, qu’enfants et vieillards, ne tardèrent pas à y chercher une retraite. Bientôt les désordres [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 novembre 1790.] 84 0 occasionnés par la mendicité cesse ont, et l’Hôpital général nourrit et secourut plus de pauvres, que tous les autres hospices renfermés dans la capitale. Destination et consistance de V Hôpital général. L’Hôpital a été fondé pour y recevoir tous les pauvres de la ville de Paris et de son arrondissement, c’est-à-dire de l’étendue du ressort ci-devant désigné sous les titres de prévôté et de vicomté de Paris. Les maisons, qui composent son établissement se partagent en deux branches : La première, proprement dite l’Hôpital général, établie par édit du mois d’avril 1656, est composée des hôpitaux de la Pitié, de Bicêtre, de la Salpêtrière et de Scipion; La deuxième comprend les réunions qui ont été faites à son administration. Telles sont celles des hôpitaux des Enfants trouvés, du Saint-Esprit, de Vaugirard et de Sainte-Pélagie. La Pitié. On reçoit dans l’hôpital de la Pitié, et jusqu’à l’âge de douze ans, tous les enfants pauvres, que leurs parents domiciliés, et qui en fournissent la preuve par un certificat du curé de leur paroisse, ne peuvent nourrir. On y reçoit les enfants attaqués de la gale, des humeurs froides, et tous ceux des enfants trouvés qu’on juge à propos d’y envoyer. Enfin on y admet tous les enfants abandonnés et sans asile, lorsqu’ils sont envoyés en vertu de procès-verbaux dressés par les commissaires ou par les sections de cette ville. Le nombre des enfants de cet hôpital est, en ce moment, de 1,416. L’usage est de les conserver dans cette maison jusqu’à leur première communion, et même jusqu’à ce qu’il ait été possible fie les placer en métier, ou de leur procurer des moyens de gagner leur vie. Bicêtre. L’hôpital de Bicêtre sert d’asile à tous les hommes de 60 ans, qui justifient de leur domicile, aux épileptiques et autres personnes attaquées de maladies incurables. On y a même établi un traitement public pour la gale et les maladies vénériennes. Cet hôpital contient en outre un grand nombre de prisonniers qui y sont envoyés, soit par le gouvernement, soit par les tribunaux. Il est ordinairement peuplé de 4,000 à 4,500 individus. La Salpêtrière. L’hôpital de la Salpêtrière, toujours occupé par plus du 6,000 individus, offre pareillement pour les personnes du sexe, une retraite à l’enfance, à la jeunesse, aux infirmités, à la vieillesse, lorsqu’elle est parvenue à 60 ans. Les femmes enceintes peuvent s’y retirer jusqu’au moment où elles vont accoucher à l’Hôtel-ûieu, et revenir ensuite y nourrir leurs enfants, jusqu’à ce qu’ils soient sevrés, et en état d’être élevés dans la maison, si leur mère juge à propos de les y laisser. ■ Get hôpital renferme encore un local destiné à cent pauvres ménages, où l’usage est d’admettre les prétendants à mesure de la vacance des places, et par rang d’ancienneté de leur enregistrement. On vient récemment d’y établir un traitement public pour la maladie de la gale. Enfin la Salpêtrière renferme en outre un grand nombre de personnes de force, de prisonnières et de femmes que leur mauvaise conduite y fait placer à titre de correction. Les Enfants trouvés. Quant à l’hôpital des Enfants trouvés, tout le monde connaît son immense destination. On y admet aujourd’hui tous les enfants qui ne sont pas âgés de plus de 2 à 3 ans, et la surcharge ordinaire est d’environ 14,000 individus. II est actuellement composé de trois maisons, savoir : Maison de la rue Notre-Dame. Celle de la Couche, située rue Notre-Dame, destinée au premier allaitement des enfants, et à leur distribution dans les provinces. Maison du faubourg Saint-Antoine. Celle du faubourg Saint-Antoine, dans laquelle on élève 3 à 400 enfants des deux sexes, jusqu’à ce qu’il soit possible de les placer en métier. Maison de Vaugirard. Et celle de Vaugirard établie pour la guérison de tous les enfants attaqués, en naissant, du mal vénérien. Ou observe que les mères malades sont également admises et traitées dans cette maison quelque temps même avant leur accouchement, et c’est par leur moyen que la guérison des enfants est le plus généraTement opérée. L'hôpital du Saint-Esprit. L’hôpital du Saint-Esprit, entièrement réuni à l’Hôpital général, est encore destiné à nourrir et à élever 120 orphelins des deux sexes, nés en légitimes mariages de pères et de mères domiciliés dans la ville de Paris, et qui justifient d’ailleurs les qualités requises pour leur admission. Cette admission a eu pour objet de venir au secours des besoins extrêmes de l’Hôpital général, dontles dépenses surpassaient les charges, tandis que la maison du Saint-Esprit jouissait d’un revenu trop considérable en raison des fondations charitables à l’exécution desquelles elle s’était bornée. Maison de Sainte-Pélagie. La maisan de Sainte-Pélagie est pareillement gouvernée par l’administration de l’Hôpital général ; elle en a toujours reçu beaucoup de secours, et particulièrement pour la fourniture de ses vivres qu’elle tire de la maison de Scipion, feau prix avantageux de ce qu’ils reviennent à l’Hôpital général. Cette maison faisait autrefois partie de celle de la Pitié, dont elle a été séparée.| 541 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 novembre 1790.] Elle avait alors une double destination : La première, de renfermer les personnes du sexe gue le gouvernement jugeait à propos d’y envoyer à titre de correction ; La seconde, d’offrir une retraite volontaire aux femmes qui voulaient se retirer du désordre dans lequel elles avaient vécu. 11 y a même dans Sainte-Pélagie un certain nombre de pensions fondées par ces sortes de personnes. Maison de Scipion. Il ne reste plus à parler que de la maison de Scipion, qui n’est point proprement un hôpital, mais seulement un lieu de manutention, d’em-magasinement et de distribution de la plus grande partie de vivres destinés à la consommation des différents hôpitaux dont il vient d’être parlé. Cette forme de régie a toujours paru la meilleure et la plus économique. Les bénéfices qui en résultent sontclairement établis par les comptes de recettes et de dépenses ; et ces considérations, jointes à ce que la distribution de tous ces objets rapprochés des yeux des supérieurs, prévient une infinité d’abus, ont toujours fait regarder l’établissement de cette maison comme une des institutions les plus utiles au gouvernement de l’Hôpital général. L’hôpital des Enfants trouvés est le seul de tous ces établissements qui ait une caisse distincte de celle de l’Hôpital général, pour subvenir (à l’exception des vivres) au surplus de ses dépenses et à celles des deux maisons qui lui sont annexées. L’Hôpital général verseencore-dans cette caisse une partie des droits qu’il reçoit aux entrées de Paris, et la portion de l’hôpital des Enfants trouvés, réglée sur ses besoins, est d’à peu près un tiers de la totalité de la perception. L’existence de ces deux grands établissements est donc intimement liée pour les secours mutuels qu’ils se portent et pour les services qu’ils rendent à l’humanité ; car, si l’Hôpital général, offre des soulagements à celui des Enfants trouvés, en lui fournissant gratuitement tous les vivres qui se consomment dans les trois maisons de sa dépendance, celui-ci, à son tour, place et entretient dans les provincesune très grande quantité d’enfants qui, sans ce moyen, retomberaient à la charge des maisons de la Salpêtrière et de la Pitié. Tel est donc, d’après cet exposé, le tableau qu'offre l’ensemble de ces deux établissements. L’Hôpital général nourrit et secourt journellement à peu près 13,000 pauvres, qui sont : enfants, vieillards ou infirmes. Il renferme environ 1,400 prisonniers, qui lui sont adressés par les tribunaux. L’hôpital des Enfants trouvés est toujours chargé d’environ 13 à 14,000 enfants des deux sexes. D’après la vérification qui en a été faite, la ville de Paris contient environ 50 différents hôpitaux, ou maisons de secours ; dont 9 seulement dépendent de l’Hôpital général. On compte dans ces 50 hôpitaux, en y comprenant les Enfants trouvés, à peu près 36,000 pauvres ou malades, et de ce nombre, l’Hôpital général et celui des Enfants trouvés en réunissent, comme on la démontré, près de 30,000. Le traité de l’administration des finances nous apprend qu’on peut encore compter à peu près 700 hôpitaux ou maisons de secours dans l’étendue de la France, et que ces 700 maisons contiennent ensemble environ 110,000 pauvres ou malades Ainsi, l’administration de l’Hôpital général gouverne, à elle seule, plus d’un quart des pauvres de tout le royaume, et l’on en doit d’autant moins être surpris, qu’on est dans l’usage d’y recevoir les pauvres d’à peu près 800 villes ou villages, et que, d’ailleurs, on y envoie, de toutes les provinces, les personnes attaquées de démence, d’épilepsie ou d’autres infirmités incurables. Ces malades y viennent soit directement du lieu qu’ils habitaient, soit par la voie de l’Hôtel-Dieu. De la forme d' administration de l'Hôpital général. L’administration de l’Hôpital général, composée de 7 chefs et de 20 administrateurs, a toujours été gouvernée par les délibérations des bureaux qui se tenaient soit dans la maison de la Pitié, soit à l’Archevêché. Les directeurs-commissaires, délégués dans les différentes parties de l’administration, étaient dans l’usage d’y rapporter les affaires dont ils étaient chargés. Les décisions s’y prenaient à la pluralité des suffrages, et dans les bureaux généraux les voix entre les chefs et les administrateurs ordinaires étaient absolument égales. Les affaires importantes pouvaient se décider dans des bureaux, composés de dix administrateurs, comme en la présence des chefs, et dans les affaires de moindre importance, il suffisait de sept administrateurs. Toutes les recettes de l’Hôpital se versent dans une caisse générale, et ses dépenses sont payées par le receveur charitable sur des ordonnances du bureau, toujours signées de six administrateurs. L’édit d’établissement a créé le greffier de ces bureaux pour enregistrer et expédier les délibérations qui y sont prises. Les économes et supérieures des maisons de l’Hôpital général font exécuter, chacun dans leur ressort, les règlements qui en émauent. Lors de la réunion de l’hôpital des Enfants trouvés opérée par les lettres patentes du mois de juin 1670, l’administration de l’Hôpital général a établi dans fa maison de la Couche, et en exécution de ces lettres patentes, un bureau particulier pour le gouvernement de cette maison, et n’a point cessé d’y faire, pour le maintien de l’ordre, tous les règlements que les circonstances ont exigés. Le greffier de ce bureau est en même temps économe et chargé de la caisse. Il en a été de même, lorsque les lettre patentes du mois de mars 1680 ont réuni à cet établissement la maison du Saint-Esprit. L’administration, pour mettre plus de clarté dans ses opérations, a cru nécessaire d’y établir ses bureaux contentieux; à l'effet de quoi elle a conservé le greffe qui existait précédemment dans cette maison, pour devenir celui des délibérations prises sur la discussion des matières contentieuses qui y sont traitées. Enfin, lorsque le Mont-de-Piété fut formé pour être également gouverné par plusieurs membres de l’administration de l’Hôpital général, eu égard à sa destination en faveur des pauvres, il a pareillement été établi dans cette maison, en 542 -(Assemblée patronale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (19 novembre 179Q.J exécution des lettres patentes du 9 décembre 1777, des bureaux pour y faire tous les règlements et y prendre toutes les délibérations relatives au maintien de cet établissement. Les registres en sont tenus par un greffier-secrétaire, chargé d’en délivrer les expéditions. Plusieurs de ces bureaux se tiennent chaque semaine, et les administrateurs, en outre de leur assistance à ces assemblées, se transportent encore dans les différentes maisons de l’Hôpital général pour connaître leurs besoins et veiller à leur gouvernement intérieur. L’édit d’établissement avait voulu que les administrateurs se nommassent entre eux, et que leurs fonctions fussent à vie, à l’exception des chefs qui ne les exerçaient qu’autant qu’ils possédaient les places auxquelles étaieut attachées leurs qualités d’administrateurs. Des moyens d'existence de l’Hôpital général. L’existence de l’Hôpital général n’a point été fondée comme le furent autrefois plusieurs des ordres religieux, sur de grandes concessions des rois, soit en terres, soit en domaines et autres bienfaits. Louis XIV, ainsi que l’exprime l’édit de 1656, était dans l’impuissance de lui faire de tels dons. Il a fait dépendre sa subsistance de trois sources principales : La première fut de lui accorder la franchise, tant à Paris, que dans l’étendue du royaume, de tous les droits qui pouvaient lui être dus, soit sur les consommations, soit sur tous les autres objets sur lesquels il en était perçu ; La seconde fut de lui donner différents droits à prendre sur les réceptions aux charges et sur les maîtrises, de lui attribuer spécialement plusieurs dons, tels que tous les legs faits aux pauvres sans désignation, ainsi que différentes confiscations, et d’ordonner que tous les testateurs seraient invités à faire des legs au profit de rHôpilal général. Enfin le troisième, et le plus considérable de tous ces moyens, fut de faire exécuter, au profit de l’Hôpital général, la volonté des anciennes ordonnances du royaume, qui statuent que chaque province, de chaque ville, sera tenue de nourrir ses pauvres. Un droit de 30 sols par muid de vin, établi, en février 1658, au profit de l’Hôpital général et de l’Hôtel-üieu, fut fondé sur les mêmes motifs.,, L’Hôpital général s’étant considérablement accru, il fallut, d’après les mêmes principes, recourir à de nouvelles cotisations de la capitale. En 1709, la commune s’étant assemblée par sections de paroisses, et ensuite à l’Hô tel-de-V i 1 1 e , et ayant émis son vœu pour soutenir les établissements de cette ville, destinés à secourir l’indigence, il fut arrêté que, pour soulager l’Hôpital général et l’Hôtel-Dieu, il serait perçu, dans Paris, le double de la taxe des boues et lanternes. Mais comme pour la perception de ce droit il fallait établir un caissier général et vingt receveurs particuliers, le gouvernement, pour éviter des frais de régie aussi considérables, préféra d’attribuer un nouveau droit au profit de l’Hôpital, et ce fut celui des vingtièmes des droits, aux entrées de Paris, établi par la déclaration du 3 janvier 1711. En 1719, 1728, et dans les années suivantes, l’Hôpital général obtint encore de nouveaux secours du même genre, en considération de l'affluence des pauvres et de l’extrême détresse où il se trouvait. On voit donc, par ce qui vient d’être exposé, que la nécessité de nourrir les pauvres de l’Hôpital général a continuellement été une des charges de cette ville. Que la forme des droits aux entrées a paru préférable, pour le soutenir, et donnant une répartition plus juste sur les riches, en raison de leurs consommations. Cependant l’Hôpital, qui ne cessait de s’accroître, était encore écrasé par l’augmentalion du prix des denrées. Vers les années 1767, 1768 et 1769, tous les fournisseurs n’étant plus payés, refusèrent successivement de continuer leurs services. Le vin fut retranché aux pauvres, les employés cessèrent de recevoir leurs appointements, et les dépenses de cet établissement surpassaient toujours ses revenus de plus de 400,000 livres. Le désordre était au comble, et la ruine de cet établissement paraissait inévitable. Enfin le gouvernement vint à son secours par la concession d’un doublement du droit de vingtième aux entrées, qui leur fut accordé par une déclaration du 26 juillet 1771. Dès 1772, ce droit forma une augmentation de revenu de 633,942 livres 18 sous 2 deniers, dont il fut donné aux Enfants trouvés 288,107 livres. Depuis ce moment, cette imposition a constamment produit 7 à 800,000 livres, dont la portion des Enfants trouvés a continué d’être à peu près fixée dans la même proportion de la première année. Avec cet accroissement, les administrateurs se sont aussitôt occupés de réparer les maux qu’avait éprouvés l’Hôpital général. Ils ont apuré de 600,000 d’ordonnances exigibles dont il était arriéré : ils ont fait les remboursements de plus d’un million de capitaux qu’ils avaient été obligés d’emprunter pour le faire subsister. Ils avaient principalement remarqué, dans leur temps de détresse, que ce qui coûtait le plus à 1 Hôpital général, provenait du surhaussement subit du prix des grains. Ils conçurent le projet de mettre les pauvres à couvert, autant qu’il était en eux, de cet accroissement de dépenses, en établissant de vastes greniers pour faire les approvisionnements des blés dont l’Hôpital consomme pour 5 à 600,000 livres par an. Us firent donc construire les moulins, les greniers et la halle de Gorbeil. Toutes considérables qu’aient été les dépenses que ces établissements ont occasionné, elles n’approchaient pas de qu’il en coûtait à l’Hôpital, lorsqu’il n’avait point de lieu pour s’approvisionner de grains, et que, faute de fonds et de greniers, il était forcé de suivre le courant des marchés. Ges emmagasinemenis, qui étaient quelquefois pour plus de quinze mois, donnaient la facilité de passer d’une année sur l’autre sans nouveaux achats, lorsque les grains étaient augmentés de prix, comme il arrivait fréquemment. G’est ainsi qu'en 1789, le gouvernement ayant emprunté, de l’Hôpital, 2,200 sacs de fariq.es, qui n’avaient coûté que 36 livres le sac, les vendit sur le carreau de la halle plus du double de l’achat qui en avait été fait. Après avoir ainsi pourvu aux moyens de la subsistance de l’Hôpital et à la diminution de ses pertes et de ses dépeuses, les administrateurs allaient enfin jouir de la satisfaction si douce d’améliorer, dans les hôpitaux, le sort des pau- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, (19 novembre 1790* $48 vres, lorsque parurent les lettres patentes du 22 juillet 1780, qui ordonnèrent rétablissement des infirmeries dans toutes les maisons de l’Hôpital général, fafin que les malades ne fussent plus exposés aux inconvénients d’être transportés à l’Hôtel-Dieu. On n’accorda aucuns nouveaux secours pour cette augmentation de dépense , et le gouvernement ne voulut pas que le régime des hôpitaux, dont il avait uue parfaite connaissance , fût changé. L’administration fut donc obligée de se conformer à ses intentions, sans pouvoir rien innover dans le traitement des pauvres, et les infirmeries de la Salpêtrière, comme les plus considérables, furent construites les premières ; les bâtiments en ont été très coûteux. L’ameublement seul revient à plus de 130,000 livres, et l’entretien annuel est. un objet de 160,000 livres. Elles sont en activité depuis le 20 juin 1787. On observe que, dans ce temps, on construisit également, à Bicêtre et à la Pitié, des bâtiments destinés à servir d’infirmeries; mais comme ils furent établis d’après des vues du gouvernement, combinées avec beaucoup trop d’économie, on s’aperçut, lorsqu’ils furent achevés, qu’il était absolument impossible de les employer à cet usage; mais l’Hôpital n’avait pas moins été forcé de dépenser pour ces opérations à peu près 100,000 livres. Ce fut aussi dans ce temps que le puisard, qui, depuis environ 50 ans, servait d’égoût à l’hôpital de Bicêtre, fut entièrement rempli. Les eaux ayant surpassé le niveau de la rivière des Gobelins qui en était proche, pénétrèrent dans le lit de cette rivière et dans les puits de Gentilly qu’ils infectèrent. Cependant ce puisard continuant à s’engorger et à refuser tout service, les eaux gagnaient la surface des campagnes, et l’on n’entendit plus à ce sujet que des plaintes universelles. Comme il s’écoule de Bicêtre environ 200 muids d'eaux ou d’immondices par jour, il fallut chercher un prompt remède à ces dégâts, et l’objet parut d’assez grande importance pour que l’administration crût devoir consulter l’Académie d’architecture. L’Académie, d’après le rapport des commissaires qu’elle avait nommés, fut d’avis qu’il n’existait d’autre possibilité d’écarter le retour de ces accidents et de ces dégâts, qu’en faisant écouler ces eaux, soit par un aqueduc couvert, soit par une chaussée pavée et à ciel découvert, depuis Bicêtre jusqu’à la rivière de Seine. Mais cette compagnie, qui jugeait combien l’exécution de ces projets pouvait être coûteuse, tant par les constructions que par la quantité des terrains à acquérir, ne pensait pas que l’Hôpital dût être à portée de les exécuter incessamment ; elle regardait que ce devait être l’ouvrage du temps et des ressources qu’offriraient les circonstances, et c’est ce qui la détermina à proposer qu’en attendant on fît écouler ces mares et ces immondices dans des carrières voisines de Bicêtre qu’on disposerait pour les recevoir. Ce fut cet arrangement provisoire qu’adopta l’administration; mais en même temps l’architecte de l’Hôpital général crut que les dispositions de ces carrières, leur étendue, leur profondeur et les cavités qui se rencontraient encore dans leur intérieur, pourraient, avec les préparations convenables, servir à perpétuité et sans inconvénient, de puisard à cet hôpital. G'est ce qui vient d’être exécuté ; mais les dépenses de cet ouvrage si considérable et si impor* tant en lui-même ont encore été augmentées par les assises et les fondations de pierre qui ont été nécessitées, tant pour soutenir les voûtes des carrières, que pour appuyer les terres légères et extrêmement mobiles qui forment le sol où ce puisard est situé. Il restait encore à construire les deux infirmeries de Bicêtre et de la Pitié; et pour parvenir à les monter, l’administration crut devoir mettre à part les fonds qu’elle pourrait épargner sur les revenus de l’Hôpital général. Ces fonds déposés au Mont-de-Piété, et dont le dernier placement est du mois de mars 1789, montaient à 940,000 livres. Il faut observer que ces fonds sont séparés des bénéfices du Mont-de-Piété, qui doivent être attribués à l’Hôpital général, pour des augmentations spécialement désignées et fixées par la décision des commissaires qui en arrêtent les comptes. Jusqu’ici ces bénéfices n’ont été abandonnés à l’Hôpital général que pour bâtir à la Pitié des emplois de Saint-Denis et de Saint-Augustin ; et à la Salpêtrière, les nouvelles loges destinées aux folles et aux épileptiques. Telle est l’esquisse rapide de l’état de l’Hôpital général, depuis son établissement ; et telles sont les réflexions qu’elle fait naître. Depuis 1656, l’Hôpital général, dont la dépense n’avait pu être calculée, n’a point cessé de se former et de s’augmenter de plus en plus. On ne lui avait point attribué de revenus fixes, et le nombre d’individus qu’il devait contenir, n’avait jamais été déterminé. Il fallut qu’à travers les malheurs des temps, les variations dans le prix des denrées, les accroissements incommensurables des pauvres, les administrateurs s’efforçassent sans cesse d’atteindre le moyen, non de rendre plus heureux, mais seulement de nourrir un plus grand nombre des infortunés qu’ils avaient à secourir. L’époque trop flatteuse où peut enfin s’établir la balance à peu près certaine des revenus et des dépenses, et de préparer des améliorations, arrive en 1771, et en six années, avec à peu près 200,000 livres d’excédent de revenus, les administrateurs s’occupent sans relâche de tout ce qui doit contribuer à assurer un jour un sort plus avantageux aux pauvres qu’ils gouvernent. A peine la hase de cet édifice est établie, que des dépenses successives et forcées les empêchent de suivre les vues bienfaisantes qu’ils s’étaient proposées. Les administrateurs sont placés entre les pauvres et le gouvernement; ils ne peuvent être utiles à l’un aux dépensée l'autre ; et ils doivent regarder comme sacré l’emploi des fonds réservés à une autre destination. Dès que leurs épargnes de l’excédent du revenu des pauvres sont marquées pour construire de nouvelles infirmeries, tant à Bicêtre qu’à la Pitié, il n’est donc plus possible de les employer à d’autres améliorations personnelles aux pauvres, jusqu’à ce que le nouveau projet d’un soulagement plus généralement utile soit accompli dans l’établissement de ces infirmeries. Il restait, à la vérité, beaucoup de changements avantageux à faire dans le sort des pauvres. Les administrateurs de l’Hôpital les voyaient sans doute, mais sans pouvoir les effectuer aussi complètement qu’ils l’auraient désiré. Combien de fois n’ont-ils pas sollicité le gouvernement de retirer de Bicêtre les prisonniers et les vénériens qui n’ont point de rapport avec ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (19 novembre 1790.] §44 (Assemblée nationale.] une maison de secours pour les pauvres ! Combien de fois n’ont-ils pas demandé que la petite et la grande force de la Salpêtrière, qui font un contraste si ridicule avec l’éducation de tant de jeunes filles secourues dans cette maison, en fussent éloignées! Enfin, combien de fois n’ont-ils pas sollicité du gouvernement des fonds suffisants pour établir ensemble les différentes infirmeries de l’Hôpital général, afin de pouvoir y secourir toute les maladies dont la plupart n’y avaient pas encore été traitées ! N’ayant jusqu’à ce moment rien obtenu de ces demandes, ils ont été forcés de laisser subsister les formes de l’ancien régime dans les maisons de Bicêtre et de la Salpêtrière, parce qu’il ne dépendait pas d’eux de renverser les bornes d’une économie ordonnée par la prudence et par l’autorité. Cependant ces difficultés, qui n’ont point cessé de s’opposer à ce que les administrateurs n’aient eu la faculté de disposer d’un surcroît de revenus, pour ajouter au traitement établi pour les pauvres, n’ont pas empêché qu’ils n’aient encore travaillé à l’améliorer, autant qu’il était en eux. Ils se sont attachés à ce que le pain et la viande fussent de la meilleure qualité; ils ont agrandi et rendu beaucoup plus propres les salles habitées par les pauvres. Ils ont rendu le vin aux septuagénaires. Plusieurs constructions utiles et importantes ont été achevées, ils ont enfin changé la nourriture des enfants de la Pitié en une beaucoup plus salubre et plus abondante; mais il leur était impossible de rendre cette augmentation générale jusqu’à ce que les intirmeries projetées de Bicêtre et de la Pitié fussent en activité comme celles de la Salpêtrière ; et jusqu’à ce qu’ils eussent vu dans quel accroissement de dépense annuelle ces opérations doivent nécessairement les entraîner. Ils savaient, par expérience, que dans un aussi grand établissement les moindres augmentations de dépenses deviennent des objets considérables, et qu’il est du principe de tout bon gouvernement d’assurer d’abord le nécessaire avant de passer aux améliorations. Il est certain que l’entretien de ces infirmeries, dans lesquelles on avaitcalculéqu’il devait journellement se trouver 900 malades, aurait coûté par an, à peu près 350,000 livres. Ce qui aurait encore surpassé de 150,000 livres l’excédent de revenu que les nouveaux droits de vingtième leur avait procuré. Ce débet eut sans doute été peu de chose pour des entreprises aussi immenses et aussi utiles à l’humanité, et l’Etat n’eùt pas tardé à les couvrir. Mais les administrateurs devaient attendre qu’il eût fait à ce sujet ses dispositions en connaissance de cause, et telle avait toujours été la marche qu’ils avaient observée pour le maintien de l’existence de l’Hôpital général et pour l’ordre des finances du gouvernement. Si l’on pouvait leur reprocher ces épargnes réservées dans l’appréhension de l’avenir, leurs craintes d’être surpris par les événements ne se sont que ti op justifiées ; et depuis le mois de juillet de l’année dernière, les rentrées de l’Hôpital étant considérablement diminuées, cet étab issement n’a pu se soutenir, qu’en reiirant du Moui-de-Piéié les épargnes qui y avaient été déposées, et sur les 940,000 livres qui s’y trouvaient en mars 1789, il n’en reste plus que cent mille livres. Pertes qu'a éprouvées l'Hôpital général , depuis le mois de juillet 1789. L’Hôpital général, pour suffire à ses dépenses, possède très peu d’immeubles et la grande partie de ses recettes ne provient que des octrois qui sont reçus à son profit aux entrées de Paris. Ces droits se perçoivent ou directement des mains des receveurs, ou sont abonnés à la Ferme générale, moyennant un prix certain. Il en est de même des produits qui lui sont . attribués sur les spectacles. Ils sont également ou perçus aux portes des théâtres, ou abonnés aux comédiens, comme ceux des grands spectacles. La justice et la raison semblaient avoir établi la perception de ces droits; car ces espèces d’impositions, principalement assignées sur les comestibles, n’éiaientpoint onéreuses à la capitale. Leur forme de répartition, sur les entrées de Paris, ne les faisait peser que sur les riches consommations, et les rétributions sur les spectacles ne coûtaient d’ailleurs qu’au luxe et à la superfluité. Depuis l’époque de juillet 1789, la perception de ces droits éprouve une diminution, et même un retranchement considérable; il s’y joint d’autres pertes qui ne sont pas moins importantes. Il devient donc en ce moment indispensable que la municipalité actuelle, chargée de l’inspection des hôpitaux de son ressort, s’occupe de la fâcheuse situation des pauvres de l’Hôpital général et prenne connaissance des causes qui sont sur le point de le conduire à sa ruine. La première est la diminution énorme de ses revenus sur les droits aux entrées de Paris. Cette diminution pour six mois de 1790, comparés aux six premiers mois de 1789, a été do plus de 300,000 livres ; et pour l’année elle se trouvera d’à peu près 4 à 500,000 livres. La seconde, la perte de la plus grande partie des droits sur les spectacles. Celte perte est totale pour les petits spectacles qui n’ont plus voulu consentir à payer le quart des pauvres depuis l’année dernière, et cependant la recette était annuellement de 120,000 livres. La troisième provient de la suppression des secours extraordinaires, qui, dans les temps de détresse, étaient accord'és à l’Hôpital général sur les biens du clergé. Ces secours, qui lui étaient réservés par l’article 35 de son édit d’établissement, tirent leur origine de la nature des biens ecclésiastiques qui en affectent une partie aux pauvres. Ce fut même en exécution de cet édit, que des arrêts du conseil des 26 avril 1662 et 15 décembre 1676 ordonnèrent aux évêques, archevêques, religieux et autres bénéficiers, de se cotiser pour nourrir les pauvres de l’Hôpital général, ce qui les obligea, en différents temps, à verser dans sa caisse des sommes assez considérables. La quatrième résulte des décrets de l’Assemblée nationale, qui, en détruisant les privilèges pécuniaires, ont forcé l’Hôpital général et les établissements qui leur sont réunis à payer la taille, les vingtièmes et les autres impositions publiques auxquelles ils n’avaient jamais été assujettis. Au moyen de ce qu’on prétend soumettre à ces droits, le Mont-de-Piété, la Halle aux vins et ies moulins de Gorbeil, qui appartiennent à l'Hôpital général, cette augmentation de dépenses peut être [Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 novembre 1790.] 345 appréciée à plus de 30,000 livres par année. La cinquième provient encore d’un décret de l’Assemblée nationale, du 9 septembre dernier, qui ordonne que toutes les indemnités payées par le Trésor royal, pour droits d’entrées, seront supprimées et demeureront à la charge des départements. Ce décret prive l’Hôpital général d’un revenu annuel de 308,000 livres, qui, par arrêt du conseil du 31 mars 1788, lui avait été accordé à titre d’indemnité, comme représentatif des droits d’entrées auxquels il n’avait jamais été assujetti, et qu’il a été tenu de payer, depuis, la concession de cette indemnité. La sixième en tin, provient de la suppression des droits que l’hôpital était autorisé à percevoir sur les réceptions d’officiers, sur les maîtrises et sur les droits de justice. Ces pertes réunies sont très considérables et diminuent de plus d’un million les revenus de l’Hôpital général. Pertes de l'hôpital des Enfants trouvés. Les mêmes causes ont dépouillé l’hôpital des Enfants trouvés d’une grande partie de ses revenus. D’abord sur sa portion d’un tiers dans les droits d’entrées perçus pour l’Hôpital général. Et pareillement ie3 décrets de l’Assemblée nationale ont supprimé à l’hôpital des Enfants trouvés: 1° Les privilèges pécuniaires qui l’exemptaient des vingtièmes, de la taille et autres impositions publiques ; 2° 8,000 livres sur les cinq grosses fermes données par Louis XIV, pour secourir les enfants trouvés ; 3° 24,000 livres sur les domaines de Gonesse et de Paris, accordées par Louis XIII et par Louis XV, comme seigneurs haut-justiciers de ces domaines ; 4° Enfin 120,000 livres données par Louis XV, pour aider à la nourriture des enfants trouvés de la ville de Paris, en raison de leur prodigieux accroissement. Telles sont les pertes dont est menacée l’hôpital des Enfants trouvés. Quant à l’Hôpital général, il a non seulement éprouvé des pertes considérables depuis le mois de juillet 1789 ; mais une partie des revenus sur lesquels il pouvait compter n’a point été reçue à l’échéance de son payement. Il lui est dû à peu près 100,000 livres sur l’indemnité que lui paye le Trésor royal pour ses droits d’entrée jusqu’au jour où le décret de l’Assemblée nationale en a ordonné la suppression. H lui est dû, par l’Opéra, plus de 140,000 livres de son abonnement. Enfin il lui est dû, par la ferme générale, une année de l’abonnement de 200,000 livres représentatif des premiers 20 sols par muid de vin qui lui ont été accordés. Motifs de rendre , à l'Hôpital général et à celui des Enfants trouvés , les droits qui leur ont été supprimés et de leur fournir, en outre, les secours extraordinaires dont ils ont besoin. Si l’Assemblée nationale veut bien examiner l’origine et la destination des différents droits, et des dons et privilèges accordés tant à l’Hôpital général qu’à celui des Enfants trouvés, elle se 1*® Série. T. XX. convaincra qu’on ne peut, sans les plus grandes conséquences, les enlever à ces établissements, car ces bienfaits forment leur premier soutien et sont le prix des avantages que la société retire de leur existence. Lorsque, en effet, l’Hôpital général a été établi, il s’est trouvé rendre à l’Etat le service le plus essentiel par la répression de la mendicité, et par les secours qu’il n’a point cessé d’offrir et de distribuer aux pauvres. Toutes les ordonnances et statuts du royaume rendus pour la grande police de l’intérieur de l’Etat, qui, jusque-là, étaient demeurés sans produire aucun effet, sur l’article de la mendicité, reçurent dès ce moment leur exécution et assurèrent la tranquillité de la capitale. Que donna Louis XIV à l’Hôpital général pour assurer tant d’avantages ? rien autre chose que l’exemption des droits, perçus dans le royaume, sur tous les objets de consommations et sur plusieurs autres parties. Les secours de la ville de Paris, les dons des particuliers vinrent soutenir le souverain, pour le maintien de cetétablissement; mais sans l’exemption de tous ces droits, tant d’efforts fussent peut-être restés inutiles, et l’Hôpital eût été dans l’impossibilité d’exister au milieu de toutes les variations et renchérissements survenus dans le prix des denrées. Il ne peut résulter de la conversion de ces droits, en une indemnité pécuniaire représentative du payement que l’Hôpital est actuellement obligé d’en faire aux entrées de Paris, que cette indemnité doive lui être enlevée. Elle forme toujours la base de sa constitution, la sûreté de son existence et la ressource la plus importante des établissements qui dépendent de son administration. Tant que l'Hôpital général subsistera, il paraît naturel que cette indemnité de 308,000 livres lui soit laissée puisqu’elle est le gage des services qu’il rend à l’Etat, en nourrissant une foule de pauvres et d’individus qui, s’ils n’y étaient secourus, surchargeraient la société et nuiraient à l’ordre public. Les autres privilèges pécuniaires de l’Hôpital général, qui ont pareillement été abrogés, tels que l’exemption des vingtièmes etde la taille, sont de la même nature et doivent également être remplacés par une indemnité équivalente si l’on persiste à les exiger. Les décrets dont on se fait aujourd’hui un titre pour assujettir à ses droits l’Hôpital général et celui des Enfants trouvés, n’ont eu pour objet que de faire supporter les charges publiques aux riches possesseurs, qui précédemment ne les partageaient pas en raison de leurs facultés. Mais les biens des hôpitaux, toujours inférieurs à leurs besoins, paraissent naturellement ne rien devoir à l’Etat, car que peut-on demander à celui qui n’a rien? et les établissements charitables tels que ceux dont il s’agit, devant être considérés plutôt comme des charges publiques, que comme des biens susceptibles d’impositions, semblent ne devoir atteudre de la nation, que des soulagements pour mieux remplir leur destination. Quant aux dons particuliers faits par nos rois à l’hôpital des Enfants trouvés, les droits dont il s’agit leur ont été accordés d’après la nécessité la plus urgente, et parce qu’il était indispensable de faire vivre les êtres infortunés dont cet établissement était de plus en plus surchargé. Enfin, plusieurs de ces droits n’étaient que 35 346 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 norembre 1790.] l’acquit d’une dette légitime que le roi ne pouvait se dispenser de payer, comme seigneur haut-justicier de la ville de Paris et des domaines qui lui appartenaient, et en cette qualité chargé de nourrir les enfants trouvés qui se rencontraient dans l’étendue de ses justices. Il est certain que le bon de 120,000 livres donné par Louis XV sur le Trésor royal n’était que l’acquit d’une pareille charge supportée par la ville de Paris , et que cette dépense ne pouvait être regardée que comme une légère indemnité de ce que le roi aurait été dans le cas de payer pour la multitude d’enfants trouvés de cette ville, dont il devait seul être chargé, comme seul sei-haut justicier de la capitale. Mais l’équité de l’Assemblée nationale qui vient de décréter que les Enfants trouvés, qui ne doivent plus être secourus par les ci-devant seigneurs hauts justiciers, seraient à la charge de l’Etat, semble assurer à l’hôpital des enfants trouvés la rentrée de tous ces bienfaits, sans lesquels il ne pourrait pas subsister. Enfin, les établissements de l’Hôpital général et des Enfants trouvés doivent encore attendre, de la justice de l’Assemblée nationale, des secours extraordinaires tant à cause des pertes et des retranchements qu’ils ont éprouvés sur la perception des droits d’entrées et autres objets, qu’en raison du nombre des pauvres dont les circonstances les ont surchargés. Ces secours qui, comme on l’a vu, se prenaient dans les temps de détresse sur les biens ecclésiastiques, paraissent devoir leur être encore attribués en ce moment sur ces mêmes objets. Personne n’ignore qu’à cet égard, le droit sacré des pauvres est imprescriptible. Il n’est rien, en effet, de plus respectable et de plus ancien que l’origine des lois qui ordonnent la séparation de la part des pauvres de celle des clercs et des évêques dans les biens de l’Eglise. Le quarante-unième canon des apôtres est la première loi qui l’établit. L’Eglise d’Afrique adopta bientôt après l’usage de diviser en quatre parties les biens de l’Eglise, donc une était pour les pauvres. Le premier concile de France, lorsque la religion chrétienne fut devenue la religion de l’Etat , ce concile, assemblé à Orléans par Clovis, en 511, décréta, par le cinquième canon, qu’il serait fait quatre parts des biens des églises en France; la première pour l’évêque, la seconde pour les clercs, la troisième pour le3 pauvres, et la quatrième pour les réparations. Le pape saint Grégoire voulut ensuite que l’excédent de la part des évêques, lorsqu’ils eu auraient pris leur nécessaire, fût également distribuée aux pauvres. Cette jurisprudence fut bientôt celle des autres églises 'd’Occident, et le concile tenu à Worms en 868, porte également, par le septième canon, la même distribution des quatre quarts des biens ecclésiastiques. Il est vrai que les créations des prébendes et bénéfices, qui ont été faites depuis ce temps, ne font pas mention de cette distinction de la part des pauvres. Mais dit M. d’Héricourt, dans son traité des lois écclésistiques, « ce ne fut l’ouvrage que de « la corruption et de l’usurpation : car il ne fau t « pas croire, ajoute-t-il, que ces biens aient pour « cela changé de nature; ils sont toujours, comme « ils étaient autrefois, le prix du sang de Jésus-« Christ et le patrimoine des pauvres.» Ce sont ces principes de justice qui ont fait décréter à l’Assemblée nationale, que les droits des pauvres dans les biens du clergé seraient conservés. L’Hôpital général a donc des titres particuliers à ces droits, qui lui ontété conservés par l'édit de son établissement, et dont la possession lui a depuis été assurée par différentes lois subséquentes. La détresse où il se trouve en ce moment doit lui assurer le retour de ces mêmes soulagements. Mais ii est encore nécessaire d’examiner ici jusqu’à quel point les circonstances présentes doivent influer sur les secours qui doivent lui être accordés; pour combien de temps ces circonstances les exigeront, et quelle sera la quantité de ces subsides. La première réflexion qui se présente, c’est que l’Hôpital général est en ce moment plus surchargé d’individus qui ne l’a jamais été ; il est facile d’en apercevoir la cause dans la misère et dans la dureté des temps actuels. L’hiver peut sans doute y contribuer, mais on ne doit pas se dissimuler que beaucoup de travaux et de ressources qui précédemment aidaient à ia subsistance d’une foule d’individus, sont en ce moment interrompus et en réduisent une grande quantité aux extrémités les plus malheureuses. La charge en est, en grande partie, retombée sur l’Hôpital général, seul asile qui reste actuellement aux infortunés que la vieillesse et les infor-mités ont mis hors d’état d’exercer aucun genre de travail. Il est facile de juger de l’augmentation des enfants et des vieillards dans les hôpitaux, par la comparaison du grand nombre d’ouvriers valides que le gouvernement est obligé d’employer dans les ateliers publics , classe de pauvres qui ne peut être admise dans l’Hôpital général, Un ordre plus heureux doit sans doute sortir du milieu des changements et des commotions qui se sont fait sentir de toutes parts : mais jusqu à ce que Je gouvernement se soit reposé sur les bases qui lui sont préparées, il peut s’écouler encore un temps plus ou moins considérable, et pendant lequel la surcharge de l’Hôpital général ne sera pas diminuée, et nécessitera toujours de nouveaux fonds pour remplacer les revenus dont il est privé. Cet établissement ne sera même soulagé que lorsque les départements, étant parvenus à perfectionner leur organisation, pourront chacun dans leur ressort, établir des secours pour les pauvres dont ils se trouveront chargés. Alors l’Hôpital général verra sans doute diminuer le nombre des individus qu’il renferme. Alors il sera possible de réduire les maisons dont ii est composé, et la même quantité de revenus cessera de lui être nécessaire. Mais avant que ce moment arrive, il faudra monter dans les provinces des établissements pour y secourir les pauvres, et pourvoir, par des concessions suffisantes, au maintien de leur existence ; il faudra que ces monuments de la bienfaisance publique s’élèvent en même temps dans toutes les parties de la France, et l’on ne peut se dissimuler que ces projets exigeront les réflexions les plus mûres et beaucoup de temps pour les exécuter. On doit, sans doute, s’en rapporter à la prudence et à la sagesse de ceux qui les méditent, et c’est cette même confiance qui fait croire qu’ils [Assemblée p&ti§P&!e«] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 novembre 1790, j K4V n’y mettront point une précipitation nuisible au bien public, et dont l’utilité puisse être jamais démentie par l’expérience. Il en résulte que l’Hôpital généra], qui distribue les secours dans une étendue de ressort très considérable, doit encore suivre sa destination pendant Pintervalle qui doit s’écouler jusqu’à l’activité de ces établissements. Il ne pourrait cependant le faire sans l’obtention des subsides qu’il demande, autrement il serait indispensable de la décharger d’une partie des individus qui sont venus s'y retirer. Mais l’humanité se révolte à la seule idée de renvoyer sans asile celte foule d’infortunés, qui ne verraient plus devant eux que la misère et le désespoir. Que s’il en était quelques-uns qui eussent encore assez de force pour entrer dans les ateliers des travaux publics, ils coûteraient plus à l’État dans cette position que dans les hôpitaux, et bientôt l’impuissance de leur âge ou de leurs inlirmités les laisserait sans ressources et à la merci des maux dont ils seraient accablés. Enfin, il faut observer que dans les changements qu’un nouvel ordre de choses doit amener dans la capitale, ce seront toujours les pauvres qui doivent y diminuer dans la proportion la plus lente. Les raisons en sont faciles à sentir, en réfléchissant sur cette multitude de besoins et de jouissances factices, que le luxe et l’opulence y avaient créés; nécessairement ils ne seront plus les mêmes que précédemment, et n'ofiriront plus les mêmes ressources. A ces considérations se joignent d’autres causes qui ne sont pas moins impérieuses pour l’obtention de ces secours. 11 devient en ce moment indispensable: 1° De monter les nouvelles loges, et de meubler les bâtiments des paralytiques dans l’hôpital de la Salpêtrière; 2° D’établir les infirmeries de la Pitié et de Bicêtre, dont les constructions ne sont pas encore commencées ; 3° D’améliorer le sort des pauvres, conformément aux projets de bienfaisance que l’Assemblée nationale et la municipalité paraissent en avoir conçus; 4° Enfin, de former, pour parvenir à ces améliorations, des établissements séparés de l’Hôpital général, à l’effet d’y placer les prisonniers et les vénériens, qui n’ont aucun rapport avec des maisons destinées à secourir l’indigence et les infirmités. Alors seulement il sera possible en gagnant sur l’agrandissement du local, et en épargnant sur la dépense, d’opérer les changements capables de produire une véritable utilité. Si dans l’état actuel, les pauvres sollicitent souvent avec instance la faculté d’être admis dans les maisons de l’Hôpital général, combien cet asile ne leur paraîtra-t-il pas plus secourable, si la bienfaisance de la nation ajoute encore au traitement qu’ils y reçoivent. Mais c’est en vain qu’on se proposerait de leur procurer ces avantages, si l’on ne rétablit les revenus qui leur ont été retranchés, et si l’on ne leur accorde des secours extraordinaires pour remplacer ceux qu’ils ont entièrement perdus. Autrement, sans songer à des améliorations, il ne faudrait pas même espérer de maintenir, telle qu’elle est, l’existence de l’Hôpital général. A. l’égard du montant de ces secours, la fixation doit en être faite d’après l’étendue des besoins qui viennent d’être présentés. La municipalité peut seule par son crédit, et par sa médiation auprès de l'Assemblée nationale, faire réussir ces utiles projets, et l’on ne doit pas douter que l’envie de servir l’humanité ne les lui fasse incessamment employer. Il n’est point d’ailleurs d’objet qui dpive plus intéresser les représentants de la commune que la continuation des secours qui maintiennent l’existence des hôpitaux de la capitale, et qui contribuent à y entretenir l’ordre et la tranquillité. * ASSEMBLÉE NATIONALE, PRÉSIDENCE DE M. CHASSET-Séance du samedi 20 novembre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. l’abbé Latyl, rapporteur du comité des rapports. Messieurs, je suis chargé par vos trois comités réunis, militaire, de Constitution et des rapports, de vous rendre compte de quelques erreurs commises par la municipalité de Troyes. Au commencement de la Révolution, deux compagnies, l’une de grenadiers et l’autre de chasseurs, se formèrent dans cette ville pour y maintenir la tranquillité ; bientôt après fut formée la garde nationale. Ces deux corps vécurent longtemps dans la plus parfaite intelligence; mais au mois de mai il se répandit parmi eux des semences de divisions. Les gardes nationaux se plaignirent des épaulettes des grenadiers et des chasseurs. La municipalité prit, le 5 novembre présent mois, un arrêté portant que les compagnies de grenadiers et de chasseurs seraient supprimées, pour être incorporées dans la garde nationale. Les compagnies portèrent leur plainte au département, qui fit défense à la municipalité et à la garde nationale d’exécuter l’arrêté du 5. Le même jour, la municipalilé ordonna que, nonobstant le sursis prononcé par le département, son arrêté du 5 serait exécuté. Le 9, le conseil général du département, délibérant sur le second arrêté de la municipalité, persista dans son sursis, et ordonna qu’il en serait référé à l’Assemblée nationale, Le îl, la municipalité prit une troisième décision, portant qu’il serait passé outre, nonobstant tout ce qui aurait pu être arrêté par le département. Enfin, le 13, le département décida qu’il enverrait deux députés extraordinaires auprès de l’Assemblée nationale pour y solliciter justice. Je ne ferai aucune réflexion sur l'irrégularité delà conduite de la municipalité, qui s’est fait un système d’opposition contre l’autorité du département, et je me contenterai de vous présenter, au nom de vos comités, ie décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Constitution, militaire et des rapports, réunis : « Déclare qu’elle improuve la conduite de la municipalité de Troyes, comme présentant un système suivi d’insubordination envers les corps administratifs supérieurs ; (1) Cette séance est incomplète au Moniteur .