630 [Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 mai 1790. J suppression de l’article 32 du projet primitif qui deviendrait, s’il était adopté, le 34e du décret. L’article est supprimé. M. Martineau. Comme il importe de déter“ miner les règles à suivre pour l’élection du secré" taire greffier, je propose l’article suivant : « Art. 34. Les élections des secrétaires-greffiers se renouvelleront tous les deux ans, et l’époque en sera fixée de façon à alterner avec celle de l’élection des commissaires. » (Cet article est mis aux voix et adopté.) M. Démeunier, rapporteur , propose un nouvel article qui serait commun à toutes les municipalités et qui aurait pour but de fixer une ligne de démarcation entre les municipalités et les assemblées de département. M. Dnport observe que cet article étant d’un intérêt général ne peut être discuté dans une séance du soir. Il en demande le renvoi à une séance du matin, ce qui est ordonné. M. Démeunier, rapporteur , propose de char-er les quatre commissaires-adjoints au comité e Constitution pour la division du royaume, de tracer la division de la capitale en 48 sections. M. Charles de Cameth. Je demande le renvoi de cette opération à l’examen des districts de Paris. M. Martineau. J’observe que le renvoi demandé par M. de Lametb entraînerait des longueurs qu’il faut éviter. M. Garat le jeune. On n’a pas consulté les communes du royaume pour la division des départements parce que cela eût entraîné des longueurs funestes à la mise en pratique de la Constitution et les mêmes raisons existent pour la ville de Paris. M. Charles de Cameth. J’insiste sur ma proposition et je fais remarquer que toutes les villes du royaume ont envoyé des députés spéciaux qui ont été entendus. M.Démeunier, rapporteur. Les commissaires des soixante districts seront certainement entendus ; mais comme l’opération ne sera pas faite pour des siècles, elle pourra être rectifiée après la première assemblée de la commune, si elle le juge à propos. M. le Président met aux voix le projet de décret proposé par le rapporteur. Il est adopté comme il suit : «« L’Assemblée nationale, en exécution de l’article 6 du titre premier du règlement pour la municipalité de la cap itale, autorise les commissaires-adjoints au comité de Constitution, à tracer la division de la ville de Paris en 48 sections, après avoir entendu les commissaires des soixante districts actuels, et les charge de rendre compte à l’Assemblée des difficultés qui pourront survenir. « Les commissaires-adjoints signeront deux exemplaires du plan de Paris, divisé en 48 parties, et du procès-verbal de division. L’un des exempla-res sera déposé aux archives de l’Assemblée nationale, et l’autre sera envoyé au greffe de l’HÔ-tel-de-Ville. » M. Duport présente quatre articles additionnels. Divers membres demandent l’ajournement. L'ajournement est prononcé. M. le Président lève la séance à 10 heures 1/2. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOÜRET. Séance du samedi 22 mai 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. La Réveillëre de Lépeaux, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin. M. Vernier, rapporteur du comité des finances , expose que la ville de Caen a besoin de blé et qu’elle a envoyé, pour en obtenir, des députés extraordinaires au premier ministre des finances. Le ministre a promis sept mille setiers, mais il faudra que la ville les paie et elle a déjà à entretenir un atelier de charité. Le comité pense qu’elle ne peut faire face à ces dépenses sans un emprunt de quarante mille livres. Il propose, en conséquence, un décret qui est adopté ainsi qu'il suit : «L’Assemblée nationale, ayant égard aux motifs consignés dans la délibération prise en conseil général de la ville de Caen, le 12 mai courant, ouï le rapport de son comité des finances, autorise les officiers municipaux de ladite ville à faire un emprunt de 40,000 livres, pour l’emploi en être fait conformément à la délibération, à condition, et non autrement, que ledit emprunt, tant en principal qu’intérêts, sera remboursé dans le délai de cinq ans, soit sur les revenus de ladite ville, soit, en cas d’insuffisance, par la voie d’imposition, et que ledit emprunt sera approuvé par le district et département lorsqu’ils seront formés ; au surplus, à charge de rendre compte ». M. Vernier, rapporteur , annonce que les villes d’AIbi et de Réalmont, manquent de ressources pour l’entretien de leurs ateliers de charité. Il propose deux décrets qui sont adoptés sans discussion en ces termes : «L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, vu la délibération du conseil général de la ville d’AIbi du 3 du courant, autorise les officiers municipaux à imposer la somme de 6,000 livres, en deux ans, sur tous les contribuables qui payent 2 livres et au-dessus de toutes impositions, directes ou indirectes, pour ladite somme être employée en ateliers de charité et au soulagement des pauvres, à charge de faire approuver ladite imposition par le distriet et le département. » « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances sur l’adresse présentée par les officiers municipaux de la commune de Réalmont, énonciative d’une délibération du conseil général sous la date du' 30 avril, déclare qu’il n’y a pas lieu de les autoriser (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 mai 1790.] 6M à l’emprunt de 3,000 livres, sauf à euxà imposer le montant de ladite somme en trois ans sur les habitants dudit lieu qui payent 2 livres et au-dessus, de capitation, pour ladite somme être employée relativement aux destinations faites par ladite adresse, notamment à entretenir l’atelier de charité ; à laquelle imposition ils demeurent dès à présent autorisés, à charge de la faire approuver par le district et le département. > M. de La Rochefoucauld, évêque de Beauvais, député de Clermont , demande la permission de s’absenter pour motif de santé. M. le bailli de Flachslauden, député de Ragueneau , fait une demande semblable et pour le même motif. Ces congés sont accordés. L’Assemblée passe à son ordre du jour qui est la continuation de la discussion sur la question constitutionnelle du droit de guerre et de paix • M. le marquis d’Estourmel (1). Messieurs, chargé par mon cahier de demander que les Etats généraux s’occupent d’abord de concerter avec Sa Majesté, et d’arrêter un corps de lois constitutionnelles inscrites immuablement dans un registre national ; je regarde la faculté de faire la guerre et la paix comme un article constitutionnel. Je n’invoque point les anciens capitulaires : je ne citerai ni les Romains, ces ambitieux et farouches républicains, faisant ta guerre à tous les peuples pour les asservir à leur empire : Neç campos ubi Troja fuit. Quelques-uns des préopinants ont proposé un manifeste qui tendrait, s’il pouvait être adopté, à réaliser la séduisante chimère de la paix universelle, attribuée à l’abbé de Saint-Pierre; mais avant que cette chimère soit réalisée, ne se passera-t-il pas encore bien des années, pendant lesquelles nos rivaux naturels profiteront de notre engouement pour des rêveries philosophiques, afin d’agrandir leur empire, ou d’étendre leur commerce aux dépens du nôtre; et à l’ombre de la célérité et du secret, qui sont l’âme de la politique, et qu’un ministère toujours actif mettrait dans de telles opérations, ils déjoueraient notre bonne foi, et nous laisseraient nous bercer d’idées aussi impolitiques pour nous qu’elles leur seraient avantageuses ; car en déclarant que nous voulons être en paix avec tous, c’est-à-dire aux autres nations: faisons une coalition et opposons-nous fortement à la tyrannie des peuples conquérants. Ainsi, en voulant établir une paix perpétuelle, nous serions en guerre avec toutes les nations que nous croirions injustes, ou qui ne s’accommoderaient pas de notre système : et quelle entreprise 1... Je passe à la question. La nation doit-elle déléguer au roi l’exercice de la paix et de la guerre? Pour résoudre cette question, il ne faut qu’être conséquent : le roi est déclaré roi des Français ; il est déclaré chef suprême du pouvoir exécutif. Ces qualifications seraient illusoires, si le roi n’avait pas la faculté de faire la guerre et la paix. La guerre ne peut se soutenir sans argent, le roi ne peut disposer d’aucune somme sans le consentement de la nation. La possibilité de faire la guerre dépendant des moyens d’entretenir les armées, il (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du discours de M. d’Estourmel. existe une telle corrélation entre le roi et la nation, que le concours de la nation ne peut être séparé de l’acte fait par le roi. La nation assigne des fonds pour l’entretien des armées de terre et de mer en temps de paix. Ces armées ne peuvent recevoir d’augmentation sans un vœu exprimé par la nation. Je suis chargé de demander qu’il soit formé une caisse nationale de l'excédent des dépenses des départements, qui sera fixé par l’Assemblée nationale, et du produit des impositions. Que cette caisse nationale soit régie par un certain nombre d’administrateurs choisis par l’Assemblée nationale, qui lui en rendront compte directement, et qu'on ne pourra en détourner aucun denier pour être employé à tout autre service qu’aux inférêis et aux remboursements des capitaux; que si cependant les circonstances d’une guerre imprévue forçaient à recourir à des moyens extraordinaires, l’Assemblée nationale y pourvoirait suivant sa sagesse et sa prudence; qu’enfin, la dépense des départements des ministres étant fixée, ils seront comptables de la gestion de leurs fonds aux Assemblées nationales, et les comptes rendus publics. Toutes ces mesures ne peuvent être qu'adoptées par une Assemblée dont l’unique objet doit être le bonheur de la nation. Plût à Dieu, que, pour la faire jouir promptement de ce bonheur, l’unique but des vœux du roi et des nôtres, chacun des membres qui composent cette Assemblée se persuadât qu’il ne doit qu’à elle seule l’expression de son opinion, de son amour pour le bien public; qu’il ne manifestât que dans son sein les moyens que son zèle lui suggère pour assurer ce résultat; que le choc des opinions n’eût d’autre effet que celui de procurer, le plus tôt possible, et par les moyens les plus efficaces, la paix intérieure et extérieure. Le roi, comme chef suprême du pouvoir exécutif, est le conservateur des propriétés intérieures et extérieures. La défense de ces propriétés est pour lui un devoir : ainsi le roi peut et doit entreprendre une guerre défensive. La guerre offensive ne peut être déclarée par une nation juste et généreuse. Je n’en parlerai donc pas, parce que ce serait se créer un monstre pour avoir le plaisir de le combattre. On a alarmé, Messieurs, votre patriotisme, en vous rappelant l’abus des guerres entreprises sans le consentement de la nation; cet abus ne peut se renouveler. La permanence des législateurs en imposera toujours à des ministres entreprenants. Ils n’oublieront pas que la guerre ne peut se soutenir sans argent, que le roi ne peut s’en procurer sans le consentement de la nation, et qu’ainsi la faculté de faire la guerre ou la paix est restreinte par le consentement ou le refus des subsides qui en sont le nerf. J’ai dit la faculté de faire la paix, parce qu'elle est une conséquence de la première, et que d’ailleurs, dans un gouvernement monarchique, c’est le monarque qui représente, aux yeux des nations, la volonté générale, et qui juge du moment où les propriétés rentrent sans altération dans la jouissance de la nation. Ainsi, Messieurs, en conservant les précieux avantages de la célérité et du secret, dont votre intention n’est sûrement pas de faire profiter les ennemis à votre détriment (ce qui serait sbsurde en politique), vous maintiendrez les rapports du roi avec la nation. Gar en votant les subsides pour l’augmentation des fonds de l’armée, vous serez nécessairement instruits des motifs qui