92 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Ne craignes pas que nous nous lassions jamais de faire des sacrifices; nous ne verrons que la Liberté, l’honneur et la gloire, et rien ne nous coûtera pour les obtenir. Tels sont, citoyens Représentans, les senti-mens de notre société, et tels sont ceux de tous les patriotes de ce départements. Guerre aux tyrans, mort aux ennemis du peuple, affermissement de la Liberté, triomphe de la République : voilà le cri de tous les Français, voilà le but de vos travaux, voilà l’objet de nos espérances. Soyés assurés que nous vous soutiendrons avec constance et avec courage, et que nous n’oublierons jamais le serment sacré de nos cœurs. La Liberté ou la Mort. Vive la Montagne. Sassaut (président), Roques, Larroire, La-mote, Verniolle (secrétaires). 10 Le citoyen Eschard, de la commune d’Evreux, fait passer des stances allégoriques qu’il intitule Le Dix Août. Mention honorable de l’hommage, et renvoi au comité d’instruction publique (24). [Le citoyen Eschard, d’Evreux, département de l’Eure, au président de la Convention nationale, 24 thermidor an II\ (25) Citoyen, Qui ne seroit poète, qui ne seroit peintre à l’aspect des événements mémorables de notre heureuse Révolution, c’est-à-dire des triomphes de la République française ? Pour moi, sans autres talents que ceux d’une âme républicaine, et regardant comme un ordre l’invitation de la Convention nationale, j’ose lui faire hommage aujourd’hui, de quelques stances allégoriques, de ma composition, intitulées le 10 août, trop heureux si le comité d’instruction publique les juge dignes d’un acceuil favorable ! Salut et fraternité. Eschard, sans-culotte d’Evreux, auteur du Chant Républicain, publié à Evreux, dans le tems même du fédéralisme, en réponse au Chant soi-disant patriotique des rebelles du Calvados, dans lequel (chant républicain) on lisait entre autres choses: Qu’importe le fier Robespierre ? Un homme ne fait pas l’Etat. Qu’importe Danton, etc... ? Buzot et Barbaroux, voilà les vrais brigands. Français (français), exterminez ces restes de Normands ! (24) P. V., XLIV, 217. (25) C 320, pl. 1313, p. 53. Le Dix Août. Stances allégoriques dédiées à la Convention nationale (26) I Ecoutez, ô races futures Les combats de la Liberté, Contre les tyrans, les Augures, Ces fléaux de l’humanité. De ce récit allégorique, Muses, rendez les traits frappants: Ils ramèneront nos enfants Au berceau de la République. II Les tyrans, que l’esclave enscense, Régnent par la flamme et le fer; Et tous les Capet de la France Sont descendus de Jupiter: Jupiter, armé de sa foudre, Bien fait pour tout émouvoir, Fut cet arbitraire pouvoir Que la raison réduit en poudre. III L’esclave ne voit rien d’injuste; Le tyran, de tout est jaloux: Rome créa le mois d’Auguste; Ce mois planait déjà sur nous: De la moisson et des orages Régnoit la brûlante saison Depuis longtems notre horizon Etoit obscurci de nuages. IV Faisant du Louvre une cellule Le dernier des fils de Jupin, Vil, abruti par la crapule, Dormoit soumis au Dieu du vin Le gouvernement de la Terre, Usurpé par les demi-Dieux, Etoit en plus ambitieux; Et Junon lançoit le Tonnerre. V Sous le rideau du fanatisme, L’appui du trône étoit l’autel, Et l’autel, dans le despotisme, Trouvoit un soutien mutuel. La plus affreuse tyrannie, Ce monstre échappé des enfers, Chargeoit et d’opprobre et de fers Notre malheureuse Patrie. VI Du despotisme de ses ordres Le françois las de soupirer, Contre l’opprobre et les désordres Commence enfin à murmurer. Il invoque le nom d’Astrée, Déïté chère à nos ayeux... A ce nom détesté des Dieux La perte du monde est jurée. (26) Lues à la société populaire d’Evreux le 9 août (v.s.) et chantées le lendemain à la fête, sur l’air de La Visitandine. SÉANCE DU 13 FRUCTIDOR AN II (30 AOÛT 1794) - N° 10 93 VI1 Un jour horrible vient d’éclore: Et doit éclairer le trépas; Et dès le lever de l’aurore, La foudre tombe en mille éclats. Du pur sang de mille victimes, Déjà le sol est humecté... Mais Astrée et la Liberté Vont bientôt venger tant de crimes. VIII Déjà nos chaines sont brisées; Deux millions de nouveaux Titans, Autant de nouveaux Prométhées, Elèvent leurs fronts menaçants: Déjà dans leur fureur extrême, Du sommet d’un mont sourcilleux, Ils ont escaladé les cieux Et désarmé Jupiter même. IX Jupiter et sa cour tremblante, Au pied du Mont précipités, D’une voix plus que suppliante, Confessent leurs atrocités. Mais, par le sang de l’innocence Qui souille encore ces Dieux cruels, Ils sont tous devenus mortels, Et ce sang demande vengeance. X Sous le glaive tranchant d’Astrée. Le sang impur coule à son tour; Et la Liberté révérée, Reprend son empire en ce jour. Un nouveau séjour Olympique S’ouvre chez nous à d’autres Dieux C’est pour les mortels vertueux Qu’attend la couronne civique. 11 La société populaire de Chinon-la-Monta-gne [ci-devant Chateau-Chinon], département de la Nièvre, transmet à la Convention nationale le trait de courage et de dévouement à la patrie du jeune citoyen Claude Balandreau, à qui les brigands ont coupé la tête, parce qu’il ne voulut pas crier vive Je roi, comme ils vouloient l’y forcer, et cria au contraire, vive la République ! Insertion au bulletin et renvoi au comité d’instruction publique ! (27). [La société populaire de Chinon au président de la Convention nationale, le 11 thermidor an II\ (28). Citoyen président Nous te prions de vouloir bien faire connoi-tre à la Convention nationale la valeur et l’héroïsme d’un jeune républicain de notre district. Les détails de sa mort aussi touchants que sublimes sont consignés dans l’adresse ci-jointe. (27) P. V., XLIV, 217. (28) C 320, pl. 1313, p. 58-59. Bull., 13 fruct. (suppl.). Vive la République, Vive la Convention nationale. Dureux (président), Boivin, Ource (secrétaires). [La société populaire de Chinon-la-Montagne à la Convention nationale, le 11 thermidor an m Représentants du peuple, Le courage héroïque de Bara, le dévouement sublime d’Agricol Viala, ont pénétré toute la France d’admiration : l’exemple qu’ils ont donné trouve dans nos armées de nombreux imitateurs, et notre district se glorifie d’avoir vu naître un jeune républicain qui s’est montré leur digne émule. Si Claude Balandreau (c’est le nom du jeune héros dont nous regrettons la perte) a peu vécu pour la patrie, il a assez vécu pour la gloire, et ses vertus, son courage et son patriotisme doivent rendre son souvenir immortel. Au mois de septembre 1792, lorsque le 3ème bataillon de la Nièvre s’organisoit à Nevers, Balandreau alors âgé de 15 ans, se présenta aux administrateurs de notre district et les sollicita vivement de l’inscrire comme volontaire pour entrer dans ce corps : en vain, on lui objecta la foiblesse de son âge, ses instances redoublèrent : quand on est patriote, dit-il, on est toujours assez fort; un coup de fusil tiré de ma main portera aussi bien que de la main d’un autre; et d’ailleurs, mes forces croîtront avec mon âge. Les administrateurs déterminés par son ardeur, son zèle et le patriotisme bien prononcé de ses parents, se rendirent à ses désirs. Son courage et son intelligence lui méritèrent le suffrage de ses compagnons d’armes et il fut choisi pour capitaine d’une compagnie du bataillon. Ce bataillon fut du nombre de ceux qui par suite de la trahison de Custine se trouvèrent renfermés dans Mayence pendant tout le siège. Balandreau se comporta d’une manière distinguée, et quand la garnison de cette ville eut reçu ordre de se rendre dans la Vendée, Balandreau dont la santé avoit beaucoup souffert des fatigues du siège, ayant obtenu la permission de s’écarter de la route que tenoit le bataillon pour passer quelques jours dans le sein de sa famille, voulut concilier avec son devoir les sentiments de la nature, il vint embrasser ses père et mère, passer 24 heures avec eux et partit de suite pour voler aux lieux où les ordres de la Convention et la défense de la patrie l’appeloient. Depuis cette époque sa conduite militaire dans la Vendée justifioit l’opinion qu’il avoit donnée de lui au siège de Mayence, et donnoit pour l’avenir les espérances les plus flatteuses, lorsqu’une mort sublime en l’enlevant à la République à l’âge de 17 ans l’a privé de l’un de ses plus braves défenseurs. Il commandoife auprès de Chateau-Gontier un détachement de 50 républicains : le 27 messidor étant à leur tête, il parcouroit la campagne lorsqu’il apperçoit dans un champ environ 200 hommes qui lui paroissent être des moissonneurs : il s’avance accompagné de 4 des