VILLE DE LYON. OBSERVATIONS Des députés du tiers-état de la ville de Lyon depuis le dimanche 29 mars 1789, à quatre heures après midi , au palais royal de justice; les présentes observations ont été jointes à la suite du cahier , comme arrêtées et signées le 26 dudit mois (1). Les députés représentant le tiers -état de la ville de Lyon, usant de la faculté à eux accordée par le règlement délibéré au conseil le 24 de ce mois, d’ajouter au bas du cahier commun du tiers-état de cette sénéchaussée les observations, propositions et demandes relatives aux intérêts particuliers de la ville de Lyon et aux pouvoirs des députés aux Etats généraux, Ont déclaré qu’en persistant sans réserve aux déclarations libres par eux faites, et au vœu qu’ils ont exprimé, pour concourir sans distinction, dans la plus parfaite égalité avec les propriétaires des campagnes, à l’acquittement des impôts qui seront consentis par les Etals généraux, en proportion de leurs propriétés et facultés, tant dans l’intérieur qu’au dehors de la ville, ils croient devoir rappeler sommairement dans le mandat des . députés aux Etats généraux les objets qui doivent particulièrement fixer leur attention. En conséquence, les députés aux Etats généraux sont spécialement chargés d’insister pour que, dans cette assemblée nationale, les délibérations soient prises par les trois ordres réunis, et les suffrages comptés par tête. Que les délibérations prises à la pluralité ne deviennent définitives qu’après la troisième séance qui suivra celle où elles auront été prises. De proposer l’établissement d'une loi constitutionnelle, à laquelle seront soumis sans aucune distinction tous les sujets du Roi et les cours et tribunaux, et qui ne pourra être eufreinte sous quelque prétexte et en vertu de quelque ordre que ce puisse être, à peine de punition, et d’être responsable des dommages soufferts par les citoyens. Célte loi consacrera l’ordre établi pour la succession du trôneldans la famille régnante, de mâle en mâle, et d’aînés en aînés, à l’exclusion des filles de leur descendance et des étrangers. Elle maintiendra l’unité de la religion dominante du prince et de l’Etat, qui est et ne peut être que la religion catholique, apostolique et romaine, en conservant les libertés de 1 Eglise gallicane. Elle fixera les distinctions dues au clergé et à la noblesse; mais elle abolira toute exclusion humiliante pour le tiers-état, et capable de décourager le vrai mérite. " (1) Nous publions ces observations complémentaires du ahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. Cette loi réglera irrévocablement la composition des Etats généraux formée des députés des trois ordres librement élus, ceux du tiers-état toujours en nombre égal à ceux du clergé et de la noblesse réunis; que les délibérations y seront prises par les trois ordres réunis, et les suffrages comptés par tête : elle assurera le retour périodique dans un terme très-court des Etats généraux. Cette loi déclarera la liberté individuelle et les propriétés inviolables; que nul impôt direct ou indirect ne sera légal, nul emprunt à l’avenir, reconnu dette de l’Etat, nulle loi promulguée sans avoir été consentis par les Etats généraux. Elle ordonnera l’établissement, dans chaque généralité, d’Etats provinciaux; dans chaque ville, paroisse et communauté, d’assemblée municipale, lesquels seront organisés sur les mêmes éléments que les Etats généraux, et dont les fonctions, les attributions, le régime seront réglés par la même loi. Les députés ne pourront voter sur aucune proposition avant que cette loi constitutionnelle ait été sanctionnée, à moins que des circonstances impérieuses n’exigeassent un secours extraordinaire et momentané. Mandat spécial est en outre donné auxdits députés pour demander aux Etats généraux la réforme des lois civiles et criminelles; la suppression des tribunaux d’exception, et de la vénalité des charges de judicature et des offices onéreux. L’établissement dans chaque généralité d’une cour souveraine. La réforme des abus introduits dans le régime et l’emploi des biens ecclésiastiques. La liberté de la presse. Que le dépôt des lettres confiées à la poste soit inviolable. Des règlements. 1° Pour la conservation des enfants trouvés, et de ceux confiés aux nourrices mercenaires. 2° Sur l’éducation publique et les universités. 3° Sur le traitement des curés et vicaires et la suppression du casuel. 4° Sur les établissements de charité, et à mendicité. Ils demanderont l’exécution de la loi concernant l’inhumation hors les villes et la suppression des -loteries. Que la consommation du sel soit facilitée; que la vente exclusive de cette denrée soit bornée aux marais salants et aux salines. La suppression de tous droits, dans l’intérieur, sur les grains, légumes, vins et boissons. L’abolition de la milice; et que les Etats généraux pourvoient au moyen de recruter nos troupes sans gêner la liberté. La réforme des abus dans la perception des {États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES droits féodaux, et la facilité de les racheter sans nuire aux droits de propriété. L’abolition de toute concession, notamment celle relative aux charbons de terre, en établissant des règles relatives à leur exploitation. La suppression des barrières intérieures, et cependant qu’un bureau de transit soit conservé pour la ville de Lyon, à la forme du règlement qui sera proposé à cet égard par les Etats provinciaux. L’extinction de tout privilège onéreux, et celle des péages, tant par eau que par terre, sauf les indemnités légitimes. La suppression des droits de marque sur les fers, les aciers, les cuirs, et généralement de tout droit intérieur. Que les droits d’entrée et de sortie soient combinés de manière à favoriser les manufactures nationales. Que les poids et mesures soient uniformes dans tout le royaume. Qu’il soit permis de stipuler les intérêts pour prêts d’argent dans tous les actes. Que les tribunaux et chambres de commerce soient composés de membres librement élus par leurs pairs. L’examen des différents traités de commerce avec les puissances étrangères. La réforme de l’ordonnance du commerce, et un règlement sur les faillites. L’affranchissement de toute contribution sur les denrées de première nécessité. Que, pour honorer le commerce et associer tous les sujets du Roi à ses succès, il soit statué par une loi, que tout noble pourra faire le commerce sans déroger. Nos députés sont autorisés à demander l’attribution aux juges ordinaires de toutes matières fiscales et domaniales, sans que le conseil puisse connaître du fond des contestations. Un tarif modéré et uniforme pour le contrôle des actes, centième denier et insinuation. La suppresion des droits onéreux du domaine, et notamment de ceux perçus sur les moulins et artifices établis sur les neuves et rivières. Que la régie des domaines soit améliorée : ils demanderont l’établissement d’un ordre économique et sûr dans la régie des finances du royaume. lia fixation des dépenses dans chaque département, et-des traitements, pensions et gratifications. Que les ministres soient comptables aux Etats généraux, et personnellement responsables envers le roi et la nation de l’emploi des fonds destinés à leur département. Que les comptes des finances de l’Etat, ceux des Etats provinciaux et ceux des municipalités soient rendus publics chaque année : ils solliciteront un règlement pour parvenir à une juste répartition des impôts entre les provinces, les districts, les communautés et les individus. Ces objets remplis, les députés concourront à la vérification et reconnaissance des besoins réels de l’Etat et de l’étendue de la dette publique. Quant à la dette publique, quoique contractée sans le consentement de la nation, nos députés, par honneur pour le nom français, par amour pour nos rois, et par justice envers les créanciers, nos députés consentiront à ce que la dette soit consolidée et déclarée dette nationale ; ils concourront en conséquence à l’établissement des impôts nécessaires, soit pour fournir aux besoins réels de l’Etat, soit pour acquitter les intérêts de la PARLEMENTAIRES. [Ville de Lyon.] dette nationale, et en opérer l’amortissement progressif. Les députés demanderont que tous les impôts actuellement subsistants soient abolis, et remplacés par des impôts librement consentis par les Etats généraux. Dans le choix des nouvelles impositions, ils voteront par préférence pour les impôts les moins onéreux à l’agriculture et au commerce, ceux dont la répartition est la plus facile, le recouvrement le moins dispendieux. Les Etats généraux aviseront aux moyens de faire contribuer aux impôts les capitalistes et les objets de luxe. Que nul impôt ne sera octroyé qu’à temps et pour la durée seulement de l’intervalle à courir jusqu’au retour des Etats généraux, dont l’époque sera fixée ; et six mois après cette époque, ils cesseront de plein droit, si les Eta! s généraux ne sont pas assemblés pour les renouveler. Toutes les impositions qui seront consenties, seront également et proportionnellement réparties entre tous les sujets du Roi, sans distinction d’ordre. En ce qui concerne l’intérêt général des habitants de la ville de Lyon, mandat exprès est donné aux députés de représenter et solliciter que le choix des administrateurs des hôpitaux et collèges, celui des officiers, municipaux chargés de l’administration des deniers patrimoniaux, des officiers de police, soit déféré aux représentants ui seront nommés à cet effet par les députés es citoyens, librement élus dans des assemblées formées par corporations. Que 1 élection des membres du tribunal de la conservation soit faite à la forme du règlement qui sera fait à cet égard. Qu’il soit fait pareillement un règlement pour la composition de la chambre de commerce et le choix de ses membres. Que les comptes des hôpitaux, des collèges et des deniers patrimoniaux, seront apurés par les Etats provinciaux et rendus publics chaque année; que la dette municipale soit déclarée dette nationale, pour les portions ayant pour cause des avances faites au trésor royal, ou des dépenses à la charge et au profit de l’Etat; que tous octroi et imposition de ville soient abolis; et que s’il pouvait rester quelque charge locale à Lyon, les ressources pour y pourvoir soient imposées sur tout autre objet que sur les denrées de première nécessité. Qu’il soit pourvu à l’entretien des deux hôpitaux de cette ville, sur les dotations du clergé destinées à des œuvres de charité ; qu’il soit réservé dans l’hôpital de la Charité un plus grand nombre de places pour les ouvriers infirmes et âgés, sans être obligé d’attendre qu’ils aient atteint l’âge de soixante-dix ans; et que tout droit sur les grains soit dans l’intérieur, soit au dehors, même ceux connus sous le nom d’octrois de la Saône, soient irrévocablement supprimés que le magasin à poudre soit transféré hors la ville et dans un lieu qui la garantisse de tout danger d’explosion. Le tiers-état de la ville de Lyon s’abstient d’insérer dans le présent mandat les objets de détail qui peuvent intéresser la province, la ville en général et les corporations , bien persuadé que, dès l’instant où les Etats généraux auront réglé les objets majeurs relatifs à la Constitution, à l’administration des finances et la prospérité générale du royaume, le zèle des députés du tiers-état les portera à s’occuper des diverses de- 0|3 {Elats gén. 4789. Cahiers.} ARCHIVES mandes et détails qui intéressent la province, la ville et les corporations; qu’ils auront recours aux cahiers des divers corps ou communautés, à celui de la ville de Lyon, qui leur sera remis et aux instructions que les partiesintéressées et les bons citoyens pourront leur faire parvenir pour obtenir des règlements provisoires sur les objets les plus: urgents, et notamment pour les manufactures des étoffes de soie; en sorte que nos députés, pénétrés de l’importance de leur mission, se feront une gloire et un devoir de solliciter avec ardeur les réformes qui intéressent le bien de tous les individus du tiers-état de cette ville et sénéchaussée. Nous attendons de l'honneur et de la délicatesse des députés, que sur tous les objets énoncés au présent mandat, ils se conformeront scrupuleusement aux pouvoirs qu’il renferme ; et en ce qui concerne les objets non prévus qui pourront être proposés et discutés aux Etats généraux, tant pour l’intérêt de la nation en corps que pour chacun de ses membres, nous invitons nos députés, après avoir consulté les principes qui forment la base de ce mandat, de se livrer dans leurs .avis aux mouvements de leur conscien e, de leur patriotisme, de leur amour pour le Roi. Les députés du tiers-état sont spécialement invités de conserver, envers MM. les députés choisis par les deux ordres, les déférences et les égards dus à leur naissance et à leurs personnes, bien sûrs qu’il ne peut exister entre les deux premiers ordres et le tiers aucune diversité d’intérêt. Le tiers-état espère que les députés des trois ordres réunis offriront à la nation le modèle de la bonne harmonie, si désirable entre tous les ordres de l’Etat. Enfin, nos députés voteront avec instance, pour qu’il soit élevé à Louis XVI, restaurateur de la liberté et des droits de la nation, un monument qui perpétue le souvenir de ses bienfaits et de notre reconnaissance. arrondissement de l’arbresle. Bourg et paroisse de Vaize-les-Lyon. Les malheureux habitants du bourg et paroisse de Vaize-les-Lyon sont assujettis à toutes les impositions de la taille, capitation et subsidiaires, vingtièmes, corvées, milice, logement des gens de guerre et fourniture de l’ustensile ; enfin, aux droits d’entrée et de sortie sur les marchandises et denrées de consommation. La paroisse de Vaize a toujours été reconnue our être indépendante et séparée de la ville de yon. Dans ce moment encore elle est du département du Lyonnais et de l’arrondissement de l’Arbresle. La seigneurie appartient à M. l’abbé d’Ainay, qui a ses officiers ; et il y existe une municipalité subordonnée à l’assemblée provinciale. Enfin, les habitants de Vaize ont été déclarés forains par l’ordonnance de Louis XIV sur les aides, titre Ier du droit de gros, article 2, confirmés dans cette qualité par deux arrêts du conseil, des années 1757 et 1771, qui exemptent les habitants de plusieurs droits bursaux que la ville est parvenue à établir sur leur bourg. Sous ce véritable point de vue on sera révolté que les fermiers des octrois, sous le nom de pré-yôtdes marchands et échevins, par une extension condamnable, par l’abus le plus oppressif, aient forcé pt forcent encore ces pauvres habitants à payer pn droit de 9 livres 18 sols sur chaque ânée de vjn, sang qu’ils aient jamais joui des privilé-PARLEMENTAIRES. } Ville de Lyon.] ges de la cité, ni donné lieu à ses dépenses intérieures, pour l’acquittement desquelles les octrois lui furent uniquement concédés. Le double emploi est évident ; il est de principe. même en matière d’impôts, qu’un lieu sujet aux 1 charges de la campagne, ne puisse en même temps être assujetti aux charges de la ville, dont’ il n'a jamais été l’objet. ; Les habitants de Vaize ont toujours résisté à cet assujettissement injuste ; ils en ont demandé la suppression, à différentes époques, devant les tribunaux ordinaires. Mais les funestes évocations, qui sont les armes familières du fisc, ont toujours eu le déplorable effet d’étouffer leur voix et de rendre leurs plaintes inutiles. Ils se trouvent accablés d’une dette immense, occasionnée par la résistance la plus légitime, avouée par la raison et la justice ; et ces malheureux n’onjf, pour l’acquitter, aucune espèce de ressourcecommune ou particulière. Les habitants de Vaize rappelleront: 1° que le Roi et le parlement de Paris ont formellement déclaré que les Etats généraux sont seuls compétents pour octroyer ét proroger les impôts; 2° Que le clergé, la noblesse et le tiers -ordre de la ville de Lyon, et notamment les bourgeois dé cette ville, ont renoncé à tous privilèges et exemptions pécuniaires, avec offre de supporter également et proportionnellement avec le tiers-etat des campagnes, tous les impôts qui seront arrêtés par les Etats généraux ; 3° Que les bourgeois et tiers-ordre de la ville de Lyon ont offert encore de supporter seuls les taxes et impositions pour les dettes communes de la cité, sans qu’elles puissent peser directement ni indirectement sur les habitants des campagnes, dont ceux du bourg de Vaize font essentiellement partie. D’après toutes ces considérations, dictées par l’humanité, la justice et le patriotisme, il ne peut plus y avoir de difficulté à supprimer, dès à présent, le droit inique qui pèse depuis si longtemps sur les habitants de Vaize, et qui forme double emploi avec les charges onéreuses de la campagne. En conséquence, les habitants de la paroisse de Vaize, par l’organe de leurs députés soussignés, supplient MM. les députés aux Etats généraux, auxquels ilsremettrontdes mémoires particuliers, de solliciter une loi provisoire qui supprime, dès à présent, les octrois et tous les droits qui en sont la suite, perçus injustement sur leur bourg, aux offres que font les habitants de Vaize de payer, suivant leurs propriétés et facultés , leur part proportionnelle de tous les impôts qui seront consentis et fixés par la nation assemblée , et répartis sur la province ; faisant toutes réserves et protestations contre toutes lois bursales intervenues ou qui pourraient intervenir ; soutenant qu’il n’y a jamais de prescription à opposer contre l’abus, contre une communauté toujours mineure, moins encore contre la raison et la justice qui constituent le droit public de tontes les sociétés et de toutes les nations. Fait et inséré au bas du cahier général du tiers-ordre de la sénéchaussée de Lyon, en assemblée générale du dimanche 29 mars 1789. Signé Ravier, syndic de la municipalité et député. Signé Thibaudet, premier membre de la municipalité et député.