SÉANCE DU 30 THERMIDOR AN II (17 AOÛT 1794) - N° 12 225 rions son ouvrage, nous en étions les destructeurs. Sans doute qu’il existe ce grand architecte révéré dans tous les âges et parmi tous les peuples comme le principe fécond de tout ce qui existe. Celui-là seroit ennemi de son propre être et le boureau de l’humanité, qui chercherait à arracher de l’esprit -de ses concitoyens une idée si nécessaire aux mortels, si chère surtout aux malheureux. Mais ce grand, ce puissant, ce premier moteur de toutes choses, quels sont les devoirs qu’il exige de nous ? Déjà nos hommages, quelque pompeux qu’ils soient, n’ajoutent proprement rien à sa grandeur. Il est essentiellement ce qu’il est. Nous ne pouvons ni nuire ni servir à sa gloire. Il est cependant une tâche qu’il nous a prescrite : elle se trouve dans le code immense des loix éternelles sur lesquelles repose le système du monde. Celles qui nous conviennent, ce Dieu les a gravées dans nos cœurs de la même manière qu’il a imprimé sur tous ces grands corps qui circulent autour de nous la double force qui leur fait parcourir avec la dernière précision les différents cercles que cette main invisible leur a tracés dans l’immensité de l’espace. Celuit-là honore la divinité qui fait ce qu’il doit faire comme homme, qui suit les loix immuables qu’elle lui a prescrite, qui concourt à l’harmonie du grand tout. Qu’ils sont méprisables ceux-là qui croyent bien mériter du ciel en balbutiant quelques paroles ou en faisant paroître de vains signes extérieurs de dévotion ! La religion ne doit consister ni dans des sons ni dans des gestes mais dans l’action du cœur, dans l’exercice de la vertu, de cette vertu sublime qui nous fait trouver notre bonheur dans celui de nos frères et nous fait ainsi confondre notre interret avec le leur. Le soleil n’agit pas pour lui seul. Avec quelle profusion il verse sur nous ses bénignes influences ! Tous ces autres corps que nous voyons briller sur nos têtes agissent et réagissent également les uns sur les autres. Et pour en venir à ce que nous avons sans cesse sous les yeux, le feu, l’eau, l’air, la terre, les plantes, les animaux, tout se tient par la main, tout est en harmonie, tout travaille à l’embellissement de la nature : voyez la fécondité de nos prin-tems, la beauté de nos étés, la richesse de nos automnes, le repos salutaire de nos hivers. L’homme, pour être doué d’intelligence, seroit-il moins obligé que tous ces être qui l’entourent de concourir aussi pour sa part à un si bel accord ? Sans doute qu’il le doit, mais il a manqué ce but jusqu’à présent et la raison c’est qu’au lieu de prendre pour guide les loix de la nature il s’est toujours attaché à des règles qui leur étoient contraires. Eh bien, citoyens, c’est à ces sages loix que le culte de la raison vous ramenne. Il veut que vous ne pensiez et que vous n’agissiez que d’après elles et soyez pour vos semblables ce que sont les élémens vis-à-vis les uns des autres et vis-à-vis de vous en particulier. Qu’est-ce que la raison ? N’est-ce pas le sceau de l’intelligence suprême qui vous a été imprimé dèz votre origine ? N’est-elle pas l’oracle de votre Dieu ? Contemplez les animaux : ils sont mille fois plus heureux que vous. Parce qu’ils suivent l’instinct que Dieu leur a donné pour guide. Suivez votre raison, vous vous tromperez moins et, par là même, vous trouverez plutôt le bonheur. Ah, citoyens, il est étonnant qu’un si beau système qui tient de si près à celui du monde et qui diminuerait des trois-quarts les misères humaines en entretenant dans la société le même équilibre que celui qui s’observe dans toute la nature éprouve tant de contradictions parmi nous. L’homme s’attachera-t-il toujours à de vaines et frivoles apparences ? Se repaîtra-t-il toujours de chimères ? Sera-t-il toujours ennemi de la vérité ? Sera-t-il toujours assez sot pour pouvoir se flatter qu’un chétif et puéril extérieur lui suffit pour se montrer ce qu’il doit être ? Une religion d’actions, une religion qui s’annonce par des vertus ne sera-t-elle jamais de son goût ? Citoyens, l’honnête homme doit sourire aisément au culte de la raison. Il n’y a que des cœurs dépravés qui puissent le combattre. L’honnête homme aime tout ce qui tient à la vertu, tout ce qui prêche la vertu et qui ne prêche que la vertu, mais le méchant voudrait toujours d’une religion qui lui permît de capituler avec le crime. Frères, frères, il n’y a que trop longtems que l’homme végète sur cette terre et qu’il oublie ses devoirs. Il n’y a que trop longtems que, n’ayant de la vertu que le masque, il se dégrade, s’avilit et manque sa vocation. A la vertu ! A la vertu ! Quittez tous les hochets de la superstition pour n’honorer désormais votre Dieu que par vos actions. Devenez justes, devenez bienfaisants. Ne comptez vos jours que par les heureux que vous faites et croyez qu’une seule bonne action vaut mieux que toute une vie passée en saints soupirs et en dévotes oraisons. La seule religion digne de Dieu et de vous c’est de faire le bien. J.G. Ponnier ( secrét .), G.F. Dieny ( juge de paix). 12 La société populaire de Courson, département du Calvados, composée de laboureurs et d’artisans, félicite la Convention nationale sur ses glorieux travaux, et l’invite à rester à son poste jusqu’à l’entière destruction des tyrans. Mention honorable, insertion au bulletin (1). [La sté popul. de Courson, à la Conv.; Courson, 10 therm. Il] (2) Liberté, fraternité et soumission aux loix ! Législateurs, Permettés que de pauvres laboureurs et artisans relégués dans leurs cabanes dans le fond de leurs hameaux et qui cependant cher-(1) P.V., XLIII, 271. Mentionné par Bin, 3 fruct. (suppl1). (2) C 316, pl. 1269, p. 26. 15 226 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE chent à s’instruire des vertus républicaines en quitant leurs paisibles travaux aussi souvent qu’ils le peuvent pour se rassembler paisiblement en société populaire, vous félicitent sur vos illustres travaux et vous exhorte à les continuer pour mettre le comble à notre bonheur et déjouer les complots de nos ennemis. Oui, législateurs, nous vous prions, au nom du peuple dont vous soutenez si dignement les droits, de rester à votre poste jusqu’à ce que les tirans soient entièrement détruits. Le bruit des victoires éclatantes remportées par nos armées sur vos ennemis ne sont que l’ouvrage de vos mains par le bon ordre que vous mettés à toutes choses. Achevés votre ouvrage, nous vous le répétons, et soyés sûre que vous nous trouverés toujours fidèles observateurs de vos dignes décrets et des sages loix que vous nous donnés, et nous ne cesserons jamais dans nos paisibles assemblés de vous bénir et de faire entendre nos vœux pour répéter ces mots : vive la République, vive la Montagne et la Convention nationale ! Salut et soumission fraternelle ! Nicolas Guillotin ( présid .), Piprel ( vice-pré - sid.) et 15 autres signatures. 13 La société populaire de la commune de Bourg, département du Bec-d’Ambès, réunie aux autorités constituées et à tous les citoyens de cette commune, félicite la Convention nationale sur les victoires multipliées des armées de la République et l’invite à rester à son poste. Mention honorable, insertion au bulletin (1). [La sté régénérée des sans-culottes de la comm. de Bourg, réunis aux autorités constituées et à tous les cns de leur canton, à la Conu.; s.d. ] (2) Citoyens représentants, Depuis que nos armées ont à leur tête des généraux républicains chaque bataille est un triomphe pour les Français. La victoire, si souvent inconstante, reste fidelle à la cause de la liberté. Il n’appartenoit qu’au génie de la France de la fixer. L’armée seule de Sambre-et-Meuse a plus fait dans un jour que ne firent jamais les soldats de Sparte et Rome. O champs de Fleurus, vous attesterez à la postérité ce que peut le courage des hommes libres. Jemmape, tu rapelleras sans cesse les actions valeureuses des héros des Thermopiles. Et toi, vaste océan, tes ondes mugissantes apporteront jusques sur les rives de la féroce Albion les monuments de nos succès. Tes flots ensanglantés offriront l’image de la mort aux esclaves de Pitt. Les lâches ! Ils vouloient nous ravir des subsistances si long-(l) P.V., XLIII, 271. (2) C 316, pl. 1269, p. 22. Mentionné par B‘n, 2 fruct. (suppl1). temps et si patiemment attendues mais le pavillon tricolor ne les a pas protégées en vain. Vils pirates ! Aujourd’hui ce sont des hommes libres que vous avez à combatre. La mer ne sera plus un empire conquis par vos brigandages. Le vaisseau Le Vengeur vous a prouvé ce que peut l’amour de la liberté. Citoyens représentans, vous mettre sous les yeux la série de nos conquêtes, c’est vous offrir le fruit de vos travaux. Restez à ce poste que vous occupez si bien et ne le quittez que lorsque l’ombre du dernier des tyrans aura disparu de la terre. [Environ 80 signatures sans indication de titres ni fonctions ]. 14 Le comité révolutionnaire des trois cantons réunis, séant à Girons, département de l’Ariège, parle ainsi du représentant Chaudron-Rousseau sur le fanatisme : il paroît au milieu du peuple; il développe avec force les avantages de la raison; il persuade; il électrise les âmes; le bandeau de l’erreur tombe et l’homme voit. Ce comité, en votant des remerciemens à la Convention nationale, l’invite à rester à son poste et la prie de laisser parmi eux le représentant Chaudron-Rousseau, pour cimenter le bien qu’il a fait. Mention honorable, insertion au bulletin sur une partie et l’ordre du jour sur la demande des pétitionnaires (1). [Le c. révol. de 3 cantons réunis séant à Girons, à la Conv.; Girons, 4 therm. II] (2) Représentans, Le fanatisme promenait ses regards sur cette contrée; ce colosse hideux exaspérait l’imagination; la perfidie, la calomnie, ses compagnes fidelles semaient la discorde parmi les citoyens. Le représentant Chaudron-Rousseau paraît au milieu du peuple, il dévelope avec force les avantages de la raison, il persuade, il électrise les âmes, le bandeau de l’erreur tombe et l’homme voit. Quel beau jour que celui où, par la force de la vérité, l’homme a reconquis ses droits ! Quel beau jour que celui où les idoles, principe de notre esclavage, descendent des autels pour se purifier par le feu, et de leurs cendres on extrait la matière sacrée qui porte la foudre à l’ennemi, brise les chaînes du despotisme ! Quel beau jour que celui où le peuple, enthousiasmé de sa victoire sur la superstition, détruit les instru-mens de cette dernière aux cris de vive la République, vive la Montagne, vive Chaudron-Rousseau ! Quel beau jour que celui où les vases d’or et d’argent pour être employés à une bonne (1 )P.V., XLIII, 271. Mentionné par B‘n , 2 fruct. (suppl1). (2) C 313, pl. 1252, p. 43.