[18 janvier 1191.1 313 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. moment, ayant entendu toutes les opinions pour et contre, vous devez délibérer sur les propositions qui ont été laites. Le désordre qu’on a occasionné dans l’Assemblée a pour objet de faire rendre un mauvais décret, afin de décrier ensuite, dans l’opinion publique, une institution protectrice de la liberté. M. Le Chapelier. Je crois que cette marche n’est pas conforme à la règle : on ne peut mettre en question si l’on délibérera sur une priorité accordée. La proposition de M. de Lafayettequi, j’en conviens, est dans les principes, ne peut être considérée comme un amendement, puisqu’elle ramène au premier projet de décret, auquel la priorité a été refusée. Le premier article de celui qui a obtenu la priorité, n’étant que réglementaire, ne se présentant que comme un essai accessoire de Constitution décrété sous ce rapport, présente un avantage du moment. On indiquera avec soin, dans Je procès-verbal, que cet article n’est que réglementaire ; il pourrait être révoqué par la suite. L’utilité momentanée de cette disposition n’est pas équivoque. Nos concitoyens seraient effrayés de la célérité de la nouvelle procédure criminelle, et il ne faut pas fournir aux ennemis de cette institution les moyens de l’attaquer. Cette disposition pourra aussi être nécessaire au futur. Les jurés ne doivent pas, il est vrai, prendre connaissance des dépositions : on ne doit pas les leur lire ; mais n’est-il pas important que l’accusé ait un dépôt où il puisse trouver les traces qui conduisent à son innocence? Mais si le témoin est mort ou s’il est impossible de le reproduire, ne serait-il pas utile de pouvoir reproduire les dépositions? Ainsi voilà, pour l’accusé, des avantages certains, auxquels aucun inconvénient ne se joindra si la lecture des dépositions n’est pas faite au juré. Dès lors je ne sais pas comment les vrais amis de l’institution des jurés pourraient se refuser à rejeter l'amendement, et à adopter purement et simplement l’article qui doit ensuite être mis aux voix. Voilà quelle doit, être la marche de la délibération. (L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur tous les amendements.) L’article premier du projet de décret du comité, auquel la priorité avait été accordée, est adopté sans aucun changement, à une très grande majorité. (La séance est levée à trois heures et demie.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ GRÉGOIRE. Séance du mardi 18 janvier 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du matin qui est adopté et des adresses suivantes : Adresses des juges du district de Montluçon, et de celui de Quimperlé, qui, dès les premiers moments de leur installation, présentent à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Les juges du district de Quimperlé annoncent que le curé de Saint-Michel de cette ville, tous les ecclésiastiques attachés à son église, et tous les religieux, capucins, bénédictins et bernardins, ont adopté, le 8 du présent mois, par un serment solennel, l’organisation civile du clergé. Adresse du commissaire du roi à Remiremont, département des Vosges, qui fait hommage à l’Assemblée nationale du discours patriotique qu’il a prononcé à l’installation des juges du tribunal du district. Adresse de M. Balin, curé de Gondecourt, près Meulau-sur-Seine, qui, convaincu que la constitution civile du clergé, bien loin de porter atteinte à la religion, ne fait que rétablir l’ancien ordre, dont on n’aurait dû jamais s’écarter, s’est hâté de prêter le serment prescrit par le décret du 27 novembre dernier, avant sa publication légale. Il envoie le procès-verbal que le conseil général de la commune en a dressé. Adresse de M. Blanc-Pompirac, curé et procureur-syndic de la commune du Goudray-sur-Seine, district de Gorbeil, contenant le procès-verbal de son serment civique, prêté le 1er janvier dernier. Cette adresse est ainsi conçue fl): « Monsieur le Président, « Aujourd’hui 12 du courant, j’ai reçu un paquet franc de port et contre-signé en lettres rouges Assemblée nationale , contenant quatre petites brochures de huit à dix pages chacune, dont ies titres sont : « 1° Liste des évêques, députés à V Assemblée nationale, qui ont signé l'exposition des principes sur la constitution du clergé, des autres ecclésiastiques, députés , qui y ont adhéré, et des évêques qui ont envoyé leur adhésion, A Paris, chez Lau-rens jeune, libraire , imprimeur du clergé de France, rue Saint-Jacques ; « 2° Développement du serment exigé des prêtres en fonctions , par l'Assemblée nationale, extrait du Journal ecclésiastique, n° 129. De l'imprimerie de Crapart, place Saint-Michel; « 3° La conduite des curés dans les circonstances présentes ; ou bien lettre d'un curé de campagne à son confrère, député à l’Assemblée nationale , sur la conduite à tenir par les pasteurs des Cmes dans les affaires du jour . A Paris, de l'imprimerie de Crapart, 1790; « 4° Prône d'un bon curé sur le serment civique exigé des évêques et des curés , des prêtres en fonctions. À Paris , chez Crapart. « J’ai lu tout de suite ces quatre brochures; la liste même, en y apercevant M. l’abbé Maury, jadis de ma connaissance, m’a dessillé ies yeux sur cet envoi. En conséquence, je ne puis croire que l’auguste Assemblée ait voulu mettre à l’épreuve mou respect pour ses décrets, et ma conscience à m’y soumettre, et mon zèle à les défendre. « Si elle avait en cette intention, elle n’y est pins à temps. Je n’ai pas attendu la réception du décret pour donner à la nation des preuves de mon civisme. Je ne l’ai pas même encore reçu ; mais j’ai cru ne pouvoir mieux commencer cette (1) Celte séance est incomplète au Moniteur. (1) Nous empruntons ce document au Journal logo-graphique, t. XVIII, p. 258. 316 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. année qu’en prêtant ce serment, tel que M. l’abbé Grégoire, mon cher confrère, l’a prêté à la tribune. Je vous prie, Monsieur le Président, d’en convaincre l’auguste Assemblée par la copie de mon serment, extraite des registres de la municipalité du Coudray, que j’ai l’honneur de vous envoyer avec l’enveloppe du paquet que j’ai reçu, qui vous prouvera la vérité de ce que j’avance. « Je crois devoir .vous avertir que vos décrets nous parviennent fort tard ; car de tous ceux que j’ai reçus cette semaine, le plus récent est du 19 novembre. Nous ne sommes cependant qu’à neuf lieues de Paris et de Versailles. « J’ai l’honneur d’être, etc., « Signé: Blanc, curé et procureur syndic de la commune du Coud ray/ » Il est ensuite fait lecture des adresses suivantes : Adresse de la municipalité de Choisy-le-Roi, contenant le procès-verbal de prestation de serment des curé, vicaires et aumônier de la garde nationale dudit Ghoisy, ensemble le discours, vraiment patriotique, prononcé par le curé, avant son serment. Adresse de la municipalité de Gourdon, qui annonce que les commissaires civils, ordonnés par l’Assemblée, sont arrivés dans cette ville, et y ont ramené la paix; qu’ils y ont replacé, avec pompe et solennité, les administrateurs du district, que la crainte tenait dispersés depuis plus d’un mois. Adresse des officiers municipaux de la communauté de Grornas; ils font le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789. Procès-verbal de la prestation de serment, faite par le clergé de la paroisse de Saint-Médard de Paris, et discours de M. Dubois, curé, après cette prestation, dans lequel il fait éclater les sentiments du patriotisme le plus pur et de la piété la plus vraie. On y lit ces paroles remarquables : « Qu’il me soit permis, mes frères, de former ici « un vœu qui doit être celui de tout bon citoyen ; « c’est de voir cesser cet esprit de parti, qui « fomente les animosités, et qui, depuis trop « longtemps, trouble la tranquillité des citoyens, « en perpétuant une dangereuse agitation. Puis-« siotis-nous, en recueillant les fruits précieux « de cette liberté que nous nous félicitons d’a-« voir recouvrée, goûter les douceurs de la con-« corde, de cette union fraternelle qui, en faisant « le bonheur de chaque citoyen en particulier, « l'ail celui de la société ! » Adresse des juges du tribunal de Varennes, district de Clermont, département de la Meuse, par laquelle ils lui .émoignent leur profonde reconnaissance, leur dévouement absolu à la Constitution, leur soumission entière aux lois judiciaires qui l’affermissent, et leur attention sévère à ne pas eu dépasser les bornes. M. Defermon. Messieurs, je viens vous dénoncer une pièce absolument fausse et qui ne peut avoir pour objet que d’égarer les citoyens qui avaient eu le patriotisme que vous désirez; on a distribué dans le département de i’Ilie-et-Vilaine un prétendu bref du pape, qui annonce que Sa Sainteté a répondu au roi des Français que l’Assemblée nationale avait outrepassé ses pouvoirs, que ceux qui prêteraient leur serment ou qui l’avaient prêté étaient schismatiques, qu’ils ne [18 janvier 1791.] pouvaient adhérera la constitution civile du clergé sans se rendre coupables du crime d’hérésie. Une voix à droite : Bravo 1 M. Gaultier de Biauzat. Je demande que l’on recherche quel est le membre qui approuve ce prétendu bref. M. Defermon. Je vous dénonce encore que le secrétaire qui est à côté de moi a reçu de sa province une copie d’une semblable pièce. Il est visible que c’est d’un centre commun que sont parties ces pièces fausses pour tout le royaume. Une voix à droite: Elles sont bien dénoncées si elles sont fausses. M. Babey. Le bon esprit percera partout. M. Defermon. J’ajoute, Messieurs, que cette pièce n’a pas été comme des membres du département de l’llle-et-Viluine, qui se sont empressés de la dénoncer au tribunal de district; et je suis convaincu qu’il prendra toutes les mesures pour punir les auteurs et la distribution de pareilles pièces.Mais comme il est extrêmement intéressant que le peuple ne soit pas trompé par de pareilles distributions et que le moyen de la faire reconnaître et d’annoncer à la France la supposition de cette pièce est de faire connaître l’opinion qu’en prend l’Assemblée , je demande qu’elle veuille bien charger son président de témoigner au département de i’Ille-et-Vilaine sa satisfaction des mesures qu’il a prises pour empêcher la distribution de cette pièce et qu’en même temps elle renvoie au comité des recherches la pièce même que je dépose sur le bureau. M. Bouche. L’ordre du jour ! M. Gaultier de Biauzat. Messieurs, j’appuie la motion qui vient de vous être faite par M. Defermon; je trouve cependant que la mesure n’est pas suffisante. Il est de la connaissance de plusieurs membres que les ennemis de la Constitution emploient tous les moyens pour retarder les heureux effets de vos travaux. Ils ont maintenant recours à la fourberie; ils supposent l’existence d’un bref qui serait indifférent en soi, quand bien même il existerait, mais qui cependant pourrait encore surprendre quelques esprits faibles. Il est donc essentiellement nécessaire de faire punir les auteurs de semblables libelles. Ainsi, j’ajoute aux dispositions delà motion de M. Defermon que M. le Président soit chargé de se retirer par devers le roi, pour le prier de donner ordre d’informer, dans tous les départements où ce prétendu bref aurait ôté distribué, contre ceux qui fout et répandent de semblables imprimés. ( Applaudissements .) M. Bouche. Aux voix ! M. Maïouet. Je conviens que ceux qui ont répandu cette pièce veulent incendier les esprits et exciter à la révolte contre une loi quelconque; mais je conjure l’Assemblée de ne point prendre à cet égard de mesures partielles. (. Murmures à gauche.) Je suis étonné du mouvement que cause dans l’Assemblée une observation très conforme aux principes qu’elle établit; jamais par les mesures