SÉANCE DU 8 FLORÉAL AN II (27 AVRIL 1794) - Nos 62 ET 63 431 62 [. L’accusateur public au trib. crim. du Dépt du Nord, à la Conv.; 3 flor. II ] (1). « Représentants, Un jugement de ce tribunal ci-joint [un mot illisible] sur une copie d’un arrêté du citoyen Florent Guiot, représentant du peuple près les armées, m’autorise à vous les mettre sous les yeux et à solliciter un décret qui porte que tout arrêté des représentants du peuple près les armées, qui contiendra des dispositions pénales et des injonctions aux tribunaux criminels de les appliquer, mentionnera en même tems, le mode d’après lequel ces tribunaux devront porter leur jugement, et sera envoyé officiellement à ces tribunaux, pour y être [illisible] publié, enregistré et exécuté suivant leur forme et teneur. Ranson. Renvoyé au Comité de législation (2) . 63 [La Cne F.M. Moreau femme Mutin, à la Conv.; Mâcon, 27 germ. III (3). « Représentants, Je suis fille unique d’Adrien Moreau ex-conseiller au ci-devant bailliage de Mâcon et de Marie-Anne Siraudin, aujourd’huy détenus comme suspects. Dez l’instant de ma naissance je fus repoussée par la nature; elle m’abandonna pendant six ans en nourrice; et rapellée dans la maison des autheurs de mes jours, je ne pus jamais en obtenir les égards de tendresse que me promet-toient mes soins, mon amour, et ma soumission pour eux. Je passe sous silence l’histoire de mes malheurs, il répugne à mon cœur d’accuser ceux à qui je dois mon existance, que j’aime et que je respecte, je voudrois tout oublier à cet égard... Et si je m’en rappelle encore, ce n’est que pour demander une justice que je crois m’être düe. A l’âge de 26 ans, je fus recherchée en mariage par celuy qui est devenu mon époux; je le connoissois probe et vertueux, son père honnête négociant et sa famille jouissoient et jouissent encore de l’estime de leurs concitoyens : j’agréai sa recherche; mes père et mère la désavouèrent ils la rejettèrent; néanmoins après des sommations respectueuses, je contractai mariage le 7 mars 1791 (vieux style) contre le gré de mes parents. Je goûte les plaisirs d’une douce et vertueuse union, je vis tranquille, il ne me manquoit que l’amitié et la bienveillance de mes parents : je fis tout pour les conquérir; devenue mère, j’espérai, à l’aide de mon enfant, réveiller la nature et gagner la tendresse de mes père et mère. (1) Dm 183, p. 115 (p.j. n° 116). (2) Mention marginale datée du 8 flor. et signée Monnot. (3) D m 226, Cluny. Malheureusement je m’abusai; je perdis toute espérance. En 1792 (v.s.) mes père et mère vendirent à Valentin Siraudin, mon oncle, ex-procureur du tyran au ci-devant bailliage de Mâcon, et à fond perdu, plus des deux tiers de leurs fortune, sous une introge de 60,000 1. et une rente viagère de 9,000 1. Je fus instruite qu’ils se disposoient à aliéner de même le surplus de leurs propriétés, et je ne vis dans leur résolution que le projet de me priver de touttes ressources. Seule j 'eusses supporté le coup sans me plaindre; mais une très jeune famille me crioit de penser à elle; je vainquis donc ma répugnance et je demandai à la justice une dot que la nature m’avoit réfusée. Un tribunal de famille fut formé, et après bien des délais et des entraves il a donné sa décision par laquelle on m’adjuge le tiers des biens que possédoient mes père et mère au temps de mon mariage, et l’on m’accorde l’en-voy en possession des biens qui lui en restent, sauf l’estimation de tous et la fixation de ma dot. Mes parents étoient en arrestation, depuis trois mois seulement, lors de cette décision, mais la contestation étoit ouverte depuis plus de deux ans. Cependant les biens de mes père et mère étoient séquestrés : d’après la loi je de vois m’adresser et je me suis adressé aux administrations pour obtenir la confirmation de la décision du tribunal de famille et le relâche des biens qui m’étoient adjugés comme d’une propriété de patriotes, que vous avez déclarée inviolable et sacrée. J’ai produis mon certificat de civisme et celuy de mon mari : tous deux nous aimons la Révolution et nous bénissons la République. L’administration du département a reconnu la légitimité de ma demande que celle du district avoit accueillie, mais elle a pensé et décidé qu’elle n’avoit pas le droit de me l’accorder, elle m’a renvoyée pardevant vous, en m’accordant une pension provisoire de deux mille livres. Législateurs ! c’est donc à vous que je m’adresse; fille et mère je vous demande justice, je réclame des droits que me doit la nature; je ne veux pas de richesses mais seulement les moyens de subsistance pour un mari qui s’associa à mes malheurs, pour des jeunes enfants que je donne à la République. J’ai besoin, déjà et depuis trois ans, sans ressources, j’ai contracté des dettes qui honorent l’infortune et que je dois acquitter. C’en est assez pour obtenir de vous la confirmation de la décision du tribunal de famille, où toute autre justice que vous jugerés convenable. Vivent la République et la Montagne. » Moreau femme Mutin. N. B. En haut de la lettre figure la mention ci-après : « J’ai retiré du bureau du dépôt du Comité de législation, les pièces jointes à la pétition de Françoise-Marie Moreau femme Mutin. 22 vend. III. Charles Millory. Renvoyé au Comité de législation et des domaines (1) . (1) Mention marginale datée du 8 flor. et signée Haussmann. SÉANCE DU 8 FLORÉAL AN II (27 AVRIL 1794) - Nos 62 ET 63 431 62 [. L’accusateur public au trib. crim. du Dépt du Nord, à la Conv.; 3 flor. II ] (1). « Représentants, Un jugement de ce tribunal ci-joint [un mot illisible] sur une copie d’un arrêté du citoyen Florent Guiot, représentant du peuple près les armées, m’autorise à vous les mettre sous les yeux et à solliciter un décret qui porte que tout arrêté des représentants du peuple près les armées, qui contiendra des dispositions pénales et des injonctions aux tribunaux criminels de les appliquer, mentionnera en même tems, le mode d’après lequel ces tribunaux devront porter leur jugement, et sera envoyé officiellement à ces tribunaux, pour y être [illisible] publié, enregistré et exécuté suivant leur forme et teneur. Ranson. Renvoyé au Comité de législation (2) . 63 [La Cne F.M. Moreau femme Mutin, à la Conv.; Mâcon, 27 germ. III (3). « Représentants, Je suis fille unique d’Adrien Moreau ex-conseiller au ci-devant bailliage de Mâcon et de Marie-Anne Siraudin, aujourd’huy détenus comme suspects. Dez l’instant de ma naissance je fus repoussée par la nature; elle m’abandonna pendant six ans en nourrice; et rapellée dans la maison des autheurs de mes jours, je ne pus jamais en obtenir les égards de tendresse que me promet-toient mes soins, mon amour, et ma soumission pour eux. Je passe sous silence l’histoire de mes malheurs, il répugne à mon cœur d’accuser ceux à qui je dois mon existance, que j’aime et que je respecte, je voudrois tout oublier à cet égard... Et si je m’en rappelle encore, ce n’est que pour demander une justice que je crois m’être düe. A l’âge de 26 ans, je fus recherchée en mariage par celuy qui est devenu mon époux; je le connoissois probe et vertueux, son père honnête négociant et sa famille jouissoient et jouissent encore de l’estime de leurs concitoyens : j’agréai sa recherche; mes père et mère la désavouèrent ils la rejettèrent; néanmoins après des sommations respectueuses, je contractai mariage le 7 mars 1791 (vieux style) contre le gré de mes parents. Je goûte les plaisirs d’une douce et vertueuse union, je vis tranquille, il ne me manquoit que l’amitié et la bienveillance de mes parents : je fis tout pour les conquérir; devenue mère, j’espérai, à l’aide de mon enfant, réveiller la nature et gagner la tendresse de mes père et mère. (1) Dm 183, p. 115 (p.j. n° 116). (2) Mention marginale datée du 8 flor. et signée Monnot. (3) D m 226, Cluny. Malheureusement je m’abusai; je perdis toute espérance. En 1792 (v.s.) mes père et mère vendirent à Valentin Siraudin, mon oncle, ex-procureur du tyran au ci-devant bailliage de Mâcon, et à fond perdu, plus des deux tiers de leurs fortune, sous une introge de 60,000 1. et une rente viagère de 9,000 1. Je fus instruite qu’ils se disposoient à aliéner de même le surplus de leurs propriétés, et je ne vis dans leur résolution que le projet de me priver de touttes ressources. Seule j 'eusses supporté le coup sans me plaindre; mais une très jeune famille me crioit de penser à elle; je vainquis donc ma répugnance et je demandai à la justice une dot que la nature m’avoit réfusée. Un tribunal de famille fut formé, et après bien des délais et des entraves il a donné sa décision par laquelle on m’adjuge le tiers des biens que possédoient mes père et mère au temps de mon mariage, et l’on m’accorde l’en-voy en possession des biens qui lui en restent, sauf l’estimation de tous et la fixation de ma dot. Mes parents étoient en arrestation, depuis trois mois seulement, lors de cette décision, mais la contestation étoit ouverte depuis plus de deux ans. Cependant les biens de mes père et mère étoient séquestrés : d’après la loi je de vois m’adresser et je me suis adressé aux administrations pour obtenir la confirmation de la décision du tribunal de famille et le relâche des biens qui m’étoient adjugés comme d’une propriété de patriotes, que vous avez déclarée inviolable et sacrée. J’ai produis mon certificat de civisme et celuy de mon mari : tous deux nous aimons la Révolution et nous bénissons la République. L’administration du département a reconnu la légitimité de ma demande que celle du district avoit accueillie, mais elle a pensé et décidé qu’elle n’avoit pas le droit de me l’accorder, elle m’a renvoyée pardevant vous, en m’accordant une pension provisoire de deux mille livres. Législateurs ! c’est donc à vous que je m’adresse; fille et mère je vous demande justice, je réclame des droits que me doit la nature; je ne veux pas de richesses mais seulement les moyens de subsistance pour un mari qui s’associa à mes malheurs, pour des jeunes enfants que je donne à la République. J’ai besoin, déjà et depuis trois ans, sans ressources, j’ai contracté des dettes qui honorent l’infortune et que je dois acquitter. C’en est assez pour obtenir de vous la confirmation de la décision du tribunal de famille, où toute autre justice que vous jugerés convenable. Vivent la République et la Montagne. » Moreau femme Mutin. N. B. En haut de la lettre figure la mention ci-après : « J’ai retiré du bureau du dépôt du Comité de législation, les pièces jointes à la pétition de Françoise-Marie Moreau femme Mutin. 22 vend. III. Charles Millory. Renvoyé au Comité de législation et des domaines (1) . (1) Mention marginale datée du 8 flor. et signée Haussmann.