678 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « Sécembrelioa périssent les tyrans et leurs satellites! Le repas fini, tout le monde s’est levé dans le meilleur ordre, vraiment satisfait de cette fête, favorisée par un temps qui semblait avoir été choisi. La Société populaire s’est retirée ensuite dans le lieu ordinaire de ses séances où a assisté le peuple, et là, du vœu unanime de l’assemblée consultée par son président, elle a arrêté qu’il serait dressé procès-verbal de cette céré¬ monie, qu’ expédition d’icélui serait envoyée à la Convention nationale, à la Société des Jacobins, qu’il en serait remis une autre à la municipalité de ce lieu, dont il serait fait mention sur ses registres par son arrêté qu’elle prendrait à ce sujet, pour être ensuite déposée dans son greffe comme un monument à trans¬ mettre à la postérité; que la minute du présent procès-verbal serait transcrite de même sur les registres de la Société à la suite d’icelui de la séance et de même déposée dans ses archives. Fait et clos les jour, mois et an que dessus. Pour expédition conforme ; Perrad, président; Allix, vice-président; Veiller mot, secrétaire. Adresse (1). La Société populaire de Mores-en-Montagne, district de Saint-Claude, département du Jura, à la Convention nationale. « Législateurs, « Ensevelis dans les antres du Jura, sur l’extrême frontière de la Suisse, jusqu’ici nous n’avons fait entendre notre voix que pour bénir la Révolution. Les échos de nos mon¬ tagnes ont répété nos bénédictions; le voya¬ geur seul les a entendues : nous voulons qu’elles retentissent dans le sanctuaire des lois. « Apprenez, législateurs, dites à la France entière que nous avons toujours détesté, exécré les rois, comme nous abhorrions les moines de Saint -Claude, nos ci-devant oppres¬ seurs; que nous n’avons considéré la chute de la tête de Capet que comme le prélude de votre énergie républicaine; qu’applaudissant alors aux fonctions de la guillotine, nos cœurs n’au¬ raient applaudi qu’à demi, mais que la hache sacrée de la loi ayant frappé les cols criminels de la bacchante autrichienne, du sacrilège usurpateur du nom de la sainte égalité, de tous les traîtres et de tous les conspirateurs; il ne peut plus y avoir de mesure dans nos applaudissements. « Dites encore qu’immobiles comme nos rochers, nous avons vu les mouvements dépar¬ tementaux avec indignation et que le poison du fédéralisme ne s’est jamais glissé parmi nous. Nous ne dévierons jamais de la ligne du répu¬ blicanisme des sans -culottes. « Législateurs, vos travaux révolution - (l) Archives nationales, carton C 285, dossier 833. naires vous ont préparé les lauriers de l’im¬ mortalité, vous les laisseriez flétrir si vous appeliez au gouvernail du vaisseau de la République des mains inexpertes qui ne pourraient que lui imprimer un mouvement rétrograde ou le faire échouer. Non, non,, restez à votre poste, vous serez plus que jamais-dignes des républicains français. « Nous sommes aussi à notre poste, nous, au milieu de trois pieds de neige, où la pique à la main nous avons toujours, comme gardes nationales, exercé une surveillance active;; entre autres saisies ou arrestations, la saisie de 526 marcs 8 onces 2 gros d’argenterie meublante, allant à l’étranger, confisquée au profit du Trésor public, vient d’être le fruit de notre vigilance. « Nous avons soutenu la Révolution de nos personnes et de nos propriétés; un don patrio¬ tique de 9.000 livres que nous avons fait, sans parler de plusieurs autres, quoique très pauvres, il y a environ deux ans, atteste notre attachement au nouvel ordre de choses, de 300 hommes en état de porter les armes qui étaient dans notre commune, près de la moitié sont partis volontairement pour aller com¬ battre la tyrannie. « Pères de la patrie ! Nous vous demandons-deux choses : 1° Que votre sagesse prenne les mesures nécessaires pour que les subsistances ne nous manquent pas, ou plutôt pour que nous en soyons pourvu incessamment , car depuis environ un mois, nous sommes réduits à. n’avoir du pain que pour la moitié de nos besoins; presque point de blé, très peu d’orge, de seigle et d’avoine avec quelques pommes de terre, qui sont la partie essentielle de nos productions; telles sont nos ressources pour vivre; faites punir la malveillance qu’un cruel intérêt fait éluder la loi salutaire de la taxe. Ne permettez pas que les pères, les mères, les frères et les sœurs des défenseurs de Mayence, qui versent leur sang dans la Vendée, soient assassinés par la faim; conservez-nous la vie pour aller venger leur nom ou pour nous joindre à eux, quand la République nous le commandera. 2° Décrétez que la commune de Morez-en-Montagne s’appellera désormais Morez-la-Mon-tagne. La nature nous a déjà donné ce nom, ce sera un monument impérissable que nous élevons à la Montagne de la Convention. Sur nos âmes souillées jadis par l’esclavage; ce sera la statue de la liberté sur l’emplacement de la Bastille; et nous dirons tous les jours à nos enfants en voyant nos montagnes : c'est de la Montagne gu' est venue la lumière; c'est la Montagne qui vous a donné la liberté, l'égalité , la République une et indivisible. Vive la Mon¬ tagne ! « Perrad, président; Allix, vice-président ? Vuillermot, secrétaire. » Le citoyen Hericé, chargé par le comité do Salut public de la conversion des cloches en ca¬ nons, demande que la Convention donne des ordres pour que l’argenterie de plusieurs com¬ munes du département d’Ille-et-Vilaine, qui est déposée dans le local de cette Administration, et [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j « 679 qui peut se monter à 30,000 livres, soit apportée à la Monnaie. Mention honorable, insertion au « Bulletin » renvoi au comité des inspecteurs de la salle (1). Le ministre de la guerre lait passer copie d’une lettre du général de division Balland, qui contient un de ces traits d’une bravoure rare et républi¬ caine. « Le 8 frimaire, une patrouille de 8 dragons du 3e régiment, commandée par le brigadier nommé Coquillon, aperçut, en sortant de Lan-gnies, 5 hussards hongrois, escortant un trou¬ peau de moutons et 3 chevaux; nos dragons char¬ gèrent les Hongrois et s’emparèrent de leur proie qu’ils conduisirent du côté de Grandrieu où leur régiment est en cantonnement. Ils aperçurent alors 40 autres brigands du régiment de Berco qui les poursuivaient. Comme la partie n’était pas égale, leur premier mouvement fut de céder le troupeau; mais, s’armant d’un nouveau cou¬ rage, Coquillon disposa sa petite troupe en tirail¬ leurs, et foncèrent sur les 40 bandits qu’ils mirent en déroute. 3 de nos dragons se détachèrent pour conduire les moutons du côté de Grandrieu, tan¬ dis 'que les 5 autres harcelaient les soldats du tyran de Vienne. » Mention honorable, insertion au « Bulletin », renvoi au comité de la guerre (2). Compte rendu du Bulletin de la Convention (3). Le ministre de la guerre a adressé à la Con¬ vention nationale la copie suivante d’une lettre du général de division Balland, du quartier général de Solre-le-Château, le 10 frimaire. Citoyen ministre, Je t’envoie l’état des bestiaux pris sur le territoire ennemi, et qui ont été remis par mes ordres, tant au commissaire des guerres attaché à la division que je commande, qu’à celui de la division du général Duquesnoy. Je dois te faire part d’un de ces traits d’une bravoure rare, et que l’on aurait peine à croire, si l’on ne connaissait le courage décidé de nos républicains. Avant hier une patrouille de 8 dragons du 3e régiment, commandée par le brigadier nommé Coquillon, s’était portée au village de Langnies, près Beaumont; en sortant de ce Village, et en arrivant sur la hauteur, ils aper¬ çurent 5 hussards hongrois, escortant un troupeau de moutons et trois chevaux. Il ne balancèrent pas à charger ces esclaves qui aban-(1) Procès-verbaux de la Convention , t. 26, p. 389. (2) Ibid. (3) Bulletin de la Convention du 5e jour de la 2e dé¬ cade du 3e mois de l’an II (jeudi 5 décembre 1793). Moniteur universel [n° 77 du 17 frimaire an II (samedi 7 décembre 1793), p. 310, col. 11. Journal des Débats ei des Décrets (frimaire an II. n° 443, p. 200). donnèrent leur proie. Nus dragons s’en empa-rèrent, et ils étaient en devoir de la conduire du côté de Grandrieux, où leur régiment est -en cantonnement, lorsqu’ils virent 40 autres bri¬ gands du régiment de Berco, qui couraient à leur poursuite. Comme la partie n’était pas égale, leur premier mouvement fut de céder le troupeau. Mais bientôt, s’armant d’un nouveau courage, et voulant ravir à l’ennemi le plaisir de savourer le goût d’un seul gigot, le brigadier Coquillon disposa sa petite troupe en tirailleurs, et montrant qu’ils n’étaient pas manchots, foncèrent avec ardeur sur les satel¬ lites des despotes. La victoire couronna leur bravoure, les 40 bandits furent mis en déroute; nos dragons regagnèrent leurs moutons, trois d’entre eux se détachèrent pour les diriger du côté de Grandrieux, et les 5 autres harcelaient les soldats du tyran de Vienne. La vedette de la grand’ garde du régiment l’ayant avertie de monter à cheval, elle vint se ranger en bataille sur la hauteur où elle rencontra nos conquérants qui rejoignaient leur gibier. J’ai cru qu’il était de mon devoir de te faire connaître cette action courageuse à laquelle on ne peut trop donner d’éclat (1). Signé : Balland. Pour copie conforme, le ministre de la guerre. Signé : Bouchotte. Le citoyen Goubé, curé de Gournay, abdique les fonctions sacerdotales, et fait don à la nation de la pension de 800 livres qu’un décret lui ac¬ corde; il demande l’usage de sa maison qu’il a rendue habitable par les grandes dépenses qu’il y a faites depuis quatorze mois; il se propose d’y établir une imprimerie nécessaire au district. Mention honorable, insertion au « Bulletin », renvoi au comité d’aliénation (2). Compte rendu du Bulletin de la Convention (3). Le citoyen Goube, président de la Société populaire, et président du district de Gournay, département de la Seine-Inférieure, fait remise à la Convention de sa pension de 300 livres. Mention honorable. Le citoyen Anquetin (Anquelin), vicaire de Gournay, abdique les fonctions sacerdotales. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (4). (1) Vifs applaudissements, d’après l 'Auditeur national [n° 440 du 16 frimaire an II (vendredi 6 décembre 1793), p. 5]. (2) Procès-verbaux de la Convenlion, t. 26, p. 390. (3) Bulletin de la Convenlion du 5e jour de la 2e décade du 3® mois de l’an II (jeudi 5 décembre 1793). (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 390.