Séance du 16 brumaire an III (jeudi 6 novembre 1794) Présidence de PRIEUR (de la Marne) La séance est ouverte à onze heures et demie. 1 Un membre du comité des Dépêches, correspondance et archives, donne lecture des pièces suivantes. L’administration du département de la Côte-d’Or, annonce à la Convention la découverte faite par le citoyen Jean-Baptiste Chauvelot, mécanicien à l’école militaire d’Auxonne, d’une machine qui cumule l’action du treuil, avec celle qui résulte de la jonction des poulies fixes aux poulies mobiles, en évitant que le cube se replie sur lui-même; un homme peut agir sur les fardeaux à mouvoir, soit en descendant soit en montant, où le concours de deux hommes avoit été jusqu’ici nécessaire. Elle demande que la Convention se fasse faire un rapport et que d’après les effets qui doivent en résulter pour la marine et l’architecture, il soit décerné à son auteur tels gratifications et encoura-gemens qui seront jugés convenables. Mention honorable, insertion au bulletin, renvoyé au comité de Marine (1). 2 Les citoyens de la commune de Louhans, département de Saône-et-Loire, félicitent la Convention des victoires remportées sur la tyrannie et de son Adresse au peuple français; ils applaudissent à la conduite du représentant du peuple Boisset et invitent la Convention à rester à son poste. (1) P.-V., XLIX, 1-2. Mention honorable, insertion au bulletin (2). [ Les citoyens de la commune de Louhans à la Convention nationale, le 6 brumaire an III ] (3) Représentans du peuple, Le moment ou nous avons pu vous exprimer librement nos pensées et nos sentimens, a été celuy ou nous avons eu le représentant Boisset parmi nous. Nous vous rendons grâces et des victoires que vous avez remportées sur la tiran-nie et l’opression, et de l’adresse bienfaisante qui va rallier tous les français aux principes de la vertu, de la justice et de l’humanité. Elle leur apprendra a distinguer les vrais républicains des hommes immoraux qui n’empruntaient les dehors et les discours du patriotisme que pour mieux tromper le peuple et luy fermer les yeux sur leurs vices, leur cupidité et leur ambition. Oui, ces hommes sont à nud aujourd’huy, leurs masques sont tombés, nous les voyons dans toutte leur difformité morale; et leur charlatanisme ne nous trompera plus. Nous saurons désormais que c’est dans la vie entière des individus et dans une conduite soutenue, que nous devons chercher les preuves des vertus qui ont droit à notre confiance. Représentans du peuple! Si, dans sa rec-connaissance la nation pouvoit se rassembler autour de vous, vous recevriez d’elle les bénédictions que le représentant Boisset a recueillies parmi nous en votre nom. Son ame sensible vous fera le tableau d’une commune entière reunie autour de luy et accompagnant ses pas avec les témoignages d’une joye pure melée aux larmes d’attendrissement, il vous dira s’il a été plus touché de ces élans du coeur, que des discours apprêtés que le charlatanisme et l’hipocrisie ont encore osés prononcer devant luy, il vous dira enfin quels sont les visages sur (2) P.-V., XLIX, 2. (3) C 325, pl. 1411, p. 17. SÉANCE DU 16 BRUMAIRE AN III (6 NOVEMBRE 1794) - N° 3 437 lesquels il a vu cette douce sérénité qui est l’image d’une conscience sans tache, si c’est sur ceux de ces hommes corrompus que la voix publique luy a dénoncés pour avoir comprimé cette commune pendant une année entière ou sur ceux d’un peuple nombreux que la joye, la recconnoissance et l’amour de la patrie rassemblaient partout sur son passage. Représentans du peuple! nous avons reçu Boisset comme un libérateur et nos voeux n’ont pas été trompés, il nous a parlé de la vertu, de la justice et du vrai patriotisme, avec cette émotion qui ouvre le coeur et l’attendrit. Il nous a promis le bonheur, et nous en jouissons depuis qu’il est arrivé dans cette commune, il va nous le garentir en nous donnant des authorités constituées dignes de notre confiance et de notre attachement, et en réduisant à l’impuissance de mal faire ces individus qui ont trop longtemps abusé des pouvoirs dont ils s’étoient emparés. Représentans du peuple, vous resterez à votre poste jusqu’à ce que vous ayez affermi la Republique sur des bases innébranlables, vous serez sourds aux clameurs de ces hommes impurs et sanguinaires dignes d’etre les satellites d’un despote furieux, qui n’ont pas encore perdu l’espérance de reprendre un empire que la vertu et la justice ont conquis sur eux. Vous ôterez jusqu’à cette esperance coupable, vous demeurerés fermes dans les principes sacrés que vous avez proclamés au peuple français et la nation entière dira que vous n’avés cessé, comme les armées de bien mériter de la patrie. A Louhans, au temple de la raison, le six brumaire l’an trois de la Republique française une et indivisible. Suivent 232 signatures. 3 La société populaire de Tulle, département de la Corrèze, réfute une adresse de la société populaire d’Ussel : elle adhère aux mesures prises pour la destruction des derniers tyrans. Mention honorable, insertion au bulletin (4). [La société populaire de Tulle à la Convention nationale, le 27 vendémiaire an HT] (5) Liberté, égalité, justice. Citoyens représentants Je vous envoyé cy-joint l’addresse de notre société contenant la réfutation de l’addresse blasphématoire de la société populaire d’Ussel ou elle disoit que le patriotisme et l’humanité sont incompatibles ; vous y verrés nos principes (4) P.-V., XLIX, 2. (5) C 325, pl. 1411, p. 20. Bull., 16 brum. et combien nous sommes pénétrés de respect et de soumission pour tous ce qui émanera de la représentation nationalle. Vive la republique. Salut et fraternité. Signature illisible du membre du bureau des dépêches. [La société populaire de Tulle à la Convention nationale, le 24 vendémiaire an 777] (6) Réprésentans La société populaire de Tulle après avoir vomi de son sein la tyrannie dictatoriale, na pu voir sans indignation que dans une adresse faite au nom de la société d’Ussel et envoyée a la Convention, on ait dit « que la liberté de la presse ne tend qu’a favoriser l’aristocratie et le modérantisme, et que le patriotisme et l’humanité sont incompatibles. » On reconnoit a ces propositions les auteurs de l’ouvrage, ce n’est point le peuple qui parle, n’y la société populaire d’Ussel qui emet ces paradoxes, les citoyens qui la composent sont amis de la vérité et de l’humanité, ils veulent comme nous le triomphe de la justice et de la vertu, mais isolés aux confins du département, ils sont influencés par quelques dominateurs sociétaires qui le sont eux-mêmes par les émissaires de la queue de Robespierre. Les meneurs de cette faction proscrite ne savent-ils pas que la liberté de manifester ses idées et les opinions est pour l’homme libre un droit sacré. Et que tout citoyen françois doit en jouir sans restriction, parce que la liberté indéfinie de la presse luy est garantie par la constitution républicaine ; Il n’y a que des aristocrates, des fripons ou des assassins qui puissent s’y opposer, ils craignent que la vérité se faisant jour, leurs forfaits ne soient connus et punis, la terreur n’existe plus, le tems de parler et d’ecrire est venu, et c’est le moment de dénoncer les faux patriotes qui ont opprimé les bons citoyens et pillé leur fortune. Les auteurs de l’adresse que nous improu-vons en prétendant que l’humanité et le patriotisme sont incompatibles dans leur coeur, sans doute, parce qu’ils ne sont n’y humains, n’y patriotes. L’humanité est un sentiment qui nous inspire le désir d’ameliorer le sort des hommes innocens, qui nous fait voter l’anéantissement de toute espece de tyrannie et qui nous porte a arracher des mains du scélérat l’arme qui seroit funeste a l’homme de bien. Ce sentiment sublime est pour les républicains une des grandes vertus qui composent leur morale et le patriotisme qui se forme de la masse de toutes les vertus sociales se trouve par la nécéssaire-ment lié au sentiment de l’humanité. Les patriotes sans humanité sont des hommes qui sous le masque d’un patriotisme apparent voudroient assassiner juridiquement les vertus, les lumières et les talens pour rei-(6) C 325, pl. 1411, p. 39. M. U., XLV, 283.