370 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 septembre 1791. | lue de leurs fonctions et d’être responsables des dommages que des tierces personnes pourraient souffrir de la nullité desdits actes. ■> Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! M. Lanjuinais. Je demande l’ajournement jusqu’à l’impression. (Murmures.) (La discussion est ouverte sur le projet de décret). M. Delaviene. Je crois qu’il faut établir une distinction des actes dont vous proposez la nullité dans l’article 1er. Si un ci-devant noble me doit une somme quelconque, que je l’aie amené à l’esprit de justice, qu’il consente à me donner un titre portant reconnaissance de sa dette à mon égard, croyez-vous, Monsieur le rapporteur, que si cet homme enthousiaste, outré de sa ci-devant qualité de noble, ne peut reconnaître sa dette légitime à mon égard qu’en y apposant sa ci-devant qualité, vous devez à présent déclarer nul le titre qui fait ma sûreté? Je ne le crois pas. Je propose donc cette réserve-là : que les actes faits au profit des ci-devant qualifiés lorsqu’eux seuls y auront intérêt soient annulés, mais quant aux actes émanés d’eux portant reconnaissance d’une dette au profit d’autres personnes qui n’ont pas cette qualité, je crois que vous ne pouvez pas, sans la plus grande injustice, les priver du titre qui leur appartient et déclarer leurs actes nuis. M. Troncliet. La proposition qui vous est faite ne peut pas, à mon sens, être adoptée. C’est en effet une peine que vous voulez établir et non pas une nullité ! Comment donc établirez-vous cette peine qui, à mes yeux, ne doit tourner qu’au profit de la société? En prononçant la confiscation de toutes les valeurs souscrites au profit de celui qui aura enfreint la loi. De cette façon celui qui contrairement à vos décrets aura pris une qualification inconstitutionnelle sera puni et celui qui, en vertu de l’acte souscrit, s’est constitué son débiteur sera tenu au payement de la somme due, mais au profit de la nation. Voilà là seule chose que vous ayiez à faire. M. Le Chapelier, rapporteur. J’observe à M. Tronchet qu'il y a une foule d’actes et de conventions qui ne sont pas susceptibles de confiscation ; que dans un contrat de mariage, on fait une foule de stipulations sur lesquelles vous chercheriez en vain à établir une confiscation. Ainsi, je crois que ce qu’il y a de plus efficace pour l’exécution d’une loi dont les dispositions doivent être exactement tirées du principe de la nullité, je crois, dis-je, qu’il faut y ajouter deux ou trois précautions que je n’y ai pas jointes et qui m'ont été suggérées. Il faut y joindre d’abord que les préposés à l’enregistrement seront également destitués, s’ils enregistrent un acte qui contiendra des qualifications inconstitutionnelles. J’ajouterai encore un autre objet : que tout officier public qui contribuera à établir des preuves de ci-devant noblesse, sera destitué. Enfin, troisième addition : les ci-devant nobles qui se connaissent et qui veulent établir leurs preuves entre eux, se donneront des certificat; or, dès que le certificat paraîtra, il faut encore que la peine de la dégradation civique tombe, et sur celui qui aura donné le certificat, et sur celui qui s’en servira. Voilà les trois additions que je propose à ma rédaction ; je demande que le système général de la loi soit adopté, et même que la rédaction en soit reçue. M. Lanjuinais. Je demande le renvoi au comité. ( Murmures et exclamations.)... On peut décréter que la peine consistera en une amende, et demain on vous lira la rédaction et les autres articles passeront. Plusieurs membres : Aux voix le projet du comité 1 M. Prieur. Je demande la priorité pour l’amende. M. lie Chapelier. La nullité soulevant des difficultés, veuillez, Monsieur le Président, mettre aux voix la peine de l’amende. M. d’André. L’idée de l’amende est, selon moi, une idée bien étrange, car c’est donner la faculté à tout le monde, moyennant 1,000 livres, moyennant 3,000 livres, de prendre le titre qu’il voudra, et par conséquent de se dire noble s’il le veut. Ainsi première absurdité. Deuxième absurdité : c’est que la peine de l’amende est une peine presque illusoire. Si les parties qui contractent ensemble veulent que le contrat ait sa valeur, et se tiennent contentes de l’acte tel qu’il est, qui est-ce qui poursuivra pour l’amende? Gomment connaîtra-t-on les contraventions ? On dit par les receveurs d’enregistrement. Alors il faudra que vous obligiez les receveurs d’enregistrement d’aller dénoncer ceux qui prendront la qualité de nobles. Il faudra donc que le commissaire de l’enregistrement soit responsable ; il faudra donc, si on l’enregistre, que le receveur soit poursuivi. Vous voyez bien que vous vous jetez dans un dédale inextricable. Vous avez un autre moyen plus simple : c’est d’adopter le plan du comité qui n’a pas tous ces inconvénients-là, et qui présente ce qu’il y a de plus sage. M. Goupilleau. Il me semble que l’on doit accepter la proposition du comité, et je crois qu’il est un moyen de mettre à couvert les intérêts de la partie qui souffrirait de la nullité ; c’est de dire dans l'article : « sauf les dommages-intérêts de la partie lésée envers celui qui aura pris la qualité. » M. Dnport. Il ne faut pas, Messieurs, que le désir louable d’effacer la trace, et d’empêcher la transmission des titres que vous avez abolis, vous porte à faire une chose injuste et dangereuse. Je crois que la nullité des actes entraîne de grandes difficultés, et qu’elle renferme en elle-même beaucoup d’immoralité. Les parties sont entre elles presque les juges souverains de leurs transactions. Or, ici, il s’agit de savoir s’il n’y a pas une telle disproportion entre une classe de la société et l’autre relativement aux lumières et à l’influence de la fortune que, bien loin d’aller à votre but, qui est ici d’établir les principes d’égalité, vous la mettiez à la disposition de la classe supérieure. Par là vous y introduirez une inégalité funeste et très fâcheuse ; en voici un exemple : Je suppose qu’un homme s’engage vis-à-vis d’un autre pour une somme considérable et qu’il y prenne une qualité interdite, il est bien certain que celui qui profite de l’acte, et qui a un [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 septembre 1791.] 3*7| droit de demander 50,000 livres par exemple, n’aura pas assurément d’intérêt à réclamer la nullité ; quant à celui qui s’est eDgagé par l’acte à payer 50,000 livres, certainement il n’y a dans le monde aucun tribunal qui lui permette d’arguer de sa propre nullité; cela est tellement contraire aux premiers principes de la morale, u’en vérité aucune loi ne pourrait l’établir. oilà donc un acte qui sera par lui-même nul, d’une nullité absolue, et malgré les parties elles-mêmes, et qui pourtant existera. Maintenant, si vous voulez que votre loi s’exécute, il faudra que le commissaire du roi demande, au nom de la loi, que l’acte soit déclaré nul ; si vous allez jusque-là, votre loi, à la vérité, sera exécutée ; mais aussi elle est destructive de toute justice et de toute bonne foi ; car par là vous ne pouvez douter que ce sera l’homme de bonne foi, l’homme au secours duquel vous voulez aller, qui s’en trouvera victime, et d’une manière très fâcheuse pour lui, tandis que celui que vous voulez punir, jouira d’un avantage honteux et criminel. D’après ces réflexions, je demande que tous les officiers publics, les commis au droit d’enregistrement, les huissiers, les procureurs ne puissent pas, à peine d’interdiction et d’amende, recevoir, faire exécuter ou signer aucun des actes qui comprendront les qualités interdites. Je crois aussi qu’on doit punir d’une amende l’homme qui a pris, dans l’acte, des qualités interdites par la loi, lorsque l’acte passe sous les yeux de la société ; mais aller introduire, au travers de la liberté indéfinie des conventions humaines qu’il faut favoriser dans toute son étendue, un germe de nullité qui vient de la loi, et qui est indépendant de l’intention de toutes les parties, je crois que c’est créer un principe d’immoralité, et uand un principe d’immoralité est répandu ans la société, tous les honnêtes gens en souffrent et les fripons en profitent. M. Tronehet. En adoptant les réflexions de M. Duport, il faut, dans son propre système, ne-pas porter l’interdiction jusque sur tous les fonctionnaires publics, car il faut que les huissiers et les avoués puissent signifier les actes dont il est question ; seulement, il faut dire qu’ils ne pourront mettre de telles qualités dans le corps ae leurs exploits. M. Duport. C’est ce que j’ai entendu. Cela est évident. (L’Assemblée, consultée, adopte le principe de l’amende et de l’interdiction.) Un membre. Il me paraît que les termes du décret ne sont point étendus sur tous les actes de la société. Ainsi, par exemple, à l’égard des testaments, le décret ne statue rien du tout ; il ne peut même pas statuer, par la raison que ni l’amende ni la dégradation civique ne peuvent avoir lieu, dans le cas d’un testament olographe, vis-à-vis des héritiers et que la dégradation civique ne peut pas avoir lieu contre un homme mort. Cependant, il est opportun d’empêcher aussi que l’on ne prenne dans les actes testamentaires les qualités que l’on ne peut pas prendre dans les autres actes. Je demande donc que la loi soit précise à cet égard. M. Carat aîné. Si le testament est olographe, c’est une infraction aux lois de la part du testateur, mais la mort le dérobe à la peine. ( Marques d'assentiment). M. Chabroud. Je demande que l’amende dont vous venez d’adopter le principe soit fixée à 6 fois le montant de la contribution mobilière. M. Prieur. J’adopte l’amendement de M. Cha-broud; mais je demande que l’amende ne puisse pas être moindre de 3,000 livres. M. Lanjuinais. Il paraît plus raisonnable de prendre pour base de l’amende la contribution directe plutôt que la contribution mobilière, parce que la contribution mobilière ne se paye point ou se paye peu dans les campagnes ; mais il faut prévoir le cas où la contribution directe ne serait pas équivalente à la somme marquée. Je demanderais donc que l’amende fût de 6 fois le montant de la contribution directe et que néanmoins la somme ne puisse être moindre de 1,000 livres et que cette amende fût payable par corps. M. lie Chapelier, rapporteur . Le minimum me paraît ne pouvoir être fixé d’une part, et d’autre part contrarier le système pénal ; car un homme est plus puni souvent en payant 400 livres, qu’un autre en payant 4,000 livres. Puisque vous prenez pour règle la faculté présumée du citoyen, que d’autre part vous forcez celui qui n’a pas le moyen de payer 1,000 livres à les payer, il y a certes-là une injustice. Je m’élève donc contre le minimum et je dis qu’il faut simplement que vous fixiez l’amende à 6 fois la valeur de la contribution, sans établir ni minimum ni maximum. M. Lanjuinais. Eb bien I j’abandonne l’amendement. (L’Assemblée décrète que l’amende sera égale à 6 fois la valeur de la contribution mobilière et payable par corps.) M. Merlin. Je demande, en outre, qu’on ajoute aux peines à prononcer par les jugements, la radiation des titres exprimés dans les actes ; cela est extrêmement nécessaire. (Cette motion est adoptée.) M. Prieur. Il me semble que la loi n’est pas encore complète; elle ne prononce pas de peine contre ceux qui porteraient les marques distinctives attribuées aux ci-devant ordres supprimés. H faudrait que l’amende et la destitution des droits de citoyen, puissent s’appliquer également à ceux qui porteraient des distinctions proscrites par la Constitution. (Cette motion est adoptée.) M. Chabroud. Je demande que les diverses dispositions qui viennent d’être adoptées soient ajoutées au code pénal pour être réunies en un seul corps de lois. M. Le Pelletier-Saint-Fargeau. Il faut les renvoyer à la police correctionnelle. M. Chabroud. Je m’oppose à cette motion ! je ne veux pas que la police correctionnelle puisse priver des citoyens de leurs droits et de leur activité. (La discussion est fermée.) Le projet de décret modifié est mis aux voix dans les termes suivants : « L'Assemblée nationale ayant pour devoir