[C onvention aationalr..] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Ji Membre' 17!» 261 IL Les représentants du peuple envoyés par la Con¬ vention nationale, près l’armée dirigée contre Toulon, au comité de Salut public (1). « Au quartier général d’Ollioules, le 29 fri¬ maire de l’an II de la République, une et indivisible. « La ville infâme offre en ce moment le spec¬ tacle le plus affreux; les féroces ennemis de la liberté ont mis le feu à l’escadre avant de s’en¬ fuir, l’arsenal est embrasé, la ville est presque déserte, on n’y rencontre que des forçats qui ont brisé leurs fers dans le bouleversement du royaume de Louis XVII. Les troupes de la Répu¬ blique occupent en ce moment tous les postes, deux explosions, qui se sont manifestées, nous ont fait craindre quelque embûche. Nous différons de faire entrer l'année jusqu’après la visite de tous les magasins à poudre. Nous nous occuperons, dans le jour, des mesures à prendre pour venger la liberté et les braves républicains morts pour la patrie. L’escadre ennemie n’est pas encore sans inquiétude; les vents la contrarient; elle peut être forcée de rentrer sous la portée de nos batteries. La place a été bombardée depuis hier midi jusqu’à 10 heures, ce qui a précipité la fuite des ennemis et des habitants criminels; on a trouvé 200 che¬ vaux espagnols sellés et bridés, qui n’ont pu être embarqués. L’embarquement s’est fait en désordre ; deux barques remplies de fuyards ont été coulées à fond par nos batteries. Pour peu que le temps prolonge la traversée de l’escadre, il est impossible qu’elle n’éprouve les plus grands fléaux, tous les bâtiments étant remplis de femmes et l’ennemi ayant à bord 5,000 malades au moins. « A demain d’autres détails. t Salut et fraternité. « Fkéron ; Robespierre; Ricord; Saliceti. » III. Les représentants du peuple près les armées et les départements du Midi, aux citoyens leurs collègues, membres du comité de Salut public de la Convention nationale (2). « Citoyens collègues, « Mes espérances n’ont pas été vaines, je vous annonçais, il y a deux jours une attaque générale; cette attaque a eu lieu. Le général Lapoype, commandant de la division où j’étais. (1) Archives nationales, carton C 287, dossier 860, pièce 13. Moniteur universel fn° 95 du 5 nivôse an II (mercredi 25 décembre 1793) p. 382, col. 3i. Premier Bulletin de la Convention nationale du 4e jour de la lre décade du 4e mois de l’an II de la Répu¬ blique (mardi 24 décembre 1793). — Aulard : Recueil des actes el de la correspondance du comité de Salut public, t. 9, p. 537. (2) Archives nationales, carton C 287, dossier 860, pièce 1 2 ; Second Bulletin de la Convention nationale du 4 nivôse an II (mardi 24 décembre 1793). — Aulard : Recueil des actes el de ta correspondance du comilê de Salut public, t. 9, p. 507. reçut le 25 l’ordre d’attaquer le lendemain. Aussitôt il fit ses dispositions ; trois colonnes devaient attaquer au même instant la montagne et les redoutes du Faron. « La colonne de droite, commandée par le chef de bataillon Argod se fit jour à travers les obstacles que la nature a accumulés du côté de la redoute Rouge ou fort Saint-Antoine. Celle du centre, commandée par l’adjudant général Micas, se présenta au Pas-de-la-Masque fortifié par la nature et l’art, et gardé par une troupe nombreuse; il a fallu tous les talents de cet officier et toute la bravoure des bataillons qui composaient cette colonne pour enlever ce poste et leur donner l’entrée du Faron. « Enfin la gauche, commandée par lo citoyen La Poype, tant calomnié, et où j’étais, devait attaquer de front les redoutes de Faron du côté de La Valette, tandis que les deux autres devaient attaquer de leurs côtés respectifs. « La difficulté du terrain, une pluie affreuse, quelque résistance de l’ennemi ne permirent pas aux colonnes de droite et du centre de prendre pied à Faron aussitôt que nous l’avions pensé, en sorte que la colonne de gauche se trouva au pied des redoutes et vis-à-vis de l’ennemi avant l’attaque des deux autres. La valeur de nos braves compagnons d’armes les emporta; ils sonnèrent la charge, et l’attaque commença. Trois fois repoussés, trois fois ils revinrent à la charge; quelques cris de : Sauve qui peut! se firent entendre. On cria, comme on criait à Paris contre le général à la trahison, mais la bravoure de nos soldats l’emporta et a forcé nos perfides ennemis de se replier sur les forts d’Artigues et de Sainte-Catherine, dont nous sommes maîtres aujourd’hui. « Les pavillons tricolores qui flottent sur tous ces forts ont jeté l’épouvante chez nos ennemis; presque toutes leurs troupes sont embarquées, leurs vaisseaux sortent, ils ne conservent Lamalgue et la Croix-des-Signaux que pour assurer leur fuite. L’infâme Toulon est à nous. Rien ne peut la soustraire aux vengeances nationales. Demain, oui demain, le royaume de Louis XVII n’aura pas un pouce de terre. « En général toutes les troupes se sont mon¬ trées dignes de la cause qu’elles défendaient; je dois pourtant faire une mention particulière des bataillons des Landes, de l’Isère et de l’Ariège, mais surtout du 35e régiment qui a fait des prodiges de valeur. « J’ai fait, sur le champ de bataille, le citoyen Micas général de brigade. Il a montré une bravoure et une intelligence dignes d’éloges. « Le général de division La Poype, tant calomnié, s’est aussi parfaitement comporté; je ne l’ai pas quitté un instant. La grêle de traits lancés contre nous a respecté le repré¬ sentant du peuple. Fréron, qui était à l’autre division, a eu son cheval blessé; Robespierre a reçu une balle dans le fourreau de son épée. Cette division a dû vous faire part de ses succès, ils sont considérables, à ce qu’on nous mande; les forts de Balagnier et de l’Eguillette sont restés en leur pouvoir, après une résistance très vive. Encore une fois Toulon est à nous; justice sera faite, reposez-vous-en sur nous. « J’ai fait encore, sur le champ de bataille, plusieurs autres promotions à des grades supérieurs d’officiers, de la bravoure desquels j’ai été témoin. « Beaucourt, capitaine au 28e régiment, a été fait adjudant général chef de bataillon. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 4 nivôse an II 24 décembre 1793 282 [Convention oatonale.] ' ' « Àrgod, chef du 5e bataillon des Bouches-dû - Rhône, a été fait adjudant général chef dé brigade. « Enfin Le Clerc, chef de l’état-major, por¬ teur de cette dépêche, a été fait adjudant géné¬ ral chef de bataillon; il' a montré dans cette journée une grande activité et beaucoup de taleUts militaires. J’invite le comité à le con¬ sulter sur notre état de situation. « J’espère que le comité de Salut public rati¬ fiera toutes ces nominations, qui sont le prix de la valeur et du mérite. Je suis désespéré que des lois formelles m’empêchent d’élever au rang d’officiers de braves soldats que j’ai vus combattre à mes côtés et qui ont bien mérité de la. patrie; leur proposer de l’argent, ce serait leur faire injure ( 1 ), « Nous le répétons, Toulon ne peut tenir, le courrier qui vous apportera la nouvelle de cette conquête suivra de peu d’heures le citoyen Le Clere. « Salut et fraternité. « Paul Barras. « J’apprends que la redoute du Cap-Brun est en notre pouvoir, et que deux bataillons répu¬ blicains occupent les hauteurs. « Sugny, chef, de bataillon, commandant d’artillerie, et La Harpe, chef de bataillon, commandant le 35e régiment, ont été faits chefs de brigade. « Paul Barras. « La redoutable forteresse Malbousquet est à nous; Pomet a sauté; la redoute Blanche est évacuée, victoire sur victoire ! Ca a été, ça va, ça. ira î Le Cap-Brun est occupé par les Français. » IV. Fouché à Collot d’Herbois, son collègue et son ami, membre du comité de Salut publie (2). « Et nous aussi, mon ami, nous avons contribué à la prise de Toulon en portant l’épouvante parmi les lâches qui y sont entrés, en offrant à leurs regards des milliers de cadavres de leurs complices. « La guerre est terminée si nous savons mettre à profit cette mémorable victoire. Soyons ter¬ ribles pour, ne pas craindre de devenir faibles ou cruels; anéantissons dans notre colère, et d’un seul coup, tous les rebelles, tous les cons¬ pirateurs, tous les traîtres pour nous épargner la douleur, le long supplice de les punir en rois. « Exerçons la justice à l’exemple de la na¬ ture, vengeons-nous en peuple, frappons comme fl) Dans l’original, à la suite de cette phrase, on Ht cette autre phrase qui a été rayée ; « Peut-être devrions-nous leur offrir, à l’exemple des Romains, les lieux que nous allons conquérir, c’est une idée que je vous soumets. » (21 Archives nationales, carton C 287, dossier 860, pièce 11; Moniteur universel [n° 95 du 5 nivôse an II (mercredi 25 décembre 1793) p. 383, col. 11; Premier Bulletin de la Convention du 4e four de la 1 re décade du 4e mois de l’an II de la République (mardi 24 décembre 1793). la foudre et que la cendre même de nos ennemi® disparaisse du sol de la liberté. « Que de toutes part» les perfides et féroces Anglais soient assaillis,, que la République en¬ tière ne forme qu’un volcan qui lance sur eux la lave dévorante; que l’île infâme qui produisit ces monstres qui n’appartiennent pins à l’humanité soit à jamais ensevelie sous les flots de la mer. « Adieu, mon ami, les larmes de la joie coulent de mes yeux, elles inondent mon âme. Le eourrier part, je t’éerirai par le courrier ordi¬ naire. « Fouché. « P. -8. Nous n’avons qu’une manière de célébrer la victoire, nous envoyons ce soir 213 rebelles sous le feu de la foudre. « Des courriers extraordinaires vont partir dans le moment pour donner la nouvelle aux armées. » Y. « Oïïioules, le 27 frimaire, Pan II de la Répu¬ blique, une et indivisible. Fréron a Moÿse Bayle (,1). « A peine avons-nous eu, mon cher ami, rétabli la tranquillité à Marseille;, par les der¬ nières mesures dont je t’ai fait part, et nous être assurés que nous ne serions point troublés sur nos derrières, que Barras et moi, nous sommes partis pour l’armée de Toulon, lui à la Farlède, près La Poype, moi auprès de Dugommier, ne voulant pas paraître à la division de La Poype, pour ne pas donner de prise à la calomnie, qui eût mis à profit cette réunion. A peine réuni. avec mes collègues Saliceti, Robespierre jeune et Ricord, nous avons résolu l’attaque générale; tu connaîtras les détails et nos succès aussi rapides qu’inespérés par notre lettre an comité de Salut public ; je te réponds que les généraux et les représentants du peuple ont fait leur devoir dans cette journée mémorable, qui décide de la prise de Toulon. Saliceti et Robespierre ont marché avec la première colonne; j’ai rallié la seconde avec Ricord ; elle avait été saisie d’une terreur panique par des cris de : Sauve qui peut ! A la trahison! La tête s’est repliée en désordre sur le centre qui a fait 200 pas rétrogrades, et la confusion s’est mise dans les rangs. Plus de 300 fuyards ont jeté leurs armes. Je me suis précipité avec Ricord au milieu des baïonnettes; là, j’ai harangué la colonne composée de 4,000 hommes; je lui ai parlé avec véhémence. On ne voulait pas me reconnaître; il faisait une obscurité profonde; la pluie tombait par torrent, l’écharpe de mon chapeau ne pouvait être aperçue. Quand je dis que j’étais représentant du peuple; un officier me mit lie pistolet sons la poitrine,- je continuai mon discours, et je leur ordonnai, au nom de la patrie, de se rallier, (1) Second Bulletin de ta Convention nationale du 4 nivôse an II (mardi 24 décembre 1793). D’après le Journal de Perlel £n° 459 du 5 nivôse an II (mer credi 25 décembre 1793) p. 197] cette lettre lut lue à la Convention par Moyse Bayle.