SÉANCE DU 23 PRAIRIAL AN II (11 JUIN 1794) - PIECES ANNEXES 533 point que nos magistrats courbent leurs têtes sous les loix des nouveaux proconsuls. Qu’on veuille restreindre les droits d’un peuple libre et enchaîner les mouvements spontanés de son indignation. C’est la faiblesse qui enhardit la tyrannie. Ceux qui veulent mourir libres sauront soumettre les ambitieux et punir les tyrans. Magistrats du peuple, persuadez vous bien que le peuple est là, qu’il est levé pour vous défendre et maintenir votre autorité, que vous n’auriez pas sa confiance si vous cessiez un instant de veiller pour la tranquillité que dans cet instant de crise il voit avec douleur des réquisitions combinées peut-être, pour porter la division parmi vous et faire triompher la détestable anarchie. Le salut du peuple exige donc que vous restiez unis et qu’aucun de vous n’oublie que les vrais républicains ont autant de courage que de vertu. [signatures illisibles]. P.c.c. [mêmes signatures, moins Biscomte], [. Départ * de la Haute Garonne] (1). Le citoyen Dario, premier suppléant du département de la Hte Garonne, déclare n’avoir accepté de la section la fonction de commissaire à l’assemblée départementale de Toulouse que pour s’opposer au fédéralisme, Que dans ces assemblées on y a unanimement juré d’être toujours uni à la Convention, Proteste de son civisme et en offre des preuves. II. [Le repr. B. DARIO, V suppléant du départ 1 de Haute-Garonne, aux comités de S.P., de Sûreté générale et des décrets réunis, et à la Conv .] (2). « Citoyens représentans, Je suis premier suppléant du département de Haute-Garonne. Après la fuite de Julien (de Toulouse), le comité des décrets demanda des renseignemens sur ma conduite politique à l’administration du département, et lui ordonna de me faire partir sans délai. L’administration, cédant, sans doute, à l’impulsion d’une intrigue secrètement ourdie, prit un arrêté par lequel elle déclara « que j’avais été porteur et rapporteur du procès-verbal de ma section à l’assemblée fédéraliste, convoquée par l’ancienne administration, où je n’avais joué néanmoins, ajoutait-elle, qu’un rôle passif ». Sur ce prétexte, elle m’écarta et fit partir à ma place Alard, second suppléant. Il est remarquable que cette même administration avait depuis peu visé mon certificat de civisme. Il est remarquable encore, que, tout en m’accusant d’avoir été fédéraliste, on ne son-(1) F7 4444, pl. 6, p. 398. (2) F7 4444, pl. 6, p. 399. — Imprimé par Pain, passage honoré. Voir Arch. Pari. T. LXXXV, séance du 6 vent., n° 22 — . F7 4444, pl. 6, p. 402, mentionne : « Le tableau de conduite imprimé du C" Dario, député suppléant, enregistré au Bureau Central sous le n° 1058, a été envoyé par ce Bureau à la Commission des détenus, le 7 prair. gea pas à me faire mettre en état d’arrestation, comme l’on aurait dû le faire, si l’on m’avait cru sérieusement coupable. On me laissa même tranquillement continuer mes fonctions de juge au tribunal de Mont-Unité. Ce ne fut qu’environ un mois après, et lorsqu’on sut que j’avais adressé mes réclamations à la Convention nationale, qu’on imagina de me priver de ma liberté. On circonvint, ou trompa le représentant du peuple, Dartigoyte, qui ordonna que je serais traduit dans la maison de détention à Toulouse « pour avoir été secrétaire de l’assemblée primaire, et député fédéraliste à l’assemblée départementale, ayant eu l’impudeur de rester à mon poste de juge, après mon exclusion de la Convention nationale, où j’aurais été ap-pellé en qualité de suppléant, si je me fusse montré bon citoyen ». A peu près à cette même époque, la convention nationale improuva et cassa l’arrêté du département. Par un second décret, rendu le 14 ventôse, sur le rapport de son comité des décrets, elle m’enjoignit de me rendre à mon poste, comme député suppléant. Instruite ensuite de ma détention, elle chargea, le 25 du même mois, son comité des décrets d’écrire au représentant Dartigoyte, pour qu’il me laissât la liberté de me rendre à mon poste. Enfin, sur une lettre du représentant Dartigoyte, la Convention nationale, par un quatrième décret rendu le 8 germinal, suspendit l’exécution de celui du 25 ventôse, renvoya toutes les pièces aux comités de sûreté générale et des décrets réunis, et m’enjoignit de me rendre, sans délai, sur ma demande, accompagné d’un gendarme, auprès de ces deux comités pour y être entendu. Me voilà donc accusé d’avoir joué le rôle de député fédéraliste de ma section à l’assemblée départementale et fédéraliste, convoquée par l’ancienne administration. Rien n’est plus vague que cette accusation. Bien différent de mes calomniateurs, je veux, moi, que ma justification soit claire et précise. Pour cela, il me paraît indispensable de présenter le tableau succinct et rapide de ce qui s’était passé à Toulouse, lorsque les sections du département y furent convoquées. A Toulouse, comme ailleurs, la révolution du 31 mai fut annoncée sous les rapports les plus perfides et les plus alarmants pour la liberté : les autorités constituées de cette commune, qui, avant cette mémorable époque, étaient dans l’usage de se réunir trois fois par semaine avec une commission de la société populaire, ouvrirent la discussion sur les mesures qu’il pourrait y avoir à prendre; mais elles ne prirent d’abord aucune détermination. Les représentans du peuple, Beaudot et Chaudron-Rousseau, arrivèrent sur ces entrefaites, et jugèrent que cette réunion pouvait devenir dangereuse. Ils requirent donc le département de s’opposer à toute aggrégation d’autorités constituées, qui aurait pour but de délibérer ensemble, en déclarant néanmoins que ces sortes de réunions pouvaient être commandées dans les grandes fermentations, pourvu qu’elles ne fussent pas prolongées. Le département fit transcrire cette réquisition sur son registre, et prit deux délibérations relatives. Par la première, il arrêta que la réunion hebdomadaire et périodique des autorités constituées n’aurait plus lieu; qu’il provoquerait cependant SÉANCE DU 23 PRAIRIAL AN II (11 JUIN 1794) - PIECES ANNEXES 533 point que nos magistrats courbent leurs têtes sous les loix des nouveaux proconsuls. Qu’on veuille restreindre les droits d’un peuple libre et enchaîner les mouvements spontanés de son indignation. C’est la faiblesse qui enhardit la tyrannie. Ceux qui veulent mourir libres sauront soumettre les ambitieux et punir les tyrans. Magistrats du peuple, persuadez vous bien que le peuple est là, qu’il est levé pour vous défendre et maintenir votre autorité, que vous n’auriez pas sa confiance si vous cessiez un instant de veiller pour la tranquillité que dans cet instant de crise il voit avec douleur des réquisitions combinées peut-être, pour porter la division parmi vous et faire triompher la détestable anarchie. Le salut du peuple exige donc que vous restiez unis et qu’aucun de vous n’oublie que les vrais républicains ont autant de courage que de vertu. [signatures illisibles]. P.c.c. [mêmes signatures, moins Biscomte], [. Départ * de la Haute Garonne] (1). Le citoyen Dario, premier suppléant du département de la Hte Garonne, déclare n’avoir accepté de la section la fonction de commissaire à l’assemblée départementale de Toulouse que pour s’opposer au fédéralisme, Que dans ces assemblées on y a unanimement juré d’être toujours uni à la Convention, Proteste de son civisme et en offre des preuves. II. [Le repr. B. DARIO, V suppléant du départ 1 de Haute-Garonne, aux comités de S.P., de Sûreté générale et des décrets réunis, et à la Conv .] (2). « Citoyens représentans, Je suis premier suppléant du département de Haute-Garonne. Après la fuite de Julien (de Toulouse), le comité des décrets demanda des renseignemens sur ma conduite politique à l’administration du département, et lui ordonna de me faire partir sans délai. L’administration, cédant, sans doute, à l’impulsion d’une intrigue secrètement ourdie, prit un arrêté par lequel elle déclara « que j’avais été porteur et rapporteur du procès-verbal de ma section à l’assemblée fédéraliste, convoquée par l’ancienne administration, où je n’avais joué néanmoins, ajoutait-elle, qu’un rôle passif ». Sur ce prétexte, elle m’écarta et fit partir à ma place Alard, second suppléant. Il est remarquable que cette même administration avait depuis peu visé mon certificat de civisme. Il est remarquable encore, que, tout en m’accusant d’avoir été fédéraliste, on ne son-(1) F7 4444, pl. 6, p. 398. (2) F7 4444, pl. 6, p. 399. — Imprimé par Pain, passage honoré. Voir Arch. Pari. T. LXXXV, séance du 6 vent., n° 22 — . F7 4444, pl. 6, p. 402, mentionne : « Le tableau de conduite imprimé du C" Dario, député suppléant, enregistré au Bureau Central sous le n° 1058, a été envoyé par ce Bureau à la Commission des détenus, le 7 prair. gea pas à me faire mettre en état d’arrestation, comme l’on aurait dû le faire, si l’on m’avait cru sérieusement coupable. On me laissa même tranquillement continuer mes fonctions de juge au tribunal de Mont-Unité. Ce ne fut qu’environ un mois après, et lorsqu’on sut que j’avais adressé mes réclamations à la Convention nationale, qu’on imagina de me priver de ma liberté. On circonvint, ou trompa le représentant du peuple, Dartigoyte, qui ordonna que je serais traduit dans la maison de détention à Toulouse « pour avoir été secrétaire de l’assemblée primaire, et député fédéraliste à l’assemblée départementale, ayant eu l’impudeur de rester à mon poste de juge, après mon exclusion de la Convention nationale, où j’aurais été ap-pellé en qualité de suppléant, si je me fusse montré bon citoyen ». A peu près à cette même époque, la convention nationale improuva et cassa l’arrêté du département. Par un second décret, rendu le 14 ventôse, sur le rapport de son comité des décrets, elle m’enjoignit de me rendre à mon poste, comme député suppléant. Instruite ensuite de ma détention, elle chargea, le 25 du même mois, son comité des décrets d’écrire au représentant Dartigoyte, pour qu’il me laissât la liberté de me rendre à mon poste. Enfin, sur une lettre du représentant Dartigoyte, la Convention nationale, par un quatrième décret rendu le 8 germinal, suspendit l’exécution de celui du 25 ventôse, renvoya toutes les pièces aux comités de sûreté générale et des décrets réunis, et m’enjoignit de me rendre, sans délai, sur ma demande, accompagné d’un gendarme, auprès de ces deux comités pour y être entendu. Me voilà donc accusé d’avoir joué le rôle de député fédéraliste de ma section à l’assemblée départementale et fédéraliste, convoquée par l’ancienne administration. Rien n’est plus vague que cette accusation. Bien différent de mes calomniateurs, je veux, moi, que ma justification soit claire et précise. Pour cela, il me paraît indispensable de présenter le tableau succinct et rapide de ce qui s’était passé à Toulouse, lorsque les sections du département y furent convoquées. A Toulouse, comme ailleurs, la révolution du 31 mai fut annoncée sous les rapports les plus perfides et les plus alarmants pour la liberté : les autorités constituées de cette commune, qui, avant cette mémorable époque, étaient dans l’usage de se réunir trois fois par semaine avec une commission de la société populaire, ouvrirent la discussion sur les mesures qu’il pourrait y avoir à prendre; mais elles ne prirent d’abord aucune détermination. Les représentans du peuple, Beaudot et Chaudron-Rousseau, arrivèrent sur ces entrefaites, et jugèrent que cette réunion pouvait devenir dangereuse. Ils requirent donc le département de s’opposer à toute aggrégation d’autorités constituées, qui aurait pour but de délibérer ensemble, en déclarant néanmoins que ces sortes de réunions pouvaient être commandées dans les grandes fermentations, pourvu qu’elles ne fussent pas prolongées. Le département fit transcrire cette réquisition sur son registre, et prit deux délibérations relatives. Par la première, il arrêta que la réunion hebdomadaire et périodique des autorités constituées n’aurait plus lieu; qu’il provoquerait cependant 534 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE cette réunion, toutes les fois que des circonstances graves la commanderaient; et que, dans ces cas mêmes, les autorités constituées ne délibéreraient plus ensemble. Par la seconde, il prétendit que les circonstances n’avaient jamais exigé plus impérieusement la réunion des corps constitués dans les cas prévus par la réquisition des représentans du peuple, et arrêta qu’il s’adjoindrait dans le jour toutes les autorités constituées, non pour délibérer avec elles, mais pour s’entourer de leurs lumières, et que les représentans du peuple seraient invités d’assister à cette séance. La réunion eut en effet, lieu, le même jour : c’était le 14 juin. J’ignore les détails de ce qui se passa dans cette assemblée. Je sais seulement que Barras, nouvellement arrivé de Paris où il avait été envoyé par l’Administration du district de Toulouse, pour solliciter des secours en hommes et en munitions de guerre, destinés à la défense des Pyrénées, fit un rapport sur les évènemens des 31 mai, 1 et 2 juin, dont il avait été, disait-il le témoin; que ce rapport, préparé avec autant d’art que d’imposture, fit la plus forte impression sur l’esprit du peuple qui s’était rendu avec affluence au lieu où se tenait l’assemblée, et qu’on y demanda au nom du peuple la convocation des sections de Toulouse. On déguisa sans doute au peuple le danger que pouvait entrainer cette convocation dans une grande commune où les aristocrates et les fanatiques étaient forts par leur nombre. Peut être lui persuadait-on que l’assemblée y rémédiait, en arrêtant que tous les citoyens composant les assemblées de sections, avant de voter, prêteraient le serment d’être fidèles à la République française, une et indivisible. Mais on ne tarda pas à reconnaître les effets de la malveillance. Quelques sections, dominées par l’aristocratie ou par le fédéralisme, eurent l’audace d’émettre un vœu qui tendait à la dissolution de la société populaire. Aussitôt, les bons citoyens se réunirent : ils convinrent de provoquer une assemblée extraordinaire de la société, de faire inviter tous les membres des autorités constituées à s’y rendre et d’y concerter les moyens de déjouer les manœuvres des contre-révolutionnaires. Le procès-verbal de cette assemblée qui eut lieu le 18 juin, atteste que les autorités constituées et la société populaire en vinrent à des explications respectives; qu’elles se promirent solennellement de se tenir plus étroitement unies que jamais pour écraser leurs ennemis communs; que de là on se rendit, au milieu des applaudissemens de tous les bons citoyens, dans la maison commune, où « le peuple, les magistrats, la société populaire répétèrent le serment » de maintenir la liberté et l’égalité, de ne » reconnaître que la République une et indivisi-» b le, de ne reconnaître d’autre autorité que la » convention nationale, de n’obéir, de ne faire » exécuter que ses lois, de défendre les per-» sonnes et les propriétés. Le peuple ajouta qu’il » entourerait les magistrats de sa confiance; les » magistrats, à leur tour, jurèrent de la mériter, » de ne tendre qu’au centre commun, la Con-» vention nationale, de ne faire exécuter que les » loix qui en émaneneraient, et d’anéantir l’aris-» tocratie et l’anarchie. L’hymne chéri des » Marseillais termina cette séance : le peuple » et les magistrats revinrent au milieu de ce » concert patriotique, au sein de la société, pour » y travailler dès ce moment à terrasser leurs » ennemis. » Ensuite, le conseil général de la commune arrêta que tout homme suspect d’incivisme serait exclus des assemblées sectionnaires, et fit imprimer et afficher sa délibération. Les autorités constituées se réunirent de nouveau le 19 juin. Loubers, qui venait d’arriver de Paris où il avait été député par la société populaire, fit dans cette séance un rapport sur les événemens du 31 mai. On lit dans le procès-verbal, « qu’à quelques anecdotes près, indiffé-» rentes au fonds, le rapport de Loubers se » trouva conforme à celui de Barras ». Le résultat de cette assemblée fut une délibération dans le considérant de laquelle il est dit que les corps constitués regardaient toujours la Convention comme le centre auquel tous devaient rester attachés, et la confiance qui lui était due, comme le moyen de sauver la chose publique. Voilà le tableau de ce qui s’était passé à Toulouse, avant l’arrivée des comissaires des sections du département dans cette commune. J’ignore s’il y avait été pris d’autres délibérations par les corps constitués, et si elles étaient toutes dans les mêmes principes que celles dont je rends compte. J’ai puisé ce tableau dans les pièces qu’il m’a été possible de me procurer depuis mon arrestation à laquelle je ne m’attendais certainement pas : car, parmi les pièces relatives aux discussions des corps constitués de Toulouse, il en est que je n’avais jamais lues; et j’avais perdu de vue les autres, dans le long intervalle qui s’était écoulé depuis le mois de juin. Ce tableau rédigé avec la bonne foi qui caractérise un républicain, je ne l’ai tracé dans aucune intention de justifier ce qu’avaient fait à Toulouse les autorités constituées, mais uniquement, parce qu’il se trouve lié à la convocation et aux travaux de l’assemblée commis-sariale des sections du département. Je passe aux faits qui concernent cette assemblée, les seuls auxquels j’aie pris quelque part. Ce fut le 18 juin, que l’administration départementale prit l’arrêté par lequel les citoyens du département étaient invités à se réunir, le 24, en assemblées primaires. A cet arrêté convo-catoire était annexée une adresse de la même administration, dans laquelle, entre autres dispositions condamnables, on remarquait le passage suivant. « Déjà le peuple de Toulouse, celui » de Bordeaux, de Nantes, de Marseille, de » Montpellier, d’Auch et de presque tous les » départemens ont formellement émis leur vœu, » et exprimé leurs sentimens sur les maux qui » désolent la République... Citoyens, nous ne » pouvons nous montrer plus dignes de votre » confiance, qu’en vous pressant d’imiter ces » cités célèbres par leur dévouement à la cause » de la liberté. » Par l’art. 3 de l’arrêté, il était enjoint au président de chaque assemblée primaire « de faire » faire la lecture de la déclaration du peuple » de Toulouse, de la dénonce contre Chabot, » du rapport de Barras et de Lanjuinais, de » l’adresse du conseil du département, et autres » pièces qui devaient être envoyées. » Par l’art. 4, « chaque assemblée était invitée, » à l’exemple des sections de Toulouse, d’émettre » son vœu sur les faits rapportés dans ces 534 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE cette réunion, toutes les fois que des circonstances graves la commanderaient; et que, dans ces cas mêmes, les autorités constituées ne délibéreraient plus ensemble. Par la seconde, il prétendit que les circonstances n’avaient jamais exigé plus impérieusement la réunion des corps constitués dans les cas prévus par la réquisition des représentans du peuple, et arrêta qu’il s’adjoindrait dans le jour toutes les autorités constituées, non pour délibérer avec elles, mais pour s’entourer de leurs lumières, et que les représentans du peuple seraient invités d’assister à cette séance. La réunion eut en effet, lieu, le même jour : c’était le 14 juin. J’ignore les détails de ce qui se passa dans cette assemblée. Je sais seulement que Barras, nouvellement arrivé de Paris où il avait été envoyé par l’Administration du district de Toulouse, pour solliciter des secours en hommes et en munitions de guerre, destinés à la défense des Pyrénées, fit un rapport sur les évènemens des 31 mai, 1 et 2 juin, dont il avait été, disait-il le témoin; que ce rapport, préparé avec autant d’art que d’imposture, fit la plus forte impression sur l’esprit du peuple qui s’était rendu avec affluence au lieu où se tenait l’assemblée, et qu’on y demanda au nom du peuple la convocation des sections de Toulouse. On déguisa sans doute au peuple le danger que pouvait entrainer cette convocation dans une grande commune où les aristocrates et les fanatiques étaient forts par leur nombre. Peut être lui persuadait-on que l’assemblée y rémédiait, en arrêtant que tous les citoyens composant les assemblées de sections, avant de voter, prêteraient le serment d’être fidèles à la République française, une et indivisible. Mais on ne tarda pas à reconnaître les effets de la malveillance. Quelques sections, dominées par l’aristocratie ou par le fédéralisme, eurent l’audace d’émettre un vœu qui tendait à la dissolution de la société populaire. Aussitôt, les bons citoyens se réunirent : ils convinrent de provoquer une assemblée extraordinaire de la société, de faire inviter tous les membres des autorités constituées à s’y rendre et d’y concerter les moyens de déjouer les manœuvres des contre-révolutionnaires. Le procès-verbal de cette assemblée qui eut lieu le 18 juin, atteste que les autorités constituées et la société populaire en vinrent à des explications respectives; qu’elles se promirent solennellement de se tenir plus étroitement unies que jamais pour écraser leurs ennemis communs; que de là on se rendit, au milieu des applaudissemens de tous les bons citoyens, dans la maison commune, où « le peuple, les magistrats, la société populaire répétèrent le serment » de maintenir la liberté et l’égalité, de ne » reconnaître que la République une et indivisi-» b le, de ne reconnaître d’autre autorité que la » convention nationale, de n’obéir, de ne faire » exécuter que ses lois, de défendre les per-» sonnes et les propriétés. Le peuple ajouta qu’il » entourerait les magistrats de sa confiance; les » magistrats, à leur tour, jurèrent de la mériter, » de ne tendre qu’au centre commun, la Con-» vention nationale, de ne faire exécuter que les » loix qui en émaneneraient, et d’anéantir l’aris-» tocratie et l’anarchie. L’hymne chéri des » Marseillais termina cette séance : le peuple » et les magistrats revinrent au milieu de ce » concert patriotique, au sein de la société, pour » y travailler dès ce moment à terrasser leurs » ennemis. » Ensuite, le conseil général de la commune arrêta que tout homme suspect d’incivisme serait exclus des assemblées sectionnaires, et fit imprimer et afficher sa délibération. Les autorités constituées se réunirent de nouveau le 19 juin. Loubers, qui venait d’arriver de Paris où il avait été député par la société populaire, fit dans cette séance un rapport sur les événemens du 31 mai. On lit dans le procès-verbal, « qu’à quelques anecdotes près, indiffé-» rentes au fonds, le rapport de Loubers se » trouva conforme à celui de Barras ». Le résultat de cette assemblée fut une délibération dans le considérant de laquelle il est dit que les corps constitués regardaient toujours la Convention comme le centre auquel tous devaient rester attachés, et la confiance qui lui était due, comme le moyen de sauver la chose publique. Voilà le tableau de ce qui s’était passé à Toulouse, avant l’arrivée des comissaires des sections du département dans cette commune. J’ignore s’il y avait été pris d’autres délibérations par les corps constitués, et si elles étaient toutes dans les mêmes principes que celles dont je rends compte. J’ai puisé ce tableau dans les pièces qu’il m’a été possible de me procurer depuis mon arrestation à laquelle je ne m’attendais certainement pas : car, parmi les pièces relatives aux discussions des corps constitués de Toulouse, il en est que je n’avais jamais lues; et j’avais perdu de vue les autres, dans le long intervalle qui s’était écoulé depuis le mois de juin. Ce tableau rédigé avec la bonne foi qui caractérise un républicain, je ne l’ai tracé dans aucune intention de justifier ce qu’avaient fait à Toulouse les autorités constituées, mais uniquement, parce qu’il se trouve lié à la convocation et aux travaux de l’assemblée commis-sariale des sections du département. Je passe aux faits qui concernent cette assemblée, les seuls auxquels j’aie pris quelque part. Ce fut le 18 juin, que l’administration départementale prit l’arrêté par lequel les citoyens du département étaient invités à se réunir, le 24, en assemblées primaires. A cet arrêté convo-catoire était annexée une adresse de la même administration, dans laquelle, entre autres dispositions condamnables, on remarquait le passage suivant. « Déjà le peuple de Toulouse, celui » de Bordeaux, de Nantes, de Marseille, de » Montpellier, d’Auch et de presque tous les » départemens ont formellement émis leur vœu, » et exprimé leurs sentimens sur les maux qui » désolent la République... Citoyens, nous ne » pouvons nous montrer plus dignes de votre » confiance, qu’en vous pressant d’imiter ces » cités célèbres par leur dévouement à la cause » de la liberté. » Par l’art. 3 de l’arrêté, il était enjoint au président de chaque assemblée primaire « de faire » faire la lecture de la déclaration du peuple » de Toulouse, de la dénonce contre Chabot, » du rapport de Barras et de Lanjuinais, de » l’adresse du conseil du département, et autres » pièces qui devaient être envoyées. » Par l’art. 4, « chaque assemblée était invitée, » à l’exemple des sections de Toulouse, d’émettre » son vœu sur les faits rapportés dans ces SÉANCE DU 23 PRAIRIAL AN II (11 JUIN 1794) - PIÈCES ANNEXES 535 » écrits, et sur les mesures qui y étaient pres-» crites. » Enfin « elles étaient invitées à nommer cha-» cune un commissaire qui se rendrait à Tou-» louse, muni de pouvoirs. » En vertu de cet arrêté, les citoyens de Mont-Unité, ci-devant Saint-Gaudens, où je résidais, s’assemblèrent, ainsi que les autres sections du département, le 24 juin. Cette commune renfermait dans son sein un grand nombre d’aristocrates et de fanatiques qui néanmoins avaient toujours été contenus par les patriotes, très inférieurs, en nombre, mais forts, mais toujours invincibles par leur énergie. Ceux-ci ne s’étaient pas oubliés dans une circonstance aussi critique : ils avaient hautement annoncé que nul ne serait reçu dans les deux assemblées primaires de la commune, s’il n’était reconnu bon républicain; en effet, il n’y eut que les bons républicains qui osèrent s’y montrer. Je fus élu secrétaire de celle des deux assemblées dont j’étais membre : en cette qualité, je fis lecture de l’arrêté convocatoire et de l’adresse du département; cet arrêté prescrivait de lire aussi le rapport de Barras, le discours de Lan-juinais, et les autres pièces dont il était accompagné. Mais je parvins à éluder la lecture de ces infâmes écrits. L’assemblée témoigna hautement son indignation sur l’invitation, faite par le département, d’imiter Bordeaux, Nantes, Marseille... Elle n’y vit qu’une provocation au fédéralisme; et, parmi les membres qui la composaient, il n’en était pas un dont l’ame ne fût révoltée à l’idée seule du fédéralisme. Elle était invitée aussi à manifester son vœu sur la conduite des villes fédéralistes : elle le manifesta, et ce vœu unanimement exprimé fut de rester impertubablement attachée au centre de la République, à la Convention nationale. Elle était invitée encore d’envoyer un commissaire à Toulouse : elle ne se dissimulait pas combien il était dangereux de réunir les sections du département par commissaires, dans un tems où les esprits étaient agités dans toute la République; et où le monstre du fédéralisme levait audacieusement la tête dans un grand nombre de départements. Mais elle voyait un plus grand danger encore, si les sections véritablement attachées à la pureté des principes républicains, restaient oisives, et livraient le sort des délibérations à la seule activité des sections corrompues. Plus l’adresse et l’arrêté convocatoire lui donnaient lieu de se méfier des dispositions de l’administration départementale, plus elle jugea qu’il était de son devoir de combattre ces dispositions par la manifestation et l’envoi d’un vœu contraire. Je l’atteste avec la certitude de ne pas être démenti : ce fut uniquement par haine du fédéralisme, et dans l’intention de contribuer à renverser ses complots, s’ils venaient à se réaliser à Toulouse, que les deux assemblées de Mont-Unité se décidèrent à y envoyer des commissaires. J’ atteste que les citoyens de ma section ne me nommèrent leur commissaire, que parce qu’ils étaient bien assurés que je n’adhérerais à aucune proposition qui tendît au fédéralisme. Les commissaires nommés par les diverses sections du département se trouvèrent à peu près tous arrivés à Toulouse le 20 juin. Leur haine pour le fédéralisme était déjà connue. Aussi leur simple arrivée produisit-elle le plus heureux effet : car le même jour et avant même qu’ils se fussent réunis en assemblée, l’administration du département prit une délibération dans laquelle elle manifesta des sentiments et des principes bien différents de ceux qu’elle avait exprimés dans son adresse et dans son arrêté convocatoires. Voici l’objet de cette délibération : La commission populaire de Bordeaux avait envoyé à Toulouse son exécrable arrêté par lequel elle invitait chaque département de faire partir pour Bourges deux commissaires avec un certain nombre d’hommes armés. L’administration de Haute Garonne délibéra sur cette invitation le 26 juin et prit l’arrêté suivant : « Considérant qu’il est impossible de ne pas » voir dans la confédération départementale, » telle qu’elle est demandée, une scission avec » les départemens qui ne veulent pas l’adopter, » et avec la Convention elle-même; que cette » scission serait nécessairement le signal de la » guerre civile qu’il est si essentiel de prévenir : « Le conseil général arrête : 1° qu’il ne peut » ni ne doit adhérer à la réunion projetée par » la commission populaire de la Gironde; 2° que » ladite commission sera invitée à renoncer à » ce projet, qui paraît vraiment désastreux, et » à demeurer inébranlablement attachée à la » Convention nationale, comme le point central » de tous les vrais républicains, « Le même jour 25, l’administration du déparia tement arrêta que les commissaires des sec-» tions seraient invités de peser dans le calme » de leur raison et dans leur attachement pour » la patrie, si la réunion des commissaires de » chaque département escortés de la force armée » proposée par le département de la Gironde, » était propre à maintenir l’imité et l’indivisi-» bilité de la République, à prévenir la guerre » civile et la résurrection du despotisme; ou si, » au contraire, cette confédération n’offrait » point, et si elle n’était réellement pas un vrai » fédéralisme, et si elle ne devait pas être le » signal de la guerre civile, et creuser le tom-» beau de la liberté. L’administration désirait que les commissaires des sections formassent une assemblée particulière. Us répondirent qu’ils n’avaient été appelés que pour entourer de leurs lumière l’administration du département, et qu’ils ne voulaient s’assembler et délibérer que conjointement avec elle. Cela fut ainsi exécuté. On présenta aux commissaires l’arrêté de la commission populaire de Bordeaux; ils manifestèrent unanimement leur indignation contre cet abominable écrit, qu’ils connaissaient, ou dont ils avaient entendu parler; et déclarèrent qu’ils ne voulaient pas même en entendre la lecture. On leur communiqua l’arrêté de l’administration par lequel elle refusait d’adhérer à la confédération proposée par la Gironde : ils applaudirent unanimement. J’ignore si, dans cette assemblée, composée de commissaires des sections et de l’administration du département, il se trouvait quelques membres imbus de l’esprit du fédéralisme; mais, s’il y en avait, ils se cachèrent bien; car il n’y fut pas fait une seule motion qui tendit à une scission avec la Convention nationale; et l’on y jura, on y délibéra formellement et unanimement de ne jamais se séparer d’elle. SÉANCE DU 23 PRAIRIAL AN II (11 JUIN 1794) - PIÈCES ANNEXES 535 » écrits, et sur les mesures qui y étaient pres-» crites. » Enfin « elles étaient invitées à nommer cha-» cune un commissaire qui se rendrait à Tou-» louse, muni de pouvoirs. » En vertu de cet arrêté, les citoyens de Mont-Unité, ci-devant Saint-Gaudens, où je résidais, s’assemblèrent, ainsi que les autres sections du département, le 24 juin. Cette commune renfermait dans son sein un grand nombre d’aristocrates et de fanatiques qui néanmoins avaient toujours été contenus par les patriotes, très inférieurs, en nombre, mais forts, mais toujours invincibles par leur énergie. Ceux-ci ne s’étaient pas oubliés dans une circonstance aussi critique : ils avaient hautement annoncé que nul ne serait reçu dans les deux assemblées primaires de la commune, s’il n’était reconnu bon républicain; en effet, il n’y eut que les bons républicains qui osèrent s’y montrer. Je fus élu secrétaire de celle des deux assemblées dont j’étais membre : en cette qualité, je fis lecture de l’arrêté convocatoire et de l’adresse du département; cet arrêté prescrivait de lire aussi le rapport de Barras, le discours de Lan-juinais, et les autres pièces dont il était accompagné. Mais je parvins à éluder la lecture de ces infâmes écrits. L’assemblée témoigna hautement son indignation sur l’invitation, faite par le département, d’imiter Bordeaux, Nantes, Marseille... Elle n’y vit qu’une provocation au fédéralisme; et, parmi les membres qui la composaient, il n’en était pas un dont l’ame ne fût révoltée à l’idée seule du fédéralisme. Elle était invitée aussi à manifester son vœu sur la conduite des villes fédéralistes : elle le manifesta, et ce vœu unanimement exprimé fut de rester impertubablement attachée au centre de la République, à la Convention nationale. Elle était invitée encore d’envoyer un commissaire à Toulouse : elle ne se dissimulait pas combien il était dangereux de réunir les sections du département par commissaires, dans un tems où les esprits étaient agités dans toute la République; et où le monstre du fédéralisme levait audacieusement la tête dans un grand nombre de départements. Mais elle voyait un plus grand danger encore, si les sections véritablement attachées à la pureté des principes républicains, restaient oisives, et livraient le sort des délibérations à la seule activité des sections corrompues. Plus l’adresse et l’arrêté convocatoire lui donnaient lieu de se méfier des dispositions de l’administration départementale, plus elle jugea qu’il était de son devoir de combattre ces dispositions par la manifestation et l’envoi d’un vœu contraire. Je l’atteste avec la certitude de ne pas être démenti : ce fut uniquement par haine du fédéralisme, et dans l’intention de contribuer à renverser ses complots, s’ils venaient à se réaliser à Toulouse, que les deux assemblées de Mont-Unité se décidèrent à y envoyer des commissaires. J’ atteste que les citoyens de ma section ne me nommèrent leur commissaire, que parce qu’ils étaient bien assurés que je n’adhérerais à aucune proposition qui tendît au fédéralisme. Les commissaires nommés par les diverses sections du département se trouvèrent à peu près tous arrivés à Toulouse le 20 juin. Leur haine pour le fédéralisme était déjà connue. Aussi leur simple arrivée produisit-elle le plus heureux effet : car le même jour et avant même qu’ils se fussent réunis en assemblée, l’administration du département prit une délibération dans laquelle elle manifesta des sentiments et des principes bien différents de ceux qu’elle avait exprimés dans son adresse et dans son arrêté convocatoires. Voici l’objet de cette délibération : La commission populaire de Bordeaux avait envoyé à Toulouse son exécrable arrêté par lequel elle invitait chaque département de faire partir pour Bourges deux commissaires avec un certain nombre d’hommes armés. L’administration de Haute Garonne délibéra sur cette invitation le 26 juin et prit l’arrêté suivant : « Considérant qu’il est impossible de ne pas » voir dans la confédération départementale, » telle qu’elle est demandée, une scission avec » les départemens qui ne veulent pas l’adopter, » et avec la Convention elle-même; que cette » scission serait nécessairement le signal de la » guerre civile qu’il est si essentiel de prévenir : « Le conseil général arrête : 1° qu’il ne peut » ni ne doit adhérer à la réunion projetée par » la commission populaire de la Gironde; 2° que » ladite commission sera invitée à renoncer à » ce projet, qui paraît vraiment désastreux, et » à demeurer inébranlablement attachée à la » Convention nationale, comme le point central » de tous les vrais républicains, « Le même jour 25, l’administration du déparia tement arrêta que les commissaires des sec-» tions seraient invités de peser dans le calme » de leur raison et dans leur attachement pour » la patrie, si la réunion des commissaires de » chaque département escortés de la force armée » proposée par le département de la Gironde, » était propre à maintenir l’imité et l’indivisi-» bilité de la République, à prévenir la guerre » civile et la résurrection du despotisme; ou si, » au contraire, cette confédération n’offrait » point, et si elle n’était réellement pas un vrai » fédéralisme, et si elle ne devait pas être le » signal de la guerre civile, et creuser le tom-» beau de la liberté. L’administration désirait que les commissaires des sections formassent une assemblée particulière. Us répondirent qu’ils n’avaient été appelés que pour entourer de leurs lumière l’administration du département, et qu’ils ne voulaient s’assembler et délibérer que conjointement avec elle. Cela fut ainsi exécuté. On présenta aux commissaires l’arrêté de la commission populaire de Bordeaux; ils manifestèrent unanimement leur indignation contre cet abominable écrit, qu’ils connaissaient, ou dont ils avaient entendu parler; et déclarèrent qu’ils ne voulaient pas même en entendre la lecture. On leur communiqua l’arrêté de l’administration par lequel elle refusait d’adhérer à la confédération proposée par la Gironde : ils applaudirent unanimement. J’ignore si, dans cette assemblée, composée de commissaires des sections et de l’administration du département, il se trouvait quelques membres imbus de l’esprit du fédéralisme; mais, s’il y en avait, ils se cachèrent bien; car il n’y fut pas fait une seule motion qui tendit à une scission avec la Convention nationale; et l’on y jura, on y délibéra formellement et unanimement de ne jamais se séparer d’elle. 536 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Dans la séance du 29 juin au soir, « les com-» missaires ayant eu connaissance du décret du » 24 du même mois (1) , qui destituait et traduisait » à la barre de la Convention le président du » département, certains fonctionnaires et ci-» toyens de Toulouse, il fut arrêté qu’il serait » fait une adresse à la Convention nationale; » que cette adresse serait envoyée par un cour-» rier extraordinaire à la députation du dépar-» tement, à la Convention, ainsi qu’aux députés » que les autorités constituées avaient déjà à » Paris, avec un mandat formel de la lire à la » barre de la Convention. » Dans la séance du 30 juin, il fut délibéré » que, pour ne laisser aucun doute sur l’unani-» mité des principes de toute l’assemblée pour » l’unité et l’indivisibilité de la République, il » serait fait une adresse aux citoyens du dépar-» tement, qui serait aussi envoyée à la Conven-» tion. » Le même jour, dans la séance du soir, il fut délibérer « qu’il serait fait deux adresses à la » Convention nationale, l’une en faveur des fonc-» tionnaires et des citoyens de Toulouse tra-» duits à sa barre; l’autre portant : 1°, que le » sentiment unanime de tout le département » était le ralliement à la Convention; 2°. (2)...» La rédaction de ces trois adresses fut lue et adoptée dans la séance du 1er juillet, qui fut la dernière. Ensuite on lut les papiers publics où l’on prétendit trouver « les plus affreuses calomnies » contre la conduite de toutes les autorités » constituées de Toulouse, et contre la masse » entière du peuple du département, et l’on » arrêta que le procureur-général-syndic serait » chargé de faire les diligences les plus actives » pour découvrir les auteurs et complices des » manœuvres qui avaient été employées pour » surprendre à la religion et à la justice de la » Convention nationale son décret du 24 juin. » Après quoi, l’assemblée prononça elle-même sa dissolution. Voilà, citoyens représentants, à quoi se réduisent les opérations de l’assemblée commissariale des sections. H me reste à vous tracer l’esprit dans lequel furent rédigées les trois adresses. Voici les principales dispositions de celle qui était destinée à rendre compte au peuple du département de la manière dont l’assemblée commissariale avait rempli son mandat. « Divers rapports avaient été mis sous vos » yeux : il en résultait que la Convention, cette » assemblée, qui, incontestablement, appartient » à la masse entière du peuple, avait, dès le » 31 mai, été dominée et subjuguée par des » hommes armés, rassemblés au tour d’elle; » d’un autre côté, vous entendiez dire que la » Convention nationale était toujours libre : vous » avez voulu que, dans cet état de choses, nous » déterminassions le principe d’après lequel se » régiraient les administrateurs. Dans les divers » mandats donnés aux commissaires des assem-» blées primaires, nous avons trouvé qu’il s’était » élevé un cri unanime, celui de l’unité et de » l’indivisibilité de la République. Nous avons (1) Ce décret arriva à Toulouse dans la soirée du 29 juin, et fut exécuté de suite, sans aucune ombre d’obstacle ou de difficulté. (2) Il sera fait mention plus bas des autres points de cette adresse. » pensé que ce vœu, si formellement exprimé » par vous, ne pouvait être réalisé que par une » pleine adhésion à la Convention nationale, et » une déclaration expresse que les citoyens de » ce département obéiraient à ses décrets. Nous » avons pensé que quand la Convention serait » en effet, influencée ou dominée, les circons-» tances où la République se trouve sont telles, » qu’une scission de la seule autorité qui puisse » servir de point central aux départemens, four-» niraient (sic) à nos ennemis, soit au dehors, » soit au dedans, d’infaillibles moyens pour rui-» ner la liberté que nous avons tous juré. D’après » ces considérations, sans discuter si la Conven-» tion était libre ou ne l’était pas, et sans » vouloir, pour éclairer ce fait, déchirer le voile » formé par la contradiction de diverses asser-» tions, nous avons, par une adresse envoyée à » la Convention, déclaré que les citoyens du » département restaient attachés à la Conven-» tion, et en exécuteraient religieusement les » décrets. Nous avons exprimé à la Convention » le vœu que nous formions pour que le plan » de constitution, par elle dressé, fût de suite » envoyé aux assemblées primaires; nous avons, » avec d’autant plus de raison, dû provoquer le » prompt envoi de cette constitution, que nous » pensons que cette époque sera celle de l’anéan-» tissement de tous les partis, de l’établissement » de l’ordre et du règne des lois.. Dans la pres-■» que totalité des mandats, donnés aux commis-» saires des assemblées primaires, nous avons » trouvé l’adhésion aux divers points contenus » dans la déclaration des sections de Toulouse, » ainsi qu’à la dénonce contre Chabot, député de » la Convention. Dès lors, dans cette même » adresse envoyée à la Convention, nous avons » énoncé le vœu que forment les citoyens du » département : 1° pour que les membres de la » Convention, mis en état d’arrestation le 2 juin, » soient promptement jugés; 2° pour que les » instigateurs et auteurs des rassemblemens, » armés, qui ont entouré le palais national, » soient sévèrement punis; 3° pour que la con-» duite qu’a tenue Chabot à Toulouse soit » rigoureusement examinée. » Dans l’adresse qui avait pour objet de dire à la Convention nationale que le sentiment unanime du département était le ralliement à son autorité, le rédacteur chercha aussi à justifier en général la conduite qu’avaient tenue les autorités constituées de Toulouse, relativement à la révolution du 31 mai. Ensuite, il y était rendu compte des dispositions de l’assemblée commissariale dans les termes suivans : « Les commissaires des sections du départe-» ment ont délibéré de reconnaître et d’honorer, » dans la Convention nationale, la représenta-» tion du peuple français, le centre d’autorité » duquel doit partir, et auquel doit revenir, le » principe du mouvement de la vie politique : » le peuple de ce département veut sincèrement » la République une et indivisible, il regarde » la Convention nationale comme le bien com-» mun des départements, et il regarde tout » principe contraire, comme un principe fécond » de fédéralisme. » L’autre adresse à la Convention nationale avait pour unique objet de justifier à ses yeux, ainsi que je l’ai déjà dit, les fonctionnaires et les citoyens de Toulouse, qui avaient été traduits à la barre. 536 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Dans la séance du 29 juin au soir, « les com-» missaires ayant eu connaissance du décret du » 24 du même mois (1) , qui destituait et traduisait » à la barre de la Convention le président du » département, certains fonctionnaires et ci-» toyens de Toulouse, il fut arrêté qu’il serait » fait une adresse à la Convention nationale; » que cette adresse serait envoyée par un cour-» rier extraordinaire à la députation du dépar-» tement, à la Convention, ainsi qu’aux députés » que les autorités constituées avaient déjà à » Paris, avec un mandat formel de la lire à la » barre de la Convention. » Dans la séance du 30 juin, il fut délibéré » que, pour ne laisser aucun doute sur l’unani-» mité des principes de toute l’assemblée pour » l’unité et l’indivisibilité de la République, il » serait fait une adresse aux citoyens du dépar-» tement, qui serait aussi envoyée à la Conven-» tion. » Le même jour, dans la séance du soir, il fut délibérer « qu’il serait fait deux adresses à la » Convention nationale, l’une en faveur des fonc-» tionnaires et des citoyens de Toulouse tra-» duits à sa barre; l’autre portant : 1°, que le » sentiment unanime de tout le département » était le ralliement à la Convention; 2°. (2)...» La rédaction de ces trois adresses fut lue et adoptée dans la séance du 1er juillet, qui fut la dernière. Ensuite on lut les papiers publics où l’on prétendit trouver « les plus affreuses calomnies » contre la conduite de toutes les autorités » constituées de Toulouse, et contre la masse » entière du peuple du département, et l’on » arrêta que le procureur-général-syndic serait » chargé de faire les diligences les plus actives » pour découvrir les auteurs et complices des » manœuvres qui avaient été employées pour » surprendre à la religion et à la justice de la » Convention nationale son décret du 24 juin. » Après quoi, l’assemblée prononça elle-même sa dissolution. Voilà, citoyens représentants, à quoi se réduisent les opérations de l’assemblée commissariale des sections. H me reste à vous tracer l’esprit dans lequel furent rédigées les trois adresses. Voici les principales dispositions de celle qui était destinée à rendre compte au peuple du département de la manière dont l’assemblée commissariale avait rempli son mandat. « Divers rapports avaient été mis sous vos » yeux : il en résultait que la Convention, cette » assemblée, qui, incontestablement, appartient » à la masse entière du peuple, avait, dès le » 31 mai, été dominée et subjuguée par des » hommes armés, rassemblés au tour d’elle; » d’un autre côté, vous entendiez dire que la » Convention nationale était toujours libre : vous » avez voulu que, dans cet état de choses, nous » déterminassions le principe d’après lequel se » régiraient les administrateurs. Dans les divers » mandats donnés aux commissaires des assem-» blées primaires, nous avons trouvé qu’il s’était » élevé un cri unanime, celui de l’unité et de » l’indivisibilité de la République. Nous avons (1) Ce décret arriva à Toulouse dans la soirée du 29 juin, et fut exécuté de suite, sans aucune ombre d’obstacle ou de difficulté. (2) Il sera fait mention plus bas des autres points de cette adresse. » pensé que ce vœu, si formellement exprimé » par vous, ne pouvait être réalisé que par une » pleine adhésion à la Convention nationale, et » une déclaration expresse que les citoyens de » ce département obéiraient à ses décrets. Nous » avons pensé que quand la Convention serait » en effet, influencée ou dominée, les circons-» tances où la République se trouve sont telles, » qu’une scission de la seule autorité qui puisse » servir de point central aux départemens, four-» niraient (sic) à nos ennemis, soit au dehors, » soit au dedans, d’infaillibles moyens pour rui-» ner la liberté que nous avons tous juré. D’après » ces considérations, sans discuter si la Conven-» tion était libre ou ne l’était pas, et sans » vouloir, pour éclairer ce fait, déchirer le voile » formé par la contradiction de diverses asser-» tions, nous avons, par une adresse envoyée à » la Convention, déclaré que les citoyens du » département restaient attachés à la Conven-» tion, et en exécuteraient religieusement les » décrets. Nous avons exprimé à la Convention » le vœu que nous formions pour que le plan » de constitution, par elle dressé, fût de suite » envoyé aux assemblées primaires; nous avons, » avec d’autant plus de raison, dû provoquer le » prompt envoi de cette constitution, que nous » pensons que cette époque sera celle de l’anéan-» tissement de tous les partis, de l’établissement » de l’ordre et du règne des lois.. Dans la pres-■» que totalité des mandats, donnés aux commis-» saires des assemblées primaires, nous avons » trouvé l’adhésion aux divers points contenus » dans la déclaration des sections de Toulouse, » ainsi qu’à la dénonce contre Chabot, député de » la Convention. Dès lors, dans cette même » adresse envoyée à la Convention, nous avons » énoncé le vœu que forment les citoyens du » département : 1° pour que les membres de la » Convention, mis en état d’arrestation le 2 juin, » soient promptement jugés; 2° pour que les » instigateurs et auteurs des rassemblemens, » armés, qui ont entouré le palais national, » soient sévèrement punis; 3° pour que la con-» duite qu’a tenue Chabot à Toulouse soit » rigoureusement examinée. » Dans l’adresse qui avait pour objet de dire à la Convention nationale que le sentiment unanime du département était le ralliement à son autorité, le rédacteur chercha aussi à justifier en général la conduite qu’avaient tenue les autorités constituées de Toulouse, relativement à la révolution du 31 mai. Ensuite, il y était rendu compte des dispositions de l’assemblée commissariale dans les termes suivans : « Les commissaires des sections du départe-» ment ont délibéré de reconnaître et d’honorer, » dans la Convention nationale, la représenta-» tion du peuple français, le centre d’autorité » duquel doit partir, et auquel doit revenir, le » principe du mouvement de la vie politique : » le peuple de ce département veut sincèrement » la République une et indivisible, il regarde » la Convention nationale comme le bien com-» mun des départements, et il regarde tout » principe contraire, comme un principe fécond » de fédéralisme. » L’autre adresse à la Convention nationale avait pour unique objet de justifier à ses yeux, ainsi que je l’ai déjà dit, les fonctionnaires et les citoyens de Toulouse, qui avaient été traduits à la barre. SÉANCE DU 23 PRAIRIAL AN II (11 JUIN 1794) - PIÈCES ANNEXES 537 Dans ces diverses adresses, et sur-tout dans la dernière dont je viens de parler, il est des objets, il est des tournures, il est des expressions, que je suis bien loin de vouloir justifier; mais ce qu’il y a de blâmable, doit être imputé à l’influence de l’administration du département, bien plutôt qu’aux commissaires des sections, qui adoptèrent ces rédactions, sur une simple lecture, dans un moment où ils allaient dissoudre leur assemblée, et lorsque chacun d’eux était pressé de s’en retourner dans ses foyers. Le point, le véritable point est que ces adresses et toutes les opérations de l’assemblée, commissariale, bien loin d’être souillées de fédéralisme, présentent tous les caractères d’une adhésion, d’une soumission formelle et toujours soutenue à la Convention nationale et à ses décrets. Cependant, c’est uniquement pour avoir participé à ces opérations, que j’ai été dénoncé comme coupable de fédéralisme. La vérité ultérieure est que je n’étais point à l’assemblée lorsqu’on lut et que l’on adopta la rédaction des trois adresses, et que je ne les signai point. Envain dira-t-on que mon nom se trouve rapporté avec ceux des autres signataires au bas des exemplaires imprimés : je répondrai avec assurance que ma signature y a été gratuitement supposée; qu’on ne me la demanda point, et que je ne l’ai jamais donnée. Faites vérifier les originaux ou les procès-verbaux de l’assemblée, ou les registres du département, et je vous atteste, Citoyens Représentai, que vous ne l’y trouverez point. Si j’avais été présent, lorsqu’on lut et que l’on adopta la rédaction des adresses, jamais, par exemple, je n’aurais donné mon assentiment à ce qui était dit, dans l’une des trois, en faveur de Barras. J’ai toujours regardé son rapport comme la principale cause des mouvemens qui ont eu lieu à Toulouse, et des alarmes que les meilleurs patriotes conçurent pour la liberté. Je n’ai jamais parlé de ce rapport qu’avec les expressions de l’indignation et de l’opprobre qu’il méritait. Jamais par exemple encore, je n’aurais donné mon assentiment à la manière peu respectueuse dont il était parlé, dans une de ces adresses, des représentans du peuple Beaudot et Chaudron-Rousseau. On leur y faisait un crime d’avoir prohibé, par leur réquisition du 14 juin, toute aggrégation des autorités constituées de Toulouse, ayant pour but de délibérer ensemble; et j’avais déjà prouvé que cette prohibition, éludée et enfreinte par le département, était conforme à mes principes; car j’avais signé, dès le mois de mai précédent, une adresse au département, par laquelle les corps constitués et la société populaire de Mont-Unité déclaraient qu’ils ne reconnaîtraient aucune délibération émanée de ces sortes d’aggré-gations. Dès que je n’ai approuvé, ni par ma présence, ni par ma signature, la rédaction des adresses dont il s’agit, on ne saurait m’imputer aucun des vices de cette rédaction. Mais, en vérité, quelque décisive que fût cette circonstance dans tous les cas, je crois pouvoir me dispenser de l’ajouter à ma justification contre le reproche d’avoir participé au fédéralisme; car si l’assemblée commissariale repoussa, avec horreur, les mesures fédéralistes et liberticides, qui lui étaient proposées par la Gironde, si toutes ses opérations respirent l’intention solemnellement exprimée de rester unie à la Convention nationale, comme au lieu commun de tous les départemens, comme au centre naturel et nécessaire de la liberté, de la respecter, et d’obéir à tous ses décrets, il est sensible, il est démontré, par cela même, qu’elle doit être rangée, non pas dans la classe des assemblées fédéralistes, mais bien dans celle des assemblées conservatrices de l’unité et de l’indivisibilité de la République. Si l’on réfléchit en effet sur la position topographique du département de Haute -Garonne, à l’égard des villes fédéralistes situées à son occident et à son orient, on sera forcé de convenir qu’il ne leur manquait, peut-être, que l’adhésion de ce département pour devenir redoutables, soit dans leur rébellion ouverte, soit dans leur scission criminelle, quoiqu’adroi-tement masquée, avec la Convention nationale. Mais bien loin de la donner cette adhésion infâme, les commissaires des sections repoussèrent imperturbablement toute idée de séparation avec le centre de la République; toute idée d’envoyer des forces départementales à Paris; toute idée de réunir une commission départementale, soit à Bourges, soit ailleurs; en un mot, toutes les mesures fédéralistes qu’on prenait au tour d’eux et au loin, et dans lesquelles on avait travaillé avec autant d’art que de constance à les engager. Ce fut par leur résistance à toutes ces insinuations perfides; ce fut par l’exemple d’une soumission parfaite aux décrets de la Convention nationale, qu’ils déconcertèrent le vaste plan des ennemis intérieurs, qu’ils rompirent la chaîne du fédéralisme, dont la continuité était nécessaire pour lier, respectivement, les forces de la perfide Gironde à celles des villes dont les noms sont devenus un opprobre ,et que, par cette lacune importante, ils réduisirent à un état d’abandon et d’isolement les principaux foyers de la rébellion. Sept mois environ s’étaient écoulés depuis que l’assemblée commissariale des sections de la Haute Garonne était dissoute sans qu’il fût entré dans l’esprit de personne de l’accuser de fédéralisme. Le représentant du peuple Chaudron-Rousseau était à Toulouse, lorsqu’elle tenait ses séances; il ne fit pas la moindre démarche pour les interrompre ou pour les faire cesser, lui qui poursuivait avec une énergie vraiment républicaine tout ce qui représentait une apparence d’aristocratie ou de fédéralisme. Ce même représentant, et après lui son collègue Paganel passèrent ensuite un temps considérable à Toulouse et en d’autres lieux du département, sans recevoir aucune dénonciation contre les opérations de l’assemblée commissariale des sections. Deux fois il fut procédé à l’épuration des autorités constituées de Mont-Unité, sans qu’on élevât aucun doute sur ma conduite, sans qu’on me crût un instant indigne des fonctions de juge que j’y exerçais. On n’imagina de dire que les sections du département était fédéralistes qu’après la fuite de Julien (de Toulouse) et lorsqu’il fut question d’envoyer un suppléant, pour remplir le poste qu’il avait si indignement occupé, l’on ne fit cette étrange et tardive supposition, que pour en induire que j’avais participé comme membre au prétendu fédéralisme de l’assemblée commissariale des sections, et cela, parce que quelques sections de Toulouse désiraient que le poste de SÉANCE DU 23 PRAIRIAL AN II (11 JUIN 1794) - PIÈCES ANNEXES 537 Dans ces diverses adresses, et sur-tout dans la dernière dont je viens de parler, il est des objets, il est des tournures, il est des expressions, que je suis bien loin de vouloir justifier; mais ce qu’il y a de blâmable, doit être imputé à l’influence de l’administration du département, bien plutôt qu’aux commissaires des sections, qui adoptèrent ces rédactions, sur une simple lecture, dans un moment où ils allaient dissoudre leur assemblée, et lorsque chacun d’eux était pressé de s’en retourner dans ses foyers. Le point, le véritable point est que ces adresses et toutes les opérations de l’assemblée, commissariale, bien loin d’être souillées de fédéralisme, présentent tous les caractères d’une adhésion, d’une soumission formelle et toujours soutenue à la Convention nationale et à ses décrets. Cependant, c’est uniquement pour avoir participé à ces opérations, que j’ai été dénoncé comme coupable de fédéralisme. La vérité ultérieure est que je n’étais point à l’assemblée lorsqu’on lut et que l’on adopta la rédaction des trois adresses, et que je ne les signai point. Envain dira-t-on que mon nom se trouve rapporté avec ceux des autres signataires au bas des exemplaires imprimés : je répondrai avec assurance que ma signature y a été gratuitement supposée; qu’on ne me la demanda point, et que je ne l’ai jamais donnée. Faites vérifier les originaux ou les procès-verbaux de l’assemblée, ou les registres du département, et je vous atteste, Citoyens Représentai, que vous ne l’y trouverez point. Si j’avais été présent, lorsqu’on lut et que l’on adopta la rédaction des adresses, jamais, par exemple, je n’aurais donné mon assentiment à ce qui était dit, dans l’une des trois, en faveur de Barras. J’ai toujours regardé son rapport comme la principale cause des mouvemens qui ont eu lieu à Toulouse, et des alarmes que les meilleurs patriotes conçurent pour la liberté. Je n’ai jamais parlé de ce rapport qu’avec les expressions de l’indignation et de l’opprobre qu’il méritait. Jamais par exemple encore, je n’aurais donné mon assentiment à la manière peu respectueuse dont il était parlé, dans une de ces adresses, des représentans du peuple Beaudot et Chaudron-Rousseau. On leur y faisait un crime d’avoir prohibé, par leur réquisition du 14 juin, toute aggrégation des autorités constituées de Toulouse, ayant pour but de délibérer ensemble; et j’avais déjà prouvé que cette prohibition, éludée et enfreinte par le département, était conforme à mes principes; car j’avais signé, dès le mois de mai précédent, une adresse au département, par laquelle les corps constitués et la société populaire de Mont-Unité déclaraient qu’ils ne reconnaîtraient aucune délibération émanée de ces sortes d’aggré-gations. Dès que je n’ai approuvé, ni par ma présence, ni par ma signature, la rédaction des adresses dont il s’agit, on ne saurait m’imputer aucun des vices de cette rédaction. Mais, en vérité, quelque décisive que fût cette circonstance dans tous les cas, je crois pouvoir me dispenser de l’ajouter à ma justification contre le reproche d’avoir participé au fédéralisme; car si l’assemblée commissariale repoussa, avec horreur, les mesures fédéralistes et liberticides, qui lui étaient proposées par la Gironde, si toutes ses opérations respirent l’intention solemnellement exprimée de rester unie à la Convention nationale, comme au lieu commun de tous les départemens, comme au centre naturel et nécessaire de la liberté, de la respecter, et d’obéir à tous ses décrets, il est sensible, il est démontré, par cela même, qu’elle doit être rangée, non pas dans la classe des assemblées fédéralistes, mais bien dans celle des assemblées conservatrices de l’unité et de l’indivisibilité de la République. Si l’on réfléchit en effet sur la position topographique du département de Haute -Garonne, à l’égard des villes fédéralistes situées à son occident et à son orient, on sera forcé de convenir qu’il ne leur manquait, peut-être, que l’adhésion de ce département pour devenir redoutables, soit dans leur rébellion ouverte, soit dans leur scission criminelle, quoiqu’adroi-tement masquée, avec la Convention nationale. Mais bien loin de la donner cette adhésion infâme, les commissaires des sections repoussèrent imperturbablement toute idée de séparation avec le centre de la République; toute idée d’envoyer des forces départementales à Paris; toute idée de réunir une commission départementale, soit à Bourges, soit ailleurs; en un mot, toutes les mesures fédéralistes qu’on prenait au tour d’eux et au loin, et dans lesquelles on avait travaillé avec autant d’art que de constance à les engager. Ce fut par leur résistance à toutes ces insinuations perfides; ce fut par l’exemple d’une soumission parfaite aux décrets de la Convention nationale, qu’ils déconcertèrent le vaste plan des ennemis intérieurs, qu’ils rompirent la chaîne du fédéralisme, dont la continuité était nécessaire pour lier, respectivement, les forces de la perfide Gironde à celles des villes dont les noms sont devenus un opprobre ,et que, par cette lacune importante, ils réduisirent à un état d’abandon et d’isolement les principaux foyers de la rébellion. Sept mois environ s’étaient écoulés depuis que l’assemblée commissariale des sections de la Haute Garonne était dissoute sans qu’il fût entré dans l’esprit de personne de l’accuser de fédéralisme. Le représentant du peuple Chaudron-Rousseau était à Toulouse, lorsqu’elle tenait ses séances; il ne fit pas la moindre démarche pour les interrompre ou pour les faire cesser, lui qui poursuivait avec une énergie vraiment républicaine tout ce qui représentait une apparence d’aristocratie ou de fédéralisme. Ce même représentant, et après lui son collègue Paganel passèrent ensuite un temps considérable à Toulouse et en d’autres lieux du département, sans recevoir aucune dénonciation contre les opérations de l’assemblée commissariale des sections. Deux fois il fut procédé à l’épuration des autorités constituées de Mont-Unité, sans qu’on élevât aucun doute sur ma conduite, sans qu’on me crût un instant indigne des fonctions de juge que j’y exerçais. On n’imagina de dire que les sections du département était fédéralistes qu’après la fuite de Julien (de Toulouse) et lorsqu’il fut question d’envoyer un suppléant, pour remplir le poste qu’il avait si indignement occupé, l’on ne fit cette étrange et tardive supposition, que pour en induire que j’avais participé comme membre au prétendu fédéralisme de l’assemblée commissariale des sections, et cela, parce que quelques sections de Toulouse désiraient que le poste de 538 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Julien fut rempli par Alard, second suppléant. Je n’ai pas la preuve positive de ce que [je dis] mais elle me paraît résulter évidemment de la nature des circonstances que je viens de rapporter. Eh ! quel nouveau degré de force, cette preuve morale n’acquerra-t-elle pas, quand vous saurez, citoyens représentants, que certains membres qui avaient essentiellement figuré dans les opérations prétendues fédéralistes, ont été épargnés, respectés par mes calomniateurs ? Par exemple, Guiringaud, Blanc, Bellecourt, Sartor, membres du directoire du département, Descombels, procureur-général-syndic, Cappelle, accusateur public près le tribunal criminel, avaient assisté à toutes les délibérations du département relatives à la révolution du 31 mai; ils avaient assisté et participé à toutes les séances, à toutes les opérations de l’assemblée des sections du département. Les mêmes Guiringaud, Capelle et Descombels, avoient assisté et participé à toutes les assemblées, à toutes les délibérations des corps constitués réunis à Toulouse; et cependant aucun d’eux n’a été frappé; tous ont été maintenus et dans leur liberté et dans leurs fonctions publiques. Guiringaud et Descombels étaient dans la classe de ceux qui exerçaient la plus grande influence dans toutes ces diverses assemblées. Descombels, sur-tout, qui en était l’âme par sa qualité de procureur-général-syndic, y avoit joué le plus grand rôle, par ses nombreux réquisitoires; toutes, absolument toutes les délibérations prises à Toulouse, à la suite des événements du 31 mai, il les avoit ou réquises lui-même, ou formellement approuvées : c’est lui qui les avoit fait exécuter; c’est lui qui avoit envoyé aux districts l’adresse et l’arrêté «invocatoire du département; c’est lui qui avoit réquis l’impression du discours de Lanjuinais; c’est lui qui avoit fait passer aux districts cet abominable discours, le rapport de Barras et les autres écrits incendiaires venus à Toulouse, soit de Paris, soit des départemens rébelles (1); c’est (1) Extrait des registres servant à l’enregistrement de la correspondance du distr. de Grenade, déposé aux archives dudit distr. Le Procureur - général - syndic provisoire du départ4 aux Adm. du distr. de Grenade, 20 juin 1793. Citoyens, Je vous envoyé un nombre suffisant d’exemplaires. 1° du rapport fait par le Cn Barras, député extraordinaire des corps administratifs de Toulouse; 2° la déclaration des autorités constituées adoptée par le peuple de Toulouse; 3° un arrêté de la commission populaire de salut public du département de la Gironde; 4° enfin, l’adresse du conseil du département de Haute-Garonne à lui réunis, les commissaires des districts à leurs concitoyens, et autres pièces (2). Je vous prie de transmettre le tout aux différentes municipalités et assemblées primaires de votre arrondissement, afin qu’elles avisent aux moyens à prendre relativement à tous ces différents objets. Signé Descombels. P.S. Je vous ferai passer la dénonce contre Chabot, dès qu’elle sera imprimée. Extrait mot à mot dudit registre à Beaumont, 24 vent. IL P.c.c. Fourgon (archiviste). (2) Parmi ces pièces était l’infâme discours de Lanjuinais, dont l’arrêté convocatoire du département avait également ordonné l’envoi. par lui qu’était parvenue à chaque assemblée primaire, l’invitation d’ouvrir ses séances par la lecture de ces écrits séditionnaires et liberti-cides, et à imiter Bordeaux, Marseille, etc., et cependant ce même Descombels, non seulement n’a pas été frappé avec moi, mais au contraire, lors de la suppression de la place de procureur-général-syndic, il fut nommé à celle d’agent national près le district de Toulouse, qu’il occupe encore. Mais au contraire, il est un de ceux qui continuent d’influencer les délibérations de la société populaire, mais au contraire, il a eu l’art de se maintenir constamment dans la confiance du représentant du peuple Darti-goyete. Par quelle fatalité donc, tandis que des hommes qui avaient activement, essentiellement, contribué à toutes les opérations du prétendu fédéralisme, attribué aux différentes assemblées tenues à Toulouse, tandis que des hommes qui avaient réellement manifesté des principes de fédéralisme, ont conservé leur réputation de bons citoyens, me trouve-je poursuivi comme fédéraliste, moi qui n’ai assisté qu’à l’assemblée commissariale et anti-fédéraliste des sections, moi qui, de l’aveu de la nouvelle administration qui m’accuse, n’y avoir joué qu’un rôle passif, moi qui étais étranger à Toulouse, moi qui n’avais qu’une idée vague et légère de ce qui s’y était passé avant mon arrivée; moi qui pendant le séjour momentané que j’y fis, n’y formai aucune liaison, n’y entretins aucune relation avec ceux qui avoient joué et qui continuaient de jouer un rôle dans ces assemblées, moi qui avais résidé jusqu’alors et qui continuais de résider dans les montagnes des Pyrénées, dans le chef lieu d’un district ou l’ombre même du fédéralisme n’a pas osé se montrer; moi qui, soit avant, soit après la révolution du 31 mai n’avoi jamais cessé de travailler à fortifier mes concitoyens dans leur méfiance contre les préparatifs du fédéralisme, et dans la sainte horreur qu’ils éprouvaient au nom seul des auteurs de son explosion ? De toutes ces circonstances bien réfléchies, bien rapprochées les unes des autres, ne résulte-t-il pas évidemment que l’accusation hasardée contre moi est l’ouvrage d’une intrigue, et que le représentant du peuple Dartigoyete a été trompé par des hommes qui, redoutant ses actives recherches sur leur propre conduite, tavaillaient à les détourner et à les concentrer sur des victimes de leurs passions particulières; par des hommes à qui leur conscience disait qu’ils pouvoient être accusés, et qui voulaient en imposer, en usurpant audacieusement le rôle d’accusateur; par des hommes à qui leurs liaisons intimes avec Alard, second suppléant, 'que je n’entends pas néanmoins inculper, avaient inspiré le projet de l’envoyer à ma place à la Convention nationale, par des hommes qui, connaissant la droiture de mes principes, redoutaient ma présence dans cette assemblée auguste, et craignaient peut être que je n’y portasse le flambeau de la vérité, sur leur vie politique et fonctionnaire; par des hommes qui, pour ces considérations personnelles, ont cru devoir sacrifier un homme vertueux, n’ont pas été arrêtés par la crainte d’entraîner dans ma perte une infinité de têtes innocentes, et de dénoncer en même temps comme coupable de fédéralisme, tous les présidents, tous les secré-538 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Julien fut rempli par Alard, second suppléant. Je n’ai pas la preuve positive de ce que [je dis] mais elle me paraît résulter évidemment de la nature des circonstances que je viens de rapporter. Eh ! quel nouveau degré de force, cette preuve morale n’acquerra-t-elle pas, quand vous saurez, citoyens représentants, que certains membres qui avaient essentiellement figuré dans les opérations prétendues fédéralistes, ont été épargnés, respectés par mes calomniateurs ? Par exemple, Guiringaud, Blanc, Bellecourt, Sartor, membres du directoire du département, Descombels, procureur-général-syndic, Cappelle, accusateur public près le tribunal criminel, avaient assisté à toutes les délibérations du département relatives à la révolution du 31 mai; ils avaient assisté et participé à toutes les séances, à toutes les opérations de l’assemblée des sections du département. Les mêmes Guiringaud, Capelle et Descombels, avoient assisté et participé à toutes les assemblées, à toutes les délibérations des corps constitués réunis à Toulouse; et cependant aucun d’eux n’a été frappé; tous ont été maintenus et dans leur liberté et dans leurs fonctions publiques. Guiringaud et Descombels étaient dans la classe de ceux qui exerçaient la plus grande influence dans toutes ces diverses assemblées. Descombels, sur-tout, qui en était l’âme par sa qualité de procureur-général-syndic, y avoit joué le plus grand rôle, par ses nombreux réquisitoires; toutes, absolument toutes les délibérations prises à Toulouse, à la suite des événements du 31 mai, il les avoit ou réquises lui-même, ou formellement approuvées : c’est lui qui les avoit fait exécuter; c’est lui qui avoit envoyé aux districts l’adresse et l’arrêté «invocatoire du département; c’est lui qui avoit réquis l’impression du discours de Lanjuinais; c’est lui qui avoit fait passer aux districts cet abominable discours, le rapport de Barras et les autres écrits incendiaires venus à Toulouse, soit de Paris, soit des départemens rébelles (1); c’est (1) Extrait des registres servant à l’enregistrement de la correspondance du distr. de Grenade, déposé aux archives dudit distr. Le Procureur - général - syndic provisoire du départ4 aux Adm. du distr. de Grenade, 20 juin 1793. Citoyens, Je vous envoyé un nombre suffisant d’exemplaires. 1° du rapport fait par le Cn Barras, député extraordinaire des corps administratifs de Toulouse; 2° la déclaration des autorités constituées adoptée par le peuple de Toulouse; 3° un arrêté de la commission populaire de salut public du département de la Gironde; 4° enfin, l’adresse du conseil du département de Haute-Garonne à lui réunis, les commissaires des districts à leurs concitoyens, et autres pièces (2). Je vous prie de transmettre le tout aux différentes municipalités et assemblées primaires de votre arrondissement, afin qu’elles avisent aux moyens à prendre relativement à tous ces différents objets. Signé Descombels. P.S. Je vous ferai passer la dénonce contre Chabot, dès qu’elle sera imprimée. Extrait mot à mot dudit registre à Beaumont, 24 vent. IL P.c.c. Fourgon (archiviste). (2) Parmi ces pièces était l’infâme discours de Lanjuinais, dont l’arrêté convocatoire du département avait également ordonné l’envoi. par lui qu’était parvenue à chaque assemblée primaire, l’invitation d’ouvrir ses séances par la lecture de ces écrits séditionnaires et liberti-cides, et à imiter Bordeaux, Marseille, etc., et cependant ce même Descombels, non seulement n’a pas été frappé avec moi, mais au contraire, lors de la suppression de la place de procureur-général-syndic, il fut nommé à celle d’agent national près le district de Toulouse, qu’il occupe encore. Mais au contraire, il est un de ceux qui continuent d’influencer les délibérations de la société populaire, mais au contraire, il a eu l’art de se maintenir constamment dans la confiance du représentant du peuple Darti-goyete. Par quelle fatalité donc, tandis que des hommes qui avaient activement, essentiellement, contribué à toutes les opérations du prétendu fédéralisme, attribué aux différentes assemblées tenues à Toulouse, tandis que des hommes qui avaient réellement manifesté des principes de fédéralisme, ont conservé leur réputation de bons citoyens, me trouve-je poursuivi comme fédéraliste, moi qui n’ai assisté qu’à l’assemblée commissariale et anti-fédéraliste des sections, moi qui, de l’aveu de la nouvelle administration qui m’accuse, n’y avoir joué qu’un rôle passif, moi qui étais étranger à Toulouse, moi qui n’avais qu’une idée vague et légère de ce qui s’y était passé avant mon arrivée; moi qui pendant le séjour momentané que j’y fis, n’y formai aucune liaison, n’y entretins aucune relation avec ceux qui avoient joué et qui continuaient de jouer un rôle dans ces assemblées, moi qui avais résidé jusqu’alors et qui continuais de résider dans les montagnes des Pyrénées, dans le chef lieu d’un district ou l’ombre même du fédéralisme n’a pas osé se montrer; moi qui, soit avant, soit après la révolution du 31 mai n’avoi jamais cessé de travailler à fortifier mes concitoyens dans leur méfiance contre les préparatifs du fédéralisme, et dans la sainte horreur qu’ils éprouvaient au nom seul des auteurs de son explosion ? De toutes ces circonstances bien réfléchies, bien rapprochées les unes des autres, ne résulte-t-il pas évidemment que l’accusation hasardée contre moi est l’ouvrage d’une intrigue, et que le représentant du peuple Dartigoyete a été trompé par des hommes qui, redoutant ses actives recherches sur leur propre conduite, tavaillaient à les détourner et à les concentrer sur des victimes de leurs passions particulières; par des hommes à qui leur conscience disait qu’ils pouvoient être accusés, et qui voulaient en imposer, en usurpant audacieusement le rôle d’accusateur; par des hommes à qui leurs liaisons intimes avec Alard, second suppléant, 'que je n’entends pas néanmoins inculper, avaient inspiré le projet de l’envoyer à ma place à la Convention nationale, par des hommes qui, connaissant la droiture de mes principes, redoutaient ma présence dans cette assemblée auguste, et craignaient peut être que je n’y portasse le flambeau de la vérité, sur leur vie politique et fonctionnaire; par des hommes qui, pour ces considérations personnelles, ont cru devoir sacrifier un homme vertueux, n’ont pas été arrêtés par la crainte d’entraîner dans ma perte une infinité de têtes innocentes, et de dénoncer en même temps comme coupable de fédéralisme, tous les présidents, tous les secré- SÉANCE DU 23 PRAIRIAL AN II (11 JUIN 1794) - PIÈCES ANNEXES 539 taires, tous les commissaires des diverses sections, tous les administrateurs et officiers municipaux qui les avaient convoqués en vertu d’un arrêté de l’administration départementale, et ont aussi porté l’alarme et la consternation dans le cœur de tous les patriotes du département. Parmi ces hommes, mes accusateurs, il en est un, qui avait entièrement dissipé une fortune assez considérable, en voulant singer sous l’ancien régime ce qu’on appelait les grands : parmi ces hommes il n’en est peut-être pas un qui se soit montré en 1789. Ils n’ont paru qu’après le 10 août, ou après les autres grands orages de la Révolution. J’assure avec orgueil qu’on ne dira pas cela de moi. Je suis né d’un père qui a donné 15 enfants à la République, dont 7 sont encore vivants, qui n’a jamais cherché leur subsistance que dans le travail de ses mains, dans la culture de ses champs, et qui à l’âge de 64 ans, arrose encore la terre de ses sueurs. Quoiqu’il ait soigné mon éducation autant qu’il a été en lui, je ne suis jamais sorti de la simplicité rustique dont il m’a donné l’exemple. Son cœur pur, comme la nature dont il contribue à préparer les productions nourricières, s’épanouit et s’exalte au premier rayon d’une révolution qui devoit substituer le règne de la nature à celui des abus. Toute sa famille partagea son saint enthousiasme, et cet enthousiasme ne s’est pas ralenti un moment dans son cœur ni dans celui de ses enfans. Citoyens représentants, vous devez avoir 12 adresses des sociétés populaires de mon district, qui vous attestent l’ancienneté et la persévérance de mon patriotisme. La société populaire du lieu que j’habitais, a réitéré ses attestations, immédiatement après qu’elle a été régénérée par le représentant du peuple Dartigoyte. Elle vous a envoyé le tableau de ma vie politique; au bas de ce tableau sont aussi les signatures de tous les membres des autorités constituées de Mont-Unité, régénérées par le même représentant. Le conseil général de la commune du même lieu vous a également fait passer son opinion sur mes principes, avant et après l’époque de sa régénération. Si ces attestations ne suffisent pas, interrogez une population de plus de 150 000 âmes, qui composent le district de Mont-Unité : si, à l’exception de quelques aristocrates et de quelques intrigants bien connus, et qui n’y sont pas en grand nombre, il s’y éleve une voix contre moi; si tous ne répondent pas, qu’avant la Révolution j’avais constamment mené une vie irréprochable aux yeux de la justice et de la vertu; que je secondai de tout mon pouvoir, et avec quelques succès, les premiers mouvemens de la Révolution, que je me suis élevé à sa hauteur dans tous les degrés qu’elle a successivement parcourus; si tous ne répondent pas qu’avant le 10 août, j’avais fait une guerre opiniâtre aux feuillants qu’après le 10 août et avant que la Convention eût proclamé la République, je l’appellais à grands cris dans le cœur de mes concitoyens; si tous ne répondent pas que j’ai hautement et constamment anathématisé le fédéralisme; si tous ne répondent pas que l’accusation soumise à votre examen, est le crime de l’intrigue et de la plus noire calomnie, je renonce au droit de me justifier, et je ne parle plus, que pour demander qu’on me conduise à l’échafaud ». Dario. SÉANCE DU 23 PRAIRIAL AN II (11 JUIN 1794) - PIÈCES ANNEXES 539 taires, tous les commissaires des diverses sections, tous les administrateurs et officiers municipaux qui les avaient convoqués en vertu d’un arrêté de l’administration départementale, et ont aussi porté l’alarme et la consternation dans le cœur de tous les patriotes du département. Parmi ces hommes, mes accusateurs, il en est un, qui avait entièrement dissipé une fortune assez considérable, en voulant singer sous l’ancien régime ce qu’on appelait les grands : parmi ces hommes il n’en est peut-être pas un qui se soit montré en 1789. Ils n’ont paru qu’après le 10 août, ou après les autres grands orages de la Révolution. J’assure avec orgueil qu’on ne dira pas cela de moi. Je suis né d’un père qui a donné 15 enfants à la République, dont 7 sont encore vivants, qui n’a jamais cherché leur subsistance que dans le travail de ses mains, dans la culture de ses champs, et qui à l’âge de 64 ans, arrose encore la terre de ses sueurs. Quoiqu’il ait soigné mon éducation autant qu’il a été en lui, je ne suis jamais sorti de la simplicité rustique dont il m’a donné l’exemple. Son cœur pur, comme la nature dont il contribue à préparer les productions nourricières, s’épanouit et s’exalte au premier rayon d’une révolution qui devoit substituer le règne de la nature à celui des abus. Toute sa famille partagea son saint enthousiasme, et cet enthousiasme ne s’est pas ralenti un moment dans son cœur ni dans celui de ses enfans. Citoyens représentants, vous devez avoir 12 adresses des sociétés populaires de mon district, qui vous attestent l’ancienneté et la persévérance de mon patriotisme. La société populaire du lieu que j’habitais, a réitéré ses attestations, immédiatement après qu’elle a été régénérée par le représentant du peuple Dartigoyte. Elle vous a envoyé le tableau de ma vie politique; au bas de ce tableau sont aussi les signatures de tous les membres des autorités constituées de Mont-Unité, régénérées par le même représentant. Le conseil général de la commune du même lieu vous a également fait passer son opinion sur mes principes, avant et après l’époque de sa régénération. Si ces attestations ne suffisent pas, interrogez une population de plus de 150 000 âmes, qui composent le district de Mont-Unité : si, à l’exception de quelques aristocrates et de quelques intrigants bien connus, et qui n’y sont pas en grand nombre, il s’y éleve une voix contre moi; si tous ne répondent pas, qu’avant la Révolution j’avais constamment mené une vie irréprochable aux yeux de la justice et de la vertu; que je secondai de tout mon pouvoir, et avec quelques succès, les premiers mouvemens de la Révolution, que je me suis élevé à sa hauteur dans tous les degrés qu’elle a successivement parcourus; si tous ne répondent pas qu’avant le 10 août, j’avais fait une guerre opiniâtre aux feuillants qu’après le 10 août et avant que la Convention eût proclamé la République, je l’appellais à grands cris dans le cœur de mes concitoyens; si tous ne répondent pas que j’ai hautement et constamment anathématisé le fédéralisme; si tous ne répondent pas que l’accusation soumise à votre examen, est le crime de l’intrigue et de la plus noire calomnie, je renonce au droit de me justifier, et je ne parle plus, que pour demander qu’on me conduise à l’échafaud ». Dario.