[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 décembre 1789.] Plusieurs personnes réclament la discussion sur l’état des Juifs, comme tenant à la constitution. M. Rewbell. Je pense sur les Juifs comme les Juifs eux-mêmes : ils ne se croient pas citoyens. C’est dans cette opinion que j’admets l’amendement de M. de Clermont-Tonnerre, parce qu’il les exclut en se servant de cette expression, citoyens actifs. M. le comte de Custine. Je demande qu’en s’occupant des non-catholiques l’Assemblée prononce en même temps la liberté de V exercice public de toutes les religions. M. Thtebault, curé de Metz. Vous faites là une motion inconstitutionnelle (Voy. aux Annexes Vopinion imprimée de M. Thiebault sur la proposition de M. de Custine.) M. le Président observe qu’il est deux heures, et qu’il faut procéder à l’élection d’un président, de trois secrétaires et de plusieurs membres pour les différents comités. Il lève la séance, et l’on se retire dans les bureaux. ANNEXES à la séance de l' Assemblée nationale du 21 décembre 1789. PREMIÈRE ANNEXE. Mémoire présenté au comité de constitution pour la division du royaume en départements, par les députés du pays d' Aunis (1). Si les considérations de la plus haute importance peuvent suppléer à la circonscription d’un pays, au défaut des bases exigées par l’Assemblée nationale pour former un département, les députés de la sénéchaussée de la Rochelle ne craindront point d’exposer la demande que leurs commettants les ont expressément chargés de former. Les motifs qui la justifient écarteront sans doute l’idée de ces prétentions déplacées qu’on leur suppose. Le pays d’ Aunis, extrêmement resserré par la mer et par les limites que lui présentent les provinces de Poitou et de Saintonge, n’offre qu’une surface de 130 lieues carrées, y compris le territoire de l’île de Ré. Mais dans ce petit espace et sur les côtes qui le bordent on trouve 5 ports (2), les deux meilleures rades (3), où se rendent en temps de guerre, les convois qui doivent être escortés, et où les vaisseaux, à leur retour des Indes, trouvent le plus sûr atterrage; trois villes considérables (4), soixante bourgs, cent vingt villages, et deux cents hameaux ou écarts. Dans les parties du nord et du midi, le génie, l’industrie et des dépenses considérables ont rendu au continent par de superbes dessèchements un terrain que la mer couvrait autrefois et qui donne aujourd’hui des blés de la plus belle et meilleure qualité. Dans les autres parties, les richesses du (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) La Rochelle, Rochefort, La Flotte, Saint-Martin, Daligre. (3) La rade de l’île d’Aix, celle de la Flotte. (4) La Rochelle, Rochefort, Saint-Martin. 695 commerce ont animé et perfectionné la culture de la vigne, la seule dont le sol aride et sablonneux soit susceptible; l’industrie a converti les vins en eaux-de-vie, et secondant ailleurs la nature, a établi et multiplié les marais salants. Ainsi, par les efforts constants de la plus active industrie, ce petit pays est devenu une province précieuse à l’Etat, et une des plus peuplées du royaume. On n’y compte guère moins de cent trente mille habitants dont une partie forme la meilleure classe de nos matelots. Le sel, le vin, les eaux-de-vie, les différents blés et fourrages qu’on retire des marais désséchés sont le produit ordinaire du sol du pays d’Aunis et de l’étonnante industrie de ses habitants. Cette petite province paye pour la taille ou accessoires 461,011 livres 12 sols 1 denier ; pour les vingtièmes 365,612 livres 16 sols 3 deniers et plus de 700,000 livres en droits d’aides. La ville de la Rochelle n’existe et ne peut exister que par le commerce auquel sa situation avantageuse l’a toujours appelée. Placée entre Nantes et Bordeaux, elle ne peut se soutenir entre ces deux puissantes rivales qu’autant qu’elle sera protégée et encouragée. Considérée comme ville de guerre, elle est le boulevard et le dépôt des forces qui protègent nos côtes depuis Rayonne jusqu’à Brest. Sous ces deux rapports elle doit mériter une attention particulière de la part de l’Assemblée nationale. La ville de Rochefort, un des principaux départements de la marine royale, digne du plus grand intérêt, d'après ses bâtiments, ses magasins, ses formes pour la construction des vaisseaux de guerre, et son nouvel hôpital, outre le port de Roi, en offre un autre au commerce, avec de nouvelles ressources pour l’encourager. L’un et l’autre sont d’une nécessité évidemment reconnue pour l’approvisionnement de nos escadres et de nos colonies, et pour la libre et facile exportation des denrées et différentes productions des provinces qui nous avoisinent. Nous n’entrerons dans aucun détail sur l’établissement et sur la rade de l’île d’Aix; sur le port et sur la rade de la Flotte; sur la ville, la citadelle et le port de Saint-Martin; sur le commerce de l’île de Ré avec le Nord; sur le port et bourg de Daligre. Il suffit de les nommer pour en désigner les avantages et Futilité, qui, confiés à l’administration d’un département particulier, ne pouvaient qu’accroître et se multiplier. Daligre, ci-devant Marans, est l'entrepôt naturel des productions du Bas-Poitou, et un des marchés les plus considérables du royaume et même de l’Europe. Les avantages de la situation du pays d’Aunis y ont de tout temps appelé le commerce, et établissent la nécessité de l’y protéger et de l’y fixer. La Rochelle, une des plus anciennes villes commerçantes du royaume, est la première qui a entrepris les voyages de long cours; toutes les entreprises, capables d’étendre le commerce de France ont été exécutées par ses vaisseaux. Ce sont eux qui ont introduit en France la première barrique de sucre, venue de nos colonies; c’est la Rochelle qui a formé nos premières colonies, et qui a donné son nom à un des établissements les plus considérables du nord de l’Amérique; c’est elle qui avait établi le Canada, et qui avait le plus contribué à l’établissement de la Louisiane. Si la perte de l’un et la cession de l’autre à l’Espagne, privent cette ville d’une branche de commerce qu’elle faisait presque exclusivement, il entrera dans les vues de l’Assemblée nationale