118 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de la veille, qui est adopté. M. Etienne Chevalier fait lecture d’un discours du et ré de Triel, près Saint-Germain-en-Laye, dans lequel il expose les motifs de sa soumission à la loi sur la constitution civile du clergé. Un membre demande et l’Assemblée décrète qu’il sera fait mention de ce discours dans le procès-verbal, ainsi que des applaudissements qu’il a excités. Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une adresse du directoire du département du Gard, qui est ainsi conçue (1) : « Messieurs, lorsque des âmes fortement pénétrées de l’amour de la patrie, et pleines d’estime et d’admiration pour les vertus civiques auxquelles la France doit sa régénération, entendent des âmes qui leur répondent, lorsqu’elles sont frappées des accents de la liberté, prononcés par la voie du génie, elles s’agitent, elles s’excitent ; leur courage s’accroît. Leur enthousiasme s’augmente, leurs efforts redoublent, les difficultés cèdent et s’aplanissent, et leur marche, dans la carrière du patriotisme, acquiert plus d’énergie et de rapidité. « Tels sont, Messieurs, les sentiments qu'ont éprouvés les administrateurs du directoire du département du Gard à la Lcture de l’adresse de l’assemblée électorale du département de Paris à l’Assemblée nationale; et dans l’elfusion qui en a été la suite, ils viennent de nouveau vous apporter l’hommage de leur adhésion solennelle aux principes qui y sont développés, avec le serment de vivre pour s’y conformer, ou de mourir pour les défendre. « Combien les citoyens de Paris n’ont-ils pas mérité la reconnaissance de la France entière ! Que d’efforts, que de sacrifices ce peuple généreux n’a-t-il pas faits pour la liberté! Il l’a conquise par la valeur, il l’a soutenue par la constance, il la conservera par la sagesse, et tandis que, placés au sein de la capitale, les augustes représentants de la nation ont de bonne heure instruit les citoyens aux vertus des hommes libres; tandis que de bonne heure ils leur ont fait sentir les inappréciables avantages de la Constitution qu’ils créent sous leurs yeux; ceux-là ont à leur tour protégé la sûreté et la liberté de l’Assemblée, ils ont éloigné d’elle les pièges et les dangers sans cesse renaissants; et c’est à cet échange mutuel de lumières et de secours, à cette réunion de forces et de volontés que la Révolution a dû sa naissance et ses progrès, et que l’Etat devra sa gloire. « Qu’il serait donc à la fois injuste, impolitique et dangereux d’ajouter de nouveaux sacrifices et de nouvelles privations aux privations, aux sacrifices que la capitale s’est imposés pour la félicité de la France; d’en éloigner jamais les assemblées des corps législatifs, de les déplacer de ce centre commun d’où elles doivent imprimer à toutes les parties du royaume le mouvement et l’activité; de les ôter du milieu de leurs premiers, de leurs plus ardents défenseurs, de les séparer, enfin, de ce prince vertueux qui préside à la monarchie. « Le directoire du département du Gard croit [Il janvier 1791.J la résidence du Corps législatif dans la capitale aussi nécessaire au maintien de la Constitution que la permanence même des Assemblées nationales. Le fruit précieux de la liberté française doit croître et prospérer dans l’atmosphère qui l’a vu naître; ainsi, chez le premier des peuples, le feu sacré auquel la religion attachait le destin de l’Empire fut confié sans cesse aux mêmes mains qui l’avaient allumé. » Un membre propose et l’Assemblée décrète qu’il sera fuit mention de cette adresse dans le procès-verbal. M. de La Btoehefoncauld. Messieurs, comme il est important d’abréger les discussions de l’Assemblée nationale et que le moyen le plus sûr de les abréger est que, avant de commencer, elle ait sous les yeux les pièces sur lesquelles la discussion peut s’étendre, je demande que l’Assemblée veuille bien ordonner que le travail que M. de Del loy annonça hier, sur l’ensemble des con'ributions publiques. soit imprimé. (Voyez plus haut, séance du 7 janvier, le texte de ce document.) L’zAssemblôe va reprendre aujourd’hui son grand travail sur les jurés : lorsque ce travail sera fini ou interrompu, elle reprendra celui sur les impositions. Ce sera donc une avance pour elle que d’avoir sous les yeux un travail qui contient des vues différentes de celles de son comité et qui embrasse tous les détails de l’imposition. Le comité de l’imposition a toujours désiré la plus grande publicité; il a désiré qu’elle ne se concentrât pas dans la salle de l’Assemblée nationale; il a désiré que tout fût imprimé, afin que le public entier puisse prendre part à ce travail. M. de Follevillc. Je fais une annotation: c’est que la demande de l’impression et de la distribution ne soit pas un prétexte pour que la lecture n’en ait pas lieu à la tribune, comme il est arrivé de plusieurs rapports : car il est essentiel que ceux qui n’ont pas lu ce travail, ou qui ne s’en rappellent pas, en aient connaissance au moment de la délibération. (La motion de M. de La Rochefoucauld est adoptée.) M. le Président. J’ai reçu de M. le ministre de la justice une note relative à la sanction de divers décrets par le roi; celte note est ainsi conçue : « Le roi a donné sa sanction, le 2 de ce mois : « 1° Au décret de l’Assemblée nationale, du 27 décembre, sur l’ordre de la délivrance des mandats à l’administration de la caisse de l’exiraor-dinaire, et sur celui des payements à la même caisse; « 2° Au décret du même jour, portant que le directeur général du Trésor public est autorisé à établir, sous sa direction et sa surveillance, un bureau de correspondance générale avec les receveurs des districts ; « 3° Au décret du 28, qui, en im prouvant les dispositions de différents arrêtés pris par le directoire du département de l’Ariège, renvoie la connaissance des abus et extensions de pouvoirs imputés au sieur Darmaing, maire de la ville de Pamiers, des troubles qui en ont éié la suite, devant les juges du district de Toulouse, et suspend provisoirement le sieur Darmaing de ses fonctions de maire; « 4° Au décret du 29, relatif à l’administration (1) Cette adresse n’a pas été insérée au Moniteur. 119 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1 1 janvier 1791.] des fabriques, et portant que le conseil municipal de la ville de Paris est autorisé provisoirement à réduire le prix des chaises ; « 5° Au décret du l*r janvier présent mois, relatif, tant à l’un des deux régiments en garnison à Montauban, pour y mainteuir le bon ordre, qu’au droit que la Constitution donne au roi d’ordonner les mouvements des troupes; « 6° Et le 5 du même mois, au décret du 11 décembre, portant qu’il sera établi des tribunaux de commerce à Granville et à Arles ; union, à la municipalité de Granville, du port de Granville, du Roc, des faubourgs de Saint-Nicolas et de Douville ; qu’il sera nommé treize juges de paix dans le canton de Bordeaux, un à Tulle, et fixe les limites de ceux du canton d’Argenteuil ; « 7° Au décret du 22, portant que toute présentation de comptes aux chambres des comptes cessera de ce jour ; « 8° Au décret du même jour, relatif au traitement des vicaires supérieurs et des vicaires directeurs des séminaires diocésains ; « 9° Au décret du 23, relatif à la liquidation du rachat des rentes ci-devant seigneuriales, et des droits casuels dépendant des ci-devant fiefs, appartenunt à la nation ; « 10° Au décret du même jour, concernant le métal et la forme du bouton uniforme des gardes nationales de France ; « 11° Au décret du même jour, concernant la nomination d’un nouveau receveur du district de Saint-Pons, ou la confirmation de celui déjà nommé; « 12° Et enfin au décret du même jour, concernant l’exécution des contraintes à décerner par les receveurs. « Le ministre de la justice transmet à M. le président les doubles minutes de ces décrets, sur chacune desquelles est la sanction du roi. « Signé : M. L.-F. Duport. « Paris, le 9 janvier 1791. » M. l’abbé Dnplaquet annonce que dans le district de Saint-Quentin, dépurtemement de l’Ai sne, la première adjudication des biens nationaux, estimée à 66,000 livres, a été portée à 125,000 livres. M. Georges annonce que, par la première adjudication qui s’est faite dans le district de Clermont-en-Argorme, département de la Meuse, les biens nationanx, estimés à 187,952 1. 10 s., ont été vendus 272,125 livres. M. Gossin annonce que par une adjudication qui s’est faite dans le district de Bar-le-Duc, des biens nationaux, estimés 132,000 livres, ont été vendus 312,000 livres. M. Gossin, au nom, du comité de Constitution. Je vous présente, au nom du comité de Constitution, l’exécution de la loi que vous avez portée; comme elle contrarie l’intérêt particulier d’une ville, je vous demande un moment d’attention, afin que le texte formel de vos décrets ne soit pas violé par les législateurs eux-mêmes. Deux distractions, deux réunions vous sont proposées par deux départements; les districts intéressés sont d’accord; le vœu des communes y est conforme; le district d’Aix, partie intéressée, consent à cette distraction; il l’a considérée dans la lettre et l’esprit de vos décrets; mais il expose qu’il est juste de lui accorder une compensation par la distraction de quelques paroisses que l'on a unies au district de Marseille, contre l’intérêt des administrés, votre comilé vous la proposera. Le lieu de lTsle-d’EUe est réclamé par l’administration du département de la Vendée; celle de la Charente-inférieure voudrait le retenir. Les deux assemblées administratives ont eu une correspondance sur cet objet; elle c’a rien produit; mais la nécessité de la perception de l’impôt exige que vous prononciez. Les habitants de l’Isle-d’Elle vous supplient de les unir au département de la Vendée; tout est donc eu faveur de cette union : car, à l’expression de ce vœu se joignent toutes lescônvenances, limites naturelles de la rivière de Sêvre-Niortaise, rapports commerciaux et habitue Is, distance moins considérable, et beaucoup d’autres. La troisième réunion est sans difficultés; elle est fondée sur les mêmes principes. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur les pétitions des assemblées administratives des départements des Bouches-du-Rbôue, de la Vendée et de l’Ariège, décrète ce qui suit : « La commune d’Allauch est unie au district de Marseille, et l’administration du département des Bouches-du-Rhône présentera à l’Assemblée nationale la compensation, tant en population qifen territoire, de cette distraction du district d’Aix, pour y être statué dans Ja quinzaine ainsi qu’il appartiendra. « Le lieu de l’Isle-d’Elle est uni au département de la Vendée, et incorporé au district de Fontenay-le-Gomte. « Les communes de Mérigon et de Mauvaisin sont distraites du district de Mirepoix, pour appartenir à celui de Saint-Girons. » M. Castellanet combat la disposition relative à la compensation à accorder au district d’Aix. M. Bouche appuie la disposition. (Le projet de décret du comité est adopté.) M. Gossin, au nom du comité de Constitution . Le département de l’Aisne a formé, il y a plusieurs mois, la demande de l’établissement d’un tribunal de commerce à Vervins. Votre comité de Constitution, frappé du fait constant que la population de Vervins ne va pas à trois mille âmes, et de la considération qu’une population de ce genre n’annonce ni une prospérité actuelle, ni des motifs prochains de l’espérer, a pensé que cette pétition ne devait pas être accueillie. Plusieurs dépotés se sont plaints de n’avoir pas été entendus avant cette décision ; ils ont fourni des mémoires. Le comilé a reconnu que, quelle que soit l’exiguïté de la population de Vervins, le commerce du district est considérable; le département le porte à sept millions; il assure qu’il renferme plusieurs fabriques; et si un tribunal de commerce paraît ne pas convenir à la ville de Vervins, on doit regarder au moins comme probable qu’il sera très utile aux commerçants du district qui le demande, et c’est ici la présomption de l’intérêt du plus grand nombre contre l’intérêt d’une ville. Enfin, votre comité a pensé que c’éiait le moyen de réunir deux villes rivales, de mettre la paix dans cette contrée, qui a été troublée, et qui l’est encore, sur l’intérêt qu’elles ont respectivement soutenu avec beaucoup de chaleur pour le partage des établissements du district, ou pour leur réunion.