(7 janvier 1791.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 65 le demande qu’il lui soit ordonné de revenir dans l’Assemblée, de donner ou d’envoyer sa démission et d’envoyer son suppléant, parce qu’il ne peut plus s’absenter sans avoir rempli les formes qu’elle a prescrites. ( Applaudissements .) Je me crois autorisé à manifester ces sentiments, parce qu’un membre de l’Assemblée nationale, curé, qui s’est refusé à un décret, qui part sans en avoir donné connaissance à l’Assemblée, peut être soupçonné, avec que que raison, de porter de mauvaises intentions dans les provinces. (Applaudissements à gauche.) On vient de me dire dans le moment qu’un autre (M. Delaplace) curé du bailliage de Péronne était parti également. Il est clair q m l’on prépare des moyens de résistance (Grands applaudissements ); il est clair que l’on se prépare parioul à une té-sistance aux décrets de l’Assemblée nationale, gué l’on veut égarer le peuple, que, par des écrits incendiaires, on veut déplacer le point de la question. Il est donc nécessaire que l'Assemblée s’oppose aux impressions momentanées que pourraient faire, en invoquant leur sacré caractère, des évêques infractaires aux lois. Or, le premier et le plus sûr moyen c’y parvenir est ne les rappeler à l’Assemblée; s’ils n’y viennent pas, d’y appeler les suppléants qui doivent les remplacer. Je crois qu’il est impossible que l’Assemblée nationale se refuse à cette mesure, qui est absolument conforme à la marche qu’elle a tenue jusqu’à présent pour toutes les permissions qu’elle a données. Il faut donc d’abord qu il soit vérifié si i\l. Boudard, curé de la Couture, et M. Delaplace, curé du bailliage de Péronne, sont partis sans congé : première proposition. La seconde tend à faire décréter qu’en cas qu’ils soient partis sans congé, ils soient mandés et qu’il leur soit ordonné de revenir, si mieux ils n’aiment donner leur démission et envoyer leurs suppléants. Voilà quelle est ma motion. M. l’abbé Royer. Souvent j’ai entendu à cette tribune des ecclésiastiques, des évêques annoncer que, si leur conscience leur empêchait de prêter le serment décrété par l’Assemblée nationale, accepté et sanctionné par le roi, ils étaient bien éloignés de faire un crime à ceux qui avaient cru pouvoir ie prêter en sûreté de conscience. Cependant j’ai l’honneur de vous dénoncer ici formellement que sur des assertions positives dans le temple auguste de la nation, temple qui ne doit retentir que de la vérité, où on ne doit se permettre aucune restriction mentale, ayant pris pour règle de ma conduite des aveux aussi formels, intimement convaincu d’ailleurs par les principes de la religion, que je pouvais prêter le serment, je l’ai prêté, je l’ai annoncé, et lorsque je me présentai à un confesseur pour purifier de plus en plus ma conscience ..... (Murmures à droite; applaudissements à gauche.) Avant de m’entendre dans le tribunal de la pénitence, le confesseur me demande si j’étais membre de l’Assemblée. — Oui, lui dis-je. (Murmures.) M. Bouche. Taisons-nous et écoutons. M. l’abbé Royer. Mon confesseur me de-mandesij’avais prêté leserment. — Oui, réponds-je. 11 me demande ensuite si je voulais le rétracter. -—Non, répliquai-je. — Eh bien ! me dit-il, je ne puis vous entendre. (Murmures et rires à gauche; applaudissements à droite.) 1" Série. T. XXII. Ni mon honneur, ai-je continué, ni ma conscience ne m’obligent à faire ce que vous me dites. Je puis rester en conséquence dans mes principes; cela ne vous regarde en aucune manière et je vous rends, ainsi que les évêques, responsable de tous les maux qui peuvent résulter de cette résolution. M. l’abbé Maury. J’ai demandé la parole pour faire quelques observations relatives à la motion de M. de Lameth ; elle intére-se mon collègue, et je me regarde comme sou défenseur naiurel. Je ï’exara nerai dans le fait et dans le droit. Quant au fait, M. l’abbé Delaplace, député de Péronne, comme moi, est dans l’usage d’aller chez lui pour les fêtes solennelles, parce qu’il ne peut avoir de desservant. C’est un homme honnê.e, doux, sensible ..... (Murmures.) M. Charles de Caineth. Oui, c’est un des plus grands ennemis de la chose publique. M. l’abbé llaury. Personne ne le soupçonnera d’avoir de mauvaises intentions. Une fois pour toutes, je ne crois pas qu’on puisse ici dénoncer les intentions. Si elles se manifestaient par la conduite, celle de mon confrère est digne des plus grands éloges. Quant au droit, il est certain que les députés ue sont responsables qu’à leurs commettaïus: l’Assemblée n’a aucune juridiction sur ses membres; elle ne peut donner des ordres, des veniat; cette cause entre les commettants et les députés intéresse la liberté plus qu’on ne pense. Les représentants de la nation ne seront pas les derniers esclaves. (Murmures.) M. Charles deCameth. Ils sont esclaves de leurs devoirs. M. l’abbé llaury. Vous ne connaissez un député comme député, que quand il est ici ; vous n’avez de juridiction sur lui que dans le sein de ceue Assemblée, encore cette juridiction n’est-elle que de police et purement correctionnelle. Hors d’ici nous cessons d’être vos justiciables, et si vous vouliez donner à un absent l’ordre de revenir, ce ne pourrait être que par un avis inséré dan3 le procès-verbal et non par une espèce de jugement. Je supplie M. de Lameth de ne pas abuser de la faveur populaire dont il jouit, pour dénoncer des intentions qui soot au-dessus du jugement des hommes. C’est à cause que mon collègue est absent qu’il est innocent ; c’est à cause qu’il est innocent et que personne n’a droit de jeter des nuages sur son patriotisme, que je demaude la question préalable sur la motion de M. de Lameth. M. de Mirabeau. Messieurs... M. de Folleville. Nous perdons notre temps. M. de Mirabeau, s’adressant à la droite ; Messieurs, ayez assez d’indulgence pour croire que je ne vous ferai pas plus perdre votre temps que M. l’abbé Maury. Je ne suis pas monté à cette tribune pour parler de l’affaire du député de Péronne ; cette affaire ne me paraît devoir faire une question que pour ceux qui rêvent encore, appellent encore, invoquent encore les bailliages, et oublient que nous n’avons d’autres commettants que la nation. (Murmures à droite; applaudissements à gauche.) Ils oublient que la volonté bien connue de la nation est d’être représentée; et que nous, ses organes, nous avous droit de veiller à ce que sa 5 jAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (7 janvier 1791.] 6t) représentation soit complète. Pour exercer cette surveillance, il est certain que nous sommes armés d’une juridiction collective. Ainsi de toute part les principes foudroient ces objections. Mais il est une motion d’ordre pour laquelle j’avais demandé, la parole, et que je crois pressant de vous présenter. Des bruits appuyés par la dénonciation que vous a faite un des préopinants, des bruits que je ne rapp lierai pas, dans la crainte de faire plus de bruit que de bien, m’ont suggéré une mesure instante que je vais vous proposer. Dans cette conjoncture grave et pressante, où l’esprit inconstitutionnel de la majorité de nos prélats et d’un bon nombre de pasteurs inférieurs vient de nécessiter la vacance de tant de sièges et d’offices ecclésiastiques, je crois devoir rappeler un, instant l’attention de l’Assemblée sur quelques considérations et quelques mesures qui m’ont paru mériter d’être pesées dans sa justice et dans sa sagesse. Premièrement, il n’est aucun citoyen sage qui ne regardât une longue interruption du ministère religieux comme l’assoupissement d’un ressort très nécessaire au zèle patriotique des peuples. Ce silence de la religion, il ne serait que trop facile aux ennemis de la Constitution et de la liberté, de l’indiquer comme le signal du moment à saisir, pour tourner la force publique contre la Révolution. Vous verriez bientôt le fanatisme s’agiter en tous sens pour présenter ce repos de notre institution évangélique, comme la mort du christianisme, comme la préparation du renversement des sanctuaires, comme l’odieux monument d’une Constitution impie, qui achèverait bientôt de détruire l’Eglise et. son' sacerdoce. Secondement, sans examiner plus en détail cette situation des choses sous son aspect politique, vous serez touchés de la nécessité urgente et indispensable d’assurer à un peuple, dont vous êtes les libérateurs et les pères, la jouissance de sa foi, de son culte et de ses espérances. Il a un droit sacré et journalier à toutes les consolations et à tous les secours de la religion. Il serait trop douloureux pour vous d’apprendre qu’au milieu de nos cités, la portion chrétienne de ceux qui les habitent cherche en vain autour d’elle son pontife, son guide, son pasteur; et que, dans les campagnes, l’agriculteur agonisant est forcé de descendre au tombeau, privé de la douceur si chère à sa piété naïve, d’avoir vu la religion bénir son dernier soupir. (, Applaudissements répétés.) Troisièmement, nous ne pouvons nous dissimuler la grande difficulté qui s’oppose au prompt remplacement des évêques et des curés destitués de leurs offices par leur refus de prêter le serment relatif à la constitution civile du clergé. Cette difficulté consiste en ce que vous avez rélé, articles 7 et 9 du titre XI du décret du 4 août 1790, que pour être éligible à un évêché, il sera nécessaire d’avoir rempli au moins pendant quinze ans les fonctions du ministère ecclésiastique dans le diocèse, etc. ; et que, pour être éligible à une cure, il faudra pareillement, avoir pendant un temps déterminé, exercé les fonctions du ministère dans l’arrondissement du district. Il est très clair que l’observation littérale de cette partie, d’ailleurs purement réglementaire, de votre décret est impraticable au mament.où nous sommes, et invinciblement incompatible avec le besoin instant d’empêcher que le cours du ministère ecclésiastique ne subisse une suspension d’où résulteraient des conséquences funestes à l’ordre public, et principalement celle d’acharneT l’obstination et les résistances par l’espoir que la difficnlté des remplacements engagera l’Assemblée dans quelques mesures rétrogades. Peut-être des départements entiers seraient-ils arrêtés, durant des années, par l’impossibilité de faire tomber leur choix sur un ami bien fidèle de la Révolution, et de rencontrer un ecclésiastique doué d’un civisme incontestable. Il me semble que tout prêtre français doit en ce moment au moins être éligible pour toute la France. Cette universalité d’aptitude est même selon le sens et l’esprit d’une Constitution qui a fondé l’unité indivisible de tous les citoyens sur les ruines de toutes les corporations et de toutes les exclusions politiques et sociales. J’ai donc l’honneur de vous proposer de décréter ce qui suit : 1° Que relativement aux vacances des évêchés et cures qui pourront avoir lieu dans l’année 1791, tout Français prêtre, qui aura exercé le ministère pendant cinq années, sera éligible soit aux évêchés, soit aux cures, dans quelque département que ce soit. ( Applaudissements .) 2° Que les évêques pourront, durant la même année, choisir leurs vicaires parmi tous les prêtres français qui auront exercé le ministère pendant cinq ans. 3° Que les curés pourront, durant la même année, choisir pour vicaires tous prêtres français. 4° Que le présent décret sera porté dans le jour à la sanction du roi. ( Une grande partie de l' Assemblée applaudit et demande à aller aux voix.) M. Alquier. C’est moins pour appuyer le projet de décret de M. de Mirabeau, que pour présenter une addition indispensable, que j’ai demandé la parole. Nous savons qu’on cherche à alarmer le peuple sur le sort de la religion ; qu’après avoir essayé de le soulever pour des opinions politiques, on veut t’armer pour les opinions religieuses. C’est à nous à 1 éclairer ; c’est à nous à lui apprendre à démêler des complots longtemps réfléchis, à lui faire connaître la Constitution qu’il a juré de maintenir et qu’il maintiendra. Je demande, à cet effet, que l’Assemblée charge quatre membres de son comité ecclésiastique, de lui présenter une instruction sur la constitution civile du clergé, pour être envoyée dans les départements, avec ordre de la publier dans leur territoire. ( On applaudit dans la partie gauche.) M. Rcivbell. L’Assemblée ne veut pas rendre uu décret illusoire. Le projet de M. de Mirabeau porte que tout Français prêtre, qui aura exercé le ministère pendant cinq années, pourra être élu aux évêchés, dans quelque département que ce soit. On cherchera à. trouver dans ces mots des équivoques. Je demande donc que l’on mette que tout Français prêtre depuis cinq ans sera éligible aux évêchés. M. de Mirabeau. J’y consens d’autant plus volontiers, que d’abord je l’avais mis ainsi. M. Rewbell. Puisque M. de Mirabeau adopte ma proposition sur le premier article, je n’ai plus rien à dire ; mais il ne s’agit pas seulement ici des évêques ou des curés, ils ne sont pas en si grand nombre qu’ils ne puissent être facile*