[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « d~brei793 365 ment superflus, on a donc dû en décharger le peuple; et ce à titre de justice. « Le second motif non moins pressant que le premier, c’est qu’on ne pouvait former une bonne administration dans le district. « Les sujets capables de remplir les places y manquaient à un tel point, qu’on avait été obligé d’en prendre dans les districts et dépar¬ tements voisins, et de nommer trois prêtres au directoire; l’un était le président, l’autre le procureur syndic et le troisième un des premiers administrateurs; c’était trois ignorants, on peut juger après cela de la capacité des autres. « Une autre raison qui empêchait encore que l’administration du district de Bellevue ne put être bien composée, c’est que dans ce pays, toutes les familles, où l’on sait lire et écrire, sont parentes ou alliées les unes aux autres, et qu’ ainsi les différents pouvoirs partagés entre les municipaux, les juges et les administrateurs, se trouvaient toujours réunis et confondus dans les mêmes mains; ajoutez à cela, législateurs, que toutes les familles ne contenaient dans leur sein que des aristocrates gangrenés, des acca¬ pareurs endurcis et des gens enfin élevés et nourris dans la chicane; avec de tels hommes, il était impossible de former à Bellevue-les-Bains un bon district; il ne pouvait qu’être opposé au bien général et funeste aux bons citoyens tandis qu’il protégeait les mauvais, sous ce second rapport, il a donc dû encore être supprimé. « Vous pouvez juger, législateurs, quel devait être le patriotisme de tous les fonctionnaires publics du district de Bellevue-les-Bains par le patriotisme des députés qu’il a fournis aux trois Assemblées nationales. Êepoux, député à l’As¬ semblée constituante, fut feuillant ; Bijou, député à l’Assemblée législative, vota pour Lafayette et fut brissotin. Quant à Mortgilbert, député à la Convention, nous ne savons ni s’il a voté pour la mort du tyran, ni s’il a habité la Mon¬ tagne. Nous savons cependant qu’il était le meilleur patriote de Bellevue-les-Bains. Voilà les hommes que ce district mettait en place, et les trois que je viens de nommer étaient encore les moins mauvais. « Nous avons toujours vu, législateurs, que l’aristocratie domine plus facilement dans les petits districts et dans les petites communes, que dans ceux qui ont une population un peu nombreuse; il faut de la force pour repousser l’oppression, et la force du peuple est dans le nombre des citoyens réunis. Nous pensons que pour affermir partout la liberté et l’égahté, il ne faut pas craindre de supprimer et de réunir les communes et les districts dont la population n’est pas assez nombreuse et qu’il serait avan¬ tageux à la République que chaque district renfermât au moins 40,000 habitants et chaque municipalité 2,000. « Législateurs, la commune d’Issy-la-Mon-tagne demande la confirmation de l’arrêté qui a supprimé le district de Bellevue-les-Bains, et elle demande qu’à l’instant vous rétablissiez provisoirement la municipalité d’Issy dans ses fonctions, attendu qu’il y a six mois qu’elle est destituée par les administrateurs coupables du district de Bellevue, qui ont anéanti totalement l’esprit public, l’exécution des lois et la liberté à Issy-la-Montagne. « Us ont enlevé les registres de la municipa¬ lité, du tribunal de police municipale, du comité révolutionnaire et de la Société populaire affi¬ liée à celle des Jacobins et Montagnards; ils ont enlevé les preuves par écrit qui existaient contre les gens suspects, ils les ont mis en liberté; ils ont vendu le blé confisqué aux accapareurs et enfin ils ont fait tout le mal possible à Issy; depuis six mois je suis à Paris sans pouvoir obtenir justice ; la municipalité ne la demande pas pour elle, mais la commune entière m’a envoyé pour la réclamer en son nom comme fai¬ sant portion du souverain qui a été offensé tout entier en elle. « Cari on, maire et député d’Issy -la-Mon* tagne. » Arrêté (1). Les représentants du peuple envoyés près l’armée des Alpes, et dans différents départe¬ ments de la République. D’après les renseignements et instructions qui leur ont été donnés, sur l’organisation des districts qui forment le département de Saône-et-Loire, ont vu avec douleur que d’infâmes constituants de l’assemblée nationale, loin de s’occuper de la chose publique, ne calculaient que sur des intérêts de localité et ne cher¬ chaient qu’à multiplier les établissements; Que le district de Bellevue-les-Bains est une preuve frappante de cette vérité; qu’il n’est composé que de 34 communes et au plus de 10,000 âmes; qui ont eu l’art de se soustraire aux contributions que la fertilité de ce pays aurait dû supporter, proportionnellement et compara¬ tivement avec des endroits stériles qui sont surchargés ; Qu’une autre vérité non moins évidente, et jusqu’ici le résultat d’une funeste expérience, atteste que les endroits les plus favorisés de la nature, et dont les productions sont les plus abondantes, sont le foyer et le séjour de l’aris¬ tocratie la plus gangrenée, de la cupidité et de toutes les passions qu’entraînent la richesse et l’égoïsme; Que le district de Bellevue-les-Bains, placé dans le plus heureux site, a été un de ceux qui a puissamment secondé les efforts de la malveil¬ lance et de la contre-révolution, que depuis la glorieuse époque de notre régénération, on n’y a vu aucun esprit public, aucunes lois exécu¬ tées ; on n’y a vu que des mandataires parjures, qui oubliaient toujours la classe indigente pour ne s’occuper que de complots liberticides et de manœuvres criminelles avec les ennemis de l’intérieur et les accapareurs ; Considérant que sous le double rapport de l’économie et de la justice, il importe, d’une part, de ne pas surcharger la République d’une dé¬ pense inutile, et de l’autre de punir des admi¬ nistrateurs infidèles, et des administrés riches, faibles, qui n’ont point eu assez d’énergie pour dénoncer les trahisons des autorités cons¬ tituées, après avoir consulté les patriotes et les républicains les plus prononcés, sur la nécessité de la suppression de l’établissement de Bellevue-les-Bains, et de la réunion des communes for¬ mant ce district, à ceux qui sont environnants, arrêtent ce qui suit : (1) Archives nationales, carton Div bis 89 (Saône-et-Loire). ; 366 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Jg™aire “J « Art. 1er. « Le district de B elle vue -les -B ains, départe¬ ment de Saône-et-Loire, est supprimé. Art. 2. « Les communes de Cuzy, Sainte-Badegonde, Issy-la-Montagne, Cressy et Grury, sont réunies au district d’Autun. « Les communes de Bellevue-les-Bains, Cro-nat, Yitry, Trizy, Challemoux, Lesme, Maltat, en attendant que la Convention nationale veuille prononcer leur réunion au district de Decize, département de la Nièvre, à raison de leur proximité et de leur convenance, d’après la circonscription de nos pouvoirs, qui ne s’éten¬ dent point au département de la Nièvre, seront aussi provisoirement réunies à Autun. Art. 3. « Les communes d’Uxeau, Bessy, la Cha-pelle-au-Mans, Gueugnon, Cardin, Neuvy, Mo¬ rillon, Rigny, Lamotte-Saint-Jean, Saint-Ai-gnant, Aupont, Fontelle, Gilly-sur-Loire, Saint - Aubin, Perigny, formant la totalité, du district de Bellevue-les-Bains, sont réunies au district de Charolles. Art. 4. « Les administrateurs du ci-devant district de Bellevue-les-Bains seront mis en état d’arres¬ tation, les scellés seront apposés sur leurs effets et papiers, leurs biens séquestrés; et ils seront traduits à la commission populaire établie à Mâcon. Art. 5. « L’Administration du département de Saône-et-Loire veillera à l’exécution du présent arrêté, qui sera imprimé et affiché. « Le département nommera une commission pour recevoir les comptes des administrateurs. « Fait en commission, à Mâcon, le 13 frimaire, an II de la République française, une et indi¬ visible. « Le représentant du peuple, « Claude Javogues. » III. Suite de la discussion sur l’instruction PUBLIQUE (1). Compte rendu du Mercure universel (2). Bouquier. Vous avez chargé votre comité d’instruction de re viser, etc... (1) La discussion sur l’instruction publique n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 22 frimaire an II. Nous l’empruntons aux comptes rendus de cette séance publiés par les divers journaux de l’époque. (2) Mercure universel [23 frimaire an II (ven¬ dredi 13 décembre 1793), p. 362, col. 1]. D’autre ( Suit le texte du rapport de Bouquier que nous avons inséré dan » la séance du 18 frimaire) (1). L’Assemblée a décrété ce qui suit : (Suit le texte : 1° des quatre articles de la pre¬ mière section; 2° des trois articles de la deuxième section; 3° des articles l et 2 de la troisième section du projet de décret de Bouquier) (2). Art. 3. « Ils seront salariés par la République. « Les comités des finances et d’instruction se¬ ront chargés de présenter des vues sur la quo¬ tité du traitement. » Il s’agissait de décider un point majeur, celui de savoir si les pères, parents ou tuteurs seraient tenus ou invités d’envoyer leurs enfants aux écoles de la République. Danton. Il est un point sur lequel nous avons trop transigé; ce sont les vices et les préjugés. Qu’avons-nous à faire? A créer une génération nouvelle. Qui vous répondra que lorsque les vices auront infecté la génération naissante, ils ne mettent pas la liberté en danger? Nous n’avons que trop fait pour l’intérêt particulier; sans cela notre éducation eût été plus centrale; mais puisqu’il faut composer avec les préjugés, disons aux pères : « Nous voulons bien vous lais¬ ser votre fils, qui, avec le lait sucera vos vices, à condition que vous l’enverrez recueillir l’instruc¬ tion nationale. » Dans une République, nul n’est libre d’être ignorant ; un enfant appartient à la République avant d’appartenir à son père. Il y a parmi nous un pervertissement d’esprit de centralité qui est inconcevable. La nation doit être une, et l’erreur la plus funeste, c’est cet isolement qui convient à la monarchie et qui est la perte de la République. Il faut ramener la nation à ce sacrifice de soi-même, pour la grande famille. II faut contraindre le père de famille à mener son fils à l’école publique. On a laissé aux riches la liberté de conserver chez eux leurs fils, d’y sucer leurs préjugés; mais qu’au moins l’éducation crée une génération digne de nous représenter, et que la liberté soit par eux consolidée. Un membre veut s’opposer à la proposition du prëopinant. L’Assemblée décrète, art. 5, que les pères, mères, tuteurs ou curateurs, seront tenus d’en¬ voyer leurs enfants ou pupilles aux écoles du premier degré d’instruction publique. IV. Le représentant Isoré, en mission dans le DÉPARTEMENT DU NORD, ANNONCE QU’lL part, voy. ci-après, annexe n° 2, p. 371, le compte rendu de la même discussion d’après divers jour¬ naux. (1) Voy. ci-dessus, séance du 18 frimaire an II, p. 136, le texte du rapport de Bouquier. (2) Voy. ci-dessus, séance du 18 frimaire an II, p. 137, le texte du projet de décret de Bouquier.