[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [!*' février 1790.] 407 ment de la part des membres de l’Assemblée, à toute place, traitement ou emploi dépendant du gouvernement. M. le garde des sceaux prévient l’Assemblée que les ministres du Roi avaient dû se flatter que les ordres de Sa Majesté et les précautions prises pour la prompte formation de la Chambre des vacations du parlement de Rennes, ne tarderaient pas à recevoir leur exécution ; que eependant les magistrats ne sont pas encore rassemblés en nombre suffisant. Les causes présumées de ce retard sont l’éloignement inégal des résidences de ces magistrats, ainsi que la difficulté des chemins et des communications; mais de tels obstacles ne peuvent suspendre longtemps l’exécution pleine et entière des décrets de l’Assemblée, sanctionnés par Sa Majesté. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division des départements du royaume. M. Gossin reprend la série de ses rapports et dit que les divisions du département de l’ouest de la Provence sont attaquées et que Forcalquier et Manosque veulent être chef-lieu de district. Le comité de constitution propose de maintenir leslimitesdudépartementtellesqu’elles ont été convenues, tracées et signées par les députés de Provence. M, Pochet parle en faveur de Manosque, qui fait un commerce très étendu, et il ajoute que le comité souverain de Saugnes demande à dépendre de Manosque. M. Bouche fils combat cette prétention en disant que Forcalquier est dans une position plus centrale, qu’il possède les anciens établissements et qu’il serait injuste de les lui enlever au profit d’une ville dont la prospérité est indépendante de ces mêmes établissements. M. le Président consulte l’Assemblée, qui adopte l’avis de son comité et rend le décret suivant : « L’Assemblée nationale, d’après l’avis du comité de constitution, décrète : « Les limites du département de l’ouest de la Provence demeurent telles qu’elles ont été convenues, tracées et signées par les députés de la Provence, à l’exception de la communauté de Viens, qui est du département de l’ouest. La ville de Forcalquier est chef-lieu de son district. M. le Président prévient l’Assemblée qu’un courrier extraordinaire, envoyé de la ville de Chinon en Touraine, a apporté des paquets importants, relatifs à l’élection du maire de cette ville. Sur la proposition qui est faite à l’Assemblée de s’occuper sur-le-champ de cet objet, elle décide que le paquet et les pièces y annexées seront envoyées au comité de constitution pour les examiner et pour en faire le rapport à la séance du mercredi 3 février. L’Assemblée prend la même délibération pour quelques difficultés qui se sont élevées pour la nomination des officiers municipaux de la ville de Valenciennes. M. Gossin fait connaître les prétentions réciproques des villes d’Aix et de Marseille à être chef-lieu du département de l’ouest de la Provence. La ville de Marseille demande à être chef-lieu de département ; son influence s’étend sur la France entière; son commerce est dans la dépendance journalière de l’administration. La ville de Lyon, moins importante qu’elle, quoique placée à l’extrémité de son département, a obtenu d’en être le chef-lieu. Pourquoi Marseille ne jouirait-elle pas du même avantage? pourquoi serait-elle l’esclave d’un département agricole? pourquoi forcerait-on cent-cinquante mille habitants à se réunir à la ville d’Aix, tandis qu’une ancienne antipathie leur fait redouter cette réunion ? Dans une délibération prise par les parties intéressées, Marseille a obtenu en sa faveur douze suffrages contre six. La ville d’Aix répond à cette cité : Soyez ce que la nature vous a faite; soyez commerçante et maritime; n’enviez pas les secours que réclame notre pauvreté ; vous redoutez un département agricole ; mais le commerce et l’agriculture ne tiennent-ils pas l’un à l’autre? ne doivent-ils pas s’aider mutuellement? Les décrets de l’Assemblée et l’intérêt des administrés prescrivent de placer, autant qu’il est possible, le chef-lieu dans le centre. La prétention de Marseille contrarie cet intérêt et ces décrets. Aix est parfaitement central ; à cet immense avantage local se joignent des considérations bien puissantes; elle va perdre son parlement, sa chambre des comptes, sa cour des aides; ces établissements attiraient quelques étrangers dans son sein, augmentaient un peu ses consommations, sur lesquelles se perçoit l’impôt qui fait toute sa richesse... Le comité pense qu’on ne saurait trop, en ce moment surtout, ménager la ville de Marseille ..... 11 propose le décret suivant : « La ville de Mar* seille sera le chef-lieu du département de l’ouest de la Provence. Les électeurs s’assembleront à Lambesc, siège des anciens Etats, pour y déterminer, à la pluralité, les chefs-lieux des établissements que la constitution destine à cette partie de la Provence. M. Bouche. C’est un spectacle bien singulier que celui qui, depuis quelque temps, se présente à vos yeux. De petites villes viennent se disputer un peu plus d’illustration, un peu moins d’obscurité; aujourd’hui, une ville riche et coinçante, qui possède 800 millions dans son commerce, et dont le territoire vaut 80 millions, vient disputer à une ville pauvre, le reste de vêtement que lui laisse une révolution salutaire. Marseille est connue de tout l’univers par son luxe, par son opulence et par son ambition. Cette ambition s’est montrée sous tous les règnes; tantôt Marseille a demandé l’administration, tantôt la cour des aides, tantôt la monnaie, etc. Elle a voulu toujours exister seule et par elle-même ; ses députés ne se regardent pas comme Provençaux. La rare honnêteté du comité a été trompée; c’est à tort qu’il dit qu’une délibération a décidé la question. Cette délibération n’existe pas; si elle existe, je demande qu’on en dépose le procès-verbal sur le bureau ; il sera notre juge... Marseille veut réunir tous les avantages, parce qu’elle jouit d’avantages immenses. Huit mille bâtiments, trente mille étrangers entrent et sortent journellement de ses murs et de son port. Elle a tous les établissements que le luxe peut désirer; la vingt-deuxième partie du numéraire, la cinquième partie du papier du royaume circulent chaque jour dans son sein. Ses dehors étalent les richesses du luxe et de la volupté. Douze mille habitations délicieuses l’entourent; elles forment une ville immense, dont les maisons semblent s’être pla- 405 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er février 1790.] cées, au gré du caprice el du plaisir, dans les sites les plus heureux. La ville d’Aix trouve toutes ses ressources dans quelques gens d’affaire, attirés vers elle par les établissements civils, politiques et religieux qu’elle renferme depuis dix-huit cents ans. Elle est perdue, si la constitution la prive de cet unique et faible avantage. La raison, la justice et les convenances demandent qu’il lui soit conservé. Elle est au centre du département, Marseille est à l’extrémité; vos décrets et l’intérêt des administrés plaident ici pour elle... Que Marseille ait ou n’ait pas les établissements nouveaux, elle n’en sera pas moins la plus florissante ville de l’univers. Le bienfait de la révolution n’est pas de faire mourir, pour ainsi dire, d’une apoplexie politique, des hommes engraissés par le luxe, les richesses et le commerce. M. Bouche termine son opinion en rappelant un grand nombre de faits historiques, preuves frappantes du patriotisme des habitants d’Aix. Il représente, comme une raison qui doit prévaloir sur tous les avantages politiques, le fléau de la peste, qui règne continuellement dans le lazaret de Marseille, et qui, au premier soupçon, oblige d’intercepter les communications et de fermer les barrières et les tribunaux. Il conclut en demandant que le chef-lieu et les établissements du déparlement de l’ouest de la Provence soient accordés à la ville d’Aix. M. JLejeâns représente les droits anciens de Marseille, son importance, sa population , ses contributions. Il observe qu’il ne faut que trois heures pour se rendre d’Aix à Marseille, et que la peste exige que cette dernière ville soit le siège d’une administration qui veille sans cesse pour écarter ce fléau. Vous ne décidez pas, dit-il, les intérêts de Marseille, mais les vôtres, mais ceux de toute la France. M. de Boisgclin, archevêque d’Aix, appuie la conclusion de M. Bouche par des raisonnements dont voici les résultats. Le chef-lieu du département doit être rapproché du centre, Aix est le lieu de correspondance nécessaire. 11 faut consulter l’intérêt de plus grand nombre; Marseille et son territoire présentent une population de cent cinquante mille hommes ; mais plus de deux cent mille sontrépandus dans le reste du département. Il faut consulter les convenances : les consommations, extrêmement chères à Marseille, rendraient trop coûteux le séjour des administrateurs et des électeurs. Enfin le besoin de favoriser les pays les moins riches, est un motif que la sagesse de l’Assemblée a toujours pris en grande considération. ( Voy . le mémoire de M. de Bois-gelin, annexé à la séance de ce jour.) On ferme la discussion. « L’Assemblée nationale à une grande majorité, décrète : « Que la ville de Marseille sera du département de l’ouest de la Provence, et que celle d’Aix en sera le chef-lieu. » M. Gossln propose ensuite de diviser le département des deux Flandres, du Hainaut et du Cambrésis en huit districts, en laissant aux électeurs du département la faculté de décider si le chef-lieu du district serait à Bergues ou à Dunkerque. M. Merlin demande que Bergues soit chef-lieu de district préférablement à Dunkerque, attendu que Bergues est plus central et d’un accès plus facile. H propose, en outre, de laisser aux électeurs du district, et non à ceux du département, la faculté de décider celle des deux villes qui obtiendra le tribunal. La motion mise aux voix est adoptée dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète, d’après l’avis du comité de constitution : « t° Que le département des deux Flandres, du Hainaut et du Cambrésis est divisé en huit districts, dont les chefs-lieux sont: Valenciennes, le Quesnov, Avesnes, Cambrai, Douai, Lille, Has-brouck et Bergues ; « 2° Que le tribunal de justice du district d’flasbrouck sera placé à Bailleul ; « 3° Que le tribunal du district de Bergues sera placé à Bergues ou à Dunkerque, au choix des électeurs dudit district • « 4° Que les villes de Valenciennes, Avesnes, le Quesnoy, Cambrai, Lille et Douai réuniront les deux établissements ; sauf â statuer sur les limites de la Flandres et de l’Artois, ainsi que sur le chef-lieu du département dont il s’agit. » M. &ossin fait un dernier rapport concernant le département d'Evreux et rend compte de toutes les réclamations qui se sont produites à cet égard. Il propose dediviser le département en six districts. qui seraient Evreux,Bernav,Pont-Audemer,les Andelys, Verneuil et Louviers. Plusieurs autres villes réclament des districts et il en faudrait au moins douze pour satisfaire Vernon, Pont-de-l’Arche, Breteuil, Ivry, Roger, Harcourt et Beaumont. Le comité pense que les réclamations de ces villes ne sont pas fondées et que la division arrêtée par les députés de Normandie est bien faite. Toutes les subdivisions réclamées n’intéressent que quelques petites villes qui sont trop près les unes des autres et qui ne consultent que leurs intérêts. Les campagnes ne demandent rien et les campagnes ne doivent pas être attribuées comme des propriétés à ces rivalités de clocher. Si les districts ne doivent pas être trop grands, ils ne doivent pas non plus être trop petits, car ce serait écraser les campagnes, au profit des petites villes, en frais de justice et d’administration. M. Buzot dit que la division de la forêt de Lions entre le département d’Evreux et celui de Rouen, occasionnera de grandes difficultés dans l’exploitation. M. Decretot dit que la division occasionnerait un doublement d’officiers et multiplierait les frais d’adjudication. M. I’abbé Lebrun demande que la forêt de Lions, ne soit pas divisée, dans quelque département qu’on la place, et que le concordat fait entre les Andelys et Gisors soit renvoyé à l’assemblée de département : L’Assemblée ferme la discussion et décrète ce qui suit : « L’Assemblée nationale décrète, d’après l’avis du comité de constitution : « 1° Que le département d’Evreux, dont Evreuxest le chef-lieu, est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Evreux, Bernay, Pont-Audemer, Louviers, les Andelys et Verneuil ; « 2° Que les électeurs du département détermineront s’ils trouvent nécessaire ou utile de former un plus grand nombre de districts dans ce département ;