440 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. payeraient plus que ceux qui ont eu assez peu do patriotisme, et j’ai presque dit assez peu d’honneur, pour se refuser à donner le secours qu’exigeait la patrie en danger. _ Il n’y a que deux moyens de décider la question qui nous est soumise : le premier serait de rendre aux bons prêtres, aux vertueux citoyens, le premier tiers de leur contribution, ce qu’ils auraient payé de plus que les prêtres dont le patriotisme est glacé. Mais ces bons citoyens ne voudraient pas souffrir cette restitution; elle souillerait leurs mains; leur généreux patriotisme la rend donc impraticable. Le second moyen, et le seul qui nous reste donc, est de rendre la contribution uniforme ; et c’est à quoi je conclus par la question préalable sur le projet du comité. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély) appuie la question préalable. M. Martineau. Je crois, Messieurs, qu’un législateur sage ne doit faire de lois que lorsqu’elles sont absolument nécessaires; si vous entrepreniez de décider tous les cas possibles, je maintiens que vous n’auriez jamais fini. Or, l’objet qui nous occupe actuellement, ne nous regarde précisément pas; il regarde les tribunaux ou les corps administratifs chargésde juger lesdemandes en décharge d’impositions. D’ailleurs, Messieurs, autant que je puis me le rappeler, il y a, dans te décret sur la contribution patriotique, un article qui remédie à tout. Il y est dit que ceux qui, dans l’intervalle accordé pour la contribution de trois années, éprouveront un changement dans leur fortune, dans leur état, pourront se faire décharger en partie et jusqu’à concurrence de la somme pour laquelle ils auront fait leur soumission. Voilà donc, Messieurs, une règle générale. Un citoyen aura souffert une détérioration, il présente requête au corps administratif ; mais qu’on fasse une loi pour les ecclésiastiques, aussitôt vous verrez les anciens gouverneurs de province, les magistrats, les pensionnaires de toute espèce, venir vous demander chacun des lois. Je maintiens donc qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur le projet de décret qui vous est proposé. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur le projet de décret du comité.) Un membre propose d’ajouter aux articles 5 et 6 du decret rendu hier sur le costume et le traitement des juges au tribunal de cassation les dispositions suivantes : « Le greffier aura un manteau semblable à celui des juges: « La médaille des commissaires du roi portera ces mots : La loi et le roi. » (Ces additions sont décrétées.) En conséquence, les articles 5 et 6 du décret sont rédigés en ces termes : Art. 5. « Le costume des commissaires du roi sera le même que celui des juges, à la différence que les commissaires du roi auront un chapeau relevé avec une gance et un bouton d’or, et que sur la médaille qu’ils porteront seront écrits ces mots : La loi et le roi. » Art. 6. « Les greffiers auront un chapeau rond, relevé sur le devant, sans panache, et un mau-teau pareil à celui des juges. » M. Voidet. Je propose d’ajouter au décret |12 février 1791.) rendu hier sur les requêtes civiles, la disposition additionnelle suivante : « Le temps qui se sera écoulé depuis le Ier février 1790 jusqu’à l’expiration de la quinzaine qui suivra la publication du présent décret, ne sera point compté dans les délais fixés par l’ordonnance, pour se pourvoir en requête civile. » (Cet article additionnel est décrété.) M. Muguet (ci-devant de Wanthon), au nom des comités militaire, diplomatique, de Constitution, des rapports et des recherches, donne lecture du projet de décret relatif aux troubles d’Alsace, dont la rédaction a été renvoyée au comité dans la séance d’hier; il est ainsi conçu: « L’Assemblée nationale, après avoir ouï ses comités diplomatique et militaire, de Constitution, des rapports et des recherches réunis, sur les événements qui ont eu lieu dans les départements du Haut et du Bas-Rhin, sur la conduite des administrateurs de ce dernier département, et la dénonciation faite par ces administrateurs contre les commissaires du roi envoyés en suite du décret du 20 janvier dernier; « Déclare qu’elle est satisfaite du zèle et de la conduite des commissaires du roi; qu’ils ont pu et dû, pour l’accomplissement de la mission qui leur est confiée, correspondre sans intermédiaires avec les corps administratifs, et tous autres officiers publics exerçant leurs fonctions dans les départements du Haut et du Bas-Rhin, et prendre généralement toutes les mesures qu’ont exigées le maintien de l’ordre public et l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale. « En conséquence, l’Assemblée nationale décrète : « 1° Que les administrateurs composant le directoire du département du Bas-Rhin, à l’exception du sieur Kuln, exerçant depuis plusieurs mois les fonctions de commissaire à Schelestadt, seront, ainsi que le procureur général syndic de ce département, suspendus provisoirement de leurs fonctions, pour, en suite des informations qui seront prises et du compte qui en sera rendu, être décrété par l’Assemblée nationale, ce qu’elle jugera convenable; « 2° Que pour pourvoir à l’administration de ce département, les commissaires envoyés par le roi seront autorisés à nommer un nombre suffisant de personnes qui exerceront provisoirement les fonctions des administrateurs du directoire et de procureur général syndic, dont la suspension est ordonnée par l’article précédent; lesquelles personnes seront choisies parmi les membres qui composent les corps administratifs de département et de districts du Haut-Rhin ; « 3° Qu’il sera procédé incessamment à la nomination des évêques des départements du Haut et du Bas-Rhin, et que le procureur général syndic de celui du Haut-Rhin, et celui qui, dans le département du Bas-Rhin, en exercera la fonction, convoqueront, à cet effet, les électeurs de ces deux départements; « 4° Enfin, que, conformément au décret du 12 juin 1790, la compagnie des chasseurs existante en la ville de Colmar est dissoute. c L’Assemblée nationale approuve la conduite du district et de la municipalité de Strasbourg, ainsi que celle ries officiers municipaux de Colmar; déclare que le sieur Stokmeyer-, ceux des gardes nationales et ceux des citoyens de Colmar, qui ont agi pour maintenir l’ordre public et le respect dû aux commissaires du roi, ont honorablement rempli leur devoir, et que le 112 février 1791.j 141 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Président est chargé de leur écrire, à cet égard, une lettre de satisfaction en la personne du sieur Stokraeyer. « L’Assemblée nationale ordonne en outre que le ministre de la justice sera tenu de lui rendre compte, de jour àautre, des progrès de l’instruction des procédures commencées, soit à Colmar, soit dans la ville de Strasbourg, soit devant les autres tribunaux des départements du Haut et du Bas-Rhin, relativement aux troubles qui y ont eu lieu. « L’Assemblée nationale charge son Président de se retirer par devers le roi, pour lui présenter le présent décret, et le prier de presser l’exécution des mesures décrétées le 26 janvier, relativement à la sûreté des frontières, et d’envoyer dans les départements du Haut et du-Bas-Rhin une force publique suffisante. » (Cette rédaction est décrétée.) M. Vernier, au nom du comité des finances. Messieurs, le département du Pas-de-Calais, représeniant l’ancienne province d’Artois, payait une partie des contributions publiques sur les droits qu’il percevait sur les eaux-de-vie; ces ortrois ont déjà donné lieu à deux de vos décrets. Le dernier de ces décrets, du 27 janvier dernier, portait que, par les administrateurs, il serait procédé à une taxe d’augmentation telle qu’ils la jugeraient convenable, il est arrivé que le prix des eaux-de-vie est porté à un taux si excessif, qu’elles sont inaccessibles au peuple à qui elles sont de première nécessité. M. Vernier, rapporteur, donne lecture d’un projet de décret. M. de Folleville. J’ai l’honneur de vous représenter que voilà les intérêts des anciens fermiers entièrement compromis; on détruit l’impôt qui était leur gage et on ne le remplace par aucun. Il est dû par les fermiers des sommes considérables dont les provinces sont garantes. Je demande qu’avant de statuer sur ce décret on assure le revenu des villes et au Trésor public la rentrée de quelques centièmes de plus; car sans cela, Messieurs, étant au moment de prononcer sur les dettes des provinces et vraisemblablement l’Assemblée étant dans i’inteniion de s’en charger, c’est encore une addition a nos charges. Je demande en outre qu’avant d’admettre ce décret on vous présente les moyens de remplacement. M. Robespierre. J’observe à l’Assemblée que les objections faites par M. de Folleville ont été discutées pendant plusieurs séauces au comité des finances avec les députés du Pas-de-Calais et des députés extraordinaires envoyés par cette province; qu’on n’a pas trouvé la moindre solidité à ces objections, le moindre embarras pour faire lace aux engagements que la province d’Artois avait contractés avec le Trésor public, parce qu’il est notoire que tous les ans la province d’Artois avait en réserve dans son Trésor des sommes d’économie qui excédaient tous les ans ce qu’elle devait au Trésor public et qu’elle se trouve déchargée des dépenses pour le militaire. M. de Folleville. Pourquoi doit-elle? M. Robespierre. Les régisseurs conviennent eux-mêmes qu’il leur est impossible de percevoir des droits contre la rigueur desquels tous les citoyens réclament. Ces raisons ont déterminé le comité des finances et les députés de ce pays à se réunir pour demander la suppression de cet impôt. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély). Je suis absolument contraire, en principe, au dernier article : il prétend que chaque commune est autorisée à proposer le mode d’impôt qui lui convient; et moi je nie absolument cela. En effet, suivant un pareil système, vous seriez obligés d’avoir autant de modes d’imposition qu’il y aurait de municipalités, ce qui rendrait l’impôt impossible à percevoir. En un mot, les municipalités ont des représentants, elles ne peuvent et ne doiventdélibérerque sur la quotité de leurs besoins. Je demande que mon amendement soit mis aux voix. M. de Croix. Déjà on nous a lu un rapport sur le droit d’entrée des villes; il me semble que la proposition actuelle est comprise dans cette matière. Ainsi j’en demande l’ajournement jusqu’à ce qu’on ait statué sur le rapport. M. Rriois -Reauinctz. Il ne s’agit point ici d’approfondir la matière très étendue, et peut-ê re trop peu comme, des pouvoirs des municipalités ; il s’agit uniquement de conserver à des villes, qui en jouissent en vertu de titres authentiques, un octroi sur les eaux-de-vie et de ne pas confondre la destruction de cet octroi municipal avec l’octroi qui s’étendait sur toute la province d’Artois, et dont nous sollicitons la suppression. Je demande donc que la question soit réduite au fait et que l’on mette aux voix le projet de décret. (L’Assemblée, consultée, adopte l’amendement de M. Reguaud (de Saint-Jean-d’ Angély). Le projet de décret est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, considérant que, par son décret du 27 janvier 1791, elle s’en était rapportée à la prudence et à la sagesse des administrateurs du directoire du département du Pas-de-Calais, représentant l’ancienne province d’Artois, sur l’augmentation qu’il convenait de faire aux droits d’octrois perçus sur les eaux-de-vie, dans ledit département, pour l’acquit des sommes dues au Trésor public ; que, d’après les représentations desdits administrateurs, il y aurait des inconvénients sans nombre à faire une augmentation quelconque, vu le prix excessif des eaux-de-vie et la prochaine organisation des impôts de l’année 1791, décrète : « Que la vente et le commerce des eaux-de-vie demeureront libres dans ledit département, sauf le payement des droits qui pourraient être établis au profit des villes, par la nouvelle organisation, le tout, néanmoins, sans rien innover aux engagements contractés par la ci-devant province d’Artois, d’acquitter envers le Trésor public les sommes qui ont dû y être versées en 1789, 1790 et années antérieures. « Déclare que le bail de la régie desdits droits et octrois demeurera résilié à compter du 20 du présent mois, que l’indemnité due aux fermiers sera réglée, tant en exécution du présent décret que de ceux des 16 novembre et 27 janvier derniers, pour y être ensuite définitivement statué par l’Assemblée nationale.