386 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4maiIÎ90.j religieuses étrangement multipliées, par des processions, des pèlerinages, des adresses anonymes dont l’une est cependant revêtue de la signature et de l’autorisation du sieur Barbasan, vicaire général de M. l’archevêque de Toulouse et qui a été lue au prône des paroisses de cette ville, qu’on est parvenu à rassembler dans les églises, le 28 avril dernier, un grand nombre de confréries, de corporations, et qu’on a en quelque sorte profané les temples par des motions et des délibérations également perfides et coupables. C’est à l’aide des mêmes moyens que le lendemain, 29 avril, une masse énorme de citoyens s’est tumultueusement rassemblée en la salle des Grands-Augustins, où les mêmes motions ont été reproduites sous les formes les plus dangereuses, et que les délibérants, après des discussions, des querelles et des menaces violentes, en soqt venus aux mains, et se sont portés à des excès dont les suites pouvaient être fatales à la tranquillité publique. C’est encore à l’aide des mêmes moyens que le même rassemblement s’est renouvelé en la salle de l’Académie des sciences, que le désordre s’est accru, que les passions se sont développées, que la fureur s’est emparée des esprits, qu’on a crié de toute partaux armes, qu’un grand nombre de personnes, à la tête desquelles était un procureur au parlement, sont sorties subitement d’une maison, armées de fusils et de baïonnettes, ont fait feü sur plusieurs citoyens, |es ont hostilement poursuivis, ont exercé les voies de fait les plus criminelles et que s’il n’y a eu personne de tué c’est parce que l’amorce seule des fusils à pris feu. (La partie droite de l’Assemblée se met à rire.) M. Guillaume. Je demande qu’on mette à l'ordre les membres qui se permettent de rire. Un tel procédé annonce qu’ils sont fâchés qu’il n’y ait que l’amorce qui ait pris feu. M. Huot de Concourt, poursuit. Les coupables ont tellement répandu l’alarme dans la Ville que l’insurrection a failli devenir générale et que des milliers de victimes allaient être immolées, si par une médiation imposante et patriotique, par des exhortations persuasives et conciliatrices, la municipalité ne fût parvenue à dissoudre une assemblée où des Français ont osé refuser de renouveler le serment civique devant le buste de leur roi. G’est à sa municipalité que Toulouse doit son salut. Votre comité ne peut lui refuser cet hommage de vérité et de justice ; mais U avouera avec la même franchise qu’un abus d’autorité, celui dont s’est rendu coupable le sieur abbé Barbasan, en ordonnant la publication au prône d’une adresse anonyme, pouvait ensevelir une grande cité sous ses ruines. G’est à vous, Messieurs, à juger dans votre sagesse ce contraste affligeant sur lequel je me condamne au silence, et je m’empresse de yous annoncer que le lendemain de cette orgie scandaleuse, la municipalité de Toulouse a fait une proclamation aux citoyens par laquelle toute espèce d’assemblée a été provisoirement défendue, jusqu’à ce que l’Â3semblée nationale en ait au-ment ordonné. Je vais, Messieurs, par la lecture des pièces remises à votre comité , vous justifier l’exactitude des faits dont j’ai eu l’honneur de vous faire l’analyse, en les livrant à votre méditation, Puis-sais-je vous dérober des sensations douloureuses dont votre comité a été affecté. (Le rapporteur donne lecture de diverses pièces.) M. Huot de Goncourt reprend ensuite : La lecture que je viens de vous faire n’affaiblit pas le récit qui la précède; il est inutile de l’aggraver en vous récitant une légende de prières, d’oraisons, d’amendes honorables. Pour la dignité de la religion même, votre comité a pensé qu’il fallait tirer un voile sur les livides productions du fanatisme. Il a pensé que le sanctuaire de la justice ne devait ressembler en rien à un auto-dafé. G’est avec une sorte de scrupule qu’il vous observe que c’est à l’époque du 17 mai, qu’on fait annuellement à Toulouse, une procession en mémoire du massacre des Albigeois, et que les pèlerinages que l’on conseille aux citoyens de cette ville ont pour point de ralliement une chapelle élevée dans la plaine où ce massacre a été commis. Votre comité a repoussé avec horreur les idées alarmantes que peuvent faire naître le rapprochement des circonstances et l’analogie des maximes professées dans les pièces imprimées dont il est dépositaire. Dieu, qui veille sur les destinées de cet empire et qui a couronné vos augustes travaux par tant de succès, ne permettra pas qu’on fasse couler, en son nom, le sang des bons patriotes et des vrais chrétiens; ce sang si pur (vous en avez fait le serment) ne pourra désormais être répandu que pour le soutien de la liberté et de la Constitution française. Votre comité m’a chargé de soumettre un projet de décret à vos délibérations. En voici le texte : « L’Assemblée nationale, douloureusement affectée des événements qui ont compromis la tranquillité de la ville de Toulouse, invite tous ses citoyens à la paix et à l’union, que la religion et l’amour de la patrie prescrivent à tous bons Français. « Elle déclare, après avoir entendu son comité des rapports, qu’elle approuve la conduite sage, prudente et patriotique de la municipalité et des légions patriotiques, relativement aux assemblées provoquées par des écrits anonymes, et qui ont eut lieu en ladite ville de Toulouse, dans les églises, en la salle des Grands-Augustins, et en celle de l’Académie des sciences, lés 18, 19 et 20 du mois d’avril dernier; ordonne que les défenses provisoires, faites au nom de la même municipalité, par la proclamation du 25 dudit mois d’avril, seront suivies et exécutées selon leur forme et teneur jusqu’aux prochaines assemblées des districts et départements ; à l’effet de quoi le présent décret sera affiché et publié partout où besoin sera, même lu aux prônes des paroisses ; et en ce qui concerne les manœuvres, troubles et voies de fait qui ont précédé, accompagné, suivi, et pourraient suivre lesdits événements, l’Assemblée nationale a renvoyé le tout à son comité des recherches, pour lui en être rendu compte. »> Plusieurs membres demandent la parole. M. le comie de Pannetier, député du Couse - rans (1). Messieurs, dépeindre les droits des peu-(I) Le Moniteur ne fait pas mention du discours de M. le comte de Pannetier que nous reproduisons in ex-