[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 octobre 1789.] 5Q3 la moitié de la portion congrue des curés. Si leur i état ne mérite pas tous les égarés Rus à celui des curés, leurs fonctions, leurs services à l’égard des paroissiens sont les mêmes ; c’est aussi l’état vers lequel on doit désormais faire tourner l’éducation de tous les clercs dans les séminaires; parce que la nation ne voulant plus dans le clergé que des ministres utiles et si utiles qu’ils soient nécessaires, comme le sont les vicaires des paroisses, leur état trop avili jusqu’à ce jour, doit être à l’avenir protégé, de manière qu’il n’y en ait pas dans l’Eglise de plus honorable et de plus honoré pour les ecclésiastiques qui commencent à la servir. Il a été envoyé au comité ecclésiastique dont j’ai l’honneur d’être membre, des mémoires où l’on propose : 1° de rendre les vicaires des paroisses inamovibles, pour qu’ils ne soient plus comme tiraillés entre les évêques et les curés, qui se font depuis longtemps la guerre sur le droit d’en disposer chacun à leur gré; 2° de déterminer le nombre et l’établissement des vicaires dans les paroisses par des lois et des règles fixes, qui écartent l’arbitraire dont on s’est plaint à cet égard jusqu’à présent; 3° qu’on n’en envoie aucun dans les paroisses, au moins pour y faire toutes les fonctions pastorales, celle surtout de la confession, avant l’âge de trente ans, comme on ne nommerait aux cures que des prêtres ou vicaires âgés de trente-cinq ans, et reconnus dignes et capables par bonnes preuves,- 4° qu’il y ait annuellement des synodes diocésains et où les vicaires mêmes assistent. Mais ce sont des objets un peu étrangers à notre motion sur les biens ecclésiastiques; je l’adopte en son entier sous les amendements dont je viens de parler relativement au taux de la portion congrue des curés et des vicaires : me réservant de discuter les articles concernant les vicaires dans le comité ecclésiastique, d’où l’on n’a pu jusqu’ici faire sortir aucun projet de règlement pour en faire le rapport à l’Assemblée, parce que ce suprême sénat qui a dans les mains tous les pouvoirs constituants et législatifs, a fait succcéder aux décrets du mois d’août, des décrets nouveaux qui, sans fixer ultérieurement l’état des choses, l’ont tellement changé, qu’il n’est guère possible de lui présenter un plan fixe sur aucune réforme en ces matières. M. Mayet, curé de Rochef aillée (1). Messieurs l'Assemblée nationale, depuis qu’elle est en activité, s’est imposée la tâche glorieuse, mais pénible, d’atteindre, pour les réformer, les abus de tout genre, qui, par le laps des années, l’impéritie ou l’infidélité des agents de l’administration, avaient jeté de profondes racines dans toutes les parties politiques de ce vaste empire, et semblaient encore, il n’y a guère, vouloir s’y éterniser pour en consommer la ruine. Au milieu des travaux diffieiles auxquels vous vous êtes livrés jusqu’à ce jour avec un zèle si persévérant, vous n’avez pu, Messieurs, porter sur le clergé de ce royaume, et sur les besoins iie ses membres, qu’un coup d’œil général qui, embrassant dans leur ensemble toutes les parties de l’administration temporelle de l’Eglise, ne nous avait pas permis, faute de temps, ou d’instruction suffisante, d’entamer sur ce point aucune opération de détail; bientôt cet objet important sera soumis à votre sagesse, et c’est un devoir pour (!) L’opinion de M. Mayet n’a pas été insérée au Moniteur. moi d’y rappeler pour un instant votre atteq-tion. La majesté du culte catholique d’autant plus cher à la nation française, que son établissement dans les Gaules remonte à des temps bien antérieurs à rétablissement de cette monarchie, l’entretien des temples, la décoration des autels, le soulagement des pauvres, la subsistance enfin des ministres de l’Eglise, tels sont, Messieurs, les grands objets sur lesquels vous aurez successivement à prononcer. Sans doute l’examen le plus approfondi, les vues les plus judicieuses, par conséquent les mieux appropriées au bien général, présideront au décret qui va régler de si grands intérêts, et j’aurais à me reprocher si je pensais qu’il fût nécessaire aujourd’hui de faire entendre en leur faveur la voix de la religion, d’invoquer dans cette cause les sentiments dé votre justice et de votre humanité. L’ancienne administration dû clergé vous a paru si vicieuse dans le partage des biens ecclésiastiques, et jusqu’à un certain point dans leur emploi, que vous avez mieux aimé anéantir totalement ce régime défectueux, que de chercher à le réparer, en y appliquant les règles d’une réforme, dont il vous a paru n’être plus susceptible. Je n’examinerai pas, Messieurs, jusqu’à quel point les circonstances, et peut-être des passions particulières, ont amené cette étonnante révolution dans le régime administratif du clergé ; je ferai seulement preuve de ma soumission sincère aux décrets de l’Assemblée nationale, en ne lui proposant sur l’emploi des biens ecclésiastiques que des vues à peu près conformes aux principes qu’elle a consacrés. Mais il me semble que pour procéder avec méthode dans une matière qui présente de si grands détails, il est indispensable d’embrasser dans un plan général toutes les parties du régime économique du clergé, de bien connaître d’abord, de fixer avant tout, la masse totale de ses revenus et l’étendue de ses charges ; de descendre ensuite par degré, et d’appliquer à chacun des titulaires de bénéfices ou des établissements ecclésiastiques des moyens de subsistance, honorables, suffisants et assurés. Je commence par examiner les ressources que nous offrent les biens du clergé; je passerai bientôt aux dépenses que ses besoins exigent. Avant le décret fameux du 4 du mois d’août dernier, le clergé jouissait du produit des dîmes du revenu de ses propriétés territoriales et de la contribution du casuel, ce dernier article spécialement affecté aux pasteurs des paroisses; par un motif dont le principe ne saurait être assez loué, puisqu’il vous était inspiré par le désir de soulager les peuples, vous avez déclaré abolies les dîmes, et cette portion du casuel dont avaient joui jusqu’alors les curés de la campagne; de manière qu’aujourd’hui ce n’est guère que dans le produit des propriétés territoriales du clergé, placées d’ailleurs dans la disposition de la nation par le décret du 2 novembre, qu’il faut essayer de trouver des ressources, pour fournir avec dignité aux dépenses du culte national, et à la subsistance de ses ministres. Mais je n’ai pas de peine à me persuader, Messieurs, et je pense que vous serez bientôt convaincus vous-mêmes, que cette dernière por-tiou des revenus ecclésiastiques, quelle que soit l’évaluation que vous en fassiez, pourvu qu’elle ne passe pas les bornes de toute vraisemblance, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 octobre 1789.] 504 sera de beaucoup, et peut-être plus que de moitié insuffisante pour remplir l’objet auquel vous l’avez destinée; qu’il est indispensable ou de rétablir les dîmes telles qu’elles ont été perçues jusqu’ici, ou d’en remplacer le produit par une taxe pécuniaire et équivalente sur les peuples; je suis tellement convaincu de la nécessité de revenir à ce moyen, qu’il formera le premier article de nos ressources, dans le calcul des revenus ecclésiastiques que je vais avoir l’honneur de soumettre à votre examen. Le Roi, dans saréponse à l’Assemblée nationale, le 18 septembre dernier, évalue le produit total des dîmes ecclésiastiques de 60 à 80 millions ; quelques membres de cette Assemblée, d’après des renseignements particuliers, et qui paraissent être d’un grand poids dans leur esprit, imaginent devoir le porter à 100 millions; je prends entre ces deux évaluations une moyenne proportionnelle, et je disque le produit des dîmes ecclésiastiques peut être de 80 millions. Mais si l’on ajoute à cette somme l’augmentation à laquelle se soumettront infailliblement les fermiers des dîmes, si, ainsi qu’un membre de cette Assemblée vous l’a proposé, vous ne faites plus dépendre à l’avenir, du décès des titulaires, la résiliation des baux à ferme, si vous en prolongez la durée jusqu’à dix-huit années, au lieu de six ou de neuf, si enfin vous supprimez ces jouissances anticipées, ces dons d’usage non compris dans le prix des baux, et connus sous le non d'étrennes , depots de vin, il n’est pas douteux que, dans ce cas, les fermiers n’étant plus astreints d’une part, à des avances, souvent à pure perte par la mort imprévue des titulaires, de l’autre espérant de trouver, dans la durée fixe et plus prolongée de leurs baux, des compensations avantageuses, des chances de bénéfices plus fréquentes, se prêteront aisément à une augmentation sur le prix actuel des baux à ferme des dîmes ecclésiastiques ; on peut l’évaluer en masse à 10 millions, ce qui porterait à 90 millions, le produit net de toutes les dîmes ecclésiastiques. Les biens territoriaux du clergé forment le second article de ses revenus ; plusieurs ouvrages sur les finances en ont arbitré le produit à environ 60 millions; mais il s’élèvera certainement aussi à un taux plus considérable, quand les baux à ferme des propriétés ecclésiastiques se trouveront débarrassés de ces clauses onéreuses et décourageantes dont j’ai parlé plus haut, qui nuisent également aux progrès de l’agriculture, et aux véritables intérêts des propriétaires ; quand les fermiers, assurés surtout d’une jouissance plus longue, et non interrompue, pourront sans crainte de se voir frustrés de leurs peines et de leurs dépenses, se livrer à des défrichements, à des essais d’amélioration, dont ils ne seront pas les seuls à retirer de grands avantages ; alors le prix des baux ecclésiastiques augmentera d’une manière sensible, et peut-être il n’y a pas de l’exagération à fixer à un sixième ce produit d’accroissement, ce qui porterait la totalité du revenu des biens territoriaux du clergé à la somme de 70 millions. Enfin si l’on ajoute à ces deux articles le produit des revenus fixes de toutes les fabriques du royaume, des agrégations, confréries, celui du ca-suel dans les villes et que vous estimerez peut-être devoir conserver, ou remplacer d’une manière quelconque comme étant le seul moyen de contribuer dans les villes aux dépenses du culte public, celui enfin provenant de la réfusion que porteront à la masse les seigneurs propriétaires de dîmes inféodées, et tenus a ce titre au payement des portions congrues ; ces différents objets réunis pourraient s’élever à la somme de 20 millions, lesquels, ajoutés au produit des dîmes et des domaines ecclésiastiques, présenteraient pour masse totale de revenu la somme d’environ 180 millions. Il faut maintenant, Messieurs, vous mettre sous les yeux l’état des charges dont les biens du clergé demeurent essentiellement grevés d’après le texte même de vos décrets ; je les diviserai pour plus grande clarté en deux sections ; la première comprendra les dépenses fixes et perpétuelles qui ont pour objet le culte, et la seconde „ celles qui par un décroissement graduel finiront par s’éteindre totalement un jour. PREMIÈRE SECTION DÉPENSES FIXES ET PERPÉTUELLES Il faut placer dans cette classe les ministres essentiels delà religion, les cathédrales, les fabriques, les séminaires, les retraites pour lesanciens curés et vicaires, les reconstructions des églises et presbytères, etc., etc. Des ministres essentiels de la religion. Le régime juridictionnel de l’Église est composé, comme tout le monde sait, d"e ministres de différents grades ; les uns supérieurs, les autres subordonnés ; cette instruction qui date de laplus haute antiquité forme la hiérarchie ecclésiastique, qu’il ne peut pas être dans la, volonté de l’Assemblée nationale de changer ou de détruire; les archevêques et évêques y tiennent après le pape le premier rang, ensuite viennent les curés qui ont sous eux des vicaires. Des archevêques et évêques. On compte dans le royaume cent trente archevêchés ou évêchés ; ce nombre a paru trop considérable à quelques membres de cette Assemblée ; en effet, si l'on considère que quelques diocèses ne renferment dans leur territoire que de trente à cinquante paroisses, que près de cent n’en contiennent pas au delà de trois cents, on concevra sans peine qu’une réduction modérée dans le nombre des archevêchés et évêchés pourrait s’effectuer sans apporter nul dommage à l’Eglise. L’idée de n’attacher qu’un siège épiscopal à chaque département serait heureuse, si dans la nouvelle division du royaume décrétée par l’Assemblée nationale,* d’après le travail de son comité de Constitution, plusieurs départements ne présentaient pas une trop grande étendue pour ne former chacun qu’un seul diocèse ; j'estime que pour atteindre à une bonne administration ecclésiastique, la surveillance d’un évêque ne doit pas s’étendre au delà de quatre cents paroisses; il y aurait alors dans le royaume cent archevêchés ou évêchés ; la France' pourrait être divisée en dix provinces ecclésiastiques, au lieu de dix-huit, le siège métropolitain au centre, et autour de lui neuf évêchés suffragants qui relèveraient de sa juridiction. Sans doute vous penserez qu’il est indispensable d’attacher à ces sièges des revenus pro- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 octobre 1789.] 505 portionnés à la modeste, mais pourtant néces-saire, représentation de ces premiers pasteurs des diocèses, et qui les mettent à même de soulager ' les pauvres dont ils doivent être essentiellement les bienfaiteurs; je ne crois pas devoir porter à y moins de 40,000 livres la dotation des archevêques, et de 30,000 celle des évêques, l’excédant des uns tournant à l’avantage des autres suivant la différence des localités et des charges plus � ou moins étendues de chacun; ainsi la dépense * pour ces deux articles s’élèverait donc savoir, pour : 10 archevêques, à la somme de.. 400,000 fr. y 90 évêques ..................... 2,700,000 » Total... 3,100,000 fr. ? Des curés. La dotation des curés forme le second article y de la dépense relative au culte; d’après les calculs les moins exagérés, leur nombre s’élève à plus de quarante-deux mille y compris les annexes ; aussi cet objet de dépense est-il le plus y considérable ; je ne crois pas qu’il soit possible de réduire le nombre des curés dans la même i proportion que celle que j’ai proposée pour les archevêques et évêques ; les rapports mutuels j. des pasteurs avec leurs paroissiens sont bien plus fréquents que ceux des évêques à l’égard de leurs diocésains; les premiers sont de tous les jours, de tous les instants ; l’obscurité de la . nuil, la rigueur des saisons, le mauvais état des chemins, rien ne doit arrêter le zèle du pasteur vigilant, quand la piété de ses paroissiens, moribonds ou infirmes, réclame son secours ; ce serait encore, suivant moi, une bien grande faute, aux yeux de l’humanité comme de la religion, si, en assignant à chaque paroisse un territoire beaucoup plus étendu qu’il ne l’est aujourd’hui, on rendait par là plus difficiles et par conséquent moins fréquentes les pratiques d’une religion, qui, seule, soutient le courage du pauvre par l’es-poir d’un avenir plus heureux, et qui fait aujour-■ d’hui presque l’unique consolation du malheureux habitant des campagnes. D’après ces réflexions, Messieurs, qui me paraissent solides, parce qu’elles sont le fruit de plusieurs années1 d’expérience, je demanderai quel autre motif, que celui d’une économie parcimonieuse, a pu porter un membre de cette Assemblée à vous proposer sérieusement dans un **■ projet imprimé et distribué à chacun de nous, de réduire à huit mille le nombre des cures qui s’élève aujourd’hui à plus de quarante-deux mille? Quand l’Assemblée nationale s’est déterminée à 1 entreprendre la réforme des abus qui ont pu se glisser dans l’administration temporelle du clergé, elle n’a consulté que son zèle pour la religion, pour le plus grand avantage des peuples, et sans „ doute elle n’a pas eu pour arrière-pensée l’idée ■ de soumettre à une opération financière, et à tous les calculs rigoureux de la fiscalité, des biens spécialement consacrés à la majesté du culte et à v la gloire de la religion. D’ailleurs, Messieurs, les habitants des campagnes, car c’est d’eux spécialement dont il est question, verraient-ils avec indifférence, ou plutôt ne repousseraient-ils pas tous les moyens qui v pourront se concilier avec le respect dû à vos décrets, une disposition qui leur deviendrait si onéreuse, qui les placerait pour la plupart à une distance de trois à quatre lieues de l’église de leur paroisse, les mettrait par conséquent dans une impossibilité réelle de remplir leurs devoirs de religion, et romprait ainsi d’un seul coup tous ces liens de culte, de consolation, de bienfaisance, qui les attachent aujourd’hui à leurs pasteurs. Je ne pense pas cependant qu’il faille laisser subsister en entier cette inégalité frappante, que nous remarquons assez généralement dans Détendue et dans la population des paroisses ; on peut sans doute la faire disparaître en partie par des réunions sagement combinées ; mais encore, dans ce cas, faut-il compter pour beaucoup les divers obstacles que présentent les localités : tels que le passage d’une rivière, des ravins profonds, des rochers à pic, des habitations trop éparses, qui rendent les communications beaucoup plus difficiles et semblent s’opposer à toute réunion. Je ne m'appesantis pas sur ces détails ; il est vraisemblable que vous en renverrez l’examen aux assemblées de départements et de districts, comme bien plus à portée de les connaître et de les apprécier. Quoiqu’il en soit, de cette opération qui aurait pour objet (sauf les exceptions commandées par les circonstances) d’établir une sorte d’égalité entre toutes les paroisses, en combinant l’étendue du territoire avec la population ; il résulterait une diminution quelconque dans le nombre des cures par la réunion des unes avec les autres; on peut supposer que le nombre total s’élèverait alors à environ trente-deux mille au lieu de quarante-deux mille, et c’est d’après cette base qu’il faut calculer cette partie de la dépense du culte public ; on sent déjà qu’elle ne peut être qu’énorme. Cependant, si l’on considère qu’il s’agit aujourd’hui d’assurer enfin à tous les curés du royaume un sort fixe, convenable, qui les mette pour toujours à l’abri du besoin ; que dans le plan que j’ai conçu, je les suppose assujettis, ainsi que tous les autres bénéficiers, à la contribution commune de l’impôt, c’est-à-dire à un dixième ou environ de leur revenu; que d’ailleurs un pasteur ne peut attirer sur sa personne la considération de ses paroissiens, si utile cependant pour exercer avec fruit son ministère, qu’en faisant par lui-même des aumônes abondantes, qu’en allant surtout au devant de l’indigence qui se cache, de ces pauvres honteux, dont le nombre s’accroît chaque jour, qui, accoutumés à rendre leurpasteur dépositaire de leurs chagrins domestiques, ne se feront pas une peine de lui confier leur misère; mais que rien au monde ne pourrait contraindre à la divulguer aux yeux d’un bureau de charité, dont les actes de Bienfaisance acquièrent toujours à ses yeux une trop grande publicité ; peut-être ces considérations, Messieurs, me feront-elles pardonner, de porter la dotation des moindres cures, un peu au delà de la fixation que l’Assemblée nationale semble avoir indiquée dans son décret du 2 novembre dernier ; et comme je suppose enfin que, par une disposition digne de votre justice, et nécessaire d’ailleurs, pour entretenir l’émulation, vous établirez une différence dans la dotation des cures, en proportionnant le revenu de chacune à sa situation, à la nature et à l’étendue de ses charges ; j’ai pensé qu’il fallait former différentes classes de revenus, pour vous présenter, sur ce point, un résultat de dépense, à peu près vraisemblable ; je suppose donc qu’il n’y aura à l’avenir, que trente-deux milles cures, savoir : 506 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 octobre 1789.] 15,000 à quinze cents livres de revenu, montent à ..... 8,000 à seize cents livres ..... 4,000 à dix-huit cents livres. 2,000 à deux mille livres, .... 1,000 à deuxmillequatrecents livres ................. 1,000 à trois mille livres ..... 500 à quatre mille livres. . . 300 à cinq mille livres. . . . 200 à six mille livres ...... 22,500,000 liv, 12,800,000 » 7,200,000 » 4,000,000 » 2,400,000 » 3,000,000 » 2,000,000 » 1,500,000 »» 1 ,200,000 » 32,000 cures. Total ..... 56,600 ,000 liv. Des vicaires. Le nombre des vicaires est aujourd’hui inférieur, à peu près de moitié, à celui des curés. Si le service, plus pénible dans les villes, a exigé qu’il y fût établi un ou plusieurs vicaires, par une raison contraire, un grand nombre de curés à la campagne a pu se passer de ce surcroît de secours. Mais j'ai toujours regardé comme un inconvénient très-grave, que les paruisses, même les moins nombreuses, n’aient été jusqu’ici desservies que par un seul prêtre ; une indisposition subite, survenue au pasteur, à la veille, le jour même des plus grandes solennités, une longue maladie, quelquefois une courte absence, ont souvent été la cause, ou qu’une communauté entière de paroissiens n’a pu satisfaire aux préceptes de l’Eglise, les jours de dimanche et de fête, ou que des individus ont été privés, en mourant, des derniers bienfaits de la religion. Combien cette considération, Messieurs, ne devient-elle pas plus pressante, aujourd’hui qu’il s’agit, d’une part, demultipier les charges pastorales, en donnant une plus grande étendue à toutes les paroisses qui en sont susceptibles, et que, de l’autre, la suppression que vous venez de prononcer de tous les corps religieux, va former, sous plus d’un rapport, quoi qu’en disent leurs détracteurs, un vide effrayant dans l’Eglise. Ce vide, dont je désire bien sincèrement que la religion n’ait pas longtemps à gémir, ne peut être réparé qu’en multipliant, sans autre mesure que celle du besoin, le nombre de ces ministres utiles, appelés, par état, à partager les travaux et les sollicitudes des pasteurs. L’Assemblée nationale ne peut donc pas se dispenser d’établir un vicaire dans chaque paroisse, et d’en augmenter le nombre dans celles qui en sont déjà pourvues. Je ne crains pas de dire que le service habituel du culte exige que le nombre des vicaires soit porté au moins à trente-trois mille. Leur dotation ne peut pas être au-dessous de 7Q0 livres, pour le moindre vicariat dans la campagne : elle s’élèverait graduellement jusqu’à 1,200 livres dans les grandes villes, excepté cependant la capitale, où le haut prix de tous les objets de consommation exige qu’elle soit portée à 1,500 livres. Cette dépense, que j’ai calculée d’après les mêmes règles qui m’oùt guidé dans l’article concernant les curés s’élèverait à peu près à la somme de 26,000,000 liv. Des cathédrales. Les chapitres des cathédrales tiennent esssen-tiellement à l’ancien régime de l’Eglise ; ils forment le clergé de l’évêque, autrefois ils étaient son conseil, et il est à désirer qu’ils le deviennent encore, surtout quand ils seront composés de la manière que je “dirai bientôt ; d’ailleurs, si dans toutes les paroisses d’un diocèse, l’office catholique ne peut pas être célébré avec la solennité qui convient à notre sainte religion, il me paraît essentiel qu’il y ait dans chaque diocèse au moins une église principale, où, par la majesté du culte, par la pompe des cérémonies, par le nombre plus considérable des ministres, les fidèles soient rappelés plus efficacement à la piété, et se pénètrent de plus en plus du respect qu’ils doivent à nos saints mystères. Les canonicats de cathédrales présentant en outre une retraite honorable aux pasteurs qui auraient blanchi sous le fardeau de leurs fonctions, on doit conserver religieusement ces établissements que tant de motifs réunis rendent intéressants et indispensables. Il y aurait donc cent cathédrales, composées chacune de trente chanoines, ayant pour revenu la somme de 3,0U0 livres, ce qui ferait 90,000 livres par chapitre dé cathédrale ; on ajouterait à cette somme celle de 10,000 livres, poùr réparations d’église, entretien des ornements, vases sacrés, fournitures journalières et pour stipendier quelques jeunes ecclésiastiques qui chanteraient au chœur, et soulageraient les chanoines, que nous avons dit devoir être les anciens curés et vicaires du diocèse, parvenus par conséquent à l’âge de la décrépitude et des infirmités. Ainsi, les cent cathédrales à 100,000 livres de revenu chacune, seraient un objet de dépense de 10 millions. Des pensions de retraite pour les anciens curés et vicaires. Les intentions de justice et d’humanité que l’Assemblée nationale a manifestées hautement, en faveur de cette portion aussi nombreuse qu’utile des ministres de la religion, ne se trouveraient qu’imparfaitement remplies, si elles ne présentaient, pour toute perspective de retraite, aux anciens curés et vicaires, que l’espérance d’obtenir à la fin de leur carrière, un canon ica t dans l’église cathédrale de leur diocèse. Le cours ordinaire de la nature ne permet pas de présumer qu’il puisse vaquer plus d’un canonicat par année commune, dans un chapitre composé de trente chanoines, même en les supposant tous sexagénaires, et au-dessus de cet âge; il est cependant certain que chaque année, il se trouvera dans tous les diocèses, composés, d’après ce projet, d’environ quatre cents paroisses, un plus grand nombre de curés et vicaires aspirants à des places de retraite, que leur âge ou leurs infirmités forceront à solliciter. On pourrait, il me semble, suppléer à l’insuffisance des moyens indiqués ci-dessus, soit en assignant à chaque diocèse, une somme convenable, pour former des pensions de retraite aux pasteurs qui se trouveraient dans le cas de les obtenir, soit en conservant une ou deux collégiales par diocèse, dont les canonicats leur seraient spécialement affectés ; sauf à adoucir, en considération de leur grand âge, la partie de l’office canonial qu’il leur serait trop pénible de remplir ; ce dernier moyen me paraît réunir plusieurs avantages dignes d’être pris en considération ; celui de ne pas isoler entièrement de toutes fonctions ecclésiastiques ces vénérables [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 octobre 1789.] 507 pasteurs, pour qui n’être plus utile à l’Eglise, � serait une privation bien sensible; celui de leur faire trouver dans la société de leurs collègues les liens d’une douce confraternité; celui enfin, de conserver, pour l’édification publique, quel-ques-uns de ces monuments élevés à la religion par la piété de nos pères. Quelle que soit la détermination de l’Assemblée nationale, sur l’un ou l’autre de ces moyens, cet objet de dépense . pour chaque diocèse, ne peut pas être moindre r de 25,000 livres, ce qui donne un total de 2 millions 500,000 livres. V Des séminaires. L’Assemblée nationale, en décrétant la suppression des dîmes, s’est engagée expressément y à doter, d’une manière convenable, ces maisons d’éducation ecclésiastique, dont l’utilité, je l’imagine, ne sera contestée par personne ; il me parait d’autant plus nécessaire d’effectuer au-* jourd’hui cette promesse, que le ministère des autels, ne devant plus présenter à l’avenir ni les mêmes moyens d’avancement qu’autrefois, ni, s’il m’est permis de le dire, les mêmes motifs -v d’encouragement, fondés sur la considération publique, de nombre de ceux qui s’y destinent, déjà diminué d’une manière si alarmante, serait encore infiniment moindre, si la certitude d’ob-A tenir dans les séminaires une éducation absolument gratuite, ne devenait pas pour plusieurs un avantage déterminant. Cette dépense, y compris la nourriture, entretien des supérieurs, directeurs, réparations, etc., ne peut pas être au-* dessous de 20,000 livres par séminaire, ce qui donne un total de 2 millions. Des fabriques. Ce n’est pas le moment d’examiner si les administrateurs des fabriques les plus richement dotées, telles que celles des grandes villes, de Paris, par exemple, et de quelques autres paroisses, meme de la campagne, verront avec indifférence détourner de sa destination naturelle, pour être appliquée aux fabriques les plus pauvres, une portion de ces biens que leur généro-* sité et celle de leurs ancêtres ont consacrée d’une manière spéciale à l’entretien, et si l’on veut à l’embellissement de l’église de la paroisse dont ils sont membres ; sans doute, Messieurs, la promulgation dé vos décrets trouvera partout les * esprits disposés à l’obéissance, et à étouffer des murmures qui, dans d’autres circonstances, il faut l’avouer, eussent paru très-légitimes ; j’observerai seulement que l’Assemblée nationale, en se > chargeant de pourvoir à cette dépense essentielle du culte, doit à sa justice et à toutes les convenances, de proportionner les secours aux besoins et, sous ce rapport, les différences relatives de paroisse à paroisse, sont énormes: telle église peut être entretenue décemment au moyen d’une somme de 3 pu 400 livres, telle autre ne le serait pas avec 2,000 écus ; il est donc impossible de v suivre dans le détail toutes ces gradations, et de déterminer au juste ce qu’il convient d’accorder à chaque paroisse pour remplir cet objet ; en fixant cette dépense à raison de 500 livres par fabrique, nous aurions une base commune qui don-* nerait pour les trente-deux mille paroisses du royaume, une dépense de 16 millions. Des reconstructions d'églises et de presbytères. Il reste maintenant, Messieurs, l’article des reconstructions et grosses réparations des églises et des presbytères. Suivant la jurisprudence actuelle , les communautés des paroisses sont chargées d’y pourvoir en ce qui les concerne ; mais cette dépense extraordinaire relative au culte public est devenue pour les peuples, dans les campagnes surtout, un impôt si onéreux, que l’Assemblée nationale, en les affranchissant pour toujours de toute contribution à cet égard, s’acquerra des droits immortels à la reconnaissance publique; dans ce cas elle assignerait à tous les diocèses une somme fixe et annuelle pour les réparations , reconstructions d’édifices sacrés, d’églises et de presbytères ; j’estime que cette dépense pourrait s’élever, dans chacun, à la somme de 30,000 livres; ce qui ferait une dépense totale de 3 millions. Il faut maintenant rapprocher tous les articles de la dépense fixe et perpétuelle relative au culte, et nous aurons, savoir : pour dix archevêques, une somme de ..... 400,000 livres. 90 évêques ............... 2,700,000 32,000 curés .............. 56,000,000 33,000 vicaires ........... 26,000,000 100 cathédrales ........... 10,000,000 Retraite pour les anciens curés, etc..... ............ 2,500,000 Séminaires ............... 2,000,000 Fabriques ................ 16,000,000 Reconstruction d’églises, etc ..... . .............. 3,000,000 Total ......... 118,600,000 livres. J’observe que je n’ai pas compris dans les articles mentionnés ci-dessus quelques autres objets essentiels, mais qui m’ont paru trop minutieux pour en faire une motion séparée, tels que des places d’aumôniers sur (es vaisseaux , dans les régiments ; de prêtres habitués dans les grandes paroisses des villes, de chantres, clercs de sacristie et autres serviteurs d’église ; supposons que tous ces objets réunis ne nécessitent qu’une dépense d’un million quatre cent mille livres, nous aurons en dernier résultat une dépense totale de cent vingt millions, ci. ....................... 120,000,000 livres. J’ai dit plus haut qu’il entrait dans mon plan d’assujettir à la contribution commune de l’impôt tous les titulaires de bénéfices , même tous les établissements ecclésiastiques qui tiennent au régime essentiel de l’Eglise; c’est peut-être le moment de faire connaître mes motifs et d’évaluer le montant de cette contribution. Vous avez attaché, Messieurs , à de certaines conditions l’éligibilité aux assemblées politiques; sans doute l’Assemblée nationale n’a pas l’intention d’exclure des fonctions honorables de l’administration civile, une classe entière de citoyens qui, par ses rapports religieux et par l’influence que donnent à ses membres, sur l’esprit des peuples, les fonctions d’un ministère respectable, demande au moins à ne pas être avilie par une ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 octobre 1789.] 50g [Assemblée nationale.] exception qui Ja retrancherait, pour ainsi dire, du corps de la société politique. Sous un gouvernement arbitraire, l’impôt était une charge pesante, parce qu’aucune compensation n’en allégeait le fardeau; mais aujourd’hui que, par une disposition bien digne de votre sagesse, il va ouvrir à tous les Français la route des honneurs civiques; aujourd’hui que les plus hautes distinctions, vont devenir comme le patrimoine de tout citoyen qui, à raison de son revenu, portera chaque année dans le Trésor public le tribut déterminé par la loi , toute exemption, disons mieux, toute exception en matière d’impôt serait tout à la fois injuste et avilissante. On peut présumer que les besoins de l’Etat exigeront qu’il soit imposé à peu prèsun dixième sur tous les revenus territoriaux du royaume ; la quote-part des ministres de la religion, et pour lesquels je réclamerai quand il sera temps une dotation en fonds de terre , conformément au vœu de mes commettants, exprimé dans mon cahier, serait donc de 12 millions, ce qui réduirait définitivement, et toutes charges prélevées, à 108 millions, la dépense relative au culte public, ci. . . . . ....... 108,000,000 livres. DEUXIÈME SECTION DÉPENSES EXTRAORDINAIRES ET A TERME. Il faut placer dans cette classe ; 1® les pensions à accorder aux titulaires actuels des archevêchés, évêchés et cures dont les titres viendraient à être supprimés par les réunions dont j’ai parlé plus haut ; 2° Les pensions à accorder aux abbés, prieurs, chanoines des collégiales, chanoinesses, abbesses, bénéficiers, religieux de l’un et de l’autre sexe, et généralement à tous les individus du clergé séculier et régulier, dont les bénéfices et communautés seraient éteints et supprimés; 3° Les intérêts de la dette et remboursements des capitaux dus par le clergé de France , clergé dit étranger , diocèses, abbayes, prieurés, chapitres, monastères, etc., qui ont été autorisés à emprunter en vertu des lettres patentes dûment enregistrées. Des pensions aux archevêques , évêques et curés , etc. La nécessité d’accorder des pensions à tous les titulaires de bénéfices, dont tous les titres viendraient à être supprimés, est trop évidente pour que je m’applique à la démontrer ; la plus légère observation sur ce point blesserait évidemment les sentiments de justice et la délicatesse dont tous les membres de l’Assemblée nationale sont animés. La seule question qui se présente ici , c’est de déterminer la quotité de la pension à laquelle chacun a droit de prétendre ; en principe de justice rigoureuse , ou elle devrait être équivalente au revenu actuel, ou il serait convenable de ne consommer les réunions dont ii s’agit qu’après le décès des titulaires , c’est bien déjà une privation assez sensible que celle de se voir dépouillé d’un état dont on avait la possession, dans lequel la force de l'habitude, le charme de la jouissance faisaient trouver le bonheur, et je ne sais pas si dans certaines positions un dédommagement, quelque fort qu’il fût, pourrait être jamais pour la partie intéressée , une compensation suffisante ; mais comme il est dans le cœur de tout bon citoyen de se prêter aux plus grands sacrifices, et de souffrir sans se plaindre que la rigueur des principes en ce genre le cède à l’empire des circonstances quand le bien général l’exige , j’estime qu’une pension qui s’élèverait aux deux tiers du revenu actuel, toutes charges déduites, serait pour les titulaires dont je parle , un traitement à peu près convenable. Ainsi l’Assemblée nalionale aurait à pourvoir ; 1° Au traitement de 30 archevêques ou évêques, dont je suppose les sièges supprimés et les pensions fixées à 25,000 livres les unes dans les autres; ce qui fait un total de .......... 750,000 livres. 2° De 10,000 curés à 900 liv. 9,000,000 Total ....... 9,750,000 livres. Des pensions à accorder aux abbés , prieurs , chanoines, religieux et religieuses, etc., etc. Les observations que j’ai plutôt indiquées que développées dans l’article précédent s’appliquent également ici dans toute leur force ; pour ne pas me répéter, je dirai seulement, qu'il y a une telle disproportion de revenu, entre les différents bénéficiers ou individus ecclésiastiques qui composent cette classe nombreuse, qu’il est absolument impossible d’établir un taux moyen qui puisse nous donner une idée exacte du montant de la dépense que nous cherchons à connaître ; depuis l’abbé commendataire qui jouit de 50,000 livres de rente, jusqu’à l’humble prébendier qui n’a pour tout revenu que 20 ou 30 livres, il y a tant de nuances, tant de degrés intermédiaires, qu’on ne peut se flatter d’arriver à un résultat, qu’à travers des calculs d’approximation nécessairement vagues, et dont ii faut bien se garder, faute de connaissance de détails, de garantir l’exactitude; on sait seulement qu’il y a dans le royaume plus de 50,000 individus, à qui l’Assemblée nationale, pour être juste, doit un dédommagement convenable; ce n’est pas ici le lieu d’examiner si la suppression de tant d’établissements ecclésiastiques ne sera pas infiniment préjudiciable à la religion; si en morale ainsi qu’en politique, cette grande question était bien digne d’occuper l’attention des représentants d’une grande nation chrétienne, et je pense que ce problème, si toutefois c’en est un, n’eût pas été difficile à résoudre. 11 s’agit uniquement aujourd’hui d’un calcul de finance, et de déterminer à quelle somme peut s’élever la dépense que cet article exige ; après avoir réclamé au nom de la justice et de l’humanité, une pension rigoureusement équivalente en faveur des titulaires de bénéfices tellement modiques qu’ils fournissent à peine le strict nécessaire à < eux qui en sont pourvus, je ne craindrai pas de dire que la dépense totale de cet article s’élèvera au moins à 45 millions. De la dette du clergé. Quelles que soient les dispositions de l’Assemblée nationale, relativement aux biens ecclésiastiques, les créanciers du clergé ont sur toute leur masse une hypothèque spéciale ; et il doit [23 octobre 1789.] 509 Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. * / être exactement pourvu à l’acquit des intérêts, ainsi que des capitaux dont ces biens se trouvent grevés par des emprunts, revêtus du sceau du souverain, et de toutes les formalités légales ; l’état de cette dépense annuelle, qu’il est d’une bonne administration de chercher à éteindre le plus tôt possible, par des remboursements graduels de capitaux, consiste : 1° Dans les intérêts de la dette générale du clergé de France, montant à la somme d’environ ...................... 6,000,000 livres. 2° Intérêts de la dette du clergé , dit étranger , et des diocèses particuliers. .... . . 1,200,000 3° Intérêts des dettes particulières des évêchés , chapitres, monastères, en vertu d’emprunts autorisés par lettres patentes ............ 2,500,000 4° Caisse d’amortissement pour le remboursement des capitaux, à raison de six millions par année, ci ..... 6,000,000 Total ....... 15,700,000 livres. Récapitulons maintenant tous les articles de la dépense extraordinaire et à terme ; nous aurons, savoir : 1» Pour pensions aux archevêques, évêques et curés, dont les bénéfices seraient supprimés, une somme de ................. 9,825,000 livres. 2° Pour pensions aux abbés, prieurs, chanoines, religieux de l’un et de l’autre sexe, etc., une somme d’environ. 45,000,000 3° Pour intérêt des dettes générales et particulières du clergé de France , de celui dit étranger , des diocèses, évêques, chapitres, monastères, et en vertu de lettres patentes, une somme d’environ quinze millions sept cent mille livres, y compris six millions de remboursement annuel de capitaux , ci ..... 15,700,000 Total ...... 70,525,000 livres. La dépense fixe et perpétuelle relative au culte public, s’élève à la somme de cent vingt millions, le dixième d’imposition non déduit, ci ........................ 120,000,000 livres. La dépense extraordinaire et à terme, monte à ....... 70,525,000 Total ...... 190,525,000 livres. Mais nous avons supposé que le revenu total des biens ecclésiastiques est de ..... 180,000,000 La dépense surpasserait donc la recette de la somme de ........................ 10,525,000 Tel serait, Messieurs, dans le moment actuel, l’état de situation entre les ressources et les charges du clergé ; le résultat de ces calculs, que certainement je n’ai cherché ni à grossir, ni à diminuer, serait véritablement alarmant, en ce que l’opération de l’Assemblée nationale sur les biens ecclésiastiques, bien loin d'offrir dans la détresse de nds finances une ressource certaine, deviendrait au contraire une nouvelle charge bien onéreuse pour le Trésor public ; mais je prie d’observer qu’une très-grande partie de la dépense totale aura bientôt un terme; que chaque jour verra diminuer le nombre des ecclésiastiques pensionnaires de l’Etat auxquels la justice, l’humanité, la loyauté française, vous imposent aujourd’hui l'obligation d’accorder un traitement honorable ; que les 12 millions que j’ai supposés former le montant de la contribution, à laquelle je désire que le clergé, reconnu nécessaire, soit perpétuellement imposé , pourraient être employés momentanément, et suffiraient au delà pour rétablir la balance entre les ressources et les charges actuelles. Je dirai donc que l’Assemblée nationale, surtout après avoir décrété au profit de l’Etat la vente des immeubles non productifs du clergé, jusqu’à concurrence de 400 millions, lesquels au denier 20, représentent un revenu de 20 millions, doit suspendre sur le reste toute opération fiscale ; qu’il faut dans ce moment se contenter de jouir de l’avenir, suivre la marche rapide des années, et se placer à ce terme, qui ne peut pas être bien éloigné, mais qui n’est après tout qu’un point imperceptible dans la durée des empires, où par la mort successive de tous les pensionnaires ecclésiastiques, par l’extinction totale de la dette du clergé, plus de 70 millions se trouveront disponibles dans la main de la nation, et pourront être employés à de grands objets d’utilité publique. Mais, Messieurs, je n’ai rien dit des pauvres ; et l’on sent bien qu’étant appelé par mon état à connaître d’une manière plus particulière toute l’étendue de leurs besoins, c’est un devoir pour moi de rappeler en leur faveur les droits inaliénables que leur on t donnés sur les biens ecclésiastiques la munificence des fondateurs, et les lois positives de l’Eglise; ce n’est donc pas seulement au nom de l’humanité,. mais c’est à titre de justice, et comme propriétaire, que cette portion nombreuse et souffrante de la société, se présente aujourd’hui, pour réclamer la part qui lui revient dans l’application que vous vous proposez défaire des biens de l’Eglise, et dont, il faut l’avouer, le clergé n’avait que l’administration. Tout autre emploi des revenus ecclésiastiques (la dépense du culte largement prélevée) qui n’aurait pour objet d’utilité générale que la libération des dettes de l’Etat, que la suppression d’un impôt qui pèse proportionnellement sur toutes les classes de citoyen, par conséquent sur le riche ainsi que sur le pauvre, serait à mes yeux une violation du droit sacré de propriété ;”sans doute si l’Assemblée nationale, qui embrasse dans leur ensemble toutes les parties d’une vaste administration, pensait qu’il fût convenable aujourd’hui, pour le bien générai, de détourner de sa véritable destination, la portion des biens ecclésiastiques qui appartient aux pauvres, elle s’empresserait de la remplacer d’ailleurs, par une compensation juste et équivalente. Il faut avoir habité parmi eux, Messieurs, il faut avoir connu, comme nous, les besoins de tout genre qui les assiègent journellement pour ne pas trouver excessive, une somme, qui encore qu’elle soit très -considérable, ne sera qu’à peine suffisante quand elle sera répartie par petite portion dans l’universalité du royaume. J’ai souvent entendu, dans cette Assemblée, louer [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 octobre 1789.] 510 les principes qui ont dirigé dans la formation de ses lois une' nation célèbre, voisine de la France ; voyez, Messsieurs, ce qu’elle a fait pour ses pauvres ; à quelle somme s’élève la taxe (Qu’elle s’est imposée pour bannir de son île la misère et la mendicité ; sa population cependant, forme à peine le tiers de la nôtre ; la nation française si justement renommée dans l’univers pour la douceur de ses mœurs, pour sa sensibilité envers les malheureux, serait-elle donc à l’égard de ses pauvres moins généreuse, moins compatissante ? Le premier acte d’une bienfaisance éclairée, que l’Assemblée nationale ait à exercer envers les pauvres (et quel est aujourd’hui le canton fortuné qui n’en soit pas couvert?), c’est, suivant moi, de multiplier autour d’eux, pour les cas de maladie, des moyens faciles de guérison, des secours absolument gratuits. Combien la misère, l’ignorance, le prix des remèdes, toujours trop élevé pour celui qui ne peut y atteindre, n’ont-ils pas immolé de victimes, dans les campagnes surtout! Isolés de tout secours, placés loin des regards du riche qui pourrait les assister, ne trouvant pas à leur proximité, comme le pauvre qui habite les villes, une ressource certaine dans les hôpitaux et autres établissements consacrés à recueillir F humanité souffrante, combien de malheureux succombent chaque jour, emportés par une maladie qui, si elle eût été attaquée dans son principe, eût bientôt cédé elle-même àla force des remèdes, aux secours de l’art ! L’Assemblée nationale ne peut donc se dissimuler la nécessité d’assigner à tous les départements, des fonds suffisants pour établir dans chaque canton, c’est-à-dire dans un arrondissement de dix à douze paroisses, un médecin et un chirurgien au moins, auxquels, après un examen préalable, il serait alloué un traitement annuel , à la charge par eux de visiter gratuitement tous les malades du canton, sous l’inspection des bureaux de charité des paroisses, qui leur rembourseraient en outre le montant des remèdes qu’ils auraient fournis. Un autre objet d’utilité publique, non moins essentiel, c’est l’éducation des enfants des pauvres. On doit sentir combien il est intéressant pour la religion, pour le maintien des mœurs publiques, pour l’accomplissement de tous les devoirs de la vie sociale, que l’Assemblée veuille bien prendre en considération des établissements aussi utiles, et procurer à la classe obscure du peuple, une instruction gratuite accommodée à sa situation, à son genre de vie, à ses habitudes, et dont les principes reposeraient sur les deux grandes bases de toute société, la religion et les mœurs . Je propose donc que dans toutes les paroisses, même de la campage, il soit établi un maître et une maîtresse d’école, qui, après avoir justifié de leurs mœurs et capacité, seraient admis à enseigner gratuitement aux enfants sous l’inspection des municipalités et des pasteurs, les éléments de la religion catholique, la lecture, l’écriture, les premières règles de l’arithmétique, etc. Èh ! combien, Messieurs, les besoins des pauvres se multiplient devant nous, à mesure que nous examinons plus attentivement ! Aux causes générales qui enfantent la misère, voyez combien de fléaux destructeurs, combien de calamités locales viennent se joindre, et concourent encore à la multiplier. Tantôt c’est un incendie qui consume tout un village , c’est une grêle affreuse ou un froid excessif qui vient tromper l’espoir du malheureux cultivateur, et le plonger tout à coup, 1 lui et sa famille, dans toutes les horreurs de la misère, dont il avait su se garantir jusqu’alors par un travail assidu, joint à l’économie la plus sévère ; tantôt des villes manufacturières qui renferment dans leur sein une multitude d’ouvriers industrieux, mais dont la subsistance dépend uniquement des variations, de la mobilité d’un commerce, fondé tout entier sur le luxe, voient aujourd’hui, plus souvent que jamais, le nombre des pauvres s’accroître par milliers, au moment de la cessation subite du travail, au point que les efforts les plus généreux de la part des citoyens aisés n’atteignent jamais au niveau des besoins. Il est digne, Messieurs, d’une administration bienfaisante et paternelle, telle que celle que vous venez de créer pour la France, de se ménager des ressources pour sécher les larmes et pour adoucir l’infortune de tant de malheureux. Heureusement ces ressources seront un jour dans vos mains; vous les trouverez dans cette partie des biens du clergé, qui n’est point nécessaire à la décence du culte, à l’entretien de ses ministres. En appliquant ainsi une portion des revenus ecclésiastiques à des objets si intéressants pour l’humanité, vous ne ferez que les rappeler à leur véritable destination ; vous serez à la fois justes et bienfaisants. Je propose donc qu’il soit pris sur les revenus du clergé, à mesure qu’ils deviendront libres, des fonds suffisants pour établir des ateliers de travail dans chaque ville de département, et des bureaux de charité dans les villages, sous l’inspection des officiers municipaux et des curés, où les pauvres valides trouveraient de l’occupation, et les pauvres vieillards, lesinlirmes, lesmalades, des secours proportionnés à leurs besoins, et administrés avec discernement. Une telle disposition qui tendrait, de concert avec l’autorité, à concentrer les pauvres dans leurs paroisses respectives, serait peut-être la solution de ce grand problème politique, que tant d’estimables auteurs ont cherché à résoudre, je veux dire, serait le moyen le plus efficace de détruire à jamais la mendicité, et surtout ce honteux vagabondage, si nuisible aux bonnes mœurs, et trop souvent alarmant pour la sûreté publique. Au reste, Messieurs, quelles que soient les dispositions de l’Assemblée nationale sur tous ces objets, j’aurais toujours satisfait à un devoir bien pressant, en vous soumettant les réflexions dont je viens d’avoir l’honneur de vous faire part ; j’ose vous assurer, et je le dis hautement, qu’elles ne m’ont été inspirées par aucune considération étrangère au bien public. S’il est une circonstance où ce qu’on appelle esprit de corps, où des vues particulières, l’intérêt personnel enfin, doivent s’abaisser, s’anéantir devant l’intérêt général, c’est dans ce moment où pour considérer sur une base invariable l’édifice majestueux de cette Constitution autour de laquelle vous voulez que tous les Français se rallient comme auteur du bonheur, tous les esprits, tous les cœurs doivent s'unir d’une même intention, d’une même volonté, pour achever, de concert, ce grand ouvrage de la génération présente, et qui fera un jour l’étonnement de la postérité. Mais, Messieurs, au titre de Français dont je m’enorgueillis, il s’en joint un autre qui ne m’est pas moins précieux, celui de prêtre, de pasteur chrétien ; c’est en cette qualité que tout retranchement dans la majesté du culte catholique, que toute innovation qui tiendrait à affaiblir dans [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ['23 octobre 1789.] 511 l’esprit des peuples le respect pour une religion que nous devons tous nous faire gloire de professer, deviendrait pour moi une affliction bien, sensible. Le clergé possédait des richesses, vous les avez enviées ; elles sont aujourd’hui dans vos mains ; puissiez-vous, au prix de nos sacrifices, acheter le bonheur de tous nos concitoyens. Mais Messieurs, que la religion de nos pères soit toujours en honneur dans cet empire; que le culte catholique, le seul national, ne perde rien de sa majesté ; que les pauvres, l’objet de nos sollicitudes, soient secourus ; que les intentions pieuses de ceux qui nous avaient donné leurs biens, soient remplies; enfin que les ministres des autels trouvent dans l’exercice de leurs fonctions des moyens de subsistance honorables et suffisants ; le clergé n’atira rien perdu, et tous les membres, qui le composent, sans en excepter un seul, n’auront rien à regretter. M. Millon de Montherlant (1). Messieurs, deux questions intéressantes, et d’autant plus intéressantes, que le salut ou la perte de l’Etat semble en dépendre, deux questions, dis-je, partagent la Chambre nationale et je ne crains pas de dire le public. Première question. Les biens que possède la main-morte ecclésiastique lui appartiennent-ils en propriété? Seconde question. Le sort de la religion est-il attaché à cette propriété? Ces deux questions ont été traitées très-subtilement, très-métaphysiquementde part et d’autre; mais, suivant moi, elles n’ont point été traitées par les principes propres de la matière. Pour que le sort de la religion soit attaché à la propriété des biens que possède la main morte ecclésiastique, il faut que ces biens fassent partie de la religion sous un rapport quelconque ; car s’ils ne font point partie de la religion sous un rapport quelconque, ils lui sont nécessairement étrangers. L’on ne pense pas que cette observation préliminaire soit susceptible d’un contredit raisonnable. Principes de la religion. Le code de la loi chrétienne c’est l’Évangile; prenons donc l’Evangile et lisons. En vingt endroits le législateur déclare que son royaume n’est pas de ce monde. En vingt endroits il prononce anathème contre les richesses, contre le luxe, contre la mollesse. Il nous présente l’emblème du riche précipité dans la fournaise, du pauvre placé dans le sein d’ Abraham. Il nous déclare affirmativement qu’il est aussi difficile au riche d’entrer dans le royaume des cieux, qu’il est difficile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille. Il ne promet la béatitude (et c’est l’Evangile d’hier) qu’à ceux qui souffriront la faim, la soif, Ja disette, les humiliations, etc, etc. Si on lui demande le chemin du ciel et ce qu’il faut faire pour y parvenir, il ne dit pas: Ayez des (i) Cetle opinion n’a pas été insérée au Moniteur. carrosses, des chevaux , des domestiques , faites grand hruit, vivez au large, etc., etc. Il dit: Allez, vendez vos biens, distribuez-en le prix aux pauvres, etsuivez-moi. Au précepte le législateur a joint l’exemple. Il n’a possédé aucuns biens; il ne s’est point mêlé des affaires du siècle, il n’a point intrigué dans les cours; il est né pauvre; il a vécu pauvre; il est mort pauvre. La pauvreté, l’abnégation des richesses sont donc les bases fondamentales dejla religion chrétienne, ou l’Evangile est faux, il n’y a point de milieu. Gommentconcevoir aussitôt, comment concevoir raisonnablement que le sort de cette religion soit attaché à des richesses dont le législateur condamne si hautement la possession ? Et quand on se rappelle la lin de celui de ses apôtres qui s’est écarté de ces principes; quand on se rappelle que son attachement aux richesses l’a conduit à la potence, peut-on être tranquille sur le sort de ceux qui manifestent les mêmes penchants ? Si l’esprit des richesses est diamétralement opposé à l’esprit de la religion chétienne, le sort de la religion chrétienne n*est donc pas attaché à la propriété, à la possession des richesses; cela parait conséquent. Vainement nous répéterait-on le brocard: autres temps, autres mœurs. Je répondrais, et je répondrais affirmativement que ce brocard n’est qu’une indécence, en fait de religion. L’Evangile ne meurt pas, et ne peut mourir. S’il pouvait mourir, la religion mourrait avec lui, et les apologistes du relâchement, pour ne point dire de la subversion de la loi et du précepte, n’en seraient point plus avancés, puisque, la religion cessant, le prétexte cesserait avec elle. Si la religion vit, la loi et le précepte vivent comme elle; ils sont inséparables; ils sont aussi inséparables, que l’effet l’est de la cause. N’est-ce pas ce que nous attestent, Messieurs, n’est-ce pas ce que nous jurent les ministres des autels? Ën se consacrant à l’Etre suprême, ne jurent-ils point que sa succession sera leur partage? La succession de Jésus-Christ, ce sont les pauvres. La portion la plus éminente de cette succession, c’est la pauvreté ! L’ambition des richesses mondaines est donc une renonciation formelle à cette succession; c’est un véritable parjure. Concluons donc, sans craindre de nous égarer, que les richesses sont aussi étrangères à la religion, qu’elles sont contraires à son esprit et à son organe. Concluons, qu’en retranchant ces richesses, loin de donner atteinte à la religion, on l’épure, on la rend à ses principes. En voilà sans doute assez, peut-être même plus qu’il n’en faut, pour rassurer les âmes véritablement chrétiennes, sur le résultat de la seconde question. Je reviens à la première. Le divin législateur avait donné le précepte et l’exemple de la pauvreté ; mais, en même temps, il avait recommandé l’aumône, comme le meilleur moyen de racheter ses péchés. Il avait dit qu’il fallait se faire des trésors que la rouille n’attaquait pas, et que les voleurs ne pouvaient enlever. C’était l’emblème des bonnes œuvres, c’était l’abnégation des richesses et des biens temporels. Les apôtres, ces premiers ministres de la reli-