ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 juillet 1789.] 304 [Assemblée nationale.] Elle ne doute pas, Messieurs, que l’université de Paris ne serve ses intentions patriotiques avec le zèle qu’elle a fait voir jusqu’ici dans renseignement des lettres; elle reçoit aujourd’hui ses hommages avec satisfaction. Plusieurs membres de MM. de» bureaux des Cnances ont été admis en députation, et ont dit: Nosseigneurs, admis à l’honneur de présenter à cette auguste Assemblée les respectueux hommages des bureaux dt s finances, nous voudrions pouvoir lui exprimer, avec une énergie digne d’elle, tous les sentiments qu’ont gravés dans nos cœuis tes vertus éminentes des illustres représentants de la nation. Mais quand l’Europe entière admire la sagesse de leur conduite, là fermeté de leur courage, et l’esprit public qui préside à leurs délibérations, il ne nous reste, comme citoyens, qu’à féliciter îa patrie de voir son sort dans des mains à la fidélité desquelles le Roi même s’est abandonné pour le bonheur de ses sujets et la gloire du trône. Comme magistrats, nous vous devons, Nossei-neurs, compte de l’emploi de nos fonctions. ous remplirons ce devoir avec empressement. Vous pourrez connaître alors notre institution, vérifier les causes qui l’ont amenée, et celles qui en ont dénaturé le principe. Les bureaux des finances ne se sont point formés de démembrements ou distraction de pouvoirs attribués originairement à aucun corps de magistrature: c’est la nation elle-même qui, à l’instant où elle a consenti l’impôt, a préposé à son exécution les généraux des finances; ces officiers, réunis dans la suite aux trésoriers de France, administrateurs du domaine et de la voirie dès l’origine de la monarchie, ont composé les bureaux des finances. La formation des cours auxquelles ces tribunaux ont été dans le principe unis et incorporés, a détaché quelque partie de leurs anciennes fonctions, pour rendre plus actives celles que ces officiers continuèrent d’exercer privativement, soit auprès des Etals provinciaux, soit dans les administrations formées sous un autre régime, et dont ils rendaient compte à chaque tenue d’Etats généraux. Depuis l’interruption de ces Etats, les agents de l’arbitraire leur ont porté des atteintes qui, sans doute, auraient été mortelles, sans la force de leur constitution. Mais toujours placés, par l’inévitable effet de leur attribution, sur les traces des coopérateurs immédiats du ministère, ils ont sans cesse opposé le pouvoir judiciaire à l’abus du pouvoir dominant. S’ils n’ont pu remplir toute l’étendue du mandat que leur avait donné la nation, ils se sont tenus, du moins, sur les anciennes bornes, pour les faire reconnaître un jour, et marquer l’espace que l’usurpation aurait franchi. C’est à la plus grande, à la plus auguste des Assemblées nationales, que les bureaux des finances dénoncent les abus qui les ont forcés de laisser violer le dépôt qu’on leur a confié ; et ils la supplient de permettre qu’ils lui présentent un mémoire, contenant le développement des faits qui ont amené cette révolution. Ce mémoire la mettra à portée de juger si leur compétence doit cesser dans le nouvel ordre de choses qui se prépare; si elle serait mieux placée dans d’autre corps de magistrature, ou si, au contraire, une meilleure combinaison dans ce genre de tribunaux déjà fixés dans les chefs-lieux des généralités, ne serait pas plus utile. Vous considérerez, sans doute, Nosseigneurs, que chaque province, administrant et régissant les finances, l’impôt, la voierie et la municipalité, doit avoir une branche de la puissance exécutive attachée à son administration, et que ces objets sont entrés dans l’organisation des bureaux des finances. Ce n’est que ce grand intérêt d’ordre et de bien public, qui dicte aujourd’hui leurs très-humbles représentations : ces tribunaux ne peuvent priser leur existence qu’autant qu’elle sera utile et honorée de la confiance de la nation. M. le Président leur répond : Messieurs, les représentants de la nation, choisis, librement par elle, ne pouvaient jamais avoir d’autre désir que celui de concourir de tous leurs moments et de toutes leurs facultés au bonheur de leur patrie ; un Roi citoyen les y invite et s’unit à eux: dans celte patriotique intention, ils se flattent de réussir à cet important ouvrage, et de faire, par l’heureuse régénération de la constitution française, bénir, d’âge en âge, l’Assemblée nationale. Ils me chargent, Messieurs, de vous dire qu’ils agréent votre hommage et qu’ils en sont satisfaits. L'Assemblée nationale examinera le mémoire que vous lui présentez, avec la profonde attention qu’elle portera toujours aux objets qui peuvent intéresser le bien de l’Etat. MM. de l’élection de Par!» ont été admis en députation. M. le président, portant îa parole, a dit : Nosseigneurs, qu’il est beau de voir réunis dans ce sanctuaire auguste, ceux que la France entière a nommés ses représentants, c'est-à-dire les citoyens les plus vertueux et les plus éclairés, nés pour sa gloire et sa félicité ! Pénétré de cette vérité, moi surtout qui, l’un des électeurs de la ville de Paris, ai pu suivre de plus près les travaux de cette illustre Assemblée, combien je m’applaudis d’être auprès d’elle l’organe de ma compagnie ! Mais s’il est donné au cœur vraiment français, de sentir combien vous êtes précieux et chers à la nation, il n’est donc pas donné à l’homme de pouvoir exprimer ce sentiment du cœur, tel qu’il est ! Daignez donc, Nosseigneurs, avoir égaïd à la bonne volonté ; daignez agréer le profond respect et l’entier dévouement de l’élection de Paris, et permettez que nous laissions sur le bureau, tant l’arrêté qui nous a députés vers vous, qu’un imprimé ayant pour titre : Mémoires des officiers de l'élection de Paris à Nosseigneurs de l’Assemblée nationale. Ils ont remis un mémoire imprimé et un arrêté dont suit la teneur : Extrait du registre des délibérations de l’élection de Paris , du 23 juillet 1789. « Aujourd’hui, la compagnie assemblée, considérant : 1° que son titre le plus glorieux est d’avoir pris naissance dans le sein des Etats généraux, dont l’Assemblée nationale est le complément; 2* que s’il appartient à l’Assemblée nationale de connaître comment tout tribunal, quel qu’il soit, s’est acquitté des fonctions à lui confiées, les élections, qui tiennent leur mission ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.! des Etats généraux, doivent plus spécialement que tout autre tribunal, un compte exact à l’Assemblée nationale, non-seulement de tout ce qu’elles ont fait, mais môme de tout ce qu’elles ont été empêchées de faire ; 3° que si, jusqu’à ce jour, par respect pour des moments consacrés aux travaux de la régénération de la nation française, elle a cru devoir différer à se présenter dans l’auguste Assemblée nationale pour lui offrir ses hommages, elle ne peut plus longtemps résister à son impatience, et ne pas joindre ses sollicitations et ses vœux aux félicitations et aux vœux de la France entière: « A arrêté qu’au plus tôt le premier président et MM. le lieutenant, l’assesseur, Délié, de la Dainte, Gary, Boullaye, d’Herbecourt, Sprote, La Carrière, avocat et procureur du Roi, se rendront à Versailles, présenteront à l’Assemblée nationale l’hommage de son profond respect et de son entier dévouement, lui exprimeront autant qu’il est possible, sa vive et sincère reconnaissance du zèle et des efforts vraiment patriotiques avec lesquels l’auguste Assemblée a commencé et continue le grand œuvre d’où dépend la félicité publique, et la supplieront de permettre qu’ils laissent sur le bureau, tant le présent arrêté, qu’un imprimé, ayant pour titre : Mémoire de Vélection de Paris à Nosseigneurs de V Assemblée nationale. « Ce fut fait et arrêté en la Chambre du Conseil, les jours et an que dessus. Signé : Marie, Beau-rain, Buisson, Délié, de la Dainte, Gervais, la Carrière, Gary, Sprote, Guillebon, Boullaye, Garan-deau , d'Herbecourt , Bridon, Garnier, Guérin, Auger et Marmotant. c Signé : Diamy, greffier. Avec paraphe. » M. le Président répond: L’Assemblée natio� nale se fera rendre compte du mémoire qui lui est présenté par les officiers de l’élection de Paris ; elle en pèsera les motifs dans sa sagesse. Elle reçoit aujourd’hui vos hommages, et me charge de vous en exprimer sa satisfaction. M. le Président annonce à l’Assemblée que M. Necker demande à être admis pour lui présenter l’hommage de son respect et de sa reconnaissance. Cette annonce a été reçue avec des applaudissements réitérés. M. Hecker est introduit, et lorsque les applaudissements lui permettent de se faire entendre, il dit : Monsieur le président, je viens avec empressement témoigner à cette auguste Assemblée ma respectueuse reconnaissance des marques d’intérêt et de bonté qu’elle a bien voulu me donner. Elle m’a imposé ainsi de grands devoirs; et c’est en me pénétrant de ses sentiments et en profitant de ses lumières, qu’au milieu de circonstances si difficiles je puis conserver un peu de courage. M. le Président lui répond en ces termes : Monsieur, vous aviez, en vous éloignant des affaires, emporté l’estime et les regrets de l’Assemblée nationale : elle l’a consigné dans ses arrêtés ; et en exprimant ainsi les sentiments dont elle était pénétrée, elle n’a été que l’interprète de la nation. Le moment de votre retraite a été celui d’un deuil général dans le royaume. Le lloi, dont le cœur généreux et bon vous est lre Série, T, VIII, [29 juillet 1789.1 30o connu plus qu’à qui que ce soit, est venu dans cette Assemblée s’unir à nous ; il a daigné nous demander nos conseils : nos conseils devaient être ceux de la nation ; ils étaient de rappeler à lui le ministre qui l’avait servi avectantdedévouement, de fidélité et de patriotisme. Mais déjà le cœur du Roi avait pris de lui-même ce conseil salutaire: et quand nous pensions à lui exprimer nos vœux, il nous remettait la lettre qui vous invitait à reprendre vos travaux ; il désirait que l’Assemblée nationale y joignît ses instances, et il voulait, pour gage* de son amour, se confondre encore avec la nation, pour rendre à la France celui qui en causait les regrets et qui en faisait l’espérance. Vous vous étiez, en partant, dérobé aux hommages du peuple; vous aviez employé, pour éviter l’expression de son estime, les mêmes soins qu’un autre eut pris pour fuir les dangers de son mécontentement et de sa haine. Vous touchiez au moment où, après une longue et pénible agitation, vous alliez trouver le calme et le repos ; vous avez connu les troub'es qui agitaient ce royaume, vous avez connu les vœux ardents du Roi et de la nation; et, sans vous aveugler sur l’incertitude des succès dans la carrière qui de nouveau s’ouvrait à vous, vous n’avez pensé qu’à nos malheurs ; vous vous êtes rappelé ce que vous deviez à la France pour l’attacnement et la confiance qu’elle vous donne ; vous n’avez plus pensé à votre repos, et d’après vos propres expressions, vous avez, sans hésiter, -préféré le péril aux remords. L’empressement des peuples qui se portaient en foule sur votre route, la joie pure et sincère qu’a reçue le Roi de votre retour, les mouvements que fait naître votre présence dans cette salle où votre éloge était, il y a quelques jours, prononcé avec tant d’éloquence et entendu avec tant d’émotion, tout vous est garant des sentiments de la France entière. La première nation du monde voit en vous celui qui, ayant particulièrement contribué à la réunion de ses représentants, a le plus efficacement préparé son salut, et peut seul, dans ces moments d’embarras, faire disparaître les obstacles qui s’opposeraient encore à sa régénération. Quel homme avait droit de prétendre à une si haute destinée? lit quel titre plus puissant pouvait assurer la France de votre dévouement le plus absolu? Peut-il donc être offert à la nation un présage plus certain de bonheur, que la réunion des volontés d’un Roi prêt à tout sacrifier pour l'avantage de son peuple, d’une Assemblée nationale qui fait à l’espoir de la félicité publique l’hommage des intérêts privés de tous les membres qui la composent, et d’un ministre éclairé qui, aux sentiments d’honneur qui lui rendent le bien nécessaire, joint encore la circonstance particulière d’une position qui le lui rend indispensable ? Et quelle époque plus heureuse, Monsieur, pour établir la responsabilité des ministres, cette précieuse sauvegarde de la liberté, ce rempart certain contre le despotisme que celle où le premier qui s’y soumettra n’aura de compte à rendre à la nation que celui de ses talents et de ses vertus? C’est après ce salutaire établissement, que vous avez sollicité vous-même, dont vous aurez été le premier exemple, que l’homme portant un cœur droit, des intentions pures, un caractère ferme, une conscience à l’abri de tout reproche, pourra, s’il est doué de quelque talent, aspirer ouvertement au ministère. Glorieux, alors de l’idée qu’au-SQ