SÉANCE DU 9 THERMIDOR AN II (MATIN) (27 .JUILLET 1794) - A1-A2 551 pour cela que je vais faire entendre la vérité. Aucun bon citoyen ne peut retenir ses larmes sur le sort malheureux auquel la chose publique est abandonnée. Partout on ne voit que division. Hier un membre du gouvernement s’en est isolé, a prononcé un discours en son nom particulier; aujourd’hui un autre fait la même chose. On vient encore s’attaquer, aggraver les maux de la patrie, la précipiter dans l’abîme. Je demande que le rideau soit entièrement déchiré. (On applaudit très-vivement à trois reprises différentes) (l). [Long tumulte]. A1 TALLIEN : Je demandais tout à l’heure qu’on déchirât le voile. Je viens d’apercevoir avec plaisir qu’il l’est entièrement, que les conspirateurs sont démasqués, qu’ils seront bientôt anéantis, et que la liberté triomphera. (Vifs applaudissements). Tout annonce que l’ennemi de la représentation nationale va tomber sous ses coups. Nous donnons à notre République naissante une preuve de notre loyauté républicaine. Je me suis imposé jusqu’ici le silence parce que je savais, d’un homme qui approchait le tyran de la France, qu’il avait formé une liste de proscription; je n’ai pas voulu récriminer, mais j’ai vu hier la séance des Jacobins; j’ai frémi pour la patrie; j’ai vu se former l’armée du nouveau Cromwell, et je me suis armé d’un poignard pour lui percer le sein si la Convention nationale n’avait pas le courage de le décréter d’accusation. (Vifs applaudissements). Nous, républicains, accusons-le avec la loyauté du courage, en présence du peuple français. Il est bon d’éclairer les citoyens et ceux qui fréquentent les tribunes des Jacobins ne sont pas plus attachés à Robespierre qu’à aucun autre individu, mais à la liberté. (On applaudit). Ce n’est pas non plus en individu que je viens attaquer, c’est l’attention de la Convention que j’appelle sur cette vaste conspiration. Je ne doute pas qu’elle ne prenne des mesures énergiques et promptes, qu’elle ne reste ici en permanence pour sauver le peuple ; et quoi qu’en aient dit les partisans de l’homme que je dénonce, il n’y aura pas de 31 mai, il n’y aura pas de proscriptions; la justice nationale seule frappera les scélérats. (Vifs applaudissements). Comme il est de la dernière importance que dans les dangers qui environnent la patrie, les citoyens ne soient pas égarés, que les chefs de la force armée ne puissent pas faire de mal, je demande l’arrestation d’Hanriot et de son état-major. Ensuite nous examinerons le décret qui a été rendu sur la seule proposition de l’homme qui nous occupe. Nous ne sommes pas modérés, mais nous voulons que l’innocence ne soit pas opprimée. Nous voulons que le président du tribunal révolutionnaire traite les accusés avec décence et justice. (Nouveaux applaudissements). Voilà la véritable vertu, voilà la véritable probité. (l ) Moniteur (réimpr.), XXI 331-332; Débats,, n° 676, p. 164; J. Mont., n° 93. Trois gazettes (J. Fr., n°671; -J. Lois, n° 667 ; Ann. R.F., n° 238) signalent, à ce moment-là, l’entrée, très applaudie, des membres des comités de salut public et de sûreté générale. Voir P.V., n° 1. Hier un membre du tribunal révolutionnaire a voulu exciter des citoyens à insulter un représentant du peuple qui a toujours été sur la brèche de la révolution. Il a été outragé dans une Société, et la représentation nationale a été avilie dans sa personne. Ceux qui ont combattu Lafayette et toutes les factions qui se sont succédées depuis se réuniront pour sauver la république. Que les écrivains patriotes se réveillent. J’appelle tous les vieux amis de la liberté, tous les anciens Jacobins, tous les journalistes patriotes. Qu’ils concourent avec nous à sauver la liberté. Ils tiendront parole, leur patriotisme m’en est garant. On avait jeté les yeux sur moi. J’aurais porté ma tête sur l’échafaud avec courage, parce que je me serais dit : Un jour viendra où ma cendre sera relevée avec les honneurs dus à un patriote persécuté par un tyran. L’homme qui est à la tribune est un nouveau Catilina. Ceux dont il s’était entouré étaient de nouveaux Verrès. On ne dira pas que les membres des deux comités sont mes partisans, car je ne les connais pas, et, depuis ma mission, je n’ai été abreuvé que de dégoûts. Robespierre voulait tour à tour nous attaquer, nous isoler, et enfin il serait resté un jour seul avec les hommes crapuleux et perdus de débauche qui le servent. Je demande que nous décrétions la permanence de nos séances jusqu’à ce que le glaive de la loi ait assuré la révolution, et que nous ordonnions l’arrestation de ses créatures. Les deux propositions de Tallien sont adoptées au milieu des plus vifs applaudissements et des cris de vive la république (l). A2 BILLAUD-VARENNE : Je demande la parole pour une motion d’ordre. Hier la Société des Jacobins était remplie d’hommes apostés, puisqu’aucun n’avait de carte; hier on a développé dans cette Société l’intention d’égorger la Convention nationale. (Il s’élève un mouvement d’horreur). Hier, j’y ai vu des hommes qui vomissaient ouvertement les infamies les plus atroces contre ceux qui n’ont jamais dévié de la révolution. Je vois sur la Montagne un de ces hommes qui menaçaient les représentants du peuple. Le voilà... (De toutes parts on s’écrie : Arrêtez ! arrêtez ! - L’individu est saisi et entraîné hors de la salle au milieu des plus vifs applaudissements) (2). Le moment de dire la vérité est arrivé... Je m’étonne de voir Saint-Just à la tribune après ce qui s’est passé. Il avait promis aux deux comités de leur soumettre son discours avant de le lire à la (l) Moniteur (réimpr.), XXI, 332; Débats, 167-168; -J. Mont., n° 93 ; -J. univ., n°“ 1708, 1710 ; -J. Sablier, n° 1463 ; Ann. patr., n° DLXXIV ; Rép., nos 220 et Suppl1 ; Ann. R.F., n° 239 ; -J. Lois, n° 668 ; C. Eg., n° 708 ; -J. Fr., n° 671 ; -J. Perlet, n°673; C. univ., n° 939 ; F.S.P., n° 388 ; J. S.- Culottes, n° 528 ; M.U., XLII, 151. Voir P.V., nos 1, 3 et 4. (2) Certaines gazettes situent alors une tentative de faire sortir de la salle les non-députés [« Le président propose de ne laisser entrer que les députés» (Ann. R.F., n° 238 ; J. Fr., n° 67 1) ; « faites sortir les étrangers, s’écrie quelqu’un. - Non, répond la majorité» (Ann. patr.,, n° DLXXIV; Ann. R.F., n° 238)]. SÉANCE DU 9 THERMIDOR AN II (MATIN) (27 .JUILLET 1794) - A1-A2 551 pour cela que je vais faire entendre la vérité. Aucun bon citoyen ne peut retenir ses larmes sur le sort malheureux auquel la chose publique est abandonnée. Partout on ne voit que division. Hier un membre du gouvernement s’en est isolé, a prononcé un discours en son nom particulier; aujourd’hui un autre fait la même chose. On vient encore s’attaquer, aggraver les maux de la patrie, la précipiter dans l’abîme. Je demande que le rideau soit entièrement déchiré. (On applaudit très-vivement à trois reprises différentes) (l). [Long tumulte]. A1 TALLIEN : Je demandais tout à l’heure qu’on déchirât le voile. Je viens d’apercevoir avec plaisir qu’il l’est entièrement, que les conspirateurs sont démasqués, qu’ils seront bientôt anéantis, et que la liberté triomphera. (Vifs applaudissements). Tout annonce que l’ennemi de la représentation nationale va tomber sous ses coups. Nous donnons à notre République naissante une preuve de notre loyauté républicaine. Je me suis imposé jusqu’ici le silence parce que je savais, d’un homme qui approchait le tyran de la France, qu’il avait formé une liste de proscription; je n’ai pas voulu récriminer, mais j’ai vu hier la séance des Jacobins; j’ai frémi pour la patrie; j’ai vu se former l’armée du nouveau Cromwell, et je me suis armé d’un poignard pour lui percer le sein si la Convention nationale n’avait pas le courage de le décréter d’accusation. (Vifs applaudissements). Nous, républicains, accusons-le avec la loyauté du courage, en présence du peuple français. Il est bon d’éclairer les citoyens et ceux qui fréquentent les tribunes des Jacobins ne sont pas plus attachés à Robespierre qu’à aucun autre individu, mais à la liberté. (On applaudit). Ce n’est pas non plus en individu que je viens attaquer, c’est l’attention de la Convention que j’appelle sur cette vaste conspiration. Je ne doute pas qu’elle ne prenne des mesures énergiques et promptes, qu’elle ne reste ici en permanence pour sauver le peuple ; et quoi qu’en aient dit les partisans de l’homme que je dénonce, il n’y aura pas de 31 mai, il n’y aura pas de proscriptions; la justice nationale seule frappera les scélérats. (Vifs applaudissements). Comme il est de la dernière importance que dans les dangers qui environnent la patrie, les citoyens ne soient pas égarés, que les chefs de la force armée ne puissent pas faire de mal, je demande l’arrestation d’Hanriot et de son état-major. Ensuite nous examinerons le décret qui a été rendu sur la seule proposition de l’homme qui nous occupe. Nous ne sommes pas modérés, mais nous voulons que l’innocence ne soit pas opprimée. Nous voulons que le président du tribunal révolutionnaire traite les accusés avec décence et justice. (Nouveaux applaudissements). Voilà la véritable vertu, voilà la véritable probité. (l ) Moniteur (réimpr.), XXI 331-332; Débats,, n° 676, p. 164; J. Mont., n° 93. Trois gazettes (J. Fr., n°671; -J. Lois, n° 667 ; Ann. R.F., n° 238) signalent, à ce moment-là, l’entrée, très applaudie, des membres des comités de salut public et de sûreté générale. Voir P.V., n° 1. Hier un membre du tribunal révolutionnaire a voulu exciter des citoyens à insulter un représentant du peuple qui a toujours été sur la brèche de la révolution. Il a été outragé dans une Société, et la représentation nationale a été avilie dans sa personne. Ceux qui ont combattu Lafayette et toutes les factions qui se sont succédées depuis se réuniront pour sauver la république. Que les écrivains patriotes se réveillent. J’appelle tous les vieux amis de la liberté, tous les anciens Jacobins, tous les journalistes patriotes. Qu’ils concourent avec nous à sauver la liberté. Ils tiendront parole, leur patriotisme m’en est garant. On avait jeté les yeux sur moi. J’aurais porté ma tête sur l’échafaud avec courage, parce que je me serais dit : Un jour viendra où ma cendre sera relevée avec les honneurs dus à un patriote persécuté par un tyran. L’homme qui est à la tribune est un nouveau Catilina. Ceux dont il s’était entouré étaient de nouveaux Verrès. On ne dira pas que les membres des deux comités sont mes partisans, car je ne les connais pas, et, depuis ma mission, je n’ai été abreuvé que de dégoûts. Robespierre voulait tour à tour nous attaquer, nous isoler, et enfin il serait resté un jour seul avec les hommes crapuleux et perdus de débauche qui le servent. Je demande que nous décrétions la permanence de nos séances jusqu’à ce que le glaive de la loi ait assuré la révolution, et que nous ordonnions l’arrestation de ses créatures. Les deux propositions de Tallien sont adoptées au milieu des plus vifs applaudissements et des cris de vive la république (l). A2 BILLAUD-VARENNE : Je demande la parole pour une motion d’ordre. Hier la Société des Jacobins était remplie d’hommes apostés, puisqu’aucun n’avait de carte; hier on a développé dans cette Société l’intention d’égorger la Convention nationale. (Il s’élève un mouvement d’horreur). Hier, j’y ai vu des hommes qui vomissaient ouvertement les infamies les plus atroces contre ceux qui n’ont jamais dévié de la révolution. Je vois sur la Montagne un de ces hommes qui menaçaient les représentants du peuple. Le voilà... (De toutes parts on s’écrie : Arrêtez ! arrêtez ! - L’individu est saisi et entraîné hors de la salle au milieu des plus vifs applaudissements) (2). Le moment de dire la vérité est arrivé... Je m’étonne de voir Saint-Just à la tribune après ce qui s’est passé. Il avait promis aux deux comités de leur soumettre son discours avant de le lire à la (l) Moniteur (réimpr.), XXI, 332; Débats, 167-168; -J. Mont., n° 93 ; -J. univ., n°“ 1708, 1710 ; -J. Sablier, n° 1463 ; Ann. patr., n° DLXXIV ; Rép., nos 220 et Suppl1 ; Ann. R.F., n° 239 ; -J. Lois, n° 668 ; C. Eg., n° 708 ; -J. Fr., n° 671 ; -J. Perlet, n°673; C. univ., n° 939 ; F.S.P., n° 388 ; J. S.- Culottes, n° 528 ; M.U., XLII, 151. Voir P.V., nos 1, 3 et 4. (2) Certaines gazettes situent alors une tentative de faire sortir de la salle les non-députés [« Le président propose de ne laisser entrer que les députés» (Ann. R.F., n° 238 ; J. Fr., n° 67 1) ; « faites sortir les étrangers, s’écrie quelqu’un. - Non, répond la majorité» (Ann. patr.,, n° DLXXIV; Ann. R.F., n° 238)]. 552 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Convention, et même de le supprimer s’il leur semblait dangereux) (l). L’assemblée jugerait mal les événements et la position dans laquelle elle se trouve, si elle se dissimulait qu’elle est entre deux égorgements. Elle périra si elle est faible. (Non, non ! s’écrient tous les membres en se levant à la fois et agitant leurs chapeaux. Les spectateurs répondent par des applaudissements et des cris de vive la Convention ! vive le comité de salut public /). Lebas demande la parole; on lui observe qu’elle appartient à Billaud-Varenne; il insisté et cause du trouble. DELMAS : Je demande que Lebas soit rappellé à l’ordre. Cette proposition est décrétée. Lebas insiste de nouveau. Tous les membres : Qu’il obéisse au décret, ou à l’Abbaye. BILLAUD : Je demande moi-même que tous les hommes s’expliquent dans cette assemblée. On est bien fort quand on a pour soi la justice, la probité et les droits du peuple. Vous frémirez d’horreur quand vous saurez la situation où vous êtes, quand vous saurez que la force armée est confiée à des mains parricides ; quand vous saurez que le chef de la garde nationale a été dénoncé au comité de salut public par le tribunal révolutionnaire comme un complice d’Hébert et un conspirateur infâme. Vous frémirez d’horreur quand vous saurez que ceux qui accusent le gouvernement de placer à la tête de la force armée des conspirateurs et des nobles, sont ceux qui nous ont forcé la main pour y mettre les seuls nobles qui y existent; et Lavallette, conspirateur à Lille, en est une preuve. Vous frémirez quand vous saurez qu’il est un homme qui, lorsqu’il fut question d’envoyer des représentants du peuple dans les départements, ne trouva pas sur la liste qui lui fut présentée vingt membres de la Convention qui fussent dignes de cette mission. (L’assemblée murmure d’indignation). Je dirai plus, on s’est plaint que les patriotes étaient opprimés. Certes, vous aurez une bien étrange idée de la dénonciation quand vous saurez que celui de qui elle part a fait arrêter le meilleur comité révolutionnaire de Paris, celui de la section de l’Indivisibilité, quoiqu’il n’y eût que deux de ses membres qui fussent dénoncés. (Nouveaux murmures). Quand Robespierre vous dit qu’il s’est éloigné du comité parce qu’il y était opprimé, il a soin de ne pas vous faire tout connaître ; il ne vous dit pas que c’est parce qu’ayant fait dans le comité sa volonté pendant six mois, il y a trouvé de la résistance au moment où, seul, il a voulu faire rendre le décret du 22 prairial; ce décret qui dans les mains impures qu’il avait choisies, pouvait être si funeste aux patriotes. (Les murmures d’indignation continuent). Sachez, citoyens, qu’hier, le président du tribunal révolutionnaire a proposé ouvertement aux Jacobins de chasser de la Convention tous les hommes impurs, c’est-à-dire tous ceux qu’on veut sacrifier; mais le peuple est là, et les patriotes sauront mourir pour sauver la liberté (Oui, oui ! s’écrient tous les membres. - Vifs applaudissements). (l) Selon Mess. Soir (n° 707), Ann. patr., (n° DLXXIV) et J. Lois (n° 667), des cris de « C’est un traître ! c’est un traître ! » furent proférés à l’adresse de St-Just à ce passage du discours. Je le répète, nous mourrons tous avec honneur, car je ne crois pas qu’il y ait ici un seul représentant qui voulût exister sous un tyran. (Non, non ! s’écrie-t-on de toutes parts ; périssent les tyrans ! - Les applaudissements se prolongent). Les hommes qui parlent sans cesse de justice et de vertu à la Convention ou aux Jacobins, sont ceux qui la foulent aux pieds quand ils le peuvent; en voici la preuve. Un secrétaire du comité de salut public avait volé 114,000 liv. J’ai demandé son arrestation, et Robespierre, qui parle sans cesse de justice et de vertu, est le seul qui l’ait empêché d’être arrêté. (Nouveau mouvement d’indignation). Il est, citoyens, mille autres faits que je pourrais citer; et c’est nous qu’il accuse ! Quoi ! des hommes qui sont isolés, qui ne connaissent personne, qui passent les nuits et les jours au comité de salut public, qui organisent les victoires, ces hommes seraient des conspirateurs ! et ceux qui n’ont abandonné Hébert que quand il ne leur a plus été possible de le favoriser seront des hommes vertueux ! La première fois que je dénonçai Danton au comité, Robespierre se leva comme un furieux, en disant qu’il voyait mes intentions, que je voulais perdre les meilleurs patriotes. Tout cela m’a fait voir l’abîme creusé sous nos pas. Il ne faut point hésiter à le combler de nos cadavres ou à triompher des traîtres. On voulait détruire, mutiler la Convention, et cette intention était si réelle qu’on avait organisé un espionnage des représentants du peuple qu’on voulait égorger. Il est infâme de parler de justice et de vertu quand on les brave et quand on ne s’exhale que lorsqu’on est arrêté ou contrarié. Robespierre s’élance à la tribune. Un grand nombre de voix : A bas, à bas le tyran ! (l) B BILLAUD-VARENNE : Les hommes que la Convention vient de frapper ne sont pas ceux qui méritent le plus son indignation. Il est un nommé Boulanger, conspirateur avec Hébert, qui s’est ouvertement prononcé, à l’époque de la conspiration de celui-ci, aux Cordeliers. Cet homme a aussi conspiré avec Dumouriez; il était l’ami de Danton; et c’est Dumas qui l’avait jeté hier au milieu des Jacobins pour empêcher Collot d’Herbois de parler. C’est ce Dumas qui, après avoir ameuté des contre-révolutionnaires, voulait faire regarder Collot comme un conspirateur, afin qu’il ne pût déchirer le voile; ce Dumas, dont toute la famille est émigrée, qui est accusé d’avoir soupé avec son frère la veille de son émigration, et contre lequel il y a aux Jacobins des preuves de la perfidie la plus atroce ! Je demande donc l’arrestation de Dumas, de Boulanger, de Du-frenne. L’arrestation est décrétée. (On applaudit). DELMAS : D’après les faits qui viennent d’être dénoncés, il est impossible de ne pas croire qu’Han-riot ait eu l’adresse de s’entourer de conspirateurs. Ses adjudants et ses aides-de-camp doivent être infiniment suspects. J’en demande l’arrestation. (l) Moniteur (réimpr.), XXI, 332; Débats, 165-167; J. Mont., n° 93. Voir P.V., nos 1, 2, 3 et 4. 552 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Convention, et même de le supprimer s’il leur semblait dangereux) (l). L’assemblée jugerait mal les événements et la position dans laquelle elle se trouve, si elle se dissimulait qu’elle est entre deux égorgements. Elle périra si elle est faible. (Non, non ! s’écrient tous les membres en se levant à la fois et agitant leurs chapeaux. Les spectateurs répondent par des applaudissements et des cris de vive la Convention ! vive le comité de salut public /). Lebas demande la parole; on lui observe qu’elle appartient à Billaud-Varenne; il insisté et cause du trouble. DELMAS : Je demande que Lebas soit rappellé à l’ordre. Cette proposition est décrétée. Lebas insiste de nouveau. Tous les membres : Qu’il obéisse au décret, ou à l’Abbaye. BILLAUD : Je demande moi-même que tous les hommes s’expliquent dans cette assemblée. On est bien fort quand on a pour soi la justice, la probité et les droits du peuple. Vous frémirez d’horreur quand vous saurez la situation où vous êtes, quand vous saurez que la force armée est confiée à des mains parricides ; quand vous saurez que le chef de la garde nationale a été dénoncé au comité de salut public par le tribunal révolutionnaire comme un complice d’Hébert et un conspirateur infâme. Vous frémirez d’horreur quand vous saurez que ceux qui accusent le gouvernement de placer à la tête de la force armée des conspirateurs et des nobles, sont ceux qui nous ont forcé la main pour y mettre les seuls nobles qui y existent; et Lavallette, conspirateur à Lille, en est une preuve. Vous frémirez quand vous saurez qu’il est un homme qui, lorsqu’il fut question d’envoyer des représentants du peuple dans les départements, ne trouva pas sur la liste qui lui fut présentée vingt membres de la Convention qui fussent dignes de cette mission. (L’assemblée murmure d’indignation). Je dirai plus, on s’est plaint que les patriotes étaient opprimés. Certes, vous aurez une bien étrange idée de la dénonciation quand vous saurez que celui de qui elle part a fait arrêter le meilleur comité révolutionnaire de Paris, celui de la section de l’Indivisibilité, quoiqu’il n’y eût que deux de ses membres qui fussent dénoncés. (Nouveaux murmures). Quand Robespierre vous dit qu’il s’est éloigné du comité parce qu’il y était opprimé, il a soin de ne pas vous faire tout connaître ; il ne vous dit pas que c’est parce qu’ayant fait dans le comité sa volonté pendant six mois, il y a trouvé de la résistance au moment où, seul, il a voulu faire rendre le décret du 22 prairial; ce décret qui dans les mains impures qu’il avait choisies, pouvait être si funeste aux patriotes. (Les murmures d’indignation continuent). Sachez, citoyens, qu’hier, le président du tribunal révolutionnaire a proposé ouvertement aux Jacobins de chasser de la Convention tous les hommes impurs, c’est-à-dire tous ceux qu’on veut sacrifier; mais le peuple est là, et les patriotes sauront mourir pour sauver la liberté (Oui, oui ! s’écrient tous les membres. - Vifs applaudissements). (l) Selon Mess. Soir (n° 707), Ann. patr., (n° DLXXIV) et J. Lois (n° 667), des cris de « C’est un traître ! c’est un traître ! » furent proférés à l’adresse de St-Just à ce passage du discours. Je le répète, nous mourrons tous avec honneur, car je ne crois pas qu’il y ait ici un seul représentant qui voulût exister sous un tyran. (Non, non ! s’écrie-t-on de toutes parts ; périssent les tyrans ! - Les applaudissements se prolongent). Les hommes qui parlent sans cesse de justice et de vertu à la Convention ou aux Jacobins, sont ceux qui la foulent aux pieds quand ils le peuvent; en voici la preuve. Un secrétaire du comité de salut public avait volé 114,000 liv. J’ai demandé son arrestation, et Robespierre, qui parle sans cesse de justice et de vertu, est le seul qui l’ait empêché d’être arrêté. (Nouveau mouvement d’indignation). Il est, citoyens, mille autres faits que je pourrais citer; et c’est nous qu’il accuse ! Quoi ! des hommes qui sont isolés, qui ne connaissent personne, qui passent les nuits et les jours au comité de salut public, qui organisent les victoires, ces hommes seraient des conspirateurs ! et ceux qui n’ont abandonné Hébert que quand il ne leur a plus été possible de le favoriser seront des hommes vertueux ! La première fois que je dénonçai Danton au comité, Robespierre se leva comme un furieux, en disant qu’il voyait mes intentions, que je voulais perdre les meilleurs patriotes. Tout cela m’a fait voir l’abîme creusé sous nos pas. Il ne faut point hésiter à le combler de nos cadavres ou à triompher des traîtres. On voulait détruire, mutiler la Convention, et cette intention était si réelle qu’on avait organisé un espionnage des représentants du peuple qu’on voulait égorger. Il est infâme de parler de justice et de vertu quand on les brave et quand on ne s’exhale que lorsqu’on est arrêté ou contrarié. Robespierre s’élance à la tribune. Un grand nombre de voix : A bas, à bas le tyran ! (l) B BILLAUD-VARENNE : Les hommes que la Convention vient de frapper ne sont pas ceux qui méritent le plus son indignation. Il est un nommé Boulanger, conspirateur avec Hébert, qui s’est ouvertement prononcé, à l’époque de la conspiration de celui-ci, aux Cordeliers. Cet homme a aussi conspiré avec Dumouriez; il était l’ami de Danton; et c’est Dumas qui l’avait jeté hier au milieu des Jacobins pour empêcher Collot d’Herbois de parler. C’est ce Dumas qui, après avoir ameuté des contre-révolutionnaires, voulait faire regarder Collot comme un conspirateur, afin qu’il ne pût déchirer le voile; ce Dumas, dont toute la famille est émigrée, qui est accusé d’avoir soupé avec son frère la veille de son émigration, et contre lequel il y a aux Jacobins des preuves de la perfidie la plus atroce ! Je demande donc l’arrestation de Dumas, de Boulanger, de Du-frenne. L’arrestation est décrétée. (On applaudit). DELMAS : D’après les faits qui viennent d’être dénoncés, il est impossible de ne pas croire qu’Han-riot ait eu l’adresse de s’entourer de conspirateurs. Ses adjudants et ses aides-de-camp doivent être infiniment suspects. J’en demande l’arrestation. (l) Moniteur (réimpr.), XXI, 332; Débats, 165-167; J. Mont., n° 93. Voir P.V., nos 1, 2, 3 et 4.