438 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 août 1789.] plus heureux. C’est au nom de la patrie, c’est au nom de mes ancêtres que je vous conjure de rentrer dans la route du devoir, etc. » Extrait de l'ordonnance qui accorde une amnistie générale. « Sa Majesté, prenant en considération les circonstances qui ont forcé les soldats à abandonner leur corps, leur promet une amnistie générale, à condition qu’ils seront rentrés sous leurs drapeaux au 1er octobre prochain. » La même ordonnance sera envoyée au grand amiral pour les troupes maritimes. L’on a donné les noms des treize forçats rendus à la liberté. 11 y en avait trois condamnés à vie: le premier par arrêt du parlement de Paris de 1761, pour avoir tiré sur un garde-chasse, le second, par arrêt du parlement de Besançon, pour avoir commis différents excès contre un garde-chasse; et le troisième par arrêt du parlement de Rouen, pour différents vols et faits de braconnage. Plusieurs membres observent que l’intention de l’Assemblée n’a pas été de donner la liberté à un assassin et à un voleur ; l’on renvoie l’examen de cette affaire au comité des rapporls. L’Assemblée demande la lecture de la déclaration des droits de l’homme, rédigée par le comité des cinq (1). M. le comte de M Ira beau, au nom du comité des cinq. Messieurs , la déclaration des droits de l’homme en société n’est sans doute qu’une exposition de quelques principes généraux applicables à toutes les formes de gouvernement. Sous ce point de vue, on croirait un travail de cette nature très-simple et peu susceptible de contestations et de doutes. Mais le comité que vous avez nommé pour s’en occuper s’est bientôt aperçu qu’un tel exposé, lorsqu’on le destine à un corps politique, vieux et presque caduc, est nécessairement subordonné à beaucoup de circonstances locales, et ne peut jamais atteindre qu’à une perfection relative. Sous ce rapport, une déclaration de droits est un ouvrage difficile. 11 l’est davantage lorsqu’il doit servir de préambule à une Constitution qui n’est pas connue. Il l’est enfin, lorsqu’il s’agit de le composer en trois jours, d’après vingt projets de déclarations qui, dignes d’estime chacun en leur genre, mais conçu sur des plans divers, n’en sont que plus difficiles à fondre ensemble, pour en extraire un résultat utile à la masse générale d’un peuple préparé à la liberté par l’impression des faits, et non par les raisonnements. Cependant, messieurs, il a fallu vous obéir ; heureusement nous étions éclairés par les réflexions de cette Assemblée sur l’esprit d’un tel travail. Nous avons cherché cette forme populaire qui rappelle au peuple, non ce qu’on a étudié dans les livres ou dans les méditations abstraites, mais ce qu’il a lui-même éprouvé ; en sorte que la déclaration des droits, dont une association politique ne doit jamais s’écarter, soit plutôt le langage qu’il tiendrait, s’il avait l’habitude d’exprimer ses idées, qu’une science qu’on se propose de lui enseigner. (1) Comité chargé de résumer le travail relatif à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Cette différence, Messieurs, est capitale; et comme la liberté ne fut jamais le fruit d’une doctrine travaillée en déductions philosophiques, . mais de l’expérience de tous les jours, et des raisonnements simples que les faits excitent, il s’ensuit que nous serons mieux entendus à proportion que nous nous rapprocherons davantage de ces raisonnements. S’il faut employer des termes abstraits, nous les rendrons intelligibles, en les liant à tout ce qui peut rappeler les sensations qui ont servi à faire éclore la liberté, et en écartant, autant qu’il est possible, tout ce qui se présente sous l’appareil de l’innovation. C’est ainsi que les Américains ont fait leur déclaration de droits ; ils en ont à dessein écarté la science; ils ont présenté les vérités politiques qu’il s’agissait de fixer sous une forme qui pût devenir facilement celle du peuple, à qui seul la liberté importe, et qui seul peut la maintenir. Mais en nous rapprochant de cette méthode, nous avons éprouvé une grande difficulté, celle de distinguer ce qui appartient à la nature de l’homme, des modifications qu’il a reçues dans telle ou telle société ; d’énoncer tous les principes de la liberté, sans entrer dans Jes détails, et sans prendre la forme des lois; de ne pas s’abandonner au ressentiment des abus du despotisme, jusqu’à faire moins une déclaration des droits de l’homme qu’une déclaration de guerre aux tyrans. Une déclaration des droits, si elle pouvait répondre à une perfection idéale, serait celle qui contiendrait des axiomes tellement simples, évidents et féconds en conséquences, qu’il serait impossible de s’en écarter sans être absurde, et qu’on en verrait sortir toutes les Constitutions. Mais les hommes et les circonstances n’y sont point assez préparés dans cet empire et nous ne vous offrons qu’un très-faible essai, que vous améliorerez sans doute, mais sans oublier que le véritable courage de la sagesse consiste à garder, dans le bien même, un juste milieu. M. le comte de Mirabeau lit ensuite le projet de la déclaration des droits du comité. Il est conçu en ces termes : PROJET DE DÉCLARATION DES DROITS DE L’HOMME EN SOCIÉTÉ. Les repré?entants du peuple français constitués en Assemblée nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme, sont l’unique cause des malheurs publics et de la corruption du gouvernement , ont résolu de rétablir, dans une déclaration solennelle , les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme; afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif et exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous. En conséquence, l’Assemblée nationale reconnaît et déclare les articles suivants : 1° Tous les hommes naissent égaux et libres ; aucun d’eux n’a plus de droit que les autres de faire usage de ses facultés naturelles ou acquises :