[États gén. 1789. Cahiers, J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Perche.] 33g d’aussi affligés dans tout le royaume, surtout ledit Morel ? Signé G. Morel. CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances du chapitre de Carrouge, diocèse de Séez, élection de Falaise (1). 1° Que n’étant pas juste qu’une foule d’excellents sujets dans l’Eglise n’aient aucun bénéfice, pendant que d’autres les accumulent sur leurs têtes, il serait avantageux de réformer un si grand abus, d’interdire impérieusement et efficacement la pluralité de toute sorte de bénéfices, lorsqu’un serait suffisant pour une honnête subsistance; les Etats généraux tenus à Blois défendirent de tenir deux cures, deux évêchés ; Charles IX fit demander au concile de Trente, par ses ambassadeurs, qu’on ne donnât qu'un bénéfice à chaque ecclésiastique. Tel était l’esprit de saint Louis, tel est celui des saints canons , auxquels sont conformes les décisions de la Sorbonne ; 2° Que, pour mettre un frein à l’ambition et à la cupidité, il serait nécessaire de fixer la suffisance dont parle le concile de Trente : pour les seigneurs évêques, à 15,000 liv. ; pour les abbés, à 6,000 liv., parce que, dans le cas où il plairait à Sa Majesté de les nommer à de plus riches abbayes, ils lui remettraient celles dont ils seraient pourvus ; 3° Qu’en considération des déclarations, édits de nos rois, des anciens canons, par lesquels tous bénéficiers sont tenus à la résidence à peine de perte des fruits, il serait arrêté par les Etats généraux, sous les mêmes peines ou autres, que les évêques résideraient dans leurs diocèses, sans qu’ils pussent s’absenter plus de trois mois dans l’année, à moins que l’utilité évidente de l'Eglise ou de l’Etat ne l’exigeât; que, pour prévenir les abus auxquels la non-résidence donne lieu, il serait nécessaire que les Etats généraux suppliassent le Roi, la Reine, Monsieur, les princes et princesses du sang de ne point appeler pour leurs aumôniers les évêques, qui, de droit divin, doivent vivre au milieu de leur troupeau ; 4° Qu’il serait avantageux à la religion que , dans chaque diocèse, il n’y eût qu’une abbaye ou communauté régulière du même ordre, dans laquelle il y aurait au moins quinze religieux profès; alors les règles de l’institut seraient exactement observées, l’office divin y serait fait avec décence et édification; , 5° Que la quote morte des réguliers qui ont des bénéfices-cures attachés à leur ordre fût, à la diligence des fabricants, employée aux réfections et réparations des presbytères et bâtiments en dépendant, des églises paroissiales, et que le surplus du prix des meubles que se procurent les prieurs-curés, à même les fruits des paroisses, fût consacré à l’eutretien d’un maître ou maîtresse d’école gratuite, ou d’un bureau de charité, ou enfin distribué par la municipalité aux pauvres de la paroisse. On ne peut voir sans douleur et sensibilité le procureur d’une riche maison conventuelle y faire transporter une abondante succession, qui est véritablement celle des pauvres qui sont frustrés de leur héritage ; 6° Qu’il serait avantageux au public que les réfections etréparalions de toute espèce de béné-(1) Nous empruntons ce cahier à l’ouvrage intitulé : le Gouvernement de Normandie , par M. Hippeau. fices-cures fussent à la charge des titulaires et de luers héritiers, sans que, dans aucun cas, les paroissiens pussent en être inquiétés; 7° Que les communautés régulières de l’un et de l’autre sexe ayant, par leur profession, renoncé aux honneurs du siècle, il serait avantageux à la prospérité du royaume de mettre dans le commerce tous droits honorifiques et seigneuriaux, des marquisats, comtés, baronnies et tous autres fiefs qui sont entre leurs mains, en ce compris les patronages des cures attachés aux fiefs ; 8° Que le prix qui en reviendrait fût employé à payer tout ou partie des dettes du clergé ; 9° Que les autres patronages des. cures séculières, dont jouissent lesdites abbayes, soit par aumône, donation ou autrement, sans avoir les fiefs, fussent vendus aux seigneurs propriétaires desdits fiefs sur lesquels les églises paroissiales ont été édifiées et fondées. Des religieux séparés par état du reste du monde, n’ayant aucune part dans le gouvernement des paroisses, ne doivent pas en choisir les pasteurs ; 10° Que les seigneurs évêques ne puissent être prévenus en cour de Rome , à raison des cures et canonicats, à leur présentation, sauf le droit des gradués et des indultaires ; 11° Qu’il fût fait défense aux archidiacres d’exiger aucuns droits des curés et fabriciens pour les visites annuelles qu’ils font eux-mêmes ou qu’ils font faire par les doyens dans les paroi ses de leur archidiaconat , vu qu’elles sont dispendieuses aux curés et qu’il n’en résulte aucun avantage aux paroisses ; 12° Qu’après le décès des titulaires, les revenus des prestimonies , fondations non décrétées, à l’exception de celles qui ont pour vœu l’instruction de la jeunesse ou les fonctions de vicaire, fussent employés à l’établissement d’un bureau de charité ou d’une école de filature ou dentelle pour les enfants de l’un et de l’autre sexe des paroisses où lesdites prestimonies sont fondées. Les messes seraient acquittées par les curés ou vicaires ; 13° Que les chanoines séculiers, collectivement curés primitifs des paroisses dans lesquelles ils sont établis et domiciliés, fussent réintégrés dans les droits curiaux ; que leurs églises séparées de l’église paroissiale fussent érigées en église matrice pour la commodité des seigneurs et des bourgs qui en sont voisins et fort éloignés de leur église paroissiale, qui deviendrait succursale ; qu’un des chanoines, au choix du patron, soit laïque , soit ecclésiastique , serait nommé curé, serait aidé dans ses fonctions curiales par les autres chanoines et un vicaire amovible résidant à la succursale; 14° Que, pour ne point ôter aux prieurs, chanoines et autres bénéficiers, l’honnête suffisance qui leur est due et que leur procuraient leurs titres, dont les fonds sont ou des dîmes ecclésiastiques ou inféodées , Sa Majesté fût suppliée que les revenus de quelques abbayes fussent employés au payement de toutes les portions congrues du royaume ou qu’il fût satisfait à la subsistance des congruistes par l’union gratuite des bénéfices simples; 15° Qu’en conformité d’un arrêt du parlement de Normandie , il fût fait défense à tous curés d’exiger aucuns droits pour les baptêmes, mariages et sépultures, et qu’il fût seulement permis de prendre ce qui serait offert; 16° Que, pour faire cesser les plaintes occasionnées par Ja distribution des biens aumônés aux pauvres dans grand nombre de paroisses, il serait 336 [États géix. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province dn Perche.1 utile de régler que ces revenus fussent mis en mense pour un bureau de charité ou partagés par les curés, de l’avis du substitut du procureur général (s’il s’en trouvait dans les lieux), ou enfin des municipalités ; 17° Qu’il serait avantageux à la nation qu’il n’y eût qu’un seul impôt auquel tous les sujets du monarque seraient assujettis sans distinction, lequel impôt serait levé sur les biens-fonds, l’industrie et les personnes capites ; 18« Que, pour ne point ôter à la noblesse et au clergé tous leurs privilèges, l’un et l’autre ordre eussent la liberté de diviser entre eux la portion de l’impôt auquel il est juste que tous les citoyens contribuent; 19° Que les chambres ecclésiastiques, auxquelles est attribuée la connaissance des décimes et autres taxes, etc., fussent différemment composées; que la répartition du nouvel impôt fût faite en présence du seigneur évêque (.les suffrages des députés des chapitres, communautés rentées, des abbés, de deux des plus anciens curés de chaque doyenné préalablement pris), lesquels seraient avertis quinze jours auparavant par le syndic du diocèse ; 20° Que, dans aucun cas, il ne puisse être donné atteinte aux propriétés inhérentes, aux bénéfices séculiers, soit par titre ou possession centenaire, même quadragénaire, dans les coutumes où elle a force de loi ; 21° Que la déclaration du Roi, du 29 mai 1786, concernant les dîmes, soit exécutée, selon sa forme et teneur, dans la province de Normandie, nonobstant tous règlements et arrêts à ce contraires. La tranquillité des décimateurs et des déci-mables exige qu’il en soit ainsi ; 22° Que, pour faire cesser les justes plaintes des cultivateurs entourés ou voisins des forêts plantées à vingt lieues des plaisirs du Roi, les conservateurs des chasses et dites forêts y feront tuer, par chacun an, quarante fauves, et même plus, sur les représentations des assemblées de département; 23° Que la liberté qui serait donnée aux particuliers de tuer les pigeons, serait une atteinte aux propriétés seigneuriales, l’autorisation tacite d’une espèce de brigandage civil. Nous remontrons en même temps qu’il serait avantageux à la nation d’enjoindre aux seigneurs ayant droit de colombier, à peine d’amende , de les tenir enfermés au temps de la semaille et des récoltes ; 24° Que, pour l’exportation des denrées du bocage aux villes, des marnes, charrées nécessaires pour la culture des terres ingrates de la majeure partie de la basse Normandie, du bas Maine et autres provinces, les chemins de bourg à ville, de bourg à bourg, fussent incessamment rendus praticables aux frais et même à l’impôt général ; 25° Que les assemblées provinciales, leur organisation et administration, dont l’utilité est reconnue, trouvent dans les Etats généraux une consistance perpétuelle ; 26° Que l’odieux impôt de la gabelle, déjà jugé par le monarque, soit au plus tôt anéanti ; que les administrations provinciales et de département fassent voiturer des approvisionnements de sel dans les anciens greniers, où les sujets de leur arrondissement viendront aux jours accoutumés en prendre, selon leurs besoins, par demi-quart, quart, etc., à un prix qui sera d’autant plus modique qu’il n’y aura plus d’archers, de gableurs à salarier; que, pour la facilité des pauvres et autres, il y aura dans les paroisses un ou plusieurs revendeurs, qui le distribueront par poids et petites mesures au prix qui leur sera fixé par les assemblées provinciales ; 27° Que, pour arrêter tout ainorcementet attrait au faux saunage, il serait à désirer que le prix du sel lut le môme dans le3 provinces limitrophes et même dans tout le royaume; que jamais de l’eau de la mer ne puisse être interdite à ses riverains ; 28° Que les simples archers, gardes-sel, fussent employés, aux dépens des provinces, à l’entretien et confection des routes de différentes classes et aux travaux publics jusqu’à leur décès arrivant, car il ne serait pas juste de les laisser sans emploi et sans pain; 29° Qu’il fût également pourvu par l’administration aux besoins des commis aux aides, dont la suppression n’est pas moins nécessaire pour la tranquillité publique; 30° Que, dans tous les bourgs, il y eût au moins deux archers de maréchaussée résidants; que les mauvais sujets, ceux mêmes qui contreviendraient aux règlements et ordonnances des provinces touchant le sel et le tabac, et qui en seraient convaincus, fussent envoyés à perpétuité aux îles; 31° Qu’il serait avantageux au royaume d’occuper, en temps de paix, à l’exemple des Romains, l’infanterie au travail des routes et de leur donner une paye plus forte; ils en seraient plus forts et plus robustes; 32° Que les abus dans le tirage des milices, toujours dispendieuses aux paroisses, que les intendants ou leurs subdéiégués appellent au lieu de leur résidence, fussent réformés, et que les miliciens, peu de temps après le tirage, fussent incorporés ou que chaque paroisse fournît une somme pour tenir lieu de la milice; 33° Que la liberté accordée par la déclaration du mois de mai 1788, aux justiciables, de franchir les degrés des juridictions seigneuriales, est une atteinte aux droits que donnent plusieurs coutumes, et notamment celle de Normandie, aux hauts justiciers, résultant de l’injonction qui leur est faite par l’article 18 d’avoir un juge, un procureur fiscal et un greffier résidant dans le chef-lieu de leur justice, vu que ce serait en réduire le plus grand nombre à une impossibilité à laquelle ils ne pourraient remédier que par des pensions onéreuses et souvent au-dessus de leur fortune; 34° Que la faculté accordée à deux justiciables, d’éluder les juges de la classe inférieure, serait nuisible aux pauvres citoyens éloignés d’un bailliage de quatre à cinq lieues, et quelquefois huit à neuf. Tels sont les vassaux de plusieurs hautes justices. En effet, un malheureux journalier, pour revendiquer sa haie, son fossé usurpé par un riche voisin, l’appellerait inutilement devant son juge naturel, où il ferait à peu de frais entendre sept à huit témoins; son adversaire le contraindra de faire sa preuve devant un juge royal; il n’aura pas le moyen de fournir à de si grands frais; il abandonnera son héritage à la puissance de son usurpateur; 35° Que, pour simplifier des frais qui, quelquefois, deviennent ruineux pour des contestations très-peu importantes, ne point écarter les justiciables des premiers juges; il serait avantageux que les hauts justiciers, spécialement ceux dont le district est à quatre lieues et au delà, jugeassent définitivement les procès dont le fond n’excéderait pas 100 livres; que les appels des sentences des hautes justices, surtout celles éloignées de cinq lieues des bailliages, fussent immédiatement portés à un tribunal souverain; [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Perche.l 337 36° Que les arrêtés des cours souveraines, de n’admettre dans leurs corps que des nobles fussent déclarés nuis, comme prejudiciables au tiers-état, qui n’v aurait aucun membre pour la défense de ses droits; 37» Que, pour rapprocher les justiciables des bailliages, il serait très-avantageux de procéder le plus tôt possible à de nouveaux arrondissements; 38° Que, pour abréger la longueur des procès, il ne fût alloué aucune taxe aux procureurs, excepté pour le premier écrit et un second, qui contiendrait au plus deux feuilles en grosse, à raison de vingt-cinq lignes à la page, quinze syllabes à la ligne; • 39° Que les banqueroutiers frauduleux, plus nuisibles à la prospérité du royaume que les voleurs publics, soient exemplairement et très-rigoureusement punis en conformité d’un ancien règlement. Arrêté en Chapitre, ce 12 mars 1789. Guernon des Acres, chanoine-doyen; Chéra-dame, chanoine; Huard, chanoine; Chauvière, chanoine ; Tartarin, chanoine. P. S. Le clergé éprouverait une perte considérable qui rejaillirait sur la classe indigente des citoyens, si le système de substituer une pension aux dîmes et biens-fonds qui lui appartiennent faisait fortune dans les années de disette. Les bénéficiers, loin de porter des secours aux pauvres qui les environnent, auraient eux-mêmes à peine de quoi vivre. Des pensions en argent n’offrent au clergé qu’une suite de troubles et de contestations par la progression que les temps amènent dans le prix des comestibles. Chéradame, chanoine . 22 lre Série, T. Y.