[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [27 mars 1791.] 409 dernier, sanctionné le 1er décembre suivant, n’y avoir lieu au payement de ladite indemnité. » (Ce décret est adopté.) M. Camus, au nom du comité d'aliénation. Je dois annoncer à l’Assemblée que le brûlement de 7 millions d’assign ts, indiqué pour jeudi dernier, a eu lieu, et que vendre ii prochain, 1er avril, il en sera brûlé pour 10 millions nouvellement rentrés à la caisse de l’extraordinaire. A cette occasion, je ferai observer que, le nombre des assignats à brûler augmentant tous les jours, le compte en devient très long; je demande, en co iséquencj, que l’Assemblée veuille bien autoriser les commissaires de l'extraordinaire à s'adjoindre quelques membres de l’Assemblée pour compter les assignats avant leur brûlement. (Cette motion est décrétée.) M. de Vismes, au nom du comité des domaines, fait part à l’Assemblée des difficultés, troubles et inquiétudes qu’éprouvent dans leur jouissance plusieurs possesseurs de biens ci-devant domaniaux et propose, pour y remédier, le projet de décret suivant : « L’Assemb ée nationale, ouï le rapport de son comité des domaines, déclare qu’aucun possesseur de biens ci-devant dits domaniaux, à quelque titre que ce soit, ne doit êtie troublé dans sa jouissance ni directement, ni indirectement, avant qu’il ait été statué sur la validité de son titre, dans la forme prescrite par le décret sur la législation domaniale du 22 novembre dernier, sanctionné le 1er décembre. Elle charge les corps administratifs de veil er à ce qu’il ne soit apporté aucun obstacle à ladite jouissance, et notamment à ce qu’il ne soit exposé en vente, au profit de la nation, aucun dédits biens domaniaux possédés par des particuliers, avant la révocation légale du titre d’aliénation, si ce n’est dans le cas déterminé par l’article 27 du décret sus-daté. Elle charge au surplus les corps admi-n isti atif s de transmettre a son comité des domaines tous les renseignements qui sont en leur pouvoir, concernant les aliénations des biens domaniaux. (Ce décret est adopté.) M. Defermon, au nom du comité des contributions publiques. Messieurs, l’intérêt général de la nation est d'attirer la plus grande quantité pos.-ible des espèces de l’étranger; et on n’y peut parvenir qu’en facilitant l’exportation, à l’étranger, soit des denrées de production nationale, soit des ob;ets manufacturés. Si dans l’ancien régime on n’avait pas reconnu cete vérité pour le bien général, la ferme l’avait sentie pour son intérêt, en donnant quelques facilites aux négociants français et étrangers qui, spéculant sur le commerce des tabacs, en demandaient pour l’exporter à l’étranger. Ces facilités méritent sans doute d’être conservées et lorsque vous avez, par vos décrets, cherché tous les moyens d’augmenter vos relations à l’étranger, votre comité a cru ne pouvoir se dispenser de vous rendre compte de cette circonstance particulière. L'Assemblée nationale ne sera certainement pas moins soucieuse du bien général que la firme générale; et si le décret relatif à la suppression de la régie du tabac porie que les tabacs fabriqués seront vendus à l’encan et ne pourront être livrés au-dessous du prix de 35 sous la livre, l’Assemblée n’a pas entendu assujettir aux mêmes lois les tabacs fabriqués qui seraient vendus pour être exportés à l’étranger. Nous avens l’honneur, en conséquence, de vous proposer le projet de décret suivant : « L’Assemolée naûonale décrète que les préposés à la régie provisoire des manufactures de tabacs appartenant à la nation continueront de fournir des tabacs manufacturés, sur les demandes qui leur seront faites pour l’étranger, à la charge de remplir les formalités accoutumées et que le prix de ces tabacs ne sera pas moindre que 35 sous la livre. » (Ce décret est adopté.) M. de Liancourt, au nom du comité de mendicité. Je prie l'Assemblée de vouloir bien entendre demain, à l’ouverture de la séance, un projet de décret tendant à fixer, d’une manière déterminée, les fonds qui doivent être compris dans les dépenses de 1791 , pour I s enfants trouvés, les dépôts de mmdicité, les secours d’hôpitaux, etc., déjà décrétés sommairement sur le rapport du comité des finances, le 18 janvier dernier. (Cette motion est décrétée.) M. Malouet. Messieurs, le conseil général de la commune de Dax avait remis à vos comités une requête en plainte contre le directoire du département des Landes, avec les pièces justi-ticativ* s à l’appui. Ces p èces se sont égalées dans vos bureaux; la municipalité m’en a envoyé de doubles expédilions en me priant de les mettre sous vos yeux. Je m’acquitte de ce devoir, Messieurs, en les déposant sur le bureau et en vous priant de vouloir bien en ordonner le renvoi au comité des rapports; les voici ; L’une de ces pièces est une adresse du conseil général de la commune de D x; il se plaint de la conduite que le directoire du département des Laudes a tenue à l’égard de quelques officiers municipaux. L’autre renferme les pièces justificatives sur lesquelles le conseil général de la commune de Dax appuie ses giiefs et ses réclamations. (L’Assemblée ordonne que ces pièces seront remises au comité des rapports.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les mines et minières (1). M. Dupont. Messieurs, c’est avec beaucoup de surprise que, dans l’opinion de plusieurs des membres de cette Assemblée qui ont traité la question des mines, j’ai vu faire une grande distinction entre les propriétés souterraines et les autres propriétés, distinction que l’on fonde sur la grande importance des propriétés souterraines et ues productions des mines. Je n’entends pas, Messieurs, comment l’importance d’une production peut changer quelque chose aux principes des droits de propriété; comment, on croirait que l’on doit mettre en propriété nationale plutôt le plâ re que le blé qui est une chose bien plus précieuse que le plâtre? On n’a pas cru que les principes généraux de la propriété dussent être intervertis, lorsqu’il s’agit du commerce des blés, et vous l’avez constaté par tous, (1) Voyez ci-dessus, séance du 21 mars 1791 , page 237, le commencement de la discussion sur cet objet. [27 mars 1791.] 410 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. les décrets que vous avez rendus sur le commerce des grains. D’après cela, je ne comprends pas pourquoi, relativement au mines, on croirait devoir changer les principes qui sont le fondement delà société. Il n’y a pas, Messieurs, deux manières d’acquérir une propriété; il n’y a pas deux lois sur la propriété. Un très grand homme, dont les lumières ont grandement influé sur vos travaux, Jean-Jacques Rousseau, a défini l’origine de la propriété, quand il a dit qu’elle s’acquérait par le travail, quand il a donné l’exemple de l’enfant qui a cultivé des haricots, et qui ne voulait pas qu’on les lui ôtât, parce qu’une partie de sa personne avait été employée à cette culture, et que le priver d’une partie de sa culture, ce serait dit Jean-Jacques, comme si on voulait retenir son bras malgré lui. Si c’est par les avances qui se consomment dans le travail que l’on acquiert les propriétés, il en est des propriétés souterraines comme des autres propriétés. On ne peut commencer l’ouverture d’un souterrain que sur un terrain dont on est propriétaire, ou que par une convention libre avec le propriétaire, sans quoi il y aurait une pleine violation de la propriété. La propriété des mines s’acquiert comme la propriété des champs, à la condition imposée pour les autres propriétés. L’intérêt de la société est ici de suivre, comme à tous autres égards, les principes de la justice et ceux de la morale, quand ce ne serait pas ceux de la société. 11 serait très dangereux de dire que, pour l’intérêt de la société, on doit passer par-dessus les droits de la justice; car on peut se tromper sur l’intérêt, maison ne peut pas se tromper sur la justice; et l’expérience de tous les siècles montre qu’il n’y a de véritablement conforme à l’intérêt de tous ou d’un chacun que l'exercice de la jouissance. Or, il n’y aurait pas d’intérêt pareil, Messieurs, à concéder les mines, car une concession ne donne pas la faculté d’exploiter les mines. En effet, pour qu’une mine soit exploitée, il faut deux choses, il en faut même trois : la propriété du terrain sur lequel on veut commencer les travaux, l’intelligence pour les diriger, et les capitaux pour tes salarier. Si vous avez fait la concession des mines à des gens qui manqueraient de capitaux, ils ne pourraient pas par votre com-cession suivre leur entreprise; et vous auriez inutilement concédé; vous n’auriez fait que ce que faisait l’ancien gouvernement. Cette manière de 'gouverner ne peut pas convenir. Elle est trop contraire aux principes des droits de l’homme et de la liberté. On nous a cité dans cette tribune l’autorité de M. Turgot, relativement aux principes des mines, et on vous l’a citée avec inexactitude. M. Turgot n’a point prétendu que les mines pussent appartenir au premier occupant; il n’a pas prétendu que l’homme qui voudrait ouvrir une mine pourrait en prendre possession sur un terrain qui ne lui appartenait pas, ni que la société put le donner à personne. M. Turgot a dit que lorsqu’un propriétaire ou un homme d’accord avec un proprietaire avaient ouvert une mine sur leur propriété, ils avaient le droit de poursuivre les travaux de cmte mine, pourvu qu’ils ne causassent point, de dégâts aux autres proprietaires et que chaque piopuetme avait chez lui le droit que vous ne pouvez pas lui enlever, le droit de commencer aussi des fouilles et de poursuivre ainsi ses travaux à la seule condition de ne pas se nuire. Je crois, Messieurs, cesprincipes si conformes aux maximes qui ont dirigé tous vos travaux, que je ne les développerai pas davantage, et que je me bornerai à en exprimer le résultat dans le projet de décret très court que je vais vous soumettre. « Art. 1er. Tout propriétaire a le droit d’ouvrir le terrain dans sa propriété, pour extraire toute espèce de minerai ou autres matières fossiles. « Art. 2. Tout propriétaire qui ouvre un puits ou une galerie de mines acquiert la propriété desdits puits ou galeries, celle des constructions souterraines qu’il y fait et celle des matières qu’il en tire. « Art. 3. Tout propriétaire-entrepreneur de mines, qui a besoin pour son exploitation de disposer de la propriété d’nn autre propriétaire, est tenu de s’arranger avec lui de gré à gré. « Art. 4. Tout propriétaire, qui a ouvert une galerie souterraine, a droit de la pousser, selon son intérêt, en toute direction, à la charge par lui de garantir de tout éboulement et de tout dommage les propriétaires des terrains sous lesquels passent les galeries. « Art. 5. Si, par suite des travaux souterrains, il arrive un éboulement ou tout autre dommage imprévu à quelque propriété terrienne, le dommage sera estimé par expert et l’entrepreneur de mines ou autre fouilles qui aura causé ce dommage sera obligé de le payer au double de l’estimation, pour indemniser le propriétaire de ce que la cession n’est pas volontaire. « Art. 6. Si les galeries poussées par deux entrepreneurs de mines ou autres fouilles viennent à se rencontrer, l’entrepreneur de la galerie qui viendra aboutir sur l’autre n’aura rien à prétendre dans la continuation de la fouille par cette galerie; le droit de cette continuation appartiendra à celui dont la galerie étant la plus avancée, s’étendra au delà du point de jonction. « Art. 7. Si deux galeries ouvertes par des entrepreneurs différents se rencontrent précisément à leur extrémité, les deux entrepreneurs partageront le droit de poursuivre la fouille en commun par cette galerie seulement, chacun sous l’obligation de fixer sa portion de minerai et autres matières pour la galerie, si mieux ils n’aiment, s’arranger à l’amiable. « Art. 8. Les anciens concessionnaires seront maintenus dans la propriété des puits et galeries qu’ils ont faits, ainsi que dans le droit de les poursuivre et de continuer à en tirer du minerai. Le privilège exclusif quileur avait été donné pour ouvrir des exploitations semblables dans le même arrondissement, est aboli. » M. de Tracy. Je me bornerai à observer que la discussion m’a paru, jusqu’à présent, dirigée à ce but. Les mines sont-elles une propriété appartenant au propriétaire du sol, ou bien les mines appartiennent-elles à la nation? 11 me parait que la question n’est pas trop bien posée comme cela, car, si Ton déclare que les mines appartiennent aux propriétaires de la superficie, sans adoucissement aucun au principe, ou peut objecter que le propriétaire qui achète cette superficie n’avait pas souvent connaissance qu’d y existât des mines, que sa propriété ne put pas être tellement inviolable que s’il en résultait une perte lotale pour le public et pour lui d’un trésor que le public ignorait, on pût et on dût le laisser absolument maître d’enfouir et d’annuler ce trésor. Cette propriété, comme toute autre, peut, à certains égards, céder à l’utilité générale, cette pro- [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mars 1791.) priété, enfin, pourrait être dans le même cas qu’est celle de la superficie, lorsqu’il s’agit de construire ou de tracer un chemin ou un canal, et où le propriétaire est obligé, pour le bien général, moyennant une suffisante indemnité, de céder sa propriété. Voilà les objections que l’on pourrait faire, ce me semble avec raison, à qui voudrait déclarer, sans aucune restriction, que les mines appartiennent au propriétaire de la superficie ; et combien de plus grandes objections encore ne pourrait-on pas faire à ceux qui voudraient déclarer nettement queles mines sontune propriété nationale ? Car de quel droit seraient-elles une propriété nationale? Quoi, un trésor qui est dans mon champ, parce que je ne le connais, parce que je n’en ai pas fait usage, appartient au public? Quoi, si. je trouvais un trésor, une perle, un d'amant dans mon champ, il appartiendrait à la nation? Non, certes, dira-t-on; mais c’est pourtant ce que vous faites en déclarant nationales les mines qui sont dans mon champ. Je demande aux partisans de ce système qu’ils me déterminent la couche où commence la propriété nationaleet où tinissentles propriétés particulières; la question est embarrassante. Au moyen de quoi? S’il fallait absolument déclarer, en termes précis, à qui appartient la propriété d *s mines, je dirais : La propriété des mines appartient à qui y a appliqué son travail, ses funds et son intelligence. Mais il est un autre principe, c’est que la superficie appartient à quelqu’un. Or, comme la superficie est la porte de la mine et que le propriétaire ne peut être forcé de l’ouvrir, j’en conclus que personne ne peut ouvrir une exploitation que sur le terrain qui lui appartient ou qu’il a acquis. Ayant une fois ouvert sur son terrain, il s’agit d’examiner s’il peut suivre sous le terrain d’autrui. Je déclare que je suis pour l’affirmation. Je dis ensuite en même temps que, en suivant cette espèce de conquête sous le terrain d’autrui, on ne peut pas enlever à autrui le droit d’ouvrir une porte sur son terrain, droit qu’on n’exerce que sur le sien. De là il peut en résulter des inconvénients par la rencontre des travaux et, par la crainte de ces inconvénients, les partisans des concessions disent que cette liberté empêcherait d’entreprendre aucun ouvrage considérable. Je dis, moi, que la connaissance de cette liberté ferait qu’un propriétaire, avant d’ouvrir son terrain, s’assurerait tranquillement de jouir du prix de ses travaux par des conventions de gré à gré et des conventions libres avec des personnes dont il pourrait craindre d’être troublé. Je dis, Messieurs, que s’il résultait des oppositions delà part des voisins qui allassent jusqu’à priver le public de l’exploitation, je dis qu’alors la partie publique peut intervenir mais avec infiniment de réserve, car il s’agit toujours du droit de propriété; et il faut qu’il soit bien constaté que la propriété nuit à l’avantage général pour que l’on ose y toucher. Il me paraît, Messieurs, d’après ces principes-là : ouvrir une mine sur son terrain, suivre sous celui d’autrui et ie public intervenir dans les conventions qu’on ne pourrait pas convenir de gré à gré, il me semble, dis-je, qu’av� c ces principes on a à peu près prévu toutes les questions qui peuvent s’élever, et que l’on a concilié le respect dû à la propriété avec l’intérêt du public en général. 411 . de Tracy présente, à la suite de son opinion, un projet de décret portant en substance : 1° que personne u’a droit de creuser une mine ailleurs que sur son terrain ; 2° que, en ouvrai] t sur son terrain, on pourra prolonger la fouille sous les propriétés voisines ; 3° que les propriétaires voisins ayant aussi le droit de creuser une mine ailleurs que dans leur terrain, celui qui aura le premier creusé la mine sera tenu de s’arranger avec eux de gré à gré, ou que, dans le cas où ils ne pourraient pas s’arranger, la partie publique interviendra; 4° que les anciennes concessions de mines qui n’étaient point précédemment exploitées, seront valables; 5° que les concessions de celles qui n’étaient point précédemment exploitées seront nulles. M. Dupont. J’ai une observation de trois mots à faire : c’est que les gens qui croient que l’on ne pourrait pas exploiter les mines sans conces-cessions ont oublié que depuis Tubalcaïn il s’est consommé 5,000 ans sans que l’on eût songé à faire des concessions, et que cependant toutes les mines ont fourni des métaux à toute l’antiquité. M. de Mirabeau. Messieurs, on a présenté trois systèmes, celui du premier occupant qui fait classe à part; il est opposé aux deux autres. J’eu parlerai bientôt séparément. Le second consiste à déclarer que les mines sont des propriétés privées et individuelles. Les propriétaires du Forez sont à la tête de ce système pour lequel certainement ils ont droit de réclamer une très grande faveur, à raison de leur localité. Le troisième, qui est celui des comités, tel que je l’ai amendé, consiste à décréter que les mines sont à la disposition de la nation; dans ce sens, que c’est à la nation à les concéder, d’après des règles particulières qu’il faut décréter en même temps que le principe. La théorie de ce dernier système est facile à établir. Ce serait une absurdité de dire que les mines sont à la disposition de la nation dans le sens qu’elle pût ou les vendre, ou les faire administrer pour son compte, ou les régir à l’instar des biens domaniaux, ou les concéder arbitrairement. Personne n’a proposé cela; il était donc inutile de ie combattre aussi longuement qu’ou l’a fait, à moins que ce fût pour perdre du temps. Le système que je soutiens a des bases bien différentes. Il est fondé sur ce principe que la nation a droit à l’exploitation des mines; que, ayant ie plus grand intérêt à cette exploitation, elle a le droit d’exiger qu’elle se fasse, qu’elle se fasse bien ; et qu’elle doit prendre, par conséquent, des mesures pour ne pas courir sur cet objet, devenu de première nécessité, toutes les chances de la négligence ou du hasard. Si l’on niait ce principe, il serait facile de l’établir; mais les propriétaires du Forez en conviennent ainsi que moi. Nous ne disputons que sur ses conséquences. Les propriétaires du Forez prétendent que ce principe est conservé en décrétant que les mines seront sous la surveillance de la nation; mais il est évident que cette disposition ne pourvoirait pas suffisamment à l’intérêt public. Ce n’est point assez de surveiller les mines qui seront exploitées, i) faut encore qu’on puisse provoquer, en quelque sorte, F exploitation de celles qui seront négligées; or, ce droit excède celui d’une simple surveillance. Les propriétaires' du Forez l’ont très bien senti; aussi proposent-ils de décréter qu’indépendammeut de cette surveillance, la nation pourra concéder les mines dans certains 412 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (27 mars 1791.) cas Or, c’est précisément dans ce point que se trouve le véritable germe du principe de cette ma mère. Si la nation peut et doit concéder les mines dans certains cas, ce n’est plus là surveiller les mines, c’est en disposer. On ne peut point concéder ce qui n’est pas à noire disposition ; on ne peut pas garaniir ce que l’on concède, si l’on n’y a point un certain droit. On verra bientôt que les proprietaires du Forez arrivent aux mêmes résultats que moi, mais avec cette différence que tous les articles de leur projet de décret contrarient le principe qu’ils veulent poser; au lieu que dans le mien je n’ai beso n de proposer aucune exception, et qu’un seul principe amène toutes les conséquences. Voilà la dé motion de mon système. La nation a droit à l'exploitation des mines; donc, si les min s ne sont pas exploitées, la nauon doit en provoquer l’exploitation. Elle ne peut la provoquer utilement u elle n’a pas le droit de concéder une ruine que le proprié aire du sol refusera d’exploiter; et cette conce smn serait illuso re si la nation n’avait pas le droit de la gir.o tir. Si la nauon peut et doit concéder les min' s, les mines, sous ce rai port et dans ce sens, sont donc à la disposition nationale. Mais, comme e le ne peut les concéder qu’en vertu de s* n droit à leur exploitation, il s’ensuit : 1° que le propriétaire exp oitant doit être maintenu, car l’intérêt public est alors rempli, et par là l’on prévient pour l’avenir toutes les iniquités dont s’était souillé l’ancien régime; 2° que le propriétaire qui veut exploiter doit être préféré; car c’est le propriétaire du sol qui est en quelque sorte débiteur, envers la société, de l’exploitation de la mine qui est à sa porté"; 3° qu’il est mutile de concéder les mines dont l’exploitation est facile, qui sont peu profondes et par couches no-rizontales; car, pour ces mines, la nation doit s’en rapporter à l’intérêt du propriétaire, et l’on n’a pas b. soin de provoquer ce qui est facile à exécuter. De ces mêmes principes découlent d’autres conséquences : si la nation doit préférer les propriétaires dans la concession des mules, non pas seulement pour être ju-te, mais en vertu des principes d’où dérive le droit de cono. ssion, il s’ensuit que toutes les concessions des mines déjà exploitées par les propriétai; es sont nul es, et par là tous les maux causés aux habitants du Forez sont ré tarés. 11 s’ensuit encore que les concessions faites aux inventeurs des mines doivent être conservées : car si la nation a le droit de concéder des mines que les propriétaires n’exploitent pas, les actes de l’ancien gouvernement doivent être maintenus lorsqu’ils out on pour objet l’utilité publique. Tout se tient donc dans ce système. Il n'y a ni contradiction, ni lacune, ni exception; et tous: les intérêts sont parfaitement conciliés. Pourquoi donc les opinions sont-elles encore divisées ? J’ai dit que c’était faute de s’entendre, et j" vais le prouver : d’abord les proprietaires du Forez ont pensé que l’article cinquième de mon projet de décret ne remplissait pas entièrement leur intérêt; je vais le rappeler pour qu'on puisse mieux juger des objections qu’on a faites : « Les « conce.-sionnaiivs, ai-je dit, dont la concession « a eu peur objet des mines découvertes et ex-« ploitées par des propriétaires seront déchus « de leur conce sion, à moins qu’il n’y ait cou-« seulement legal des prop iétair s de la sm face ; « et lesdites mines retourneront aux proprié-« taires qui les exploitaient avant lesdites con-« cessions, à la charge, par ces derniers, de « rembourser de gré à gré ou à dire d’experts « aux concessionnaires actuels la valeur des ou-« vragi s et travaux dont i‘s profiteront. » Certainement par cet article toutes les concessions odieuses qui n’étaient qu’un vol lait aux proprietaires sont anéanties. Les habitants du Fo ez en conviennent. Mais, disent-ils, l’exception tirée du consentement légal pourrait donner lieu à une foule de procès; on pourrait supposer que I s prop iétaires ont donné un consemeraent tacite ou qu’ils ont consenti parce qu’ils auraient reçu le payem nt de quelque dommage.. Voilà la première objection; il est facile de ré-poud e; l’exception tirée du consentement légal du propriétaire doit subsister; car là où il y a cession d’un droit, le cédant n’a plus de droit. Si des concessionnaires ou justes ou prévoyants avaient joint au titre de leurs concessions le cous ntement des propriétaires, il faudrait certainement conserver de pareilles concessions. J’amende moi-même, pour p'us de clarté et pour satisfaire à tout, cet article de cette manière '< à moins qu’il o’y ait eu de la part des pro-« priétaires consentement légal et par écrit for-« mollement confirmatif de la concession. » Plusieurs • membres : Et libre ! et libre ! M. de Mirabeau. Mais fan! -il pour un mot si facile à coniger se plaindre de l’article qui reni-plit d’ailleurs évidemment l’intérêt du propriétaire du fonds ? Les propriétaires du Forez ont fait une objection bien p us singulière. Notre intérêt, disent-ils, est conservé, mais c’est par une exception; ii vaudrait Imm mieux que ce fût parle principe. Voici précisément où je prêt' nds qu’on ne s’eniend point. 11 n’est pas vrai que l’intérêt des propriétaires du Forez ne soit conservé que par cette exception ; car il u’y a pas d’exception dans mon système. Quel est le prmcipeque j’ai posê?Que la nation a d r< lit à Texploiiation des mines. Quelle est la première conséquence de ce principe? Que la nation peut concéder les mines qu’on nYxplmte pas. Quelle est la seconde conséquence? Que l’ancien gouvernement aurait dû agir de même, puisqu’il n’y avait que cela de juste, et qu’ainsi les concessions des mines découvertes et exploité s doivent être anéanties; il est donc vrai que l’intérêt du Forez est conservé par l’application du pr.ncipe; il n’est donc pas vrai que l’article 5 du projet de decret soit une exception. 11 y a plus, e’ed que l’article 1er du projet de décret, et c’est là que se trouve le principe, renferme déjà, imlépenda ' ment des concessions anéanties par i’arlirb-5, tout ce q. e les propriétaires du Fon z peuvent désirer. 11 est dit dans cet article ; « Que les propriétaires de la surface n’auront pas même besorn de concession pour jouir des mines qui pourront être exploitées à tranchée ouverte, sans fusse et sans lumière. » Or, presque toutes les mines de charbon du Forez sunt dans ce cas. Mais on a fait une objection sur cet article, qui mérde de fixer l’ai teni ion de l’Assemb'ée. Les mots, dit-on, à tranchée ouverte, sans fosse et sans lumière , n’accordent, pas un droit Sufli-sant. L faudrait que le propriétaire n’eût pas be.-oin de concession pour creuser jusqu’à une certaine proi'o' deur; et cette profondeur devrait être fixée. Pour décider cette question, je n’ai encore besoin que d’appliquer le principe que 413 |Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mai s 179i.| j’ai posé: la société a droit à l’exploitation; mais elle n’a droit qu’à l’exploitation; son intervention ne doit donc pas avoir lieu toutes les lois que ce te expoitati v champ? Le troisième article « excepte de la loi generale les milieu-d’or et d’argent, qui par leurs rapports monétaires sont sous la direction immédiate du gouvernement, sauf l’indemnité préalable due au propriétaire du sol pour la valeur de la superficie ». M. IlcurtauIt-liamervIIIe. J’observe que l’article a été amendé. M. de Mirabeau. Au reste, c’est votre principe; mais comment les auteurs de ce projet de loi peuvent-ils admettre ceite exception, s’il est vrai que les mines soient des propriétés indivi-(1) Voyez ci-dessus, séance du 21 mars 1791, page 45, le projet de décret de M. Heurtault-Lamerville. duelles, les mines métalliques ne sont-elles pas une propriété, un fruit de ceite terre dont les entraides fé ondes appartiennent aux propriétaires de la sui face? Je voudrais que l’on me 'lise pourquoi les mines métal liq-i ■ s peuvent être, sans inconvénient, à la dispo-iuon de la nation; est-ce à cause des capitaux immenses qu’i1 faut y employer? Mais, dans ce vas, il me subira de prouver qu'une très grande partie des mm 'S exige les mêmes travaux et les mêmes moyens. Faut-il moins d’efforts — je vous le demande, Messieurs, — pour extraire une mine de charbon de terre a 1,200 pieds de profondeur, qu’une mine de fer à 40? L'article 4 porte que « tout proprétaire sera obligé de souffrir la recherche que l’admini-tra-tion fera faire d s mines, suivant le règlement qui sera juinl au présent decret ». N’e.-J-il pas évident que cet article n’est proposé que pour répondre à cette objection? T>>ute découverte de mines deviendrait impossible, en déclarant qu’elles font partie des propriétés individuelles. On éloig ierait ceux qui pourraient consacrer d'immenses capitaux pour rechercher une propriété à laquelle iis seraient forcés de renoncer après les plus grands elforts. On a senti cette di fficulté. Et, pour y repondre, M. Lamerville chm ge tout simplement ia société de faire, à ses frais, la recherche des mines; mais c’est surtout dans l’article 5 que se montre l’incohérence de son système avec le principe qu’il veut lui donner puur base. « Aussitôt, dit-on dans cet article, que les mines S'vont découverts et que l’administra ion j ugera qu elles sont dans le ' as d’ètre exploitées, il i-era formé de-circonscriptions pour leur exploitation, si la profondeur de ces mines exige d* s travaux dispendieux et les lumières des gens de l’art. » Mais je demande comment il est possible de concilier cet a ticle avec le sys ème d s propriétés individuelle-? Quoi! la mine lait partie de chaque piopriété, et cependant il faut circonscrire une foule de propriétés. Une mine est une propriété individuelle, et l’on est forcé d’en faire une propriété commune; cette contradiction o’e-t certainement pus échap ,ée à l’auteur du projet. Il n’est donc pas vrai qu’en principe général chaque prupiiétaire puisse, faire dans son fonds ce qu’il lui plaît quant aux mines, ou plutôt, b est donc vrai qu11 les mines sont à la disposition nationale, puisque, c’est à la nation à les diviser, à lis circonscrire, à en accorder l'exploitation, ou à la refuser même, d’après le projet de loi que je combats. Voyons le sixième article : « Si un ou plusieurs propriétaires de la circonscription veulent se charger de l’entreprise, ils en donneront avis au directoire du district et à celui du département, qui veilleront à ce que l’en trepr i-e ait lieu pour la plus gra Me utilité générale. » il est facile de sentir les inconvénients de cet article. Je suppose qu’un seul proprietaire sur 2,000 que peut i en fermer sa circonscription, veu lie se charger de l’exploitation de la mine. Voilà dès lors 1,999 propriétaires qui n’ont plus aucun droit, et qui ne peuvent p us fouiller. O-, puisqu’on est forcé d’admettre de pareilles conséquences, je demande à quoi se réduit ce droit de réclamer l’indemnité individuelle? Je demande à quoi se réduit le droit tant réclamé de la propriété individuelle, si vous êtes forcés de convenir qu’elle tombe devant la difficulté de la circonscription; je demande pourquoi on répugne si fort à reconnaître que les mines 414 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mars 1791.] sont à la disposition nationale dans certains rapports, dans certaines hypothèses, puisque, sans le déclarer dans le principe, on le reconnaît expressément dans toutes les conséquences : mais il se présente une autre difficulté. Je veux supposer qu’un seul propriétaire voudrait exploiter, ce cas est facile; je suppose maintenant, je me llatte que tous le voueront, comment 2,000 propriétaires parviendront-ils à s’entendre, quelle sera leur quotité de fonds d’avance, leur part dans l'administration, leur partage dans le bénéfice? Poursuivons : 11 est dit dans l’article 7 de ce même projet : « Art. 7. Quand les propriétaires de la circonscription ne pourront ou ne voudront pas exploiter leurs mines, l'administration eu confiera l’exploitation à baux prolongés, suivant la difficulté de l’entreprise, à des entrepreneurs, sous la condition de l’indemnité due aux propriétaires et fixée par le règlement. » Cet article est précisément la base de mon opinion. Si le propriétaire refuse d’exploiter une mine, la nation qui a droit à ce que les mines soient exploitées, doit les concéder à d’autres; ainsi, en dernière analyse, dans le plan des habitants du Forez comme dans le mien, le droit de la propriété du sol se réduit à la préférence. J’avoue que j’ai été frappé de cette considération qui m’a paru d’une grande force, en ce que les deux systèmes n’accordent ni plus ni moins de faveur aux propriétaires. Le mien, fondé sur les bases du comité, me semble très propre à prévenir un grand nombre de difficultés et à simplifier la législation des mines; et puisque nous sommes d'accord sur les conséquences, il faut éviter avec soin de gâter la législation; si l’on déclare sans nécessité, sans utilité et surtout contre la nature des choses, que les mines sont des propriétés privées, il y aura des dissensions perpétuelles entre les propriétaires et les concessionnaires, que nous admettons dans tous les systèmes. Ce genre d’industrie, bien loin de se perfectionner et de s’agrandir, sera bientôt négligé ou même abandonné; on aura beau réclamer le droit de propriété naturelle, le peuple s’en tiendra au prunier article du décret, qui aura décidé que les mines sont des propriétés privées ; il viendra aussitôt, non pas rechercher des mines, mais jouir de celles qui existent; les mines les plus importantes seront alors dévastées. Un antre opinant a voulu d’abord prouver que les mines ne peuvent pas être séparées de la propriété individuelle, et cependant il adopte eu entier Je projet de décret de M. Lamerville. Il a voulu prouver, après cela, que les mines sont plus utiles entre les mains des propriétaires du sol. Gela est bon à dire de ceux qui les cultivent, mais non point de ceux qui ne les exploitent pas; et c’est de ceux-là qu’il s’agit. Je ne dirai qu’un seul mot du système du premier occupant; il ferait de nos mines un labyrinthe inextricable. Ce genre de conquête, au milieu de l’état social, laisserait les mines au hasard, ne permettrait pas même d’accorder la préférence, aux propriétaires du sol, offrirait un combat perpétuel entre les mineurs et serait une source intarissable de querelles. Si l’on admet que le concession; aire soit regardé comme le premier occupant, il est tac de de s’entendre; mais si l’on soutient que le premier occupant, pour avosr touché une mine en traversant uu mur mitoyen, n’aura pas besoin de concession, on n’aura bientôt d’autres ruines que des mines de procès. Si un premier occupant creuse dans mon fonds sans m’avertir, je puis aussi fouiller le sien sans lui rien dire. Eh bien, il y aura toujours à parier, mille contre un, que l’un des deux sera noyé ou écrasé par l’autre; et je ne vois pas que cela puisse beaucoup servir à l’exploitation des mines. Je persiste à demander qu’on décrète en même temps les 7 articles que j’ai proposés et que j’amende ainsi : L’Assemblée nationale décrète, comme articles constitutionnels : « Art. l*r. Les mines et minières, tant métalliques que non métalliques, ainsi que les bitumes, charbons de terre ou de pierre, et py ri tes, sont à la disposition de la nation et ces substances ne pourront être exploitées que de son consentement, à la charge d’indemniser, d’après les règles qui seront prescrites, les propriétaires de la surface, qui jouiront en outre de celles de ces mines qui pourront être exploitées ou à tranchée ouverte, ou avec fosse et lumière, jusqu’à 40 pieds de profondeur seulement. « Art. 2. Il n’est rien innové à l’extraction des sables, craies, argiles, p, erres à bâtir, marbres, ardoises, pierre à chaux et à plâtres, qui continueront d’être exploitées par les propriétaires sans qu’il soit nécessaire d'obtenir aucune concession. « Art. 3. Les concessionnaires actuels ou leurs cessionnaires, qui ont découvert les mines qu’ils exploitent, seront maintenus jusqu’au terme de leur concession, qui ne pourra excéder 50 années, à compter du jour de la publication du présent décret. « Art. 4. Si ces concessions excédaient une surface de 6 lieues carrées, elles seront réduites à cette étendue par les administrations de département qui laisseront aux concessionnaires le choix des parties qu’ils voudront garder. « Art. 5. Les concessionnaires dont la concession a eu | our objet des mines découvertes et exploitées par des propriétaires, seront déchus de leur concession, à moins qu’il n’y ait eu de la part desdits propriétaires consentement libre, legal et par écrit, formellement confirmatif de la concession; sans quoi lesdites mines retourneront aux propriétaires qui les exploitaient avant lesdi'es concessions, à la charge par ces derniers de rembourser de gré à gré, ou à dire d’experts, aux concessionnaires actuels, la valeur des ouvrages et travaux dont ils profiteront. « Art. 6. Les concessions des mines, dans lesquelles tous les travaux ont cessé depuis une année, seront supprimées. « Art. 7. Les propriétaires des surfaces auront toujours la préférence pour exploiter les mines qui pourraient se trouver dans leurs fonds; et la permission ne pourra leur en être refusée lorsqu’ils la demanderont. » M. Richard. La question qui vous est soumise est de la plus grande importance, ainsi que vous avez du la juger, d’après les grands principes développés par MM. Lamerville et Delandine. Il s’agit de décider si les mines font partie de la propriété, ou si elles doivent être déclarées nationales. En suivant la rigueur du principe, vous les déclarerez sûrement taisant partie des propriétés. Mais l’intérêt national semble porter obstacle à cette décision et, sous ce rapport, vous chercherez un moyen qui puisse concilier les différents intérêts. Dans cette confiance, je viens vous soumettre mon opinion, à laquelle je ne donnerai pas de développement, sans que vous [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mars 1791-| 415 ne me l’ordonniez, afin de ne pas abuser de vos moments. Je ne fais pas de doute que les mines ne soient une partie inséparable de la propriété.- Et si quelquefois le gouvernement a violé ce principe, il n’a fait que procurer à la France les ressources qui seraient restées enfouies dans le sein de la terre. Il a pu aussi avoir d’autres vues, quand il a permis l’extraction exclusive des mines qui étaient en activité; en approuvant le premier motif, combien n’aurait-on pas à se récrier sur le second? Mon ancienne province du Forez aurait à vous entretenir longtemps de toules les vexations que les concessionnaires lui ont fait éprouver eu tous genres. Mais pourquoi vous en occuperais-je, quand votre décret doit les faire cesser? Je reprends donc ma proposition. Elle tend à vous demander, de toutes mes forces, que vous déclariez les mines dépendantes de la propriété; neanmoins comme je sens parfaitement que l’extraction pourrait en être altérée, a'ors ne pourriez-vous pas y ajouter une condition qui porterait expressément que vous ne concéderez cette propriété qu’au tant qu’elle serait reconnue par les propriétaires, et que ceux-ci en feraient leurs profits, en exploitant d’après les principes qui leur seraient prescrits? Si les propriétaires reconnaissent de la mine dans leurs fonds, qu’ils puissent exploiter sans courir des hasards, il serait bien dur pour eux de les en priver. Si au contraire ils ne tiennent pas à cette propriété de mine, alors ce n’est plus leur arracher partie de leur fortune, quand ils n’ont calculé que d’après les produits de la surface. Dams ce cas la nation peut, ce me semble, et au refus des propriétaires, disposer de ces mines supposées par les gens de l’art ou par toutes personnes qui se proposeraient pour l’extraction, avec la simple indemnité des dommages causés à la surface. Voici le projet de décret que je propose : « L’Assemblée nationale décrète comme articles constitutionnels: « Art. 1er. Les mines et minières tant métalliques que non métalliques font partie de la propriété foncière et individuelle des citoyens, amant qu’ils exploiteront, selon les règlements et les règles qui seront prescrites pour chaque nature de minerai dans tous les départements, en faisant surveiller l’exploitant par des préposés à cet effet et dont les frais seront répartis à raison de l’importance de chaque mine. « Art. 2. A défaut par les propriétaires défaire les exploitations des mines d’après les réquisitions des départements, alors le refus des propriétaires sera considéré comme un abandon de leur droit de propriété. » {Bruit.) M. Regnaud {de Saint-Jean-d' Angély.) Je demande la parole pour le projet de M. de Mirabeau. M. Delandine. Si on ne faisait pas dériver des conséquences opposées du principe que nous allons établir sur la propriété des mines, je reconnais, et vous sentez, sans doute, que la rédaction de ce principe n’offrirait plus qu’une guerre de mots, qu’une dispute oiseuse et sans utilité réelle. En effet, décréter que les mines sont à la disposition de la nation, sauf la préférence due au propriétaire pour leur exploitation, ou décréter que les mines font partie du domaine du propriétaire, sauf la surveillance et les droits de la nation, la question, présentée sous ce point de vue isolé, n’offre à la vérité qu’un résultat presque uniforme ; mais si vous désirez aussi une Constitution uniforme dans ses principes, faisant découler d’un petit nombre de sources constitutionnelles tout ce qui doit s’appliquer à la législation et aux divers pouvoirs, le projet de décret de M. de Mirabeau présente une marche plus tortueuse, celui de M. Latnerville une marche plus simple, et éclairée par la justice et la nature; s’il en faut venir au même résultat, pourquoi ne pas suivre la vraie route? M. de Mirabeau a fait du principe l’exception, et de l’exception le principe. Au contraire, adoptez le principe que les mines font partie de la propriété, et établissez aussitôt toutes les exceptions en faveur des inventeurs, des entrepreneurs des premiers travaux; établissez aussitôt toutes les règles de surveillance générale de la part du gouvernement, d’inspection directe de la part des administrations locales et particulières. Alors, vous aurez servi à la fois les droits de la propriété et i’intoi'êt de la nation. Alors, vous aurez ramené à une base égale votre édifice; alors vos décrets tendent tous sans diverger à l’uniformité dans la Constitution. Sans cela, où trouver un ensemble? Ici, le sol serait au propriétaire ; là, une partie de ce sol serait à la nation. Ici, on prohiberait les privilèges, les asservissements, les concessions; là, on les établirait sur un fondement constitutionnel. Ici, on affranchirait la superficie, là, on rendrait esclave la profondeur. Non, votre Constitution, comme la vérité, ne peut offrir qu’une route simple, droite et sans déviation. Dans le projet, au contraire, qui déclare les mines propriétés publiques, il se trouve: 1° une ordonnance entre cette conséquence et votre déclaration des droits, entre les principes reconnus et ce que l’un vous propose de reconnaître; 2° une incohérence dans les idées du même décret. En effet, si les mines sont à la nation, la nation ne doit aucune préférence aux propriétaires. Elle doit, elle peut user de sou droit sans condition; mais, si cette condition est imposée, si cette préférence est établie, convenons tous que c’est un rayon de vérité qui se fait jour dans le nuage, et qui nous conduira à un principe naturel, immuable et véritablement constitutionnel. Les mines d’Anzin ont coûté, dit-on, 15 millions, et les propriétaires ne peuvent supporter d’aussi grands frais; mais les mines du pays de Liège, mais les mines d’Angleterre, mais les mines de Suède, ont coûté des milliards, et sont à des propriétaires dirigés par l’administration; mais tout ce que des hommes font, d’autres peuvent le faire; mais tout ce qu’une aggrégation d’étrangers, de concessionnaires peut solliciter, une aggrégation de regnicoles, de propriétaires a le droit de l’obtenir; mais si ces propriétaires ne peuvent faire d’aussi grands efforts? On le répète, n’ont-ils pas la faculté de subroger dans des délais légitimes des capitalistes opulents? Alors, ces mêmes concessionnaires qu’on nous représente si utiles, si industrieux, si importants à conserver, tiendront d’eux, ce qu’ils ne veulent tenir que de l’Etat. Oui, tout le monde en est d’accord, l’Etat a sans doute le droit d’exiger des individus des sacrifices au bien général : il peut, pour aider le cours des eaux, pour faciliter la navigation et les échanges commerciaux, pour ouvrir de nouvelles routes, acquérir les propriétés particulières, mais en payant leur valeur; dès lors qu’il prenne certaines mines, mais qu’il les paye. m R7 mars 1791.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Mais parce que, dans certains cas, l’Etat cédant à l’intérêt public, peut, moyennant indemnité, disposer de certaines portions de son territoire, cet Etat aurait-il le droit absurde de déclarer, comme mi principe de la Co st tution, q e les propriétés fondées et individuelles soin toutes à sa disposition. Gomment se fait-il donc qu’avec de l’esprit, mais avec une boussole variable, on ait été conduit à nous offrir la conséquence d s gouvernements despotiques du gouvernement du Mogol ou de la Turquie? Non, le principe est clair, parce qu’il est juste. Tout sol, tout territoire a son maître naturel et légitime. Ce dernier use-t-il mal, ou ne veut-il user de sa chose, nés lors c’est un nnneur qui lombe sous la puissance du curateur public, qui est le gouvernement. Jusqu< -là les droits respectables de la pr-priété doivent être et seront maintenus, sauf tontes les exceptions secondaires, sauf tous les règlements avantageux à l’intérêt public et ultérieurs. Le piojet de M. Lamerville, dont le premier article déclaré les mines partie de la propriété foncière, doit donc obtenir la priorité. M. Heurtault'liamerville. Il y a un vice radical dans le prujet de M. de Mirabeau; il est absolu ment inconstitutionnel. Vous sacrifiez par là le pauvre proprietaire aux riches; que M. de Mirabeau réponde à celte objection-là. Plusieurs membres demandent à aller aux voix sur la priorité. (L’Assemblée, consultée, accorde la priorité au projet de M. de Mirabeau.) M. de Mirabeau donne lecture de l’article 1er de son projet de décret, qui est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale décrète, comme articles constitutionnels : « Art. lor. Les mines et les minières tant métalliques que non métalliques, ainsi que les bitumes, charbon-de terie ou de pierre, ut pyrites, sont à la disposition de la nation et ces substances ne pourront être exploitées que de son consentement, à la charge d’indemniser, d’après les règles qui seront pre.-crites, les propriétaire de la surface qui jouiront en outre de ceil-s de ces mines qui pourront être exploitées, ou à tranchée ouv-rt»j, ou avec fosse et lumière, jusqu’à 40 pieds de profondeur seulement. » M. de Rostaing. Je demande par amendement que les foutues puissent être portées jusqu’à 100 pieds de profondeur. M. Delandine. J’appuie l’amendement du préopinant; car, quand le minerai est aussi superficiel qu’il l’est uans ma province, je puis demander 100 pieds sans faire de tort à personne. M. de Mirabeau.. J’adopte l’amendement de M. de Rostaing. M. de Marinais. Nous faisons souvent en Dauphiné une fouille au pi< d de la montagne; iors-q e nous avons fouillé 50 pieds, nous sommes à 500 pieds de terre. Je fais cette observation à l’Assemblée au nom de mes concitoyens; presque tous ont exploité au pied des montagnes {Murmures), le long de la rivière de l’Isère, le long des torrents. Ces mines sont des productions de notre sol. Je demande que l’Assemblée prenne mon observation en considération et qu’elle veuille bien la renvoyer au cou ité. Je prie l’Assemblén de ne pas se rendre coupable d’une affreuse injustice, car elle dépouillerait tous les propriétaires. M. de Monliosier. Je demande, par am n !e-ment au p emmr article de M. de Mirabeau, que toute demande en concession de terrain ne puisse pas être refusée toutes les fois qu’on se présentera pour le demander et toutes les fois qu’on se mettra en mesure. {Murmures.) Un membre propose d’ajouter à ces mots : « sont à la disposition de la nation », ceux-ci : « en ce sens seulement que ces substances... ». M. de Mirabeau. J’adopte cet amendement. Plusieurs membres : Aux voix l’article ! Monsieur le Président, fermez la discussion sur les am n ements. (La discussion est fermée.) M. de Mirabeau donne lecture de l’article 1er avec les amend ments; il est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale décrète comme article constitutionnel ce q i suit : Art. 1er. « Les mines et les minières tant mêlai ’iques que non métalliques, ainsi que les bitumes, charbons de terre ou de pierre, et pyrites, sont à ta disposition de la nation, en ce sens seulement, que ces substances ne pourront être exploitées que de son consentement; à la charge d’indemniser, d’après les règles qui seront prescrite-, les pro riétair s de la surface, qui jouiront en outre de celles de ces mines qui pourront être exploitées, ou à tranchée ouverte, ou avec fosse et lumière, jusqu’à 100 pieds de profondeur seulement. » {Adopté.) M. de Mirabeau donne lecture de l’article 2 ainsi conçu : « Art. 2. Il n’est rien innové à l’extraction des sables, maies, argiles, pierres à bâtir, marbres, ardoises, pierres à chaux et à plâtres, nui continueront d’être exploitée-; par les propriétaires sans qu’il soit nécessaire d’obtenir aucune permission. » M. Moreau. Je propo=e d’ajouter à l’article les mots: « tourbes, terres vitrioliques, connues sous le nom d j cendres. » M. LelendeLa Ville-aux-Bois. Je demande qu’on aioute également les cendres employées à l’agriculture, l’alun, le quartz. M. de Mirabeau. Nou pouvons abréger infiniment cetie espèce d’enumération d’histoire naturelle qui, quelque complète que nous la fassions, sera toujouis incomplète dans beaucoup de cas; il faut doue mettre : « et généralement toutes sub.-tancjs autres que celles exprimées dans l’article précédent. » L’article serait donc rédigé comme suit : Art. 2. « Il n’est rien innové à l’extraction des sabb s, craies, argiles, pierres à bâtir, marbres, arduises, pierres à chaux et à plà'res, tourbes, terres vitrioliques, connues sous le nom de cendres, et généralement toutes substances autres que celles