548 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |2 septembre i 789. j «ôle pour le maintien de l’ordre et de la tranquillité publique. Un des membres de l'Assemblée l’a informé que les officiers de la milice bourgeoise de Limoges l’avaient chargé de soumettre au jugement de l’Assemblée nationale ia détention qui a été faite à Saint-Angel, de neuf citoyens qui, dans un moment d’alarme, s’étaient portés au secours de cette dernière ville, et y avaient été arrêtés comme complices du trouble qu’ils s’étaient efforcés de prévenir. 11 a exposé que ces neuf citoyens ayant été transférés dans les prisons de Limoges, y avaient été interrogés en présence des officiers municipaux; que leur innocence paraissait constante, mais que le peuple, encore abusé, faisait craindre quelques violences contre ces particuliers, s’ils étaient mis en liberté sans que l’Assemblée nationale eût pris cette affaire en considération. L’Assemblée ayant délibéré sur cette proposition, a déclaré qu’elle met lesdits neuf particuliers sous sa sauvegarde et celle de la loi; elle a chargé son président d’écrire aux officiers municipaux du comité et de la milice bourgeoise de Limoges, pour leur faire part du présent arrêté, et leur recommander de veiller à la sûreté des personnes détenues, si elles sont mises en liberté. Le comité des vérifications a fait faire , par l’un de ses membres, le rapport de la difficulté qui s’est élevée sur la seconde députation du bailliage d’Auxerre: l’Assemblée ayant délibéré sur ce rapport, et en confirmant l’avis du comité, a déclaré la seconde députation du bailliage d’Auxerre nulle et de nul effet, sauf à avoir égard, lors du règlement qui sera fait pour les convocations futures, aux droits réclamés par le bailliage d’Auxerre sur le Donziois, et encore sous la réserve des protestations contraires faites par les députés du Nivernais; et cependant les membres de fa députation rejetée seront admis comme suppléants, et autorisés, en cette qualité, à remplacer MM. les députés en cas de mort ou de démission. M. le baron de marguerites a proposé à l’Assemblée d’établir dès à présent un comité d’agriculture et de commerce, chargé de préparer tous les objets relatifs au commerce et à l’agriculture dont l’Assemblée devra s’occuper, et de lui en faire le rapport après la Constitution. Après la discussion de cette proposition, l’Assemblée a délibéré successivement sur l’établissement de ce comité, et sur la manière dont il serait composé. Sur la première de ces deux questions, l'Assemblée a décrété qu’il serait formé un comité d’agriculture et de commerce, qui s’occuperait dès-à-présent de tous les objets relatifs à ces deux sources fécondes de la prospérité publique, pour en faire le rapport après la Constitution, et lorsque l’Assemblée pourra se livrer à cette portion de ses travaux. Sur ia seconde question, l’Assemblée a décrété que 'l’élection des membres de ce comité serait faite par généralités, et que chacune d’elles nommerait un député. M. le Président a levé la séance, et a indiqué celle de demain matin pour neuf heures précises. ANNEXE à la séance de V Assemblée nationale du 2 septembre 1789. Opinion de M. le duc de ILa Rochefoucauld sur la sanction royale (1). Messieurs (2), guidé par les lumières que les préopinants ont répandues sur la question importante qui fait le sujet de votre délibération, je vais avoir l’honneur de vous exposer ma manière de l’envisager. C’est avec un saint tremblement que l’on doit faire le premier pas dans la carrière de la Constitution ; je sollicite donc votre indulgence et j’entre en matière. La loi , vous l’avez définie, Messieurs, est l’expression de ia volonté générale. Si une nation entière pouvait s’assembler , l’expression de cette volonté ne serait pas douteuse, et personne n’imaginerait de mettre eu question si ce résultat aurait besoin d’une sanction particulière pour devenir une loi véritable. Mais il n’en est pas-de même lorsque l’autorité législatrice étant confiée à des représentants, leurs décisions ne peuvent plus être considérées comme l’expression de cette volonté générale que par une sorte de fiction. Quels que soient les avantages de la législation par représentants sur celle exercée directement par le peuple, il y a cependant des précautions à prendre pour que les délégués ne puissent pas substituer leur volonté particulière à la volonté de la nation, et la plus sûre de ces précautions est la fréquence des élections ; mais elles ne peuvent pas se répéter trop souvent, et surtout dans un grand Etat ; il faut donc en ajouter d’autres, et c’est ce qui a fait naître lidée de celte balance de pouvoirs qui a trouvé tant de panégyristes, dont le nom est bien fait pour en imposer. Mais la mécanique politique, si je puis m’exprimer ainsi, a peut-être le même sort que la mécanique proprement dite ; après s’être longtemps servi des méthodes compliquées, l’on parvient à découvrir que les moyens les plus simples, et l’emploi le plus direct des forces sont encore ce qui vaut le mieux. De là le retour à un corps unique pour faire les lois parait être le plan le plus désirable, et c’est vraisemblablement celui que vous adopterez. Cependant il ne faut pas vous dissimuler que ce corps unique, s’il n’est pas astreint à des formes précises, et si lorsqu’il sera peut-être entraîné par l’enthousiasme, il ne trouve pas un régulateur qui modère sa marche, peut mettre la nation en danger par des décisions précipitées, trop peu réfléchies, et même contraires à son vœu. Différents moyens se présentent, et vous devez ou choisir entre eux, ou peut-être les employer tous, parce que sans altérer ia simplicité, de la machine, ils serviront à en régler le mouvement. Premièrement, on pourrait établir un conseil pour examiner les projets de lois qui, nés dans la Chambre des représentants, lui seraient envoyés (1) L’opinion de M. le duc de la Rochefoucauld n’a pas été insérée au Moniteur. (2) Inscrit le 1er de ce mois, pour parler sur fa sanction royale, j’avais cru devoir mettre mon opinion par écrit, précaution nécessaire pour ceux qui, comme moi n’ont point les talents d’orateur ; le nombre d’opinants qui s’était fait inscrire avant moi, devant, à ce que je vois, remplir le temps destiné à cette discussion, je prends le parti de payer mon tribut par la voie de l’impression, {Note de M. le duç de la Rochefoucauld.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 septembre 1739.] 549 [Assemblée nationale.] pour avoir ses observations. Ce conseil d’hommes choisis pour cette honorable fonction, devrait être consulté deux ou trois fois avant que la Chambre des représentants pût prendre une résolution définitive, et cette consultation réitérée, jointe à celle que la publicité des projets par la voie de l’impression et la liberté de la presse rendraient générales pour tous les citoyens, procureraient à la législature un délai suffisant pour tempérer son ardeur, et des lumières qui lui feraient connaître les inconvénients des lois proposées. Ce n’est pas ici le moment d’entrer dans îe détail de la composition de ce conseil ; je dirai seulement qu’il me paraît devoir être formé de sujets élus par les mêmes assemblées qui choisiraient les représentants, mais pour un temps plus long, en exigeant certaines conditions, comme un âge plus avancé, l’essai de leur mérite, soit dans les assemblées provinciales, soit dans l’Assemblée nationale, et peut-être en ne la renouvelant que par parties, pour lui donner un peu plus de consistance ; cette organisation doit être le sujet d’un. examen particulier. Dans un petit État, cette consultation suffirait peut-être, et la loi ainsi perfectionnée pourrait être remise au pouvoir exécutif; mais dans un vaste empire, où la réunion dans une même main des forces nécessaires à sa police et à sa sûreté, est indispensable pour donner à ces forces l'ensemble et la célérité nécessaires, il faut imprimer à la puissance exécutrice une majesté qui la fasse respecter, et l’intéresser à la chose publique en la fai-ant participera la confection des lois dont elle doit être l’organe. H faut donc à un grand Etat un Roi, il faut que ce Roi soit héréditaire pour qu’aucun autre citoyen ne puisse ambitionner cette place éminente ;“ il faut que la personne de ce Roi soit inviolable et sacrée, pour qu’il puisse veiller sans inquiétude personnelle au salut de l’Etat ; il faut enfin que les lois, pour être complètes, aient été soumises à son examen, afin qu’il puisse en faire connaître les inconvénients, qu’il est plus en état que tout autre d’apprécier. Mais il ne suffit pas qu’il puisse, comme le conseil, retarder par un examen, même réitéré, la promulgation d’une loi; il faut qu’il ait le droit de la suspendre jusqu’à ce que la nation consultée puisse faire connaître son vœu et prononcer elle-même ; il faut donc que le Roi puisse refuser sa sanction, et que l’effet de ce refus subsiste jusqu’au renouvellement de la législature ; qu’il puisse même, si elle déclarait que la loi fut urgente, hâter ce renouvellement en dissolvant le Corps représentatif par un acte qui ordonne en même temps des élections nouvelles, que le projet de loi qui aura éprouvé le veto soit envoyé dans toutes les municipalités, et dans toutes les assemblées élémentaires qui exprimeront suffisamment leur vœu par le choix de leurs nouveaux représentants, et que la suspension n’ait de terme que la décision d’une nouvelle législature. Ainsi, comme il est juste et raisonnable, l’autorité du Roi, supérieure à toutes les autres, ne cédera qu’à l’expression de la volonté générale de la nation. On ne doit pas s’effrayer de l’espèce de convulsion que pourra produire la dissolution de la législature, ni même l’influence que les ministres du Roi pourraient avoir dans les élections ; ces cas de dissolution seront rares, la forme de nos élections ue prêtera ni au tumulte ni à la corruption qui déshonorent les élections anglaises, et les lumières qui se répandront de plus en plus dans toutes les classes de citoyens s’opposeront aux effets nuisibles que produit quelquefois la dissolution du parlement britannique. D’ailleurs, quand bien même il y aurait des inconvénients, ils ne sont certainement pas comparables à ceux du refus de l’impôt ou de l’insurrection, que plusieurs nations ont été obligées de déclarer légitime. Mais toutes ces précautions ne suffises pas encore pour assurer la nation contre la tendance de tous les pouvoirs à accroître leur autorité ; il lui faut un moyen de corriger les abus qui se glissent dans les meilleures institutions et de suivre même, pour améliorer sa Constitution, le progrès des lumières que le temps amène toujours avec lui, et ce moyen est fort simple : il faut qu’à des époques déterminées, une convention nationale, composée de représentants choisis pour cette unique fonction, vienne examiner la Constitution et y apporter les modifications nécessaires. Un écrivain célèbre, philosophe profond et patriote vertueux (1), a fixé cette période à vingt ans, afin que chaque citoyen ait la presque certitude de consentir une fois dans sa vie aux lois qui le gouvernent ; cette détermination doit encore être l’objet d’un examen approfondi ; mais il est hors de doute que cette faculté réservée à la nation est de droit, et nécessaire pour maintenir sa liberté contre les erreurs et les fautes de la législature ordinaire. Il m’aurait paru convenable de discuter ces différentes questions avant de prononcer sur aucune ; elles se tiennent toutes, et chacune a beaucoup d’inlluence sur les autres ; cependant pour obéir à l’ordre de délibération que vous avez arrêté, je dirai en me résumant, sur l’article seul de la sanction royale, qu’elle me paraît utile, et qu’il doit être établi par la Constitution que le Roi, lorsqu’il jugera convenable de la refuser, pourra suspendre la promulgation de la loi jusqu’à ce que la législature renouvelée, soit dans le temps ordinaire, soit par une dissolution, ait apporté l’expression de la volonté générale, à laquelle toute autre volonté doit céder lorsqu’elle s’est fait entendre. Quant à la seconde branche de la question, si la sanction royale sera nécessaire pour la Constitution, je pense avec le comité que la Constitution étant l’acte qui détermine les différents pouvoirs, ne doit point y être soumise. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE LA LUZERNE, ÉVÊQUE DUC DE LANG RES. Séance du jeudi 3 septembre 1789, au matin (2). Il a été fait mention des délibérations et des adresses d’adhésion ou de félicitation des officiers municipaux delà ville de Bar-sur-Aube en Champagne ; des gardes de la prévôté de l'hôtel du Roi ; du comité général et national de la ville de Pont-l’Evêque ; de la viguerie de Toulon ; de la noblesse des sénéchaussées de Bergerac, Sarlat et Périgueux ; de la ville de Loches en Touraine ; (1) M. le marquis de Condorcet, dans un petit ouvrage intitulé: Sur la Nécessité de faire ratifier la Constitution par les citoyens, el sur la formation des communautés de campagnes , et qui a paru le mois dernier. (2) Cette séance est incomplète au Moniteur.