3 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 juillet 1790 ] * M. Grimberg de Rellean, député de Château-Thierry , écrit à M. le Président, une lettre portant la date du 8 courant, par laquelle il donne sa démission et annonce l’arrivée de M. de Bois-Rouvraye, son suppléant. La démission de M. Grimberg est acceptée. M. de La Rochefoucanld. Messieurs, vous avez renvoyé à votre comité d’aliénation une offre faite le 13 mai dernier par les frères cordonniers de Paris, paroisse Saint-Eustache ; ils vous proposent de faire abandon à la nation de deux maisons et de deux contrats évalués au total de 85,000 livres en échange d’une pension viagère de 1,000 livres pour chacun d’eux. Ges frères sont réduits au nombre de cinq dont l’un est âgé de 71 ans. Le comité vous propose de prendre leur demande en considération. M. Fréteau. De semblables dons ne feraient que grever le Trésor public parce que, pour rebâtir ces maisons qui sont vieilles, il pourrait en coûter plus qu’elles ne valent. Je demande l’ordre du jour. (L’Assemblée, consultée, passe à l’ordre du jour.) M. Cesare. La confédération générale fixée au 14 juillet, sera plus célèbre chez les races futures que ne l'ont été jusqu’à nos jours les exploits des conquérants. (On demande l’ordre du jour.) Puisque vous ne voulez pas m’entendre, je vais tout simplement vous proposer de décréter que le roi sera supplié d’accorder une amnistie générale à tous les soldats déserteurs , en fixant une époque où ils pourront rejoindre leurs drapeaux. (Cette proposition reçoit les plus grands applaudissements.) M. Moreau. Plus de 50 soldats ont traversé la ville de Tours portant d’une main des cartouches jaunes qui les déshonoraient et de l’autre des certiticats de probité. Je demande que ces soldats soient autorisés à rejoindre leurs drapeaux. M. Maillot. Je propose que le roi soit supplié d’accorder aux soldats retirés depuis six mois, le droit de rentrer dans leur régiment et de reprendre leur rang. M. le Président dit que les propositions faites sont les suivantes : « 1° D’accorder une amnistie générale pour les déserteurs, et de les admettre au serment civique ; 2° De décréter que les soldats, cavaliers, chasseurs, dragons et officiers de ces différents corps qui auront quitté leurs régiments avec des congés honorables, seront admis à y rentrer et à reprendre les rangs et les places qu’ils y occupaient, s’ils s’y présentent dans le délai de trois mois à compter de la publication du décret ; « 3° De décréter que les soldats français renvoyés de leurs corps, depuis la présente* Révolution, avec cartouches jaunes portant flétrissure, et non-coupables de crimes pour lesquels il ne serait intervenu aucun jugement militaire, soient libres de rentrer dans les mêmes corps ou dans d’autres, ou autorisés à se faire expédier des cartouches ordinaires de congé définitif. » L’Assemblée ordonne que toutes ces motions seront portées à son comité militaire pour lui en rendre compte. M. Cebrun, au nom du comité des finances, fait un rapport sur la suppression des offices de jurés-priseurs . Il dit : Tous vos cahiers vous ont dénoncé les jurés-priseurs et en ont provoqué la suppression. C’est cette suppression que votre comité des finances me charge de vous proposer aujourd’hui. C'était dans nos principes un droit féodal que celui d’autoriser les ventes publiques, de nommer les officiers qui devaient y procéder, de régler leurs salaires et leurs droits. Il fut regardé comme une portion du domaine de la couronne et c’est à ce titre que nos rois ont, à diverses époques, créé des offices de jurés-priseurs. On en créa en 1556 et en 1576. Leurs fonctions sont unies à celles d’huissier-royal. En 1698, désunion des fondions, création nouvelle pour deux millions de ce temps-là. En 1771, suppression de ces offices et création nouvelle. Attribution de 4 déniers pour livre sur le prix des ventes, indépendamment des vacations et expéditions. Un calcul de finances éclaire ce produit. Les 4 deniers pour livre sont perçus au prolit du roi. En 1777 et 1778, la perception s’élevait à 450,000 livres par année. En 1780, la surséance est levée et les produits d’aliénation et de perception se portent chaque année à une somme très considérable. L’Alsace n’a pas de juré-priseur à cause d’un abonnement; Paris en a qui ne sont pas de la création de 1771 et qui ne sont pas compris dans le projet de décret. Dans toutes les circonstances ce serait une opération sage de supprimer les offices et de faire verser dans le Trésor public, le produit du droit qui lui est attribué. Aujourd’hui cette suppression est un devoir, nos lom neUants l’attendent, et les vexations des jurés-priseurs nous crient de la hâter, mais il faut assurer le remboursement de la finance; nous le trouvons dans le même droit qui a été aliéné. En supposant une régie moins active et des adoucissements dans la perception, elle ira à 80,000 livres, qui peuvent être affectés au payement des intérêts de finance et au remboursement du capital. M. Goupil. Je demande que le décret porte également sur les huissiers-priseurs de Paris afin de faire jouir la capitale des mêmes avantages que la province. M. Camus. Cet objet doit faire l’objet d’un rapport particulier. M. Regnaud (de Saint-Jean d'Angély). Les huissiers-priseurs exigeaient avec rigueur les quatre deniers pour livre qui leur étaient dus. Comme votre soin principal est de vous occuper du sort des malheureux, je demande que les sommes au-d ssous de 50 livres soient exemptes de ce droit. Si 1 Assemblée ne pouvait statuer en ce moment sur ma proposition, je la prie au moins de prendre en considération les motifs qui me l’ont dictée. M. Dufraisse-Duchey. Je demande que le comité nous propose un autre mode de remboursement. On réclame la question préalable sur les amendements. Elle est adoptée et le décret est rendu ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait par son comité des finances, a décrété et décrète ce qui suit ; A {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 juillet 1790.1 Art. 1er. Les offices de jurés-priseurs , créés par les édits de février 1771, et autres, demeurent supprimés à compter de ce jour. s Art. 2. Les droits de quatre deniers pour livre du prix des ventes qui leur avaient été attribués, continueront d’étre perçus au profit du Trésor public, par les officiers qui feront les ventes, et le produit en sera versé par eux dans les mains des préposés à la recette. « Art. 3. Les finances desdits offices seront liquidées. « Art. 4.11 sera délivré à ceux qui auront droit à ces finances, treize coupons d’annuités payables d’année en année, dans lesquelles l’intérêt à 5 0/û sera cumulé avec le capital. « Art. 5. Il sera prélevé sur le produit des quatre deniers pour livre une somme annuelle de 800,000 livres qui sera versée dans la caisse du trésorier de l’extraordinaire et employée par lui au paiement des annuités mentionnées en l’article précédent. » M. de Biron, député du Quercy, au nom du comité des finances , lait le rapport suivant concernant les postes aux lettres et aux chevaux (1). Messieurs, votre comité des finances ne doit pas vous dissimuler que ce serait exposer à une désorganisation toiale le service des postes aux lettres que de tarder plus longtemps à prononcer sur le projet de décret nécessaire au maintien et à la conservation de cette partie. Il est encore pressant de compléter le décret que vous avez rendu le 25 avril dernier pour empêcher la cessation du service des maîtres de postes. Il est aussi indispensable de vous rendre compte des différents projets qui vous ont été présentés pour la réunion du service des postes aux lettres, des postes aux chevaux et des messageries, afin de fixer votre opinion sur l'administration générale de ces trois services. L’exarnen des plans qui n’ont d’autre objet que les messageries vous sera soumis postérieurement : La ferme actuelle continue son exploitation ; les changements dont elle peut être susceptible ne sont pas instants; et le travail épineux que présente le balancement des avantages et des inconvénients de toutes les propositions ne peut être sitôt achevé. De tous les mémoires présentés à ce sujet, les seuls dont nous croyons donc à vous occuper dans ce moment, sont ceux de MM. deSaint-Vic-touretAlary qui embrassent, à la fois, dans leurs spéculations, les messageries, les postes aux chevaux et les postes aux lettres. Plan de M. de Saint-Victour . M. de Saint-Victour propose la réunion des trois services faits par les postes aux chevaux, les postes aux lettres et les messageries. Il dit que les messageries faisaient en 1775, et font encore la majeure partie du service de la poste aux lettres, à l’exception des quatre grands courriers de Lyon, Bordeaux, Toulouse et Strasbourg, moyennant la somme de cent quatre-vingt-six mille sept cent quatre-vingt-dix-sept livres quatorze sols. La régie s’est chargée de ce service, a la même condition; les voitures des messageries conduites par des chevaux de poste peuvent faire presque la (1) Le Moniteur se borne à mentionner le rapport de M. de Biron. totalité du service des lettres dans le royaume, avec avantage de célérité pour le public; d’activité pour les postes aux chevaux et d’économie; il en résulterait une considérabled,e n’avoir que les mêmes employés pour les deux services. Les grands courriers font un tort manifeste aux maîtres de postes, en ce qu’ils payent trop peu les chevaux et en ce qu’ils chargent leurs voitures de poids énormes qui les écrasent ; ils font autant de tort aux messageries et aux perceptions de tous les droits en se chargeant d’un grand nombre de paquets et d’effets prohibés et taxés : la réunion des services préviendrait la fraude, les voitures ne seraient plus chargées que d’un poids déterminé ; et les maîtres de postes retireraient plus d’argent de leurs chevaux qui seraient plus employés. Il est inutile de déduire ici les avantages de placer autant qu’il serait possible, toutes les postes aux chevaux à quatre lieues de distance : on se convaincra facilement de l’utilité générale de cette disposition. Les maîtres de postes gagneraient à se charger de conduire au pas les fourgons des messageries, en les faisant marcher jour et nuit; le commerce trouverait de grands avantages à la célérité plus que doublée des transports : on assujettirait les maîtres de postes à entretenir six ou huit bonnes juments propres à ce service. La suppression des haras fait regarder cette condition comme très favorable et peut-être nécessaire à la propagation des chevaux de charroi devenus rares en France. Les assemblées de département pourraient traiter avec les maîtres de postes et les charger de l’entretien des grands chemins, ayant plus d’intérêt que personne à les maintenir en bon état. On pourrait traiter avec les maîtres de postes pour les transports militaires, ce qui soulagerait les provinces de cette corvée. Les transports d’argent deviendraient faciles et peu dispendieux : on pourrait supprimer un grand nombre de revenus inutiles. Les messageries royales, servies par les chevaux de postes, ont produit environ deux millions pendant une année qu’a duré la régie, malgré une foule de désavantages que le nouvel ordre de choses ne permettra plus : elles auraient pu être facilement portées à quatre millions. Les économies qui résulteraient de la cessation des privilèges des maîtres de postes, de leurs gages, indemnités ou gratifications ; la cessation des bénéfices des fermiers des messageries et de la plupart des frais de l’administration, par la réunion des trois services des postes aux chevaux, des postes aux lettres et des messageries et les économies qui proviendraient des transports militaires, des transports d’argent et du bon entretien des chemins sont nombreuses, immenses et d’un avantage inappréciable. M. de Saint-Victour assure que les messageries ont coûté en indemnités, et par diverses raisons plus de six ou sept millions de dépenses extraordinaires : il présente dans plusieurs tableaux comparatifs de l’ancien et du nouveau régime, un bénéfice de deux millions en faveur de son plan, pendant l’administration d’une année. Il pense que l’administration actuelle des postes aux chevaux est sujette à de grands inconvénients, il trouverait avantageux et économique de confier aux assemblées de département la restauration et la surveillance des postes aux chevaux; il voudrait que l’on fît faire en Angleterre de nouvelles voitures (les modèles seulement seraient faits à Lille, Bruxelles, etc.), plus com-