(4 dôcembro 1790.] 217 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [As semblée nationale. [ Sur 477 votants, M. Pétion a obtenu 261 voix; M. Rœderer 80; voix perdues, 136. M. Petion est élu président. Les nouveaux secrétaires sont : MM. Martineau ......... 263 voix. Yarin ............. 231 L’abbé Lancelot... 212. Les trois nouveaux secrétaires remplacent MM. Poignot, Coroller et Gobel, évêque de Lydda, secrétaires sortants. M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion du décret sur le rachat des rentes foncières non seigneuriales. M. Tronchet, rapporteur, propose d’interca-Jer entre les articles 4 et 5 du titre III, précédemment décrété, un article nouveau qui est adopté sans discussion en ces termes : « Lorsque les baux à rente ou à emphytéose perpétuelle non seigneuriale contiendront la condition expresse, imposée au preneur et à ses successeurs, de payer au bailleur un droit de lods ou autre droit casuel quelconque, en cas de mutation, et dans les pays où la loi assujettit les détenteurs audit titre de bail à rente ou à emphytéose perpétuelle non seigneuriale, à payer au bailleur des droits casuels aux mutations, le possesseur qui voudra racheter la rente foncière ou emphytéotique, sera tenu, outre le capital de la rente indiqué en l'article 2 ci-dessus, de racheter les droits casuels dus aux mutations, et ce rachat se fera aux taux prescrits par le décret du 3 mai, pour le rachat des droits pareils ci-devant seigneuriaux, selon la quotité ou la nature du droit qui se trouvera dû par la convention ou suivant la loi. » M. Treilhard, rapporteur , donne successivement lecture des articles composant les titres IV, Y et VI. M. Vieillard, député de Coûtâmes , attaque l’article 3 du titre IV, en disant : On connaissait dans la ci-devant province de Normandie trois manières de contacter relativement aux fonds : celle de l’argent comptant, celle de la rente rachetable, celle enfin de la rente foncière irraquitable. Quand on traite argent comptant, point de difficultés, les lods et ventes, ou ce qu’on appelle en Normandie treizième, sont dus. Quand on contracte à vente rachetable, les lods et ventes sont dus au seigneur, au moment même de la passation de l’acte, quoi que la rente ne soit pas rachetée. Quand enfin on contracte à rente foncière irraquitable, il n'est point du de lods et ventes s’il n’y a point d’argent donné, et s’il y a argent, ils ne sont dus que sur cet argent et non sur la rente. Si le rachat de la rente s’opère après 30 ans, il n’est point dû de lods et ventes sur le capital du remboursement. De ces trois manières de contracter, la plus habituelle dans certains cantons de l’ancienne province de Normandie était celle du contrat, connu sous le nom de Fief'fe, qui établissait une rente foncière irraquitable; sur dix contrats, le ci-devant seigneur ne percevait de lods et ventes que sur un. Le décret du 4 août a enlevé à la Normandie la faculté de ce genre de contrat. Il ne nous reste plus que deux modes d’acquérir ou de vendre c’est-à-dire qu’il faut le faire à deniers comptants ou à rente rachetable. Dans les deux espèces de contrats, si nos anciens principes étaient suivis, nous payerions toujours le droit de lods au seigneur au moment même du contrat; de là suit que les ci-devant seigneurs percevraient neuf fois plus de droits qu’ils n’en percevaient ci-devant ; de là suit que le décret du 4 août profiterait à eux seuls et que les ci-devant vassaux seraient horriblement vexé'. L’intention de l’Assemblée, en procurant aux débiteurs le droit de se libérer, a été de les favoriser et de protéger l’agriculture. Ce but honorable est absolument manqué, si l’article proposé est adopté; l’Assemblée nationale aurait fait aux habitants de la Normandie le présent le plus funeste ; et j’ose lui certifier, au nom des cinq départements formés de cette province, que s’il leur était possible d’opier sur le droit accordé de se libérer eu laissant subsister les anciennes dispositions de leur contenu, ils préféreraient conserver la charge de l’irraquitable. L’agriculture en souffrirait considérablement: car le cultivateur qui n'a pas d’argent serait empêché de traiter; les propriétés ne pourraient plus se diviser, elles resteraient concentrées dans les mains des gens fort riches; et certainement ce projet impolitique ne fut jamais conçu par l’Assemblée nationale. Il est juste sans doute de maintenir les ci-devant seigneurs dans leurs droits anciens de lods et ventes; mais il ne faut pas leur donner une extension préjudiciable à la société. Notre loi nous procurait les moyens d’éviter ces droits ; si nous ne pouvons jouir dorénavant de la même liberté, au moins qu’on adoucisse un sort qui deviendrait trop rigoureux. Nous avions une loi dure, mais le remède était à côté: ce remède nous serait-il enlevé sans que l’on s’occupât d’une modification sur ce qui n’existait que concomitamment avec un avantage que nous pouvions saisir et qui nous affranchissait? Il y a beaucoup de coutumes dans lesquelles les lods et ventes ne se perçoivent qu’au moment du rachat des rentes : quel inconvénient y a-t-il à consacrer cela en loi générale ? Les seigneurs percevront toujours leurs droits quand on se rachètera, mais aussi les ci-devant vassaux traiteront avec facilité. En vain objecterait-on que les ci-devant seigneurs perdront, parce qu’on fraudera leurs droits. D’abord la fraude ne se présume pas ; mais quand cet inconvénient arriverait quelquefois, serait-ce une raison pour leur donner des droits qu’ils n’avaient pas et qu’on évitait par les dispositions mêmes de la loi? Votre décret du 4 août est sans doute une de vos pms bel les lois ; mais je suis fâché de vous le dire, Messieurs, ou a depuis ce bmps apporté tan! d’entraves à la libération par l’établissement d’un mode onéreux de rachat, que contre i’in-teniion des vrais amis de la liberté, deux siècles s’écouleront encore pendant lesquels nos arrière-neveux conserveront les traces u un régimeodieux dont le souvenir n’aurait du se transmettre que par l’histoire de notre Révolution. Plusieurs membres présentent encore des observations sur le même article 3 et sur d’autres articles. Le rapporteur accepte divers amendements et mod ifications qui sont sanctionnés par l’Assemblée. Les articles ci-après sont ensuite décrétés : 218 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 décembre 1790.J TITRE 1Y. Dé l'effet de là faculté du rachat relativement aux droits seigneuriaux. Art. 1er. « Dans les pays et les cas où le rachat des rentes foncières créées irrachetahles donnait ouverture à des droits de lois et venus, et dans ceux où les baux à rente foncière rachetable , ainsique la vente du fonds, à la charge de la rent ■ [-achetable, donnaient ouverture auxdits droits, les propriétaires des ci-devant fiefs ne pourront point exiger de droit de lods et ventes SOtis prétexte de la faculté qui a été accordée par le décret du 4 août, et qui est confirmée par le présent déc et, de racheter les re tes foncières erééesirrâChetables.Les dits droits de lodset ventes tie pourront être exigés que lors du remboursement effectif desdites rentes, et dans le cas où les droits casuels n’en auraient point été rachetés avant ledit remboursement; sauf aux propriétaires des ci-devant fiefs à se faire payer des droits accoutumés, soit dans le cas de mutation ou d’aliénation des fonds, soit dans le cas de mutation ou d’aliénation des rentes, tant que lesdites rentes n’auront point été remboursées* ou que le r chat desdits droits casuels n’aura point été fait. Art. 2. « Les dispositions de l’article précédent auront lieu à l’égard des rentes foncières originairement créées rachetables par convention ou prescription. Art. 3, « A l’égard des rentes foncières rachetables créées avant le décret du 4 août 1789, et à l’égard desquelles la faculté de rachat n’était point éteinte, on suivra les anciens usages établis par les différentes lois, coutumes et statuts qui régissaient les fonds grevés de ces sortes de rentes. «Et quanta celles créées depuis le 4 août 1789, ou qui pourront l’être par la suite, les lods et ventes ne pourront être perçus par les possesseurs de ci-devant fiefs, que lors du rachat des-diies rentes, nonobstant tous usages et coutumes à ce contraires. « Ne pourra néanmoins le présent article former at'ributiun de droit dans les pays où le rachat des rentes foncières était exempt de lods et ventes. Art. 4. « Il sera libre au propriétaire du fonds grevé de rente foncière de racheter les droits casuels ci-devant seigneuriaux, soit à raison seulement de la valeur de son fonds, déduction faite de la valeur de la rente, soit à raison de la valeur totale du fonds, sans déduction de la rente. Art. 5. « Le propriétaire de la rente pourra racheter les droits casuels ci-devant seigneüriaux, à raison de la valeur de la rente seulement, encore que le propriétaire du fonds n’ait point racheté, ou ne veuille point ra< he er lesdits droits, eu égara à la valeur de sou fonds. Art. 6. « Si lè propriétaire du fonds n’a racheté les droits casueh qu’eu égard à la valeur du fonds, le propriétaire desdits droits casuels pourra les exercer, en cas de mutation ou d’aiiénation de la ronte, à raison seulement de la valeur de ladite rente ; et réciproquement si le propriétaire do la rente a seul racheté les droits casuels, eu égard à la rente, le propriétaire desdits droits casuels pourra les exercer, en cas de mutation ou d’aliénation du fonds, à raison du fonds seulement. Art. 7. « Si le propriétaire du fonds rembourse la rente dont il e>t grevé avant d’avoir racheté lesdroits casuels du fonds et de la rente* il demeurera à l’avenir assujetti auxdits droits jusqu’au rachat d’iceux, à raison de la valeur tota'e du fonds* nonobstant le payement qu’il aura fait des droits, à raison du remboursement de la rente. Art. 8» « Les dispositions des articles 4, 5, 6 et 7 ci-dessus n’auront lieu que dans le pays, où la vente du fonds ou de la rente donnait lieu séparément aux droits de vente et autres droits casuels, et non dans les pays où la mutation dé la vente ne donnait lieu à aucun de ces droits qui étaient payés par le possesseur du fonds, à raison de la totalité de sa valeur, abstraction faite de la rente. Art. 9. « Si le propriétaire du fonds a racheté les droits casuels tant à raison du fonds que de la rente, audit cas il demeurera subrogé de pleio droit aux droits du ci-devant propriétaire du fief dont le fonds était motivant, taüt pour la perception des droits casUels en cas de mutation ou d’aliénation de la rente, que pour la perception du prix du rachat des droits casuels, lorsqu’il sera offert par le propriétaire de la rente. Art. 10; « Tout propriétaire de fonds grevé de rente foncière, et sujet aux droits casuels au cas de mutation, qui remboursera la rente avant que le rachat des droits casuels eu ait été fait, sera tenu de faire enregistrer ta quittance du remboursement, de le dénoncer au propriétaire du ci-devunt lief, dont son fonds relevait, dans le mois du remboursement, à peine d’être condamné au double du droit dont il se trouvera débiteur eu conséquence dudit remboursement. » TITRE V. De l'effet de la faculté du rachat vis-à-i)is du propriétaire de la rente et du débiteur. Art. 1”. « La faculté du rachat accordée aux débiteurs des rentes foncières ne dérogera en rien aux droits* privilèges et actions qui appartenaient ci-devant aux bailleurs de fonds, soit contre les preneurs personnellement, soit sur les fonds baillés à rente; en coaséqueacé, les créanciers [4 décembre 179");] [Assemblée natiohale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. bailletirs de fonds continueront d’exercer les mêmes actions hypothécaires, personnelles ou mixtes qui ont êü lieu jüsqü’ici, et avec les mêmes privilèges qüi leur étaient accordés par les lois, coutumes, statuts et jurisprudence qui étaient précédemment en vigueur dans les différents lieux et pays du royaume. Art. 2. « Néanmoins la disnosition particulière de l’article 8 du chapitre XVÎll de ta coutume de la ville et échevinage de Lille est abrogée, à compter du jour de la publicauon du présent décret, sauf aux propriétaires des rentes foncières régies par cette coutume, à exercer, pour le payement des anérages, les autres actions et privilèges autorisés par le droit commun , et par ladite commune. Art. 3. « La faculté de racheter les rentes foncières ne changera pareillement rien à leur nature immobilière, ni quant à la loi qui les régissait ; en conséquence, elles continueront d’être soumises aux mêmes principes, lois et usages que ci-devant, quant à l’ordre des successions, et quant aux dispositions entre vifs et testamentaires, et aux aliénations à titre onéreux. Art. 4. « Les baux à rente faits sous la condition expresse de pouvoir, par le bailleur, sus héritiers et ayants-cause, retirer le fonds en cas d’aliénation d’icelui par le preneur, ses héritiers et ayants-cause demeureront dans toute leur force, quant à cett ‘ faculté de retrait, qui pourra être exercée parle bailleur, tant que la rente n’aura point été remboursée avant la vente du fonds. Art. 5. « Aucun bailleur de fonds à rente foncière ne pourra exefcer le retrait énoncé en l'article ci-dessus, si lé bail à rente n’en contient la stipulation expresse, nonobstant toute loi ou usage contraire, et notamment nonobstant l’usage admis en Bretagne, sous le titfe de « retrait cen-suel », lequel n étant point seigneurial, est et demeure aboli, à compter du jour de la publication du présent décret. Art. 6. « Est et demeure pareillement abolie, à compter du jour de la publication du présent décret, la faculté que les coutumes de Hainaut, Valenciennes, Cambrai, Arras, Béthune, Amiens, Normandie et autres semblables, accordaient ci-devant aux débiteurs de rente foncière irracheta-ble, de la retraite, en cas de la vente d’icelle. » (L’article 7 est renvoyé au comité féodal, pour en être rendu compte à t Assemblée.) TITRE VI. De l'effet dé la faculté de rachat vis-à-vis des créanciers du bailleur. Art. 1er. « Lii faculté du rachat des rentes foncières ne changera rien aux droits que les lois, coutumes m et usages donnaient sdr icelles aux créanciers hypothécaires ou chirographaires des bailleurs, lesquels continueront à les exercer, comme par le passé, sauf les modilications ci-après. Art. 2. « Bans lespays où les rentes foncières ont suite par hynothèques, les créanciers hynothécaires qui voudront conserver leur hypothèque sur les rentes foncières, soit en cas d’aliénation, soit en ras de remboursement d’icelles, seront tenus de former le m opposiiion au greffe des hyroihè-ques du ressort du lieu de la situation des fonds grevés desuites rentes, sans préjudice de l'opposition qu’ils pourront, en outre, former entre les mains du débiteur, au remboursement; mais cette dernièreopposition ne pourra donner aucun droit de concurrence vis-à-vis des opposants au greffe des hypothèques ; et néanmoins le prix du remboursement sera distribué par ordre d’hypothèque entre les simples opposants, entre les mains du débiteur, après que les opposants au sceau des lettres dé ratification âlirodt été payés. Art. 3. « Dans les pays où l’édit de 1771 n’a point d’exécution, l’o.ipoaition à l’effet de conserver l’hypoihèque sera faite augrefR du tribunal de district du ressort de la situation du fonds grevé de la renie, et il sera payé au greffier du district le même droit que celui établi par l’édit de 1771. Art. 4. « Dans les pays où les rentes foncières ont suite par hypothèques, les débiteurs de rente foncière n'en pourront effectuer le remboursement qu’a-près s’être assurés qu’il n’existe aucune opposition enregistrée au greffe des hypothèques, ou au greffe du district dans les lieux où l’édit de 1771 a’est point en vigueur, « Dans le cas où il existerait une ou plùsiéürs oppositions, ils s’en feront délivrer un extrait, qu’ils dénonceront au propriétaire sür lequel elle sera formée, sans pouvoir faire aucune procédure, ni se faire autoriser à consigner que trois mois après la dénonciation, dont ils pourront répéter les frais, ainsi que ceux de l’extrait des opposants. Les intérêts cesseront à compter du jour de la dénonciation, lorsque la consignation ou le payement auront été exécutés, huitaine après l’expi-ratiou des trois mois. Art. 5. « Pourront les parties liquider le remboursement de la rente, et en opérer le payement en tel lieu qu’elles jugeront à propos. Les payements opérés hors du lieu du domicile des parties; ou du lieu de la situation de l’héritage, et qui auront été faits d’après un certificat qu’il n’existait puint d’oppositiuii, délivré par le greffier qui en aura le droit, seront valables nonobslantles oppositions survenues depuis, pourvu que la quittance ait été enregistrée dans le mois de la date du certificat ci-dessus énoncé. » (Le titre VII est ajourné et renvoyé au comité des impositions.) M. le Président donne lecture à l’Assemblée d’une lettre du sieur J. Swau, tant eu son nom qu’en celui d’une société de négociais d’Amé-