SÉANCE DU 23 VENDÉMIAIRE AN III (14 OCTOBRE 1794) - N° 51 153 La société populaire de Dijon se plaint de ce qu’en exprimant à la Convention ses justes craintes contre les ennemis intérieurs, elle s’est vue calomniée par d’autres société populaires qui ont déclaré qu’elles rejetoient l’adresse de Dijon, pour rester attachées à la Convention, et par là elles ont voulu faire croire que la société de Dijon n’étoit point pour la Convention (121). [Une adresse de la société populaire de Dijon excite quelques débats. Elle se plaint que la Convention nationale ait décrété l’insertion dans son bulletin de plusieurs adresses qui l’accusent d’avoir porté atteinte au respect dû à la représentation nationale, par la manière dont elle a émis son voeu sur le gouvernement révolutionnaire. Elle invite la Convention à examiner si ces sociétés ne vouloient pas diviser le peuple d’avec le peuple, et si en ordonnant l’insertion de ces adresses elle ne répand pas un poison funeste dans la République.] (122) La société de Dijon ajoute, lorsque ces adresses doucereuses ont obtenu la mention honorable, vous ne vous êtes pas apperçu sans doute du poison qu’elles renfermoient ; ne vou-droit-on pas diviser le peuple contre le peuple. La société populaire termine par assurer la Convention de son inviolable attachement, et du dessein où elle est de marcher toujours sur la même ligne qu’elle, et de lui aider à poursuivre les fripons et les dilapidateurs. La dernière partie de cette adresse a été applaudie, et le surplus improuvé par les murmures d’un grand nombre de membres. Un membre demande qu’elle soit insérée au bulletin, comme une preuve de la rétractation de la première adresse de cette société. D’autres membres au contraire veulent que cette adresse soit improuvée, comme blamant la Convention d’avoir donné son adhésion à des adresses conformes aux vrais principes. Quelques membres réclament l’ordre du jour sur l’adresse (123). Un moment après, Guyomar observe, qu’il a lu cette adresse en entier, et qu’il y a trouvé des expressions, qui lui semblent mériter un examen réfléchi. En effet, les signataires parlent avec mépris d’adresses mielleuses, dont la Convention a décrété l’insertion au bulletin, en ne s’apercevant pas du poison qu’elles contenaient, et dont le but étoit, de diviser le peuple d’avec le peuple (124). [Législateurs, y est-il dit, quand vous avez décrété la mention honorable et l’insertion au bulletin de ces adresses doucereuses qui im-prouvaient la nôtre, vous n’avez pas remarqué le poison dangereux qu’elles distilloient. On veut, en diffamant les société populaires désunir le peuple d’avec le peuple ; nous ne sommes pas les dupes de ces captieuses insinuations. Nous jurons de soutenir les jacobins et les sociétés populaires qui sont dans les bons prin-(121) M.U., XLIV, 359. (122) J. Paris, n” 24. (123) M.U., XLIV, 359. cipes; nous nous rallierons à la Convention et nous ne reconnoîtrons qu’elle pour point de ralliement.] (125) Cependant quelques membres, Romme surtout, n’en ont pas moins demandé la mention honorable et l’insertion en entier au bulletin; mais Reubell s’y est opposé avec force. REUBELL : Le comité de Sûreté générale étoit prévenu de l’envoi de cette pièce. En vain, on nous vante ici le prétendu dévouement de la société populaire de Dijon. Il n’en est pas moins vrai, que dans cette commune, on se moque des arrêtés de votre comité, qui restent sans exécution, s’ils ne sont pas revêtus du visa de l’agent national. Il y a été délibéré encore, que nul ne seroit mis en liberté, avant la réincarcération de ceux élargis précédemment. Qu’on ne dise pas que la société populaire n’entre pour rien dans ces crimes, car elle ne fait qu’un avec la commune. Ce sont les mêmes meneurs dans l’une et l’autre (126). [La municipalité de Dijon, et la société populaire, c’est la même chose; car ces municipaux vont, au sortir de leurs fonctions, agiter la société populaire. Eh bien ! la municipalité a pris un arrêté pour qu’aucun ordre de mise en liberté, ne put avoir son effet, qu’avec son visa. L’agent national avoit visé un arrêté du comité de Sûreté générale, pour une mise en liberté; ce qui étoit déjà un attentat à la souveraineté du peuple; la municipalité s’est opposée à son exécution, et voilà ce qui a occasionné l’envoi d’un représentant du peuple dans le département de la Côte-d’Or.] (127) Je demande le renvoi de l’adresse au comité de Sûreté pour examiner si elle est un acte de récipiscence, ou si elle ne seroit pas liée avec ce qui se passe à Dijon (128). [Reubell combat cette proposition ; il regarde cette adresse comme une demie conversion ; elle est d’ailleurs démentie par la conduite des signataires qui, étant en même temps membres de la municipalité, ont poussé l’audace jusqu’à refuser d’exécuter les arrêtés du comité de sûreté générale pour les mises en liberté, avant d’y avoir opposé leur visa. Après une courte mais très vive discussion, l’Assemblée refuse la mention honorable et l’insertion au bulletin.] (129) Un membre rappelle toutes les preuves que la commune de Dijon et le département de la Côte-d’Or ont données de leur patriotisme et de leur dévouement à la représentation nationale, et des services qu’ils ont rendus à la liberté, lors du fédéralisme, en empêchant le passage de plusieurs bataillons envoyés contre Paris, et en marchant contre les révoltés du Jura. Il appuie l’insertion au bulletin et la mention honorable. (124) Gazette Fr., n° 1017 ; Mess. Soir, n“ 787. (125) Ann. Patr., n° 652. (126) Gazette Fr., n” 1017. (127) M.U., XLIV, 359-360. (128) M.U., XLIV, 360. Moniteur, XXII, 236. (129) Ann. Pair., n' 652. 154 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE OUDOT : Je me joins au préopinant pour rendre justice au patriotisme de la commune de Dijon et du département de la Côte-d’Or, et à leur dévouement inviolable à la représentation nationale (130). [Les députés du département de la Côte-d’Or rappellent les preuves solemnelles et frappantes données par cette société de son dévouement inviolable à la Convention nationale, et sur-tout dans les époques critiques où le fédéralisme avoit levé l’étendard de la révolte dans les dé-partemens de Rhône-et-Loire et du Jura.] (131) BOURDON (de l’Oise) : Je déclare que l’opposition apportée à un arrêté du comité de Sûreté générale n’est pas venue de la société populaire de Dijon, mais de quelques fripons qui voulaient élever une puissance rivale à côté de la Convention (132). [Bourdon (de l’Oise) observe que ce n’est point la société, mais quelques malveillans qui (130) Moniteur, XXII, 236; M.U., XLIV, 360. (131) J. Paris, n 24. (132) Moniteur, XXII, 236. ont exercé l’acte dont se plaint Reubell, et qu’il s’agissoit encore d’un fédéraliste enragé. La preuve que la société n’est plus agitée, c’est l’adresse de rétractation qu’on vient de lire; il demande l’insertion au bulletin.] (133) [Un membre observe que le zèle et le courage des citoyens du département de la Côte-d’Or ne sont inculpés par personne ; qu’il s’agit dans cette discussion d’une adresse où l’on dit à la Convention qu’elle ne s’est pas aperçue du poison funeste qu’elle répandoit dans la République par la publication de quelques adresses.] (134) Un membre [Reubell (135)] : Voici une phrase de cette adresse, ainsi conçue : « Lorsque vous avez ordonné l’insertion au bulletin de ces adresses doucereuses, vous n’avez pas vu le poison qu’elles distillaient ». Je demande qu’une adresse qui parle avec cette insolence à la Convention soit renvoyée au comité de Sûreté générale. Décrété (136). (133) M.U., XLIV, 360. (134) J. Paris, n° 24. (135) Gazette Fr., n° 1017. (136) Moniteur, XXII, 236 ; Débats, n° 753, 757 ; Ann. Pair., n“ 652; Ann. R.F., n° 23; C. Eg., n” 787; F. de la Républ., n° 24; J. Fr., n° 749; J. Mont., n° 3 ; J. Paris, n° 24; J. Per-let, n” 751; Mess. Soir, n" 787; M.U., XLIV, 359-360; Rép., n° 24.